Chapitre 54
Je fuis. Je ne sais pas où mais je fuis loin de la pièce, loin de la salle de réception, loin de tous ces regards, de ces rires, de ces applaudissements qui retentissent, loin de cette musique assourdissante et des bouches jointes d'Eros et Willa.
Je cours dans les couloirs, si loin que mes larmes s'échappent de mes joues et s'éclatent contre le sol. Je rejoins le jardin et le monde bascule autour de moi. Mes sens me paraissent flous. Ma vision se brouille sous les larmes de colère ou de détresse, mes oreilles bourdonnent, mon nez me pique et mes mains...
J'ai l'impression que mes mains sont sales. J'ai l'impression que le monde cède sous mes pieds. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible.
Eros a embrassé Willa.
Cette vérité effleure mon esprit et me perfore le cœur en deux. Je pensais que l'amour faisait mal, mais je ne le savais pas aussi destructeur. Je tente de raisonner, de me poser, mais mon souffle se bloque dans ma poitrine et j'ai du mal à respirer, j'ai du mal à comprendre ce qu'il m'arrive, j'ai du mal à saisir l'importance de ce geste, je n'arrive pas à penser, à réfléchir, je veux pleurer et les larmes ne quittent pas mes yeux, et...
C'est le trou noir.
Je sens mon corps tomber mais je ne perçois pas la chute. Le monde autour de moi n'est plus qu'un vaste chaos.
• • •
Quand je rouvre les yeux, je suis toujours là. Recroquevillée en boule dans un coin du jardin, j'éclate en sanglots. Je le déteste. Je le déteste. Je le déteste.
Je le déteste tellement que j'en ai mal au cœur. Pourquoi a-t-il fait ça ? Pourquoi l'a-t-il embrassée sous mes yeux ? Pourquoi a-t-il saisi son visage comme il le faisait avec le mien ? Pourquoi avait-il une main sur sa taille comme il le posait sur la mienne la nuit plus tôt ? Pourquoi a-t-il fermé les paupières, l'air d'apprécier ce baiser, alors qu'il...
Il n'a jamais dit m'aimer. Il m'a repoussée, et moi, je lui ai forcé la main. J'ai tenté de le faire revenir vers moi. Je suis restée cloîtrée dans ma propre vérité sans penser que, peut-être, il disait vrai. Peut-être ne m'aime-t-il pas. Peut-être n'ai-je été qu'un pion pour lui, du début à la fin.
Peut-être que tout ce qui comptait pour lui, c'était d'avoir une fille sous la main. Pour les besoins.
Je me redresse vivement. La finale ! Depuis combien de temps suis-je en train de pleurer ? Je me remets sur pieds et mon cœur me fait si mal que je me dis que la douleur ne partira jamais.
Les jambes tremblantes, je me dirige vers les portes du palais. Fermées. Je les pousse, mais rien ne se passe. Quelque chose bloque l'entrée de l'autre côté. Je fronce les sourcils et me détourne pour entrer de l'autre côté mais...
Il n'y a qu'un seul côté.
Je tente de nouveau de pousser les portes. Rien ne se passe. Je tambourine alors, pour appeler les gardes :
— Ouvrez la porte ! Eh, oh !
Personne ne vient m'ouvrir. J'attends cinq minutes comme ça, jusqu'à ce que l'espoir s'anéantisse au sol.
Et les vitres de la salle de réception ! Quelqu'un devrait me voir de l'intérieur.
Je me dirige vers les baies vitrées. Même de l'extérieur, je suis éblouie par les lumières. Je remarque mon visage plein de noir à cause de mon mascara dégoulinant et je grimace.
Je colle mon visage contre la vitre et j'essaie de voir en faisant rempart de mes mains.
Je tente de comprendre la situation. Il y a tellement de monde que je n'aperçois rien. L'homme me barrant la vue se décale et mon cœur se serre quand j'aperçois Eros.
Sir Caster tient fermement le micro dans la main. Ses lèvres bougent mais je n'entends rien. Les gens se mettent à applaudir. Ça, je l'entends. C'est tellement bruyant que j'en ai mal aux tympans.
Une fille se dessine devant l'estrade. Cette fille aurait dû être moi. Cette fille, c'est Willa. Elle s'avance vers Eros, dont le visage n'exprime aucune émotion. Mais je ne suis pas dupe. Il cherche quelqu'un du regard. Je suppose que c'est moi. Je suppose qu'il veut voir s'il m'a vraiment blessée.
Il ne m'a pas blessée. Il m'a brisé le cœur.
Willa saisit le bras d'Eros devant la mine jalouse de son amie. Sir Caster se déplace, et saisit une grande couronne de roses.
Pour le Jeu des Roses, une couronne en son honneur.
Il la dépose sur la tête de Willa, et si je croyais que mon coeur était brisé, je comprends réellement ma douleur quand je réalise pleinement la situation.
Des confettis explosent en l'air. Willa a gagné le tournoi. Willa a été proclamée gagnante. Elle épousera Eros. Elle a volé celui qui hante mes pensées nuit et jour.
Les larmes roulent sur mes joues et l'impuissance me brûle les poumons. Une silhouette se dessine de l'autre côté de la vitre. Kereya me fait face. Une seule glace nous séparera et pourtant, son sourire ne m'a jamais paru aussi mesquin que ce soir.
Elle me fait un petit signe de la main avant de tirer les rideaux pour m'empêcher de voir. Elle fait cela avec tous ceux de la pièce.
Je recule, sous le choc, et je comprends que si les portes étaient fermées, c'était pour m'empêcher de rentrer. Elle m'empêche maintenant d'assister au bal, de voir ce qu'il se passe de l'autre côté. Elle m'empêche d'appeler à l'aide.
La soirée va continuer et moi, je vais rester toute seule. Je pleure tellement que mes yeux me font mal. Je pleure jusqu'à bâiller, jusqu'à ce que la douleur dans ma poitrine soit tellement fulgurante que je suis obligée de m'assoir sur un banc.
Je m'assois, et j'éclate en sanglots. Personne ne viendra me sauver. Personne ne sera là pour me réconforter.
J'avais tout misé sur ce soir, et j'ai tout perdu.
Eros m'a trahie et m'a manipulée.
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je poste la suite maintenant parce que ce chap c'est un peu un blabla émotif
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