Chapitre 44
— Dix questions seront posées entre vous, mesdemoiselles. Si vous connaissez la bonne réponse, il vous suffit simplement d'appuyer sur la clochette. À l'issue de ces dix questions, les deux meilleures seront qualifiées et en répondront à cinq autres. Prêtes ?
Nous hochons toutes la tête. En réalité, je ne suis pas prête. Je sens mal cette épreuve. Et ma crise de tout à l'heure m'a laissée les yeux rougis. Sorya me sourit d'un air moqueur. Je l'ignore et reporte mon attention sur Sir Caster.
Eros est sur l'estrade avec Eileen et Kereya et je me retiens de lui jeter un coup d'œil.
La première question retentit dans le micro :
— Une question assez facile pour commencer, mesdemoiselles : trente ans auparavant, quelle était la capitale actuelle de Charis ?
Comment sommes-nous supposées savoir ça ? Aucune de nous n'appuie sur la clochette. Je cherche dans ma mémoire, dans l'espoir de tomber comme par magie sur le mot mais rien ne vient.
Et contre toute attente, c'est Willa qui appuie :
— Ethamol !
— Bonne réponse pour cette demoiselle !
Je serre les dents. Willa sourit d'un air joyeux et Sorya la fusille du regard.
— Tu aurais dû me dire la réponse, siffle-t-elle, mauvaise.
— Enchaînons immédiatement avec la deuxième question : quel noble habite le château de l'Hérédia ?
Sans une hésitation, j'appuie sur la clochette. Mon cœur bat à mille à l'heure quand je réponds :
— Sir Arthur Le Grand ?
— Bonne réponse !
Je souffle. Je vois Mamie et Rewind me faire des grands pouces en l'air dans les tribunes et cela me fait rire.
La troisième question résonne :
— Comment était surnommé Edward II ?
Willa appuie en même temps que moi. Sauf que je suis plus rapide. Sir Caster me donne la parole.
— Le roi fou.
Je ne sais même plus pourquoi, mais je sais qu'il avait été responsable de nombreux massacres.
— Une seconde bonne réponse pour la demoiselle !
Et les questions s'enchaînent. Une fille dont je ne connais pas le nom répond bon à la suivante. Hormis elle, Willa et moi nous battons pour répondre aux questions. Relativement faciles, elles sont à propos des capitales, de l'Histoire, ou encore de conflits entre pays.
Mamie et Rewind se lèvent dans le public et m'applaudissent dès que j'ai bon. Ils sont mes plus grands supporters et cela me fait chaud au cœur. Seul Eros reste de marbre. Il m'évite du regard, si bien que je suis moins rapide pour appuyer sur la clochette à un moment.
Le compte est fait : j'ai répondu bon à quatre questions, Willa en a trois, et les trois dernières sont partagées entre Sorya et une autre fille.
Willa et moi sommes finalistes. C'est l'heure de la mini-pause. D'un air rageur, Sorya me dépasse et me crache presque dessus :
— J'espère que tu vas perdre. Tu ne mérites pas cette victoire. Et tu ne mérites pas Eros.
Elle s'en va sans un mot de plus et mes yeux croisent ceux de Kereya sur l'estrade. Un sourire mauvais étire ses lèvres. Pas de doute, elle est à l'origine de mon éloignement avec Eros.
— Tu as assuré !
Rewind me tape dans la main et Bianca se dessine derrière lui. Elle s'approche et me prend dans ses bras.
— Bien joué, Arynn !
Je lui souris sincèrement. Dans son dos, Eros est en train de féliciter Willa. Willa n'est pas comme Sorya. Elle a l'air profondément gentille et a un doux visage à regarder. Et si... Et si Eros tombait sous son charme ?
Quand je te regarde, j'ai l'impression que le reste n'a plus d'importance.
Mon cœur se serre. J'aimerais tellement le prendre dans mes bras. Je voudrais seulement qu'il se confie à moi. Il a tenu tête à Kereya jusque-là, pourquoi ne le fait-il plus maintenant ?
— L'épreuve va reprendre, je soupire.
— Tout ira bien, Arynn, souffle Bianca. Les choses finiront par aller mieux.
Elle répète les mots d'Eros. Elle s'éloigne avec Rewind. Seule Mamie reste plantée là. Elle me dévisage longuement et je me racle la gorge.
— Parfois, quand je te regarde, je me revois plus de cinquante ans auparavant. À attendre quelqu'un, à espérer jusqu'à m'en faire mal au cœur.
Ma gorge se serre. Mamie me sourit, mais d'un sourire bien trop triste à mon goût. J'ai l'impression qu'elle se rappelle en ce moment même de sa vie passée.
— J'espère de tout cœur que votre histoire se terminera comme elle se doit. Tu le mérites, Arynn. Eros aussi.
— Je ne l'attends pas, Danïa. Je sais qu'il reviendra.
— Si Kereya tire les ficelles, c'est ton cœur qui subira. Protège-toi, mon enfant.
Elle se détourne après m'avoir souri une dernière fois. Je déglutis. Je sais me protéger. Mais je sais aussi qu'Eros n'est pas comme il est d'ordinaire.
— Bien, que l'épreuve reprenne !
Il ne reste plus que deux pupitres avec deux clochettes. Je me place en face de Willa, et Sir Caster reprend :
— Cinq questions seront posées. La première à en obtenir trois bonnes remporte l'épreuve et la soirée en compagnie de Son Altesse ! Pour rappel, cette soirée n'est autre qu'un moment détente au spa. Battez-vous pour votre prince, mesdemoiselles !
Sir Caster en fait toujours trop. Mais quand je réalise qu'il s'agit d'une soirée spa, je refuse de la céder à cette Willa.
— Première question : qui est le fondateur de l'Académie des Étoiles ?
Willa n'appuie pas. Le cœur battant vite, je saisis ma chance. Comme un robot, je débite :
— Robert Gerunt Senior en est à l'origine.
— Bonne réponse !
Sir Caster jette un coup d'œil à Kereya qui me foudroie à présent du regard. Elle ne veut pas me voir gagner ? J'ai été élevée par les meilleurs. J'ai appris parmi les plus talentueux.
Kereya s'avance, saisit le micro et réplique :
— Et pourrais-tu nous en dire plus sur cette académie ?
Eros fronce les sourcils derrière elle. Je vois bien que cela ne fait pas partie de son plan.
Sans flancher, je réponds :
— L'Académie des Étoiles est la toute première académie fondée dans le but d'étudier les astres. Au début, elle était supposée en apprendre plus sur les constellations mais leurs recherches se sont étendues. Il me semble qu'ils sont sept membres, et assistés par les meilleurs. Robert Gerunt Junior a ensuite repris à son titre l'académie, qui est aujourd'hui mondialement connue.
Je m'arrête là. Kereya ouvre la bouche pour dire quelque chose mais aucun son ne sort. Je croise le regard d'Eros qui n'a d'yeux que pour moi. Oh, dieux.
Je détourne les yeux. Sir Caster reprend :
— Hum... Très bien ! Enchaînons tout de suite avec la seconde question : quel conflit a opposé deux peuples mythiques en l'an 700 ?
J'appuie de nouveau sur la clochette.
— Le conflit de Werdeigner. La bataille a eu lieu là-bas, opposant les Serdes contre les Artiens. Ils se partageaient le territoire en deux, jusqu'à ce que les Serdes envahissent la partue sud du territoire. Bilan : ils en sont ressortis perdants.
Et je fixe Kereya quand je dis ça. Furieuse, elle s'approche de Sir Caster et lui intime quelques mots à l'oreille. Il bredouille quelque chose avant de retourner son papier. Mais Kereya lui en tend un.
— Euh, parfait, parfait ! Troisième question : quel est le dernier livre publié par l'écrivain renommé George Kent ?
Kereya me dévisage, un sourire mauvais aux lèvres. Willa, en face, ne répond pas. Elle a l'air complètement perdu la pauvre.
Je me rends compte que Kereya a donné l'une des questions qu'elle-même avait préparées. Ce qui veut dire que celles-ci sont supposées être ardues.
J'appuie sur la clochette.
— L'île des damnés. Son livre raconte le périple d'un jeune marin échoué sur une île déserte après le naufrage de son navire.
— Bonne réponse ! s'exclame Sir Caster, oubliant tout à coup la menace que représente Kereya derrière lui.
Mamie et Rewind hurlent dans les gradins tandis que les gens se lèvent en applaudissant. Je vois Bianca éclater de rire, ses yeux portés vers moi.
— La grande gagnante de cette épreuve est donc Son Altesse Royale Arynn !
Je m'avance vers l'estrade, et adresse à Kereya :
— J'ignore si vos questions préparées étaient censées être plus dures ou bien plus faciles, mais je crois que cela n'a pas d'importance. Vous avez perdu sur ce coup-là.
Rouge de colère, elle s'apprête à répliquer mais rien ne sort. Je l'ignore et m'avance vers Eros qui ne me lâche pas du regard.
Je lui fais ma plus belle révérence, tout en retirant mon chapeau au passage.
— Mon prince, je le salue, le cœur battant à vive allure.
Je le vois serrer les mâchoires, visiblement furieux.
— Tu ne te rends pas compte des conséquences, lâche-t-il d'une voix basse.
Et il tourne les talons. Honnêtement, je m'en fiche de ces soi-disantes conséquences.
J'ai remporté l'épreuve. J'ai remporté le droit de mettre les pieds dans le plat ce soir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top