Chapitre 35
Je suis de retour dans ma chambre et je n'ai rien avalé de la soirée. Je crois que j'ai mal au cœur. Je ne veux pas épouser Therys. Ni même qui que ce soit, pour l'instant. J'ai peur du mariage, peur de m'engager avec quelqu'un. Peur de me dire qu'avec cette personne, c'est pour la vie.
J'aurais pu imaginer ce futur avec Eros. Mais Therys ? C'est impensable. Je ne l'aime pas, je ne lui trouve rien de particulier. Rien qui me fasse vibrer. Parce que c'est ça, peut-être, l'amour. Se sentir vibré, touché par l'essence de l'autre.
Eros m'a touchée au plus profond de mon cœur quand je l'ai vu dès les premiers jours. Il y a quelque chose de rassurant chez lui, comme s'il m'inspirait la maison. Un endroit où je me sens en sécurité.
Trois coups toqués à la porte me font redescendre de mon arbre. Je relève la tête. Les filles auraient déjà parlé, alors qui est-ce ?
Je me lève de mon lit, et entrouvre la porte. Mon cœur loupe un battement quand Eros apparaît, un petit sourire aux lèvres, un plateau dans les mains.
— Je me suis dit que si tu ne voulais pas du dîner romantique, je pourrais l'amener à toi.
Mes jambes tremblent quand je pousse la porte pour lui ouvrir complètement. Il s'avance, imposant, et dépose le plateau sur mon lit. Il se tourne ensuite vers moi et je lis dans ses yeux un tas d'émotions.
Heureusement que j'ai retiré mon mascara dégoulinant mais je dois avouer que je n'ai pas fière allure. J'ai troqué ma robe contre un vieux jogging et un t-shirt trop grand pour moi. Eros prend la peine de me détailler. Comme à son habitude, il est resplendissant.
Ses cheveux sont humides, signe qu'il a dû prendre une douche, et il a revêtu un t-shirt bleu marine qui contraste avec ses boucles brunes.
Il y a une sorte de tension étrange entre nous. J'ignore si c'est à cause des récents événements ou si c'est par rapport à... notre baiser de la dernière fois, mais il y a quelque chose.
Et je remarque qu'il n'a pas les mains vides. Il tient une grande enveloppe dans ses mains, qu'il me tend sans un mot.
— N'ouvre pas l'enveloppe tout de suite. Fais-le quand je serai parti.
Je hoche simplement la tête et pose l'enveloppe sur ma commode.
— Tu as faim ? je demande pour changer de sujet.
— Tu me laisserais partager ton repas ? s'amuse-t-il.
Sans me demander, il s'assoit sur mon lit, et pique une olive. Je remarque qu'il y a plein de petits bols à apéritifs. Ce n'est pas un vrai repas mais au moins, ça m'obligera à manger un peu.
Je le rejoins et m'assois en face de lui.
— J'étais supposée te rejoindre pour un dîner et je ne l'ai même pas fait, je soupire. Je suis désolée, Eros.
— Je ne t'en veux pas, tu sais. Du moment que tu es là, maintenant.
Il me sourit simplement, prend une autre olive et je me mets à penser que ce geste est le plus sexy que j'ai jamais vu de toute ma vie. La façon dont il plie son bras, comment ses doigts se tendent pour...
— Je l'ai préparé moi-même. Le plateau, je veux dire.
Mes yeux s'accrochent aux siens et mon cœur se met à battre plus fort.
— Eros, c'est... C'est vraiment adorable.
Je ne sais pas quoi dire. En fait, je suis partagée entre l'idée de me dire que ma vie est ruinée et cette facette en ce moment, d'Eros qui prend du terrain jusqu'au chemin de mon cœur.
— Écoute, Arynn. Je vois bien que tu es tracassée, et je comprends pourquoi. Mais sache que... si l'envie te prend, tu peux m'en parler. Tu peux te confier à moi.
Je sais que je peux lui parler, c'est ça le pire. Et entre tous ceux que je connais, je me sentirais plus à l'aise à lui expliquer mes sentiments.
Mais comment parler de ce qu'on ressent à la personne qui provoque cela en nous ?
— Je t'aime beaucoup, Eros mais... J'ai du mal à gérer. Je ne sais pas quoi penser, on me pousse dans un mariage que je ne veux pas et... j'ai l'impression qu'on vient de me voler ma vie. J'ai l'impression de m'enfoncer dans un trou béant sans personne autour de moi. Et dans le même temps, tu es là, et tu me tires vers la sortie mais... Ce n'est pas la réalité. Ce n'est pas ce qui arrivera.
— On ne sait pas encore ce qui arrivera, réplique-t-il.
Il évite mon regard et moi, je poursuis :
— Tu crois sincèrement que c'est possible ? Toi et moi ? Tout indique le contraire. Mon prétendu mariage avec Therys, et le tien avec Sorya.
Cette fois-ci, il reporte son attention sur moi et fronce les sourcils.
— Arynn, on s'en fiche d'eux. Si je commençais à me soucier des plans de Kereya, je serais déjà au bord de la crise de nerf.
— Tu es dans le déni.
— Non, je positivise. Tu as ressenti la même chose que moi lors de notre baiser. Kereya veut nous séparer ? Soit. On peut toujours s'enfuir loin d'ici, quitte à vivre seuls sur une île déserte.
— Eros, cela ne veut rien dire. Ce n'est pas possible entre nous. Cela ne fonctionnera pas.
Il pince les lèvres, visiblement déçu, et moi, je m'écorche la bouche avec ces mots. Je veux les retirer, les enfermer dans une boîte et ne plus jamais les prononcer.
Ce n'est pas possible entre nous.
Je me lève du lit et m'approche de lui. C'est une très mauvaise idée, je le sais bien.
— Arynn, ne te fatigue pas. J'ai compris.
Il se lève et je recule d'un pas pour le voir tant il est grand.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Écoute-moi... Je te considère, Eros, mais... Je n'ai pas envie d'avoir mal. Je ne veux pas avoir le cœur brisé, je ne veux pas que...
Il s'avance et saisit mon visage en coupe. Ses yeux sont si doux, il y a une tendresse dans son regard qui me laisse pantoise.
— Je ne te briserai jamais le cœur, Arynn.
Son regard dévie vers ma bouche et le temps semble s'arrêter. Il a sûrement raison. Pourquoi se soucier d'un futur qui n'existe pas ? Le seul moment qui compte, c'est maintenant. Et je sais que pour ce maintenant, je ne veux que lui.
J'ignore d'où je tiens cette assurance, mais mes lèvres se posent timidement sur les siennes.
Je perçois son soulagement alors qu'il m'attire à lui. Son cœur bat vite, fort contre ma poitrine, alors que ses mains saisissent ma taille avec fermeté.
Le baiser qui n'était qu'un effleurement de sentiments devient rapidement plus prononcé. Je glisse mes mains jusqu'à ses épaules, tandis que son souffle se mélange au mien, que nos bouches se découvrent.
C'est intense, c'est passionnel. C'est comme un feu d'artifice qui s'opère en moi. C'est quelque chose de nouveau, quelque chose que je n'ai jamais ressenti avant. C'est plein de couleur, plein de saveur.
Et c'est Eros qui provoque ça. Personne d'autre.
Ses doigts glissent sous l'ourlet de mon t-shirt et ma respiration s'accélère. Mais des pas dans le couloir nous interrompent. Je rouvre les yeux et horrifiée, tombe sur Therys qui passe en coup de vent devant ma porte.
Il a dû tout voir. Et il va être furieux.
Eros recule enfin, et honteuse, je recule d'un pas. Il me dévisage, les lèvres rougies, comme perdu dans cette pièce qui me semble minuscule maintenant.
Il passe une main dans ses cheveux et fronce les sourcils.
— Je... Je vais y aller.
Il est désorienté et je ne comprends pas pourquoi. Il n'a pas pu voir Therys. Moi, si. Et j'ignore les répercussions que cela aura. Tout ce que je sais, c'est qu'Eros tourne les talons et quitte ma chambre, me laissant seule.
J'ignore si j'ai fait quelque chose de mal. Je ne sais pas ce qui lui a pris. Mon regard balaie la pièce et trouve l'enveloppe sagement posée sur ma commode. Mon cœur bat toujours aussi vite quand je m'avance jusqu'à mon lit.
J'agrippe l'enveloppe de toutes mes forces. Le moment était si beau, et tout est parti en fumée si vite. Quand je m'apprête à arracher le bout pour en lire le contenu, la porte se rouvre.
Je pense d'abord qu'il s'agit d'Eros mais non. Therys se dessine à l'embrasure, une expression froide au visage.
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le chap 36 sera posté aujourd'hui vu que j'ai dû couper ce chap en deux ! :)
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