Chapitre 34
— Bienvenu à tous et à toutes, princesses, princes et rois du monde entier ! Nous nous retrouvons aujourd'hui pour la soixante et unième édition du fameux tournoi le Jeu des Roses !
Je plisse les yeux. Assise dans une tribune qui a été installé à l'aube ce matin, je fixe le présentateur. Sir Caster si j'en crois les chuchotements des invités. Nous sommes à peu près une centaine regroupé sur les siège et Erkel demeure parfaitement stoïque à ma droite. À ma gauche, Torin a le dos droit et croise les bras sur sa poitrine. Derrière moi, des pas se font entendre et je lève la tête pour voir Sa Majesté d'Imir arriver, sa main serrant celle de la reine Bianca.
Des murmures agacés retentissent puisque Rewind gâche la vue de chacun pendant qu'il contourne les corps pour enfin s'assoir derrière nous.
— Jamais à l'heure celui-là, soupire Sa Majesté de Lucrenda à la droite d'Erkel.
— Au moins, moi je sais conduire. Rappelle-moi qui a failli nous faire tuer il y a deux ans ?
— Bon taisez-vous, marmonne la reine Eileen en saisissant le bras de son bien-aimé.
Tout ce beau monde a l'air bien complice mais Erkel et moi restons de côté. J'ai le sentiment qu'il ne veut pas se frotter à eux et je le comprends. D'une certaine manière, je suis pareille. Je n'aime pas être au centre de l'attention et tout porte à croire que Rewind adore ça. Alors que Sir Caster explique les règles, je tourne la tête vers Erkel. Bordel, même de profile il est à en s'en damner. Sa mâchoire saillante, son nez droit et ses lèvres pleines... Tout a été conçu pour me plaire.
Je dois le regarder un peu trop fixement parce qu'il penche la tête vers moi, plonge ses yeux dans les miens. Comment fait-il pour se montrer si intense à chaque fois que nos regards se croisent ?
— Un problème ? murmure-t-il d'un ton bas pour que seule moi l'entende.
Je regarde ses mains posées sur ses genoux et sans réfléchir, je saisis celle de gauche. Un sourire se dessine sur ses lèvres et frustrée, je retire ma main mais il la reprend très vite. Puis il se décale pour que nos jambes se frôlent, non, se collent, et il chuchote à mon oreille :
— Tu es très belle aujourd'hui.
Encore une fois, mon cœur se met à battre frénétiquement dans ma poitrine. Et je suis au bord de l'asphyxie quand il dépose un baiser sur ma joue et entremêle nos doigts ensemble. Lorsqu'il se redresse, je croise le regard de Sa Majesté Eileen qui sourit. Je ne lui renvoie pas son sourire. Je me contente de fixer nos mains jointes comme si c'était la dernière chose possible qui puisse arriver.
Je me ressaisis vite et écoute les paroles prononcées par Sir Caster :
— Ce matin aura lieu la fameuse et célèbre épreuve de tir à l'arc. Nous commencerons par les demoiselles du tournoi puis ce sera à vous, messieurs, de vous affronter. Cette après-midi aura lieu une épreuve inédite : la course dans l'eau ! Merci à notre tendre et chère reine de Kelinthos pour cette toute nouvelle épreuve. Munissez-vous de vos maillots de bains les plus pratiques et que le meilleur gagne !
À peine a-t-il fini de parler que des dizaines de jeunes femmes se lèvent, drapées de leur plus belle robe. Je fronce les sourcils alors qu'Erkel m'invite à me lever.
— Qu'est-ce que...
— Tu dois aller les rejoindre. Tu affronteras quelqu'un et ce, jusqu'à gagner l'épreuve.
— Je suis mauvaise au tir à l'arc, dis-je en me moquant de moi-même.
J'excelle dans le tir à l'arc. Erkel me sourit, dépose un baiser sur la paume de ma main et je remarque qu'Eileen et sa sœur sont déjà descendues. Toujours assis dans les tribunes, mon fiancé me fait un signe de tête.
— Et vous, vous restez là ?
— On vous regarde. Et ensuite, on passe après vous toutes.
— Donc cette épreuve est regardée...
— Pas seulement par nous. Il y a les membres de la cour aussi, les familles des membres royaux du monde entier. Un tas de personnes pour te regarder. Allez, file.
Je me détache de lui pour rejoindre le bas de la scène. Il a raison. Il y a beaucoup de monde, trop de monde. Et cette idée me rend nerveuse. À Meridia, je n'étais jamais embêtée. Je dormais dans les bois ou bien dans des auberges perdues, toujours seule, sans compagnie. Et me voilà aujourd'hui scrutée par des centaines de paires d'yeux.
Je dévisage mes adversaires. La plupart des princesses, duchesses ou même reines portent des grandes robes bouffantes. Exceptée Eileen qui a arboré un legging noir comme si elle était prête à en découdre. Bianca, sa sœur, virevolte dans une jolie robe jaune clair. Je baisse les yeux vers ma tenue. Je porte une robe blanche transparente et sertie d'un corset blanc qui dévoila ma poitrine. Mes cheveux roux ont été attachés en un chignon lâche.
Ce matin, je me suis réveillée une nouvelle fois dans le lit. Hier soir, Erkel a insisté pour que je décale de mon vieux canapé mais j'ai joué la tête de mule, sachant pertinemment qu'il viendrait me porter. Et il l'a fait, encore une fois.
— More !
Je me retourne. Dina avance vers moi, les yeux souriants. Elle est resplendissante, comme toujours.
— J'espère sincèrement que tu vas gagner l'épreuve. Tu as tout pour réussir ! m'encourage-t-elle.
— Tu ne participes pas ?
— Je n'ai pas le droit. Je suis la simple fille d'un conseiller, tu sais. Mais cela ne me gêne pas, j'aurais perdu d'avance de toute manière.
Elle s'avance pour me serrer brièvement dans les bras. Puis elle recule, me fait un dernier sourire avant de rejoindre les gradins. L'épreuve a déjà commencé et ce sont Bianca et une autre fille qui s'affrontent. La reine Eileen me rejoint et déclare :
— Ton amie a l'air vraiment gentille.
— Elle l'est, réponds-je, sincère.
Eileen croise les bras sur sa poitrine et aucune de nous ne prononce un mot lors de l'affront entre les deux femmes. La princesse de Lyra gagne le duel face à Bianca d'une flèche d'avance. Celle-ci revient vers nous, la moue boudeuse.
— Je pensais faire mieux, s'adresse-t-elle à sa sœur. C'est à ton tour !
Eileen grimace en s'éclipsant à son tour. Bianca se tourne vers moi et plisse les yeux.
— Nous n'avons pas été présentées ?
— Je m'appelle More, je suis la fiancée d'Erkel.
— Ah, oui ! C'est vrai.
Elle me tend la main en me donnant son prénom mais je le connais déjà. Cette fois-ci, c'est Eileen qui remporte l'épreuve haut la main. Elle a une façon de tirer qui me laisse perplexe. Son coude est un peu trop bas et elle prend énormément de temps à décocher une flèche, ce qui m'indique qu'elle n'est pas professionnelle. Mais tout de même très douée.
Après qu'Eileen soit proclamée gagnante du duel, la voix de Sir Caster résonne de nouveau :
— Et maintenant, nous accueillons More Healthyier contre la reine Areena de Kelinthos !
Le visage impénétrable, l'esprit sain, je m'avance jusqu'au centre de l'épreuve. Areena s'avance sous les applaudissements, sa longue robe dorée traînante au sol, comme si elle avait déjà gagné. Merde, alors ! Pourquoi ont-ils dû me mettre contre elle ?
Les gens dans les gradins sont toujours un peu bruyants mais les voix se taisent quand Areena s'avance. Elle est la première à tirer et avant de saisir son arc, elle me lance :
— J'ai pris des cours de tir à l'arc. Je suis imbattable !
Je manque de pouffer et m'appuie sur le rondin de bois à ma gauche pour l'observer. Tous les regards sont rivés vers elle lorsqu'elle saisit son arc, lève son coude à la bonne hauteur. Elle doit tirer ses trois flèches dans les surfaces jaunes si elle veut réussir. Si elle veut avoir une chance de me battre. Malheureusement pour elle, elle en décoche seulement une dans le centre. Les deux autres rejoignent le cercle plus proche de la cible. Elle a tout de même fait un bon score et s'attend sûrement à ce que je fasse pire.
Lorsqu'on m'indique que c'est mon tour, je tente de faire abstraction des regards posés sur moi. Au loin, je trouve Erkel des yeux. Penché en avant, ses coudes sur ses cuisses, il me scrute attentivement. Sans perdre une seconde, je saisis mon arc. Je place ma flèche, tend mon coude en arrière. Je vise attentivement. Deux secondes s'écoulent. Ma flèche vient se loger dans le cercle jaune. Je répète la manipulation avec les deux autres qui rejoignent tour à tour le centre.
Quand Areena a pris bien cinq minutes à tirer, je viens d'aligner mes trois flèches en trente secondes à peine. Je me tourne vers elle, imite une révérence en saisissant ma robe sous les applaudissements de la tribune. Areena me fixe, bouche bée, les yeux plissés. Elle finit par quitter rageusement le cercle alors que la voix de Sir Caster résonne une nouvelle fois dans le micro :
— Wow, il semblerait que nous ayons une professionnelle du tir à l'arc dans ces jeunes demoiselles !
Je quitte à mon tour le cercle alors que Dina m'accueille en tapant dans ses mains.
— Tu as assuré, More !
Eileen et Bianca renchérissent derrière elles et je les remercie tour à tour, un sourire timide s'installe sur mes lèvres. Bientôt, l'épreuve se termine. Je suis appelée pour affronter d'autres filles et c'est sans surprise que je remporte haut la main l'épreuve. La finale se jouant entre Eileen et moi. Elle vient me serrer brièvement dans les bras à la fin, me félicitant de nouveau.
Au bout d'une demi-heure d'épreuve, nous regagnons les tribunes. Je monte les marches d'un pas pressé alors qu'Erkel m'accueille en haut, un petit sourire aux lèvres.
— Mauvaise au tir à l'arc, tu disais ?
Je le dévisage. Son accueil me fait chaud au cœur. Alors sans réfléchir –parce qu'en ce moment, mon cerveau est sur off–, je m'avance et le serre dans mes bras. Il me renvoie mon étreinte, déposant un baiser au sommet de mon crâne. Sa chaleur, ses mains sur moi... Je crois que je suis déjà perdue depuis longtemps.
— C'était inattendu, souffle-t-il en me gardant contre lui. Une raison particulière ?
Je recule de quelques pas et hausse les épaules.
— Peut-être que vous le méritez.
Il se penche, dépose un baiser sur ma joue alors que je me sens déjà rouge pivoine.
— Je dois y aller.
Je hoche la tête alors qu'il descend les marches à son tour. Il est le premier à être appelé et il affronte directement le prince de Lyra, il me semble, un jeune homme blond comme les blés. Assise à sa place, je le dévisage. Il y a une dextérité dans ses mouvements, une aisance. Pendant quelques secondes, je suis absorbée par le charme qu'il dégage. La façon dont ses cheveux noirs se soulèvent au vent, ou encore la précision de ses doigts.
Cet homme est mon âme sœur. Je le vois quand il décoche ses trois flèches à la vitesse de l'éclair dans le centre de la cible. Il lève aussitôt les yeux vers moi et d'ici, je le vois me faire un clin d'œil. Je souris comme une enfant de cinq ans.
Ce tournoi commence extrêmement bien.
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