Chapitre 31
La soirée jeux s'étend sur le jardin entier du domaine, ce qui équivaut à plus d'un hectare. Des dizaines de tables ont été installés avec plusieurs croupiers, et il n'y a pas seulement les membres de la famille royale ici, les bourgeois et aristocrates sont aussi de la partie. Poker, jeux d'argent et roulettes, les choix sont variés et l'ambiance assez chic. Des serveurs déambulent entre les allées illuminées par de grandes guirlandes dorées et l'un deux vient jusqu'à moi.
Je saisis une coupe de champagne que je m'empresse de vider d'une traite. Je balaie la scène du regard dans l'espoir de trouver Erkel et d'aller lui parler. Je le trouve au fond du jardin, en pleine discussion avec Ander et Rewind. Et ces deux-là sont accompagnées de deux jolies filles : la reine Eileen et l'autre je ne la connais pas. Elle est assez petite et blonde comme les blés. Le roi d'Imir la tient contre lui comme si elle était sa pierre précieuse. Oh ! Cette fille doit être la fameuse Bianca qu'il appelait à s'en briser la voix dans tous les couloirs du palais.
Je suis la seule à manquer à l'appel et ça n'a pas l'air de déranger Erkel. C'est sans étonnement, je lui ai débité une flopée de méchancetés glissées entre des mensonges effrontés. Il ne me le pardonnera jamais. J'aimerais pouvoir dire que son pardon ne m'intéresse pas, mais la seule personne qui accapare toute mon attention dans ce jardin, c'est lui. Et je regrette amèrement ce changement de situation. Merde, alors ! Qu'est-ce qui a bien pu m'arriver entre il y a deux mois et aujourd'hui ? Qu'est-ce qui m'a fait autant changer ?
— Morgan !
Je me crispe alors que Dina me contourne par la gauche pour débarquer devant moi. Elle porte toujours des tuniques, les robes semblent interdites dans le règlement. Ses yeux me sourient alors qu'elle s'exclame :
— Tu es ravissante ! Cette robe te sied à merveille.
Je lui souris en retour et elle se hisse sur la pointe des pieds pour me taquiner à voix basse :
— Erkel doit être dingue à l'heure qu'il est.
— Pas tout à fait. Nous nous sommes disputés.
Elle recule et son visage se ternit.
— Oh, pourquoi ça ?
— Des différends, comme d'habitude. Je t'épargne les détails.
Je m'imagine mal lui raconter le fruit de notre dispute. Dina est du genre à dire « fonce, on s'en fiche des conséquences » alors oui, cette philosophie de vie peut se montrer très intéressante mais les conséquences, je m'en soucie.
Je n'ai pas le temps de ramasser une Morgan brisée en mille morceaux. De toute façon, peu importe comment cette histoire finit, elle finira mal. Je le pressens.
— Tu n'as pas suivi mes conseils ?
— Négatif.
— Dommage. Je dois te laisser, mon père va s'énerver si je ne le rejoins pas à la roulette blanche.
La roulette blanche ? Je ne prends pas le temps de l'interroger parce que bientôt, elle détale. Je pousse un soupir, apostrophe un serveur pour me prendre une deuxième coupe de champagne.
Je la vide d'une traite encore une fois et cette fois-ci, une silhouette me rejoint. Ce n'est pas Erkel, à mon plus grand malheur. C'est Areena. Qui porte une robe bleu pétrole d'un décolleté beaucoup trop plongeant, exhibant sa poitrine à la vue de tous.
— Comment allez-vous, ma chère ?
Je vais avoir besoin d'une troisième coupe. Je la détaille d'un air mauvais comme elle le fait pour moi. Elle a une façon de m'observer avec mépris qui me rend dingue. Mais je me contiens. Je maintiens mes émotions au plus bas.
— Plus que bien. Et vous ?
— Oh, je suis aux anges. Erkel m'a proposé une balade tout à l'heure, ce sera l'occasion pour nous de discuter sérieusement.
Elle me sourit de toutes ses dents et je hausse un sourcil. Vient-elle explicitement d'insinuer qu'elle essaierait de lui mettre le grappin dessus ? Mais quelle pétasse !
— Il est mon fiancé, rétorqué-je.
— Et il n'a pas l'air ravi de cette union, réplique-t-elle. Qui a dit qu'un roi ne pouvait pas avoir de maîtresse ?
Un autre serveur passe. J'attrape une coupe de champagne et lui réponds d'une voix aussi douce que la mer :
— Il a de terribles goûts quant au choix de ses maîtresses alors. Je devrais certainement lui toucher deux mots, il risquerait de se faire mordre par votre chihuahua enragé. Comment va Pimprenelle ?
Areena tique et balance ses cheveux sur son épaule. Je sirote tranquillement mon champagne. Ne pas se laisser intimider par les vipères. Règle numéro deux-cent-cinquante.
— L'alcool vous sied mal, très chère. Serait-ce des rides qui menacent le coin de vos yeux ?
— Occupez-vous de votre cul plat d'abord, ensuite on parlera de mes rides.
Sa bouche s'ouvre en un O parfait alors que je la dépasse pour m'en aller. Cette sorcière ne mérite pas une seule seconde de mon attention. J'avance dans le jardin pour aller me caler contre un arbre. Erkel a disparu. Les jeux ne m'intéressent pas. Bilan du compte : je suis destinée à finir seule le reste de la soirée.
Mais bientôt, quelqu'un d'autre me rejoint. Maverick. Je pousse un énorme soupir qui le fait rire.
— Seriez-vous de mauvaise humeur ?
— Bon, vous vous êtes donné le mot pour m'agacer, ce soir ?
Il lève les mains en signe de défense, un sourire mystérieux aux lèvres. Il porte une tunique d'un blanc éclatant. Pas très adapté pour la soirée. Ses longs cheveux ont été ramenés en un chignon lâche.
— Pas du tout. Je souhaitais juste vous dire que vous étiez époustouflante dans cette robe.
Dans ce bout de tissu, plutôt. Je ne le remercie même pas. À la place, je reste silencieuse. Lui, en profite pour s'approcher trop près. Beaucoup trop près. Son corps me bloque contre l'arbre et je le foudroie du regard. Je vais pour me décaler mais son bras me bloque. De l'autre main libre, il se met à toucher mon visage. Son contact me donne envie de vomir.
— Vous me devez toujours une faveur, vous le savez ça ?
Je grimace. Il ne m'attire pas du tout. La façon dont les coins de sa bouche se relèvent naturellement, ou bien même ses yeux en amande... Je rêve d'Erkel à la place.
Je réplique :
— Vous m'avez menti. Votre faveur, vous pouvez vous la mettre là où je pense.
Son attitude change du tout au tout. Son visage se ferme alors que sa main descend le long de mon cou. Il remarque mes suçons et un sourire diabolique se dessine sur sa bouche. C'est décidé, je vais vomir. Je vais lui vomir dessus.
— Mes sources se sont avérées être... défaillantes. Mais la faveur tient toujours. Refusez-la et je lancerai un scandal. J'annoncerai à tout ce beau monde ici que votre union avec Erkel est une mise en scène.
— Une mise en scène ?
Et j'éclate de rire pour paraître plus crédible. Lui, se contente de m'attraper par la gorge. Nous sommes loin de la foule, loin de ce beau monde presque parfait qui rit et se divertit à ses jeux. Je suis totalement seule face à mon ennemi. Je pourrais facilement le repousser mais sa menace me laisse pantoise.
— Vous croyez que ma sœur et moi n'avons pas remarqué ? Vous n'êtes même pas arrivé ensemble à cette soirée. Vous vous détestez.
— Et ces suçons alors ? rétorqué-je. Ils ont été faits par le cul du diable ?
Maverick sourit d'un air moqueur.
— Ils ne viennent pas de lui, c'est indéniable.
— C'est ça, je vais vous laisser crier au monde que notre union est fausse, personne ne vous croira. Maintenant, lâchez-moi ou c'est moi qui lancerai un scandal.
— Personne ne croirait à votre fausse union sans preuve. Or, il se trouve que j'en ai une. Le type que vous avez vulgairement embrassé l'autre jour se trouve en ce moment même à cette soirée et je suis sûr qu'il se ferait une joie d'annoncer la nouvelle.
— Cela ne changerait rien. La vérité peut éclater, les choses resteraient telles quel.
— Au contraire, More. Cela contrarierait les plans d'Erkel. Il serait obligé de vous renvoyer pour éviter les accusations et les rumeurs. Alors, toujours réticente à me donner cette faveur ?
Je me crispe. J'ignore s'il dit vrai et si Roméo est vraiment là, mais l'idée de retourner à Meridia ne m'enchante pas. De plus, après ce qui s'est passé avec Erkel.
Alors je cracherai presque à la figure de celui que je hais tant en ce moment :
— Qu'est-ce que vous voulez ?
— Oh, je veux plein de choses en ce moment, More. Et cette robe que tu portes ne m'aide pas à réfléchir. Peut-être que tu pourrais l'enlever pour m'aider à y voir plus clair ? Ou bien peut-être que je pourrais t'embrasser dans un couloir du palais pile au moment où Erkel passera ? Ou meilleur encore, je pourrais te marquer de la même façon qu'il l'aurait fait. Je lui montrerais qu'il n'est qu'un roi faible, et que tu ne lui appartiens pas.
Ses mots me dégoûtent. Je veux le repousser mais sa poigne autour de mon cou se fait plus fort.
— Étranglez-moi et je ferai brûler vos parties génitales.
Il se met à serrer et mon genou se niche directement dans son entrejambe. Il pousse un grognement et je veux pour revenir à l'avant de la fête mais il m'attrape par les cheveux, me forçant à laisser tomber ma tête en arrière.
C'en est fini de ma dignité et de tout ce que j'avais offrir. Mais heureusement, c'est pile à ce moment là qu'une silhouette débarque. Et mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque je le vois.
Erkel.
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