Chapitre 20

La rage au ventre, je retire mes boucles d'oreilles d'un mouvement brusque. Mes doigts tremblent, mon estomac se noue devant la vision qui s'offre à moi. Je refuse de me regarder dans le miroir, je refuse de voir cet être sali, souillé, la fille que je suis devenue, la fille que j'ai laissé sortir durant un court moment. Je refuse d'affronter la vérité en face : j'ai été faible et lâche. J'ai été impuissante et défaillante, je me suis laissée faire alors qu'il y avait sa voix, sa putain de voix qui tentait de me ramener à la surface et je ne l'ai pas écouté. Pour la première fois de ma vie, je ne l'ai pas écouté.

Il doit être tellement déçu. Il va être déçu quand il l'apprendra un jour. Il va m'en vouloir et je vais m'en vouloir encore plus. Comment lui dire la vérité ? J'ai merdé, je l'ai laissé m'embrasser dans le cou. Je l'ai laissé me marquer alors que je le hais, que je le déteste. Je le déteste du plus profond de mon cœur et je l'ai laissé me salir de la sorte. J'ai été d'une faiblesse inconcevable.

J'entends la porte de la chambre s'ouvrir. Il doit être quoi, trois heures du matin peut-être ? Erkel m'a laissé le temps de partir avant de finalement revenir seulement maintenant. J'entends des mouvements, le lit qui grince. Une chaussure qui s'enlève, puis l'autre. Des pas qui s'approchent. Furieuse, je claque la porte jusque-là entrouverte et il n'insiste pas. Bien, au moins il a compris que je m'en voulais à en faire sortir les gonds de la porte. Peut-être qu'il me laissera tranquille, tout compte fait ?

Me tournant vers le miroir, j'ose enfin affronter mon reflet. Cette Morgan qui n'est pas moi. L'ancienne reviendra, il le faut. J'ai un plan à suivre, des instructions bien précises. Une mission à mener à bout. Et pourtant, la fille que je trouve en face de moi ne me ressemble pas. Ses joues sont aussi rougies que son décolleté, sa peau autrefois d'une pâleur extrême est maintenant sertie de grosses marques rouges visibles dans le cou. Certaines virent au violent et je retiens un hoquet.

Je m'approche, incertaine. Mes doigts effleurent ma peau et mes yeux se mettent à briller. Bon Dieu, qu'est-ce que j'ai fait... Je dois relativiser. Ces marques disparaîtront d'ici quelques jours et tout rentrera dans l'ordre. Je m'en sortirai. J'arriverai à redevenir celle que j'étais.

Après avoir pris une brève inspiration, je sors de la salle de bains, mes bijoux dans la main. Il est allongé dans le lit et je sens son regard sur moi mais je l'ignore. Je pose mes boucles d'oreille sur la commode avant de fouiller dans ma malle pour y trouver un pyjama convenable. Je tombe sur des sous-vêtements osés, des hauts bustiers à foison. Je réussis enfin à prendre un t-shirt convenable avec un short. Espérons que le t-shirt soit assez long pour cacher l'entièreté de mon corps.

— More.

Je ne relève même pas. Je me redirige tout droit vers la salle de bains, claque la porte. Une fois mon pyjama enfilé, ma toilette exécutée et mes cheveux attachés, je reviens dans la chambre. Erkel me fixe toujours et je tente de l'ignorer mais il est à moitié nu devant moi.

Je pousse un soupir puis l'affronte. Il n'a pas l'air désolé. Son visage demeure impassible avec cet air froid qui le sied si bien. Je tente de ne pas dévier sur son torse nu et j'y arrive. Plus ou moins. L'ancienne Morgan est en chemin. Une fois de retour, elle n'hésitera pas à lui trancher la gorge.

— Pourquoi m'en-veux tu, faucon ? Pour t'avoir donné ce que tu voulais ?

Je m'approche du lit, saisis l'oreiller puis recule de quelques pas.

— Ce que je voulais ? Parce que ça, c'est ce que je voulais ?

Je désigne ces maudits suçons du doigt et un sourire moqueur se dessine sur ses lèvres. Il est détestable.

— Cela ne fait même pas mal, ma fleur.

— Ce n'est pas ce que je voulais.

— Pourtant, ton corps m'a dit tout autre chose. Tu m'as dit oui. Le consentement est important pour moi, faucon. Je te l'ai demandé, tu m'as répondu oui. Que dois-je faire de plus ?

Je le dévisage. Il n'a pas tort et je le sais. Je ne lui en veux même pas. Peut-être que dans le fond, si. Mais je m'en veux surtout à moi pour avoir été aussi lâche, aussi faible. Je n'ai pas su résisté à de maudites pulsions. Alors en attendant que les choses s'arrangent, je ne peux que reporter ma colère sur lui.

— Je ne veux plus que vous me touchiez, réponds-je simplement.

Je l'entends soupirer. Puis il finit par se caler dans le lit, sans pour autant cesser de me regarder. De mon côté, je me dirige tout droit vers un vulgaire petit fauteuil dans un coin de la pièce. Même pas assez grand pour y étaler les jambes. Je me recroqueville contre moi-même, mon oreiller dans les bras.

D'ici, mon regard croise le sien.

— Tu ne vas pas dormir là, quand même.

— Je refuse de dormir avec vous. Vous dites que le consentement est important pour vous mais vous m'avez emmenée de force ici. Visiblement, cela ne marche pas pour tout.

— Tu as tentée de me tuer, j'ai saisi une opportunité et je suis encore bien gentil de ne pas te tuer. Nombre de rois t'aurait fait brûler pour cette tentative. De mon côté, je te laisse la vie sauve et l'offre d'une deuxième chance si tu mènes ce jeu à bien. Visiblement, tu es bien trop idiote pour comprendre la frontière de ma notion du consentement.

Il éteint la lumière, clouant le débat. Je n'arrive même pas à savoir s'il est énervé ou non, mais dans le fond, peu m'importe. Le sommeil me vient rapidement, je n'ai plus le temps de penser à tout cela. Et dans mes rêves, ce n'est pas lui que je vois. C'est Erkel. C'est son beau visage et ses lèvres qui se tendent vers moi. C'est la douceur de sa peau et la rugosité de ses mains.

Tout s'efface quand je me vois lui transpercer le cœur de ma lame. Et étonnamment, dans mon rêve, cette image me brise le cœur.

• • •

Lorsque je me réveille le lendemain, j'ai l'impression d'avoir dormi vingt heures. Je m'étire lentement en ouvrant peu à peu les yeux. Je suis surprise de me retrouver dans un lit. Effrayée, je me réveille. Tourne la tête. Pas d'Erkel dans les draps. Alors qu'est-ce que je fais là...

— Bien, tu es enfin réveillée.

Je fronce les sourcils. La porte de la chambre s'ouvre sur un roi rayonnant. Aujourd'hui, il porte un uniforme vert qui le rend terriblement beau. Ses cheveux sont peignés en arrière, et il a comme un air formel au visage. Il pose quelques affaires sur la commode avant de s'approcher du lit.

— Reculez, craché-je presque.

— Et la politesse, ma fleur ?

— Votre politesse, vous pouvez vous la mettre là où je pense. Qu'est-ce que je fais dans votre lit ?

Ses yeux m'étudient quelques secondes et dévient vers mon cou. Il tend le bras comme pour toucher ces maudites marques puis se ravise. Il finit par grimacer.

— C'est pire qu'hier. Et il fait une chaleur étouffante dehors.

— Je mettrai un col roulé, peu m'importe la météo de dehors. Ce n'est pas deux trois rayons de soleil qui vont m'empêcher de montrer au monde ces horreurs.

Il se renfrogne et son visage se ferme alors qu'il réplique :

— Tu m'as demandé ces horreurs, joli cœur. Assume les conséquences de tes choix.

— Je n'ai pas demandé à porter des morsures de vampire !

— Alors qu'est-ce que tu voulais ?

Il fait le tour du lit et je recule. Il s'en fiche et monte sur le lit. Je lève la main pour le frapper mais il me retient le poignet.

— Vilaine fille.

— Mais laissez-moi tranquille !

Il ose me lâcher mais s'approche de moi. Coincée entre la tête du lit et son visage, son souffle s'abat contre moi alors qu'il déclare comme un monologue :

— Je t'ai donné exactement ce que tu voulais et ça te ronge de l'intérieur, faucon. Tu es injuste avec moi et avec toi-même, tu refuses d'admettre que ça t'a plu. Moi, je m'en fiche. Que tu sois là ou pas, que tu m'en demandes ou non, les choses resteront toujours les mêmes. Fades et sans saveur. C'était plaisant de t'entendre m'en demander plus, je dois l'avouer, mais dans le fond, qu'est-ce que ça change ? Absolument rien. Alors tu peux ou bien cesser de te mentir à toi-même ou bien continuer à te voiler la face, dans les deux cas, tu resteras un petit faucon. Faible et impuissante, incapable de savoir ce que tu veux réellement.

Il recule et se remet debout alors que je reste pantelante contre la tête de lit. Je viens de me prendre trois claques dans la figure en l'espace de quinze secondes et ses mots me laissent hébétée. Hébétée et furieuse. Alors je me lève à mon tour pendant qu'il réajuste son col.

— Ne me touchez plus jamais. Ne vous approchez plus jamais de moi ou bien je vous le ferai regretter. Vous n'êtes qu'un rejeton incapable de comprendre le mal que vous semez autour de vous. Après avoir tué votre famille, votre manque d'humanité n'est même pas étonnant.

Sans un mot de plus, je pars m'enfermer dans la salle de bains. Ce type est une ordure.

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