Chapitre 10
— More. More. More.
Il le répète je ne sais combien de fois avant de me ramener contre lui, m'évitant la noyade. Je grimace quand mes mains se posent sur son torse accidentellement. Et qu'est-ce que cet abruti fait ? Il me pousse. Il le fait exprès et de ses mains, il me fait basculer en arrière. Je vois ma vie défiler devant mes yeux alors qu'à la dernière seconde, son bras s'enroule autour de ma taille et il ricane.
— Tu es nulle, More. D'où vient ce diminutif ?
— Mon frère m'appelait comme ça. Reculez ou je vous en colle une.
— Ose.
Il m'attire contre lui et je grommelle. Ses mains s'appuient sur mes reins à m'en donner la migraine alors qu'il roucoule dans mon oreille :
— Ose me repousser.
Aussitôt demandé, aussitôt fait. Je le repousse de toutes mes forces ce qui le fait reculer d'un ou deux mètres. Il passe sa main dans ses cheveux puis se détourne de moi.
— Un jour, tu ne me repousseras plus. Et tu me donneras ton vrai nom. Les deux iront ensemble.
— Vous pourrez toujours rêver, espèce de...
Connard. Il hausse un sourcil, curieux.
— Finis ta phrase, ma douce.
— Espèce d'idiot.
— C'est soft. Je m'attendais à mieux.
Je sors de la pièce adjacente de la véranda, suivie de près par Sa Majesté. Bientôt, nous revenons aux plantes vivaces grimpantes et aux fleurs colorées.
— Nous devons parler de ta conduite là-bas.
— On en a déjà parlé, rétorqué-je. Je ne tue pas, je ne vole pas. Je souris, je vous aime et m'accroche à votre bras comme si vous étiez le centre de la terre.
— Nous dormirons ensemble.
— Refusé.
Un ricanement s'échappe de sa bouche et je grimace. Il me dépasse, sort de la véranda et je le suis. Je vais le tuer. L'assassiner dans son sommeil. Un jour, je m'en fais la promesse, j'aurai la satisfaction de voir son sourire carnassier mourir. Attendre pour mieux frapper, là est ma devise.
— Ce n'est pas négociable, ma fleur.
— Ma fleur ?
C'est plus fort que moi, j'éclate de rire.
— Je te donnerai des surnoms débiles jusqu'à ce que tu m'avoues ton vrai prénom.
— Je vous ai dit de m'appeler More et cela ne vous plaît toujours pas. Vous savez quoi ? Allez bien vous faire foutre.
Il ne relève même pas ma remarque et poursuit :
— Tu seras supposée être ma fiancée. Cette année, le tournoi est réservé aux couples pour je ne sais quelle raison. Et bien entendu, si tu es ma fiancée, tu ne dormiras pas dans une autre chambre.
— Objection. Fiancée ne veut pas dire mariée, d'un point de vue royal ce n'est pas très digne. Pas besoin d'avoir reçu des cours d'éducation pour savoir ça.
Il ralentit le pas pour me laisser marcher à ses côtés, et bientôt, il rajoute d'un ton las :
— Tu n'es pas de sang royal et je ne mentirai pas sur ce sujet. Prétendre être en couple avec toi est une chose, t'inventer des gènes royaux en est une autre.
— Alors cette pseudo-union ne sera pas très bien perçue.
— Tu seras surprise, mon coquelicot, que je m'en fous.
— Arrêtez avec ces surnoms, par pitié. Mes oreilles saignent.
Il sourit toujours su bien que je finis par penser qu'il est sincère et que je l'amuse. La situation est-elle aussi drôle pour qu'il soit droit dans ses sentiments ? Non. Il ne rirait pas de cette situation. Cet homme n'a pas de cœur.
— Maintenant que le point chambre ensemble a été abordé et accepté, je...
— Il n'est pas accepté, grogné-je.
— Alors tu dormiras par terre mais je n'irai pas demander une autre chambre pour madame. Et je ne passerai pas non plus mes nuits sur le canapé parce que le fichu coquelicot qui me servira de fiancée n'est pas capable de mettre ses sentiments de côté pour un mois. Déteste-moi si tu veux, More, je m'en fous aussi.
Outrée, j'ouvre la bouche.
— Vous l'avez choisie, votre coquelicot ! Espèce de connard.
— Moins gentillet, j'aime ça. Tu as repris des couleurs, ma fleur.
Je vais exploser. Je vais lui sauter à la gorge, je vais le massacrer. Et il ose rire de la sorte ! Non mais quel abruti ! Qu'il aille rôtir en Enfer, je prendrai plaisir à le regarder mariner sous les flammes lorsque je le rejoindrai.
— Parlons ensuite des épreuves. Je m'en fous de gagner aussi, c'est un plus si tu tiens à cela et...
— En fait, vous vous fichez de tout ?
— Non.
Un ange passe. J'attends une suite de réponse, qui ne vient pas.
— Mais encore ?
— Quoi ?
Il le fait exprès. Je le vois à l'expression de son visage, la façon dont les coins de sa bouche se relèvent d'un air moqueur. Cet homme a été capable de me torturer, de m'envoyer pourrir dans une cellule pendant deux mois mais il agit en gamin puéril à côté de ça.
— Vous ne vous fichez pas de tout ?
— Non. Je m'apprécie, j'aime les fleurs et ma maison aussi. Torin est mon plus fidèle ami également. Je me soucie de tout cela, en-dehors de ça, on peut considérer que cela ne compte pas à mes yeux.
J'aime les fleurs. J'ai donc affaire à un jardinier passionné de la nature.
— Vous aimez... les fleurs ? Vous tuez tout ce qui se trouve sur votre passage et vous aimez donner la vie et protéger ces...
Je ne termine même pas ma phrase. Son visage se ferme lorsqu'il répond :
— Je ne suis pas un meurtrier, More.
Menteur. Je l'ai vu tuer. Je l'ai vu arracher la vie à des pauvres innocents.
— Et toi, qu'est-ce que tu apprécies ?
— Tuer, voler. La liste n'est pas très longue.
Il ne paraît même pas étonné. Je ne le suis pas moi-même.
— Hormis ces activités... peu divertissantes ?
— Pourquoi irais-je vous dire ce que j'aime ? répliqué-je.
Il pousse un soupir comme s'il cherchait la réponse à cette question. Je le vois m'observer puis il répond :
— Je ne m'attends pas à ce que tu te confies.
— Vous vous en fichez, en fait ? Vous l'avez dit vous-même, en dehors de vous, Torin... Qui est-ce, d'ailleurs ?
— Celui que tu as failli tuer de ton rouge à lèvres meurtrier.
Oh. Le capitaine de la garde royale est donc un ami proche au roi. C'est bon à savoir, si je veux atteindre l'un, je tuerai l'autre. Je les tuerai tous les deux, au pire des cas. Lorsque je me remémore la scène du rouge à lèvres dans ma tête, quelque chose se froisse.
— Pourtant, vous le pensiez mort au début. Et vous n'avez même pas blêmi.
— Cacher ses émotions est une maîtrise compliquée mais que j'ai fini par adopter. De plus, il n'est pas mort. Et auquel cas tu aurais l'idée de le tuer, sache que je te traquerai jusqu'à pouvoir t'arracher la peau de mes ongles si tu le fais. Je ferai brûler les restes de ton corps sur un bûcher après t'avoir torturé. Moi-même, cette fois-ci.
Je ne cille même pas. Combien de fois ai-je été menacée de la sorte ?
— Joli programme. Manque de diversité en revanche. Quel genre de torture parlez-vous ?
— Je trouverai ton point faible, More.
— Vous ne le trouverez jamais.
— Tu me connais mal, jolie fleur.
Un silence résonne dans le jardin. Au loin, j'aperçois les gardes postés à l'avant de la maison et me guettant comme si j'allais assassiner Sa Majesté. Je suis bien trop épuisée pour faire le moindre geste. Alors que nous avançons sans un mot jusqu'au fond du jardin, je mords mes lèvres, hésitante. Je ne lui dévoile rien en parlant de ça. Il ne saura rien.
— Je n'aime pas seulement tuer et voler. J'aime la musique aussi, quand elle est bien interprétée. Lire des livres, regarder des couchers de soleil, sentir la pluie sur ma peau. Entendre les oiseaux chanter, le bruit de la rivière.
Je deviens aussi ridicule que lui avec ses fleurs.
— Notre faucon est donc romantique. Touchant. Presque.
Je vais le gifler.
— Moquez-vous, je m'en fiche. Ce n'est pas mieux que vous avec vos géranium et vos fontaines à deux balles.
— Moi au moins, j'ai du goût.
Il se moque de moi ? Je suis épuisée mentalement. Cet homme m'a pompée le peu d'énergie que je possédais.
— Y'a-t-il d'autres restrictions hormis le lit partagé et les jeux dont vous vous fichez ?
Je le vois réfléchir. Longtemps. Une éternité.
— Ne me perds pas de vue. Ne t'éloigne pas. Nous ne sommes pas là-bas pour se faire des amis. Je te donnerai les derniers détails demain matin.
— Demain matin ?
— Nous partons demain en bateau, More. Les jeux ne commencent que la semaine prochaine mais nous sommes invités en avance.
Et merde.
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