Chapitre 9

Je suis quelqu'un de matinale. La preuve en est que je me lève chaque jour à huit heures tapantes pour aller prendre mon petit-déjeuner devant le lever du soleil. Mais aujourd'hui, j'ai manqué mon réveil, je le sais car la lumière s'infiltre nettement par les rideaux. J'ignore l'heure actuelle mais je suis fatiguée. Je me vois déjà devoir saluer toute la famille royale, déjeuner avec eux, me montrer sociable, à l'écoute et intéressante. Calculer le moindre de mes gestes, chaque mot sorti de ma bouche.

— Mademoiselle ?

Je reviens sur terre. Enfouie sous ma couette, je relève un peu la tête pour voir une mince silhouette se dessiner devant moi. La porte grande ouverte, je plisse les yeux face à la lumière s'émanant dans ma chambre. Sue, ma domestique, me lance un regard, quelque peu hésitante.

— Je... On m'a dit de venir vous réveiller. Le petit-déjeuner s'est déroulé sans vous et Sa Majesté souhaitait vous voir.

J'ignore à quelle Majesté elle fait référence mais c'est parfait ! Déjeuné raté, je n'aurais pas à me montrer sociable. Je repousse la couette, un sourire aux lèvres alors que Sue entre et se dépêche d'ouvrir les rideaux. Glissant mes pieds dans mes claquettes dorées, je m'étire en baillant. J'ai l'impression d'être en feu. Une nouvelle journée s'annonce et elle commence plutôt bien à dire vrai.

— Voulez-vous que je vous amène votre déjeuner sur un plateau et...

— Ça ira, Sue, je le prendrais seule.

Elle me dévisage quelques secondes, l'air perdue, comme si mon sourire lui semblait faux. Se rendant compte que son geste est malpoli, elle s'excuse et se hâte d'ouvrir les portes-fenêtres. L'air frais s'engouffre dans la pièce et je jette un regard dehors. Le ciel est bleu avec pratiquement aucun nuage.

— Quelle heure est-il ? dis-je en me tournant vers Sue.

— Onze heures, je crois. Votre famille et celle de Socrenia sont partis faire une balade dans les bois.

Super. Une belle journée s'annonce. Je jette un coup d'œil à mon miroir. Vêtue d'un fin débardeur et d'un short en satin, je décide de partir manger ainsi. J'ai étrangement chaud, enfin bon, nous sommes en été cela ne devrait pas être surprenant.

J'abandonne ainsi Sue dans ma suite et arpente les couloirs. Les gardes ne font même pas attention à moi, fidèles à leur poste comme d'habitude. Je descends rapidement les marches d'escalier et c'est avec un sourire aux lèvres que j'arrive dans la salle de réception, la même pièce où nous avons partagé le dîner d'hier. Généralement, c'est ici que nous mangeons tous. Il faut dire que la table est plutôt grande : elle peut servir une vingtaine de convives.

À peine suis-je à l'intérieur que je remarque les assiettes et bols vides, les paniers remplis encore de fruits mais quelques miettes sur la table. Sue disait donc vrai, ils sont partis en balade. Tant mieux pour moi.

Je m'assois à table et je n'ai pas le temps de me servir que des pas se font entendre derrière moi. J'espère que ce n'est pas celui que je crois être. Je me retourne et mon visage entier se crispe. William marche vers moi, l'air neutre, un journal à la main. Il passe derrière moi, dépose un papier sur la table puis vient s'assoir en face de moi. Je le regarde faire, médusée, et il déclare d'un ton trop joyeux :

— Bien le bonjour, ma dame !

Je cligne plusieurs fois des yeux. Il saisit le papier qui en réalité, est une lettre et pose le journal. Je le dévisage. Ses cheveux sont toujours aussi ébouriffés et il a l'air concentré à lire les inscriptions de la lettre. Aujourd'hui, il porte une chemise bleu marine qui fait un doux contraste avec sa peau de porcelaine.

Il relève alors la tête vers moi et me balance littéralement la lettre par-dessus la table.

— C'est pour toi. D'un certain Rewind que je ne connais probablement pas.

Mon cœur s'affole en même temps que mon cerveau se déconnecte. A-t-il mentionné le nom de Rewind ? Non, bien sûr que non ! D'un geste précipité, je saisis la lettre et vérifie. Il s'agit bien de lui. Mais pourquoi irait-il m'écrire une lettre ? C'est totalement stupide. Cela doit être un charlatan ou bien un usurpateur. Et pourtant, il y a le sceau royal d'Imir sur la lettre... Je refuse de l'ouvrir.

— Tu ne l'ouvres pas ? s'enquiert William.

Il scrute la moindre parcelle d'émotion présente sur mon visage, je le sens. Et je refuse d'affronter son regard. Je repose donc la lettre et me contente de prendre une pomme dans le panier en osier.

— Qui est ce Rewind ? Ton mari ?

Je relève la tête, l'air un instant mauvaise puis je finis par rire. Il a toujours cet air innocent au visage comme s'il n'avait pas conscience des débilités qu'il peut sortir.

— Tu penses sincèrement que j'ai l'âge de me marier ?

Je commence à couper ma pomme en fine lamelles, usant mon couteau avec soin.

— Pourquoi pas ? Tu es jolie et semble intelligente, tous les hommes doivent être à tes pieds, n'est-ce pas ?

Ses yeux perçants m'étudient avec soin. Je hausse les épaules et réponds :

— Je n'ai pas le temps pour les hommes. Être courtisée est déjà une chose assez ennuyante, et de toute manière, je n'ai pas besoin de quelqu'un dans ma vie. Si tu t'inquiètes de la concurrence que tu pourrais avoir, tu n'as aucun souci à te faire. Tu ne fais d'ailleurs pas partie de mes prétendants.

Un rire s'échappe de sa bouche et je rajoute :

— Je te conseille d'aller enquiquiner quelqu'un d'autre. De toute façon, tu es trop vieux pour moi.

— Je n'ai que vingt-deux ans ! s'exclame-t-il.

Le fusillant du regard, je réplique :

— Et moi tout juste dix-huit. Va te trouver une femme de ton âge et laisse-moi tranquille !

— Te laisser tranquille ne fait pas partie de mes intentions, Bianca.

Je le maudis. Je prie sincèrement pour que Dieu répercute sa colère sur cet homme ignoble et agaçant !

— Je déteste les hommes. Vous vous croyez tous permis juste parce que je suis une femme, vous pensez que tout vous est dû et que ce que vous faites est bien mais vous ne cessez de répandre le mal autour de vous !

Je me suis emportée. Je le sais quand je réalise que ma voix résonne en écho et qu'elle laisse un blanc assourdissant autour de moi. William ouvre la bouche, la referme puis la rouvre de nouveau.

— C'est ce Rewind qui t'a fait du mal ?

Je baisse les yeux vers mes mains. Je me suis coupée sans faire attention. Le sang coule en fines goutelettes qui viennent directement s'écraser sur mes pommes.

— Rewind est un homme respectable, soufflé-je d'un murmure inaudible.

— Qui t'a blessé, Bianca ?

J'aimerais tellement tout relâcher, lâcher cette fichue pression qui me piétine le cœur, ressentir enfin la liberté courir dans mes veines. J'aimerais tellement tout confier à quelqu'un, ne plus redouter chaque lendemain, sentir la vie qui me remplit.

— Personne. Personne ne m'a blessée.

J'essuie rageusement les larmes qui coulent sur mes joues. Je suis pathétique. En larmes devant un inconnu, je n'ai jamais fait aussi pire.

— Alors pourquoi ton regard est si triste ?




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Coucou ! J'espère que vous allez bien ?

J'espère aussi que ce chapitre vous a plu :) On avance doucement dans l'histoire et on retrouvera bientôt Rewind, j'ai hâte !

En attendant, n'hésitez pas à voter et à commenter si ça vous a plu ^^

On se retrouvera bientôt,

Bizz bizz

❤️

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