Chapitre 51
C'est la débandade totale. La foule se divise en deux, les gens se ruent d'un côté de la rue comme de l'autre mais tous tentent d'éviter l'armée d'Imir. Je n'en crois pas mes yeux. Au loin, se profilent les couleurs de la nation de Rewind : le rouge et l'or. À la tête des troupes, j'aperçois Therys, le frère de William ainsi qu'un autre homme que je ne connais pas. Il n'y a pas qu'une armée. Il y aussi des soldats de Socrenia, je les reconnais à leurs uniformes vert foncé. Et sous les mots des deux commandants, leurs chevaux galopent jusqu'ici.
— Fuyons, grogne mon oncle en faisant un signe de tête à Lorcan. Emmène-la.
Il me désigne de ses yeux mais maintenant que les soldats m'ont relâchée, je n'ai pas l'intention de me faire prendre de nouveau. Je me rue jusqu'à Rewind mais réalise que le bourreau est toujours en train de le fouetter. Une colère sans nom se propage dans mes veines et au même moment où la bataille fait rage sur place, je me rue en-dehors du centre. Les soldats de mon propre pays affrontent ceux d'Imir. C'est impensable. La trahison serait-elle allée jusqu'à souiller l'esprit moral de notre garde royale ? Je cherche des yeux une quelconque arme qui trainerait au sol mais rien ne retient mon attention. Rien hormis quelqu'un. William est en train de me rejoindre, deux poignards dans la main. Il m'en tend un avant de s'occuper d'un soldat dans mon dos.
— Cours ! me crie-t-il.
Je lui jette un dernier regard pour m'assurer qu'il ira bien puis je me rue de nouveau vers le centre de la place là où git toujours Rewind. Lorcan me barre la route, un sourire mauvais aux lèvres. Cet homme est une abomination !
— Dégage, sifflé-je.
Je cours sur lui telle une hyène déchaînée et lui plante mon poignard dans le bras sans vergogne. Cette fois-ci, il ne grogne pas mais il me retient par le bras et me fait valser au sol, sous le visage de Rewind. Toujours conscient, sa peau est noyée de sueur et de saletés et ses pieds trempent dans son propre sang. C'en est trop. Je ne laisserai pas ces hommes-là me dominer. Lorcan me prend cependant par surprise et me tire les cheveux avant de me claquer la tête contre le sol. Pendant quelques secondes, des étoiles dansent devant mes yeux et je suis à deux doigts d'abandonner. Mais la victoire est proche. Rewind est juste là. Je sais que si je faiblis maintenant, je ne le reverrai plus jamais.
Alors je lutte et pousse un cri alors que Lorcan se jette sur moi. Son haleine fétide vient s'écraser contre mon visage et sa sueur dégouline sur mes joues. Je retiens un haut-le-cœur alors qu'il ricane :
— Je me ferai un plaisir de te tuer en temps voulu. Et de te voler les derniers espoirs qui animent ton cœur de la même manière que mon père t'a volé ta vie.
Je me fige. Mes yeux se teintent d'une quelconque douleur et Lorcan saute sur l'occasion. Il éclate de rire, pensant que je vais fondre en larmes et le supplier de me laisser la vie sauve. Mais mon masque tombe. Ce qu'il ne sait pas, c'est que le seul espoir qui me maintient en vie, c'est lui. Rewind.
Mon visage se tord dans une grimace et je lui plante mon poignard dans son œil gauche. Il ne pare pas. Il n'a même pas vu venir le coup. Ils me croient tous faible. Son visage est si proche du mien et tout à coup si loin. Il pousse un hurlement avant de s'éloigner et se met à crier comme une fillette. Je me remets sur pieds pour découvrir que le bourreau n'est plus là. L'armée de Socrenia prend du terrain, il a bien fait de déguerpir. J'ignore les cris des soldats et les dernières prières de certains et me jette presque sur Rewind. Je lui dénoue ses liens d'un mouvement pressé et bientôt, son corps lourd me tombe dans les bras. Il grimace quand ma main se pose sur son dos et je n'ai pas d'autre façon de l'aider à avancer qu'en le tenant par les épaules.
Son dos meurtri est strié de marques rouges, abîmant sa peau autrefois d'une perfection inégalée. Je manque de fondre en larmes. Rewind est là, devant moi, en chair et en os. Blessé, mais là. Au milieu de la bataille, je m'arrête.
— Bianca, murmure-t-il, tu as été incroyable.
C'est plus fort que moi. Je le serre contre moi et au début, il semble un peu surpris mais il finit par se détendre. Sa tête repose contre la mienne alors que des cascades de larmes inondent ma peau et viennent mouiller la sienne.
— Je suis désolée, lui dis-je tout bas. Je n'ai pas réussi à te sauver. Ton dos...
— Ne t'en fais pas pour ça...
Il me doit des explications et l'un comme l'autre, nous le savons. Mais pour le moment, rien ne compte hormis ses bras me serrant contre lui et la chaleur de sa peau. Quelques heures auparavant, je le croyais mort. Et maintenant, alors que le soleil pointe à l'horizon, nos cœurs battent à l'unisson.
Nous nous séparons lorsqu'un cheval galope jusqu'à nous. Therys siège sur la selle et me tend la main comme pour m'indiquer de monter.
— Nous nous replions, le combat a assez duré. Une bonne partie des gardes d'Ecclosia est tombée. La moitié a fui. Il n'y a pas que des traîtres dans vos soldats, m'indique Therys. Montez maintenant.
— Faites monter Rewind, d'abord. Il a besoin d'aide.
Therys dévisage Rewind avant de grimacer. Il est mal en point, même plus que mal en point. Les mains toujours sur les rênes de son cheval, il m'indique :
— Delker, le capitaine de la garde royale d'Imir ne devrait pas tarder. Vous pourrez monter avec lui. En attendant, aidez-moi à le mettre en selle.
— Je peux y arriver seul, marmonne Rewind en me lâchant.
Sidérée, je le laisse monter seul sur le cheval, en grognant comme un âne. Bientôt, les deux me tournent le dos et s'en vont en selle. Un regard autour de moi suffit à me faire comprendre que la bataille est terminée. La plupart des soldats d'Ecclosia git au sol tandis qu'au loin, se profile toujours l'armée d'Imir. Tous les soldats sont en selle et je suis la seule pauvre idiote à rester cernée d'un champ de morts. Heureusement, le fameux Delker vient à ma rescousse.
— Montez, princesse.
C'est un homme d'une quarantaine d'années, la peau noire et le crâne rasé. Ses yeux sont d'un marron clair et il porte la barbe assez longue. Une certaine prestance se dégage de cet homme alors qu'il me tend une main que je saisis. Bientôt, nous traversons la place pour rejoindre les autres. Rewind est toujours en selle avec Therys et mes yeux cherchent Eileen et William. Mon cœur se met à battre frénétiquement dans ma poitrine alors que perds peu à peu espoir de les trouver.
Delker semble lire dans mes pensées. Il m'indique, avec un fort accent de son pays :
— Votre sœur est à l'avant en selle avec Brianna, une de nos plus fidèles soldates. Et Ander est juste derrière eux.
— Et qu'en est-il de William ?
Il prend une expression consterné au visage.
— Pris par l'ennemi, Votre Altesse. Nous mettrons un plan d'attaque pour le retrouver, là est l'objectif du souverain Therys.
Il parle étrangement mais je ne fais même pas attention. Mon cœur se serre. William s'est fait prendre. J'ignore comment et quand, mais il n'est plus là. Me dire qu'il va sûrement se faire exécuter me terrifie mais pas au même point que pour Rewind. J'étais dévastée quand il s'agissait de lui. Comme si une partie de moi s'était envolée. Pour William, c'est différent. Je ne saurais l'expliquer, mais mes sentiments envers ces deux hommes sont totalement opposés.
L'un fait partie de moi, ancré dans mon cœur à tout jamais, nos âmes liées par mille promesses. L'autre a tenté à de multiples reprises de me voler mon cœur, sans succès. Que je le veuille où non, je ne suis pas amoureuse de William.
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