Chapitre 24

Assise dans les tribunes, je triture de mes doigts la rose que je tiens entre les mains. Songeuse, je m'attarde un peu trop dessus, l'examinant dans les moindres détails. Des pétales vives et rougeâtres, et des épines que je m'amuse à planter dans mes mains. La douleur est lancinante mais je m'en fiche. Je suis une des seules assises ici et contre toute attente, Eileen ne m'a pas rejointe.

Il doit être dix heures passées et le tournoi devrait commencer d'ici une petite heure. Les invités sont déjà là pour la plupart, tous vêtus de leurs plus beaux vêtements. En bas de l'estrade, j'aperçois Victoria entourée de cinq autres filles et je les devine être ses sœurs. La plus petite doit bien avoir une dizaine d'années à peine et est d'une beauté à couper le souffle. En réalité, elles sont toutes magnifiques. L'aînée, Victoria, est occupée à parler avec une autre de ses sœurs qui lui ressemble trait pour trait. Tandis que les cadettes s'amusent à jouer avec Tic et Tac, je remarque Rewind en pleine discussion avec un homme que je devine être le père de Victoria. Il a l'air sévère, niché derrière son monocle en or.

Je n'ai pas encore aperçu William mais Therys est en bas à taquiner Lina et aux vues des regards que les deux se jettent, je les devine amoureux. Du mois si ce n'est pas de l'amour, il est clair qu'un désir plane entre eux.

Je dévie ensuite mon attention sur Eileen et Ander, en pleine discussion avec Irina et Julio leur tourne autour. Derrière eux, d'autres nobles arrivent. La plupart font seulement partie de la cour et on distingue les membres de famille royale à leur accoutrement. Des couronnes sur la tête, de longue capes, tous ont quelque chose qui les démarque. Je ne sais pas combien ils sont en bas, peut-être une soixantaine mais tout ce beau monde me fait peur. Sûrement parce que cette année, je participe et que tous les regards seront rivés sur moi à un moment donné.

C'est à ce moment précis que Sir Caster monte sur l'estrade, teste le micro puis ses yeux croisent les miens. Il ne se formalise pas et détourne le regard avant de quitter la scène. Il doit trouver ça étrange qu'une princesse comme moi reste seule dans les gradins, à méditer sur da vie et son futur.

Pile au moment où je reporte mon attention sur Eileen, celle-ci me fait de grands signes pour la rejoindre. Sauf que je n'en ai pas envie : Rewind les a suivi. Et il lève lui aussi les yeux vers moi. Je m'attends à ce qu'il cesse de me scruter mais il n'en fait rien. Une chose que j'apprécie particulièrement chez lui, est que lire dans son regard est la chose la plus simple au monde. Il ne cache rien, jamais. Il montre toujours qui il est, il a toujours été clair sur ses intentions et nous le savons l'un et l'autre.

Je me haïrais presque de le fixer en retour tant son visage exprime une colère noire. Il se contient, je le sens d'ici. Il bouillonne de l'intérieur et j'ignore la véritable raison de sa fureur. Est-ce parce qu'il m'a vu embrasser William hier ? Ou bien parce que je ne lui ai jamais montré mes sentiments ? Quoiqu'il en soit, je décide de me lever.

Comme je sens que tous me contemplent, je saisis à deux mains là robe blanche avec la grâce d'une fée et je descends les marches. Je replace une mèche blonde de cheveux derrière mes oreilles et déglutit légèrement alors qu'il me reste quelques marches à franchir pour les rejoindre en bas.

Je vois même Victoria se tourner vers moi et si j'étais assez courageuse, j'oserais leur adresser à tous mon plus beau sourire mais je n'en ai pas la force. Quand j'étais à Ecclosia, on disait de moi que j'étais un réel rayon de soleil. Une perle rare, une beauté pure et peut-être est-ce dû à la blondeur de mes cheveux, je n'en sais rien.

On dirait que ce temps est révolu.

Et lorsque je pose le pied sur la dernière marche, je glisse. Littéralement. Devant une foule d'inconnus, devant tous les nobles, bourgeois et devant la royauté. Je me vois déjà me casser la figure au sol, la tête la première dans l'herbe sauf que non.

Dans un mouvement aussi vite que l'éclair, Rewind s'avance et me rattrape. Son bras autour de ma taille et l'autre main me saisissait farouchement le bras, nos visages se retrouvent à quelques centimètres. Toute trace de colère a disparu sur son visage. Il ne bouge pas et je dois me faire violence pour couper court à nos jeux de regards.

Je toussotte, le repousse gentiment, lui adresse un sourire courtois puis déclare :

— Merci.

— Il n'y a pas de...

Je ne le laisse pas terminer et le plante là pour aller rejoindre Eileen qui n'a pas quitté la scène des yeux. Même Victoria me dévisage. Aucune trace de jalousie sur son visage, juste une curiosité brute qui me laisse perplexe.

— Te voilà enfin, Bianca ! s'exclame ma sœur. Qu'est-ce que tu faisais toute seule là-haut ?

Rewind nous rejoint après être passé chercher un gobelet aux stand et tout le monde reprend ses discussions.

— Je méditais.

— Tiens, c'est nouveau ça.

Mon cœur loupe un battement lorsque je relève les yeux vers Rewind. Aucune trace de malice dans son regard et pourtant, c'est une phrase typique que l'ancien lui aurait sorti. Il apporte le gobelet à ses lèvres alors qu'Eileen lui donne une tape en riant et me questionne ensuite :

— Tu méditais à propos de quoi ?

Je réfléchis à la question, me retient de balancer quelque chose de cru puis finalement, je me laisse aller. Ils l'ont tous très bien mérité.

— Je me suis demandée s'il était possible de tourner la page avec un abruti écervelé incapable de se retenir d'embrasser une fille qu'il n'a pas vu depuis un an, et ce en se sachant fiancé avec une autre fille.

J'ai sans doute parlé un peu trop fort. Eileen se fige, les yeux ronds et Ander éclate de rire. Rewind, lui, recrache la quantité de son gobelet sur mon corset, éclaboussant ma poitrine au passage.

— Je te demande pardon ? s'exclame Eileen.

À ce moment-là, j'ignore les conséquences de mes actes mais je me dis que je dois bien en parler pour avancer et tourner enfin cette fichue page.

— Et cette méditation a porté ses fruits ? demande Ander alors que Rewind s'étouffe à côté de moi.

— Oui, plutôt bien. Je me suis rendue compte qu'il ne fallait pas accorder de l'attention à des connards dans son genre.

— Bianca ! s'écrie Eileen.

C'est la colère qui a parlé. Je ne sais pas d'où elle me vient. Sûrement parce que je sais que je n'aurai jamais ce que je désire, sûrement parce que je le sais fiancé à une autre.

Rewind finit enfin sa crise de suffocation et me fixe, bouche bée. Sa mâchoire en tomberait presque. Son visage est tout rouge et il tire sur le col de sa chemise pour reprendre un peu d'air.

— Comment oses-tu ?

— Je t'aide à assumer tes actes, rétorqué-je. Maintenant qu'Eileen et Ander connaissent la vérité, ce sera plus facile de l'annoncer à ta petite fiancée.

Il me fusille du regard comme il ne l'avait jamais fait.

— Tu es d'une puérilité aberrante, Bianca ! s'exclame Eileen.

— J'ai trouvé ça plutôt drôle, rajoute Ander en me faisant un clin d'œil.

Je souris, satisfaite. Au moins, il y en a qui a aimé le spectacle.

— Non, c'était immature.

— Je m'en fiche complètement de ce que tu peux penser, Eileen. Cet abruti a décidé de m'embrasser l'autre soir et n'assume même pas les conséquences de ses actes. Maintenant, permettez-moi d'aller me nettoyer après que cet idiot m'a craché dessus !

Et je pars en trombe. Notre discussion est sans doute passée inaperçue car aucun noble ne fait attention à nous. Je traverse le jardin de coquelicots en atteignant directement le palais, la rage au ventre.

Je sais pertinemment ce que j'attends. J'attends qu'il raconte tout à Victoria puis que celle-ci décide de rompre leurs fiançailles et puis ainsi, peut-être que Rewind reviendrait enfin vers moi. Ça n'arrivera sûrement jamais car il n'avouera jamais sa bêtise à Victoria. Et pourtant, serais-je prête à le faire moi-même pour avoir une chance de le récupérer ? Il me haïrait pour le restant de mes jours.

Lassée, je monte les marches du palais jusqu'à rejoindre directement ma chambre. En rentrant à l'intérieur, je me fige sur le seuil de la porte. Sur mon lit figure un bouquet de roses fanées, des roses complètement noires. Méfiante, je m'approche et saisis le bouquet, l'air dégouté. Les pétales tombent une à une sur mon lit, le recouvrant de taches noires et je reste bloquée dans l'incompréhension.

Et lorsque je retourne le bouquet, j'y découvre une petite carte accrochée. Je redoute le pire, sincèrement. Je retourne le bout de papier pour y découvrir un mot :

Le bouquet te plaît ? Je l'ai cueilli expressément pour toi.

- E

Et mon cœur s'arrête brusquement. Il n'y a qu'un seul psychopathe sur terre capable de faire ça. Le seul problème, c'est qu'il est supposé être mort.








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coucou ! j'espère que vous allez bien ?

le début des péripéties va bientôt commencer et d'ici 2-3 chapitres le tournoi commencera pour de bon :)

les chaps 25 et 26 sont déjà prêts alors j'en posterai un demain ^^

Bizz bizz

❤️

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