Chapitre 18

PDV Rewind

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— Non, mais écoute-moi. J'opterai plus pour un lilas qui s'accordera parfaitement avec ma robe de mariée. Le blanc est démodé, tu devrais le savoir.

Pour clôturer ses propos, elle pique une olive qui finit directement dans sa bouche. Je la regarde faire, l'air pensif.

— Le blanc est très bien, je trouve. On devrait plutôt rester discret que de...

Elle me coupe en faisant un vague signe de la main puis réplique avec un immense sourire :

— Laisse-moi m'occuper de ce mariage, chéri. Tu en fais déjà beaucoup trop au sein du palais.

Puis elle me donne une légère tape sur l'épaule, dépose un baiser sur ma joue et s'en va discuter avec nos invités, plus particulièrement Eileen et Ander. Celle-ci l'observe pendant qu'elle discute et je me mets moi-même à les fixer comme un taré. Je vois qu'Eileen réfléchit à mille à l'heure, elle est sûrement en train de se demander si Victoria est une bonne fille et en vu du sourire qui se dessine sur ses lèvres, la réponse est plutôt favorable.

J'ai connu Victoria grâce à ma grand-mère qui nous a arrangé un rendez-vous amoureux il y a bientôt huit mois lorsque nous étions de visite à Arthen. J'étais encore à bout des derniers événements et je ne dormais plus la nuit. J'en venais à faire des cauchemars, à revivre sans cesse mon départ. Mais la seule chose qui m'empêchait réellement de dormir, c'était elle. C'était d'épais cheveux dorés et deux pupilles bleutées qui me fixaient dans mes songes.

J'ai eu du mal à avancer, du mal à l'oublier. Mes nuits n'étaient rythmées que par son corps et son visage qui m'appelait, me soudoyait. Certains diraient que c'est idiot et que je me comporte comme le dernier des imbéciles, mais ces émotions-là ne se contrôlent pas. Je n'ai jamais repoussé mes sentiments, j'ai toujours accepté de ressentir et de vivre réellement mais avec elle, je n'y arrive plus. Je me suis pris une déferlante de solitude en rentrant à Imir, un manque irremplaçable.

C'est donc pour cela que j'ai eu besoin de clôturer. Pierre par pierre, je me suis édifié un mur, j'ai construits mes remparts et protégé mon palais. Victoria a su se montrer utile lors de sa conception et après deux mois à parler, et à s'apprécier, je l'ai demandé en mariage. Enfin, ma grand-mère m'y a poussé plutôt. Elle m'a dit que je devenais vieux et que bientôt, plus aucune fille ne voudrait de moi. Elle ment bien évidemment, j'ai un charme irrésistible. Il est évident qu'elle a atteint un âge où elle ne peut plus rien courtiser et où ses seules occupations restent de draguer Tic et Tac. Alors la jalousie parle.

— Tu vas rester longtemps à fixer le vide, comme ça ?

Je relève vivement la tête vers Eileen, au bras d'Ander qui se joignent à moi. Je fronce les sourcils et réplique d'un ton plus que méprisant :

— Je ne fixe pas le vide, enfin. Je méditais quant à la conduite méprisable d'Ander.

Ce dernier me fusille du regard et avant même qu'il puisse rétorquer, Eileen intervient :

— Bon Dieu, tu n'as que sa conduite à la bouche !

— J'ai encore des séquelles. Enfin, j'ai vu que vous étiez venu ici avec un chauffeur. Heureusement pour vous, vous auriez fini dans un fossé avec un...

— C'est toi qui dis ça alors que l'année dernière tu bougeais le volant sur une route parfaitement droite ? intervient Eileen en riant.

J'aime son rire. Eileen est une vraie bouffée d'oxygène pour moi. Les dernières semaines, je n'ai entendu que le mariage à la bouche de tous mes proches. Ils me posaient des centaines de questions auxquelles je n'avais aucune réponse.

Et puis, Eileen est enfin arrivée. Elle m'a manqué, pas autant que Bianca pendant une année mais cela reste suffisant pour que sa présence soit maintenant un réconfort. Ander aussi m'a manqué, même si je préférerais mille fois me faire dévorer vivant par Tic et Tac plutôt que de le lui avouer.

— Bon, et sinon... Allons discuter un peu !

Eileen lâche le bras d'Ander et saisit le mien et un immense sourire se peint sur mes lèvres lorsqu'il nous regarde, l'air scandé.

— Je reviens vite, mon amour ! sourit Eileen.

— Ou pas, rajouté-je.

Et je lui lance mon plus beau clin d'œil juste pour l'énerver. Cela fonctionne puisqu'il se mord les lèvres, l'air hargneux. Eileen et moi commençons alors à marcher dans le jardin et je dois me faire violence pour ne pas chercher Bianca du regard.

— Tu nous as manqués à tous, tu sais, lance-t-elle. En particulier à Bianca.

— J'en doute fort. Elle m'a bien fait comprendre l'année dernière qu'elle ne viendrait jamais à Imir.

La peine se retranscrit dans ma voix et je m'en veux d'être aussi atteignable. Je ne suis pas aussi fort qu'Ander pour cacher mes émotions. Lui est un mur de pierres. À part quand il me fusille de ses yeux, mais ça c'est un détail.

Eileen et moi empruntons alors un petit chemin perdu entre les rochers, et donnant une vue parfaite sur la mer. Quand Victoria n'était pas collée à moi ces derniers mois, j'allais souvent sur la plage avec les chiens et puis, je me perdais tout simplement. Je fermais les yeux pour rêver d'une autre femme qui serait en ce moment même dans mes bras. Je me mettais à croire que Bianca viendrait pour moi, qu'elle me dévoilerait ses sentiments et qu'elle me crierait haut et fort à quel point elle m'aime. Je m'imaginais passer mes doigts dans sa chevelure, poser ma bouche sur la sienne et lui chuchoter dans l'oreille qu'elle est ma limace préférée.

Et puis je rouvrais les yeux. Retour à la réalité. Brusque et intense. Sans détour possible, tout n'était que le fruit de mon imagination. J'ai continué à me faire du mal les jours suivants de la même manière et je continue aujourd'hui de le faire.

— Tu connais Bianca, tu sais comment elle est. Il faudrait déplacer des montagnes pour qu'elle veuille bien te lâcher un compliment, ou bien même un début de sympathie.

Le vent souffle en rafales sur mon visage et je contracte la mâchoire. Je n'ai plus envie de penser à elle. Il faut que j'avance, que je me détache de tout ça. Je vais bientôt épouser Victoria et je suis là à attendre une femme qui ne voudra jamais mettre sa fierté de côté pour moi. Et puis, de toute manière, il est déjà trop tard.

— Je pense que tu ne t'es pas assez battu pour elle, ajoute Eileen d'une voix hésitante.

Elle lève la tête vers moi, ses yeux me scrutant avec regret. Alors je réplique, d'un ton calme :

— J'ai attendu des semaines pour elle, Eileen. Je suis allé avec vous la chercher à Ecclosia, je suis resté des nuits entières à parler de tout et de n'importe quoi. Je lui ai demandé de venir avec moi à Imir. J'aurais fait n'importe quoi pour l'avoir, j'ai tué pour elle. Et je ne me suis pas assez battu ?

Alors elle s'arrête, pousse un soupir puis finit par avouer :

— Bianca ne va pas bien. Elle se griffe les bras à sang, j'ai vu des cicatrices sur ses jambes. C'est comme ça depuis l'année dernière et ça n'a pas changé.

Et je ne sais pas pourquoi, mais ça me fend le cœur en deux. Ça me prend sur place, comme une décharge électrique. De savoir qu'une personne que vous aimez de tout votre cœur va mal. Et de se sentir impuissant. Parce qu'au final, je ne fais plus partie de sa vie.

— Pourquoi ?

— C'est ce que je cherche à savoir depuis que tu es parti, avoue-t-elle. Elle ne veut pas me parler, elle se renferme sur elle-même et j'ai peur que... j'ai peur de la perdre, Rewind. J'ai peur qu'elle fasse une bêtise.

— Je ne peux plus rien pour elle, Eileen. Je suis fiancé à Victoria et je l'aime. Bianca n'est plus qu'un souvenir pour moi.

— Mais tu ne peux pas l'abandonner dans cet état, tu ne...

Elle ne finit pas sa phrase. Ses yeux se mettent à briller et elle ouvre la bouche comme pour ajouter quelque chose mais n'en fait rien. Elle est aussi impuissante que moi, je le sens.

— J'ai tourné la page depuis bien longtemps, déclaré-je d'un ton neutre. Tu dois accepter mon choix.

— Tu ne peux pas tourner la page alors que tu n'as même pas fini d'écrire la fin du chapitre ! Elle a besoin de toi, Rewind. Elle ne se l'avouera jamais mais tu comptais énormément pour elle.

— C'est terminé. Tout est terminé. Elle s'en sortira mieux avec vous. J'ai commencé ma nouvelle vie et tu ne peux pas me demander de tout abandonner pour ta sœur. Elle s'en sortira, mais je ne serai pas là pour l'aider.

Je me déteste. À chaque mot sorti de ma bouche, à chaque mensonge prononcé, je me hais encore plus. Je veux Bianca. Je la veux plus que quiconque sur terre, plus que toutes les femmes qui ont déjà croisé mon chemin. Elle s'est insinuée dans mes veines, elle a propagé son poison dans mon cœur et elle continue de me faire souffrir à chaque seconde qui s'écoule.

Et je sais parfaitement que je n'aurais jamais vraiment tourné la page. Que quelque part, elle sera toujours inscrite au fer dans ma poitrine et que quoiqu'il arrive, mon âme lui sera toujours dévoué. Mais que puis-je faire contre son poison mortel ?

Cela fait à peine quelques heures qu'elle est là et mes pensées se montrent déjà confuses. J'étais prêt, je pensais l'avoir effacé de ma mémoire mais il aura suffit de revoir son visage pour que tout bascule. Il aura fallut de quelques mots dits par Eileen pour que je me déteste encore plus qu'hier et moins que demain. Je vais m'en vouloir, et d'ici des jours ou bien des semaines, les remords vont me fusiller sur place.

Je veux Bianca, je la désire et je ne l'ai jamais oublié. Mon cœur sera incapable de renoncer à elle mais je dois retrouver la raison. Je suis fiancé, je vais me marier. Je dois avancer, c'est le seul moyen d'avoir une vie stable.

— Je t'en prie, Rewind...

Nous sommes maintenant en train de revenir au jardin et Eileen s'agrippe à mon bras, l'air désespérée.

— Si tu n'agis pas directement, tu peux au moins m'aider... Elle a besoin de toi. J'ai besoin de toi.

Je relève la tête. Au loin, Bianca est adossée contre un arbre et William se trouve juste à côté d'elle. Il a la tête penchée sur elle et lui dit des mots qui la font sourire.

Elle a troqué ses anciens vêtements pour une robe jaune qui met parfaitement en valeur chaque courbe de son corps. Ses cheveux se soulèvent au vent et une jalousie implacable me saisit lorsque j'imagine William se penchant pour capturer son odeur. Il la désire, je le lis dans ses yeux. Il la dévore du regard comme Ander le ferait pour Eileen et cela suffit à me mettre en rogne.

Et puis, lorsque son rire éclate dans le jardin, je la ressens. La douleur, encore plus vive que d'ordinaire. William est en train de la draguer ouvertement et Bianca rentre dans son jeu. Le ferait-elle exprès pour me rendre jaloux ?

Ce n'est que lorsque ses yeux balaient l'horizon et qu'elle croise les miens, que je réalise que non. Son sourire se fige, finit par s'effacer et son beau visage se ternit. Elle tourne la tête vers William en se renfrognant.

— Tu n'as pas besoin de moi, Eileen, lancé-je alors d'un ton amer.

Elle me fixe, l'air perdue.

— William l'aidera.

— Mais William n'est pas toi.

— Il représente déjà beaucoup pour Bianca, j'en suis sûr. Et comme je te l'ai dit, je suis fiancé. Ses affaires ne me regardent pas.

Je me détourne d'Eileen, prêt à aller rejoindre ma fiancée lorsqu'elle me retient de nouveau :

— Tu aimes Victoria au moins ? Ne prétends pas avoir les mêmes sentiments envers elle que ceux pour Bianca.

Je me retourne une dernière fois et je clôture notre discussion :

— Victoria ne me fait pas souffrir, Eileen. Ce n'est pas parce que je refuse de revenir au chapitre précédent que j'efface totalement ce que j'ai éprouvé pour Bianca. Mais je me dois d'avancer.

Et sans un mot de plus, je m'en vais rejoindre Victoria.








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hey hey

J'ai clairement adoré écrire ce chapitre, et je pense faire + souvent de pdv Rewind à l'avenir

n'hésitez pas à laisser vos impressions pour ce chapitre, la suite devrait sortir bientôt

bizz bizz

❤️

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