Chapitre 45

La course à pied n'a pas été un grand succès. Je me suis rétamée tout le long de l'épreuve et c'est bien évidemment Cecilia qui a gagné, sans une goutte de sueur, levant les bras au ciel, l'air fière d'elle. Son attitude a bien changé depuis l'épreuve de tir à l'arc.

Rewind a gagné de justesse contre Ander une seconde fois et il ne semblait pas contrarié cette fois-ci. Il lui a juste serré la main, intimant un "bien joué" et les épreuves ont continué. Il y a eu une épreuve culture générale et c'est une fille nommée Cassandra, il me semble, qui l'a remportée. Côté princes, Rewind a un peu trop sur-estimé ses capacités et c'est Ander qui l'a battu, suivi de près par Zleden. Au final, le tournoi est assez serré entre notre duo et celui d'Ander et Cecilia.

Il ne reste plus que l'épreuve équestre et le Jeu des Roses sera clôturé. Rewind m'a assuré une nouvelle fois être un excellent cavalier, et qu'il aurait fait du cheval pendant plus de dix ans. Je n'y crois pas trop. Juste en le voyant sur une selle, je ne lui fais pas confiance. L'épreuve va commencer pour eux dans une trentaine de minutes environ et ils sont tous en train de s'échauffer.

Moi, je suis assise aux côtés de Bianca et Arynn sur un banc un peu plus loin. L'épreuve consiste à finir la course le plus vite possible et cela comprend d'emprunter le chemin boueux où je suis tombée la dernière fois. Autant dire que personnellement, j'ai un peu peur.

— Ander va tous les battre, assure Arynn. Il fait du cheval depuis une dizaine d'années et il a remporté des grands prix prestigieux.

Surprise, je tourne la tête vers elle. Elle dévisage son frère, l'air admiratif.

— Il aime ça ? l'interrogé-je.

Elle rit et s'exclame :

— C'est l'une de ses plus grandes passions ! Depuis tout petit il était toujours là à caresser les chevaux comme un grand amoureux de la nature.

C'est à ce moment que je réalise que je ne le connais absolument pas. À part son intérêt pour la politique et sa passion pour les chevaux, je ne sais même pas tout de sa vie. Et cela me désole, j'aimerais tellement en apprendre plus sur lui.

Arynn se tourne vers moi et c'est à ce moment que Cecilia s'avance vers son frère au loin. Elle l'appelle et Ander tire sur les rênes pour stopper son cheval.

— Ander l'aime toujours, tu penses ? dis-je à l'intention d'Arynn.

— Il l'a aimé mais ce sentiment est révolu, affirme-t-elle. Quand Ander tire un trait sur quelque chose, il suit son idée jusqu'au bout.

Je soupire. Il ne voudra plus jamais de moi.

— Et non, Eileen, il n'a pas tiré un trait sur toi !

— Il l'a lui-même dit...

— Il m'a parlé peu avant que le tournoi commence. Et je pense que vous devriez tous les deux mettre les choses à plat.

— Mais il ne veut même pas m'écouter !

Je suis lassée. J'ai l'impression que cela dure une éternité et que jamais les choses ne redeviendront comme avant. Bianca s'agite à côté de moi. Ses yeux sont posés sur Rewind qui chevauche tranquillement son cheval.

Je me penche vers elle et souffle :

— Vous avez parlé ?

— Un peu. Il a menti sur le fait d'aimer les hommes et je ne lui fais pas confiance. Il peut très bien mentir sur d'autres choses.

— Pourquoi a-t-il menti ? Tu lui as demandé au moins ?

Elle hausse les épaules et fait la moue. J'ai l'impression que depuis qu'elle est arrivée à Lucrenda, elle est plus triste et je ne comprends pas. Elle devrait être contente puisqu'elle n'aura pas à épouser Lord Herndon.

— Il a juste dit que comme ça, les femmes ne tentent pas de le courtiser et sa grand-mère n'interprète rien. Elle est impatiente qu'il se marie et cherche de bons partis.

Je pousse un soupir. Relevant la tête, j'aperçois Ander qui descend de son cheval. Il sort du terrain dédié à l'échauffement et je fronce les sourcils lorsqu'il rejoint Cecilia. Elle lui intime quelques mots puis le tire par le bras. Et moi, je me lève. Je ne sais pas trop ce que je fais, mais j'abandonne Arynn et Bianca pour aller directement retrouver le duo.

Ils sont rentrés dans le palais et c'est plus que suspect. Tenant ma robe des deux mains, je gravis les marches assez rapidement et passe les grandes portes. Je ne sais pas où ils sont passés et j'ignore ce que je m'apprête à faire. Je ne sais même pas ce que je fais là. Alors j'emprunte un couloir, puis un autre puis je finis par me perdre et j'ai envie de pleurer.

Je me retiens, descends les escaliers et retourne au point de départ. Le silence règne dans le palais et je pourrais presque entendre ma propre respiration. Levant la tête, je dévisage l'immense lustre trônant en plein milieu du plafond. Mon regard s'éloigne sur une porte un peu plus loin que je n'ai pas encore ouverte. J'avance, peu sûre de moi.

La porte débouche sur un immense couloir peu éclairé, même pas du tout. Le sol est humide, les bruits terrifiants. On dirait une sorte de passage souterrain et j'hésite à avancer. Je vais probablement me perdre à tout jamais, je ne retrouverai pas Ander et je mourrai de faim, dévorée vivante par les rats. Cependant, je m'aventure.

J'ai à peine fait deux mètres que des pas résonnent comme un échos dans le couloir derrière moi. Effrayée –il m'en faut peu pour avoir peur–, j'accélère ma marche et les pas s'accélèrent eux aussi. Ce sont sûrement Ander et Cecilia qui sont venus pour se bécoter en secret et rien qu'à cette idée, j'ai envie de vider toute l'eau de mon corps.

Et alors que je me perds dans les profondeurs du couloir, une main se referme autour de mon avant-bras. Cela pourrait très bien être Cecilia avec une machette, venue pour m'assassiner. Cela pourrait aussi être Sebastien ou bien un tueur à gage devant rapporter ma tête sur un pique.

— Eileen, qu'est-ce que tu fais là ?

Mais non, c'est Ander. Je vois à peine son visage, je remarque juste qu'il est beaucoup trop proche de moi. Il lâche mon avant-bras alors que je réponds :

— Je me suis perdue, je crois.

— La porte n'était pas censée être visible. Elle est cachée par la tapisserie, d'ordinaire.

Un silence s'écoule et j'entends sa respiration, je sens son souffle proche du mien. Je tente alors :

— Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je fuis Cecilia.

Second silence. Durant lequel j'essaie de calmer mon rythme cardiaque. Tentative ratée. Je le vois s'adosser au mur et je suppose que nous allons avoir une discussion dans cet endroit peu glamour, rempli de souris et d'eau dégoûtante.

— Elle me presse, soupire-t-il, elle parle de mariage ou de divers sujets stressants et ce n'est pas quelque chose que j'imagine pour le moment.

— Pourtant nous étions supposés nous marier, répliqué-je.

Je m'adosse au mur en face de lui et un petit mètre nous sépare.

— Ce n'est pas pareil, rétorque-t-il, glacial.

— Alors explique-toi !

— Je ne m'expliquerai pas avec toi, je m'en vais, d'ailleurs !

Ah, non ! Pas encore. Il s'apprête à me laisser toute seule avec les rats quand je le retiens, et le repousse contre le mur.

— J'en ai plus que marre de ton comportement d'enfant ! Nous devons avoir une discussion sérieuse entre adultes alors tu vas m'écouter, t'expliquer et nous allons ainsi régler le problème.

— Il n'y a aucun problème !

— Bien évidemment que si !

Un filet de lumière s'échappe par la porte au loin et vient éclairer son visage. Il se renfrogne puis croise les bras sur son torse. Il se comporte vraiment comme un enfant de cinq ans.

— Toi d'abord, réplique-t-il.

Ah, génial ! Je vais enfin pouvoir tout lui déballer. Prenant mon courage à deux mains, j'inspire profondément. Je n'ai rien à perdre de toute manière.

— Déjà, commençons par le commencement. Je n'ai jamais voulu embrasser Sebastien ! Et...

— Tu l'as pourtant embrassé.

Je vais me tuer avant d'avoir fini mes explications. Au soupir que je pousse, Ander comprend que j'ai besoin qu'il soit sérieux.

Il me regarde longuement puis avoue à voix basse :

— Je sais que tu n'as jamais voulu l'embrasser. Au début, j'ai réellement pensé que tu t'étais jeté sur lui mais quand j'ai vu que... Quand je t'ai vu pleurer, je t'ai cru.

— Alors pourquoi tu n'es pas revenu ? C'est totalement injuste, pendant tout le tournoi je me sentais mal à tes regards et au fait que tu ne m'adresses même pas la parole, qui plus est quand tu étais collée à cette pimbêche ! Et toi, tu ne... Tu...

Ma voix se brise et Ander s'avance d'un pas, hésitant.

— Tu ne sais même pas ce qu'elle m'a dit, Ander, soufflé-je. Tu ne sais même pas que j'étais à deux doigts d'exploser quand elle me sortait des débilités en tout genre pendant l'épreuve du tir à l'arc.

— Qu'a-t-elle dit ?

Il revient à sa position initial, beaucoup trop loin de moi et je hausse les épaules.

— Des choses.

— Eileen, nous devons avoir une discussion d'adultes, tu l'as toi-même dit. Parle-moi...

— Que tu ne m'aimes pas, que tu ne m'aimeras jamais, que tu lui appartenais déjà depuis longtemps.

Et je sais qu'à ce moment, je dévoile une partie de mes sentiments. Quelque chose se décroche en moi et vient directement se poser dans les mains d'Ander.

— Et ça t'a blessée ?

Il s'avance et moi j'ai cessé de respirer depuis un bon moment. J'essaie de faire le tri entre ce que je ressens et ce que je suis supposée dire mais j'ai peur. Peur de me faire remballer, peur que tout cela ne soit pas réciproque.

— Tu l'as crue ?

Sa main vient effleurer mon cou. Du bout des doigts, il touche mes cheveux.

— Je ne sais pas...

— Tu ne devrais pas.

Il comble la distance et moi, j'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes pieds lorsque je suis prise au piège entre le mur et son torse. Sa chaleur corporelle vient se mêler à la mienne et ses doigts continuent leur descente le long de mon cou.

— Je suis en train de rêver.

Je cligne plusieurs fois des yeux. Je m'imagine, sortant de ma rêverie, un sentiment de déception envahissant mon être. Mais rien ne se passe. Mon cœur s'affole toujours autant au contact de la main d'Ander.

— Tu ne rêves pas, Eileen.

Et sa bouche se pose sur ma joue. J'ai l'impression d'imploser de l'intérieur mais que la moindre partie de mon corps est congelé. J'ai l'impression d'être aussi libre que l'air mais à la fois emprisonnée dans ma bulle.

— Si, je rêve, dis-je, têtue.

Il marmonne dans mon oreille et vient coller son corps contre le mien. Je pensais découvrir Cecilia et Ander en peine séance de bécotage et c'est maintenant moi qui suis dans les bras d'un prince.

Ander vient déposer quelques baisers humides dans mon cou et je me rends compte que jusqu'ici, j'avais retenu mon souffle. J'essaie de me détendre, en vain. Alors je panique. Et je le repousse un peu.

Il relève la tête surpris et me voit au bord de l'agonie.

— L'air est gratuit, tu sais, réplique-t-il d'un ton moqueur.

— Ahah, très drôle. Et je croyais que tu ne me courtiserais pas ?

Il repart se coller à moi sans même me laisser reprendre mon souffle. Il se penche vers moi, sa main sur mon visage, l'autre perdue sur mon corps. Il dépose un rapide baiser sur mes lèvres puis s'écarte.

— Je ne te courtise pas, je t'embrasse. Nuance.

Puis il reprend :

— Enfin, je tentais de t'embrasser jusqu'à ce que tu me repousses.

— Je te signale qu'il y a deux heures à peine tu me disais ne plus jamais vouloir me voir.

Il soupire en passant sa main sur son visage et je comprends que j'ai brisé le moment. Et je regrette. Je m'approche de lui, lève la main pour toucher sa peau brûlante et me hisse sur la pointe des pieds. Déposant un baiser chaste sur ses lèvres, je recule par la suite.

Un moment s'écoule durant lequel nous nous fixons dans le blanc des yeux. Et n'y tenant plus, il saisit mon visage en coupe et m'embrasse brusquement. Mon dos heurte le mur alors que sa bouche explore la mienne en même temps que ses mains se baladent sur mon corps. Nos respirations haletantes se mêlent et s'entremêlent pendant que ses lèvres capturent les miennes et le temps semble s'être arrêté.

L'expression "avoir des papillons dans le ventre" prend enfin tout son sens et j'essaie de suivre mais Ander va trop vite, il est pressant, comme si m'embrasser était quelque chose qu'il se retenait de faire depuis longtemps. Ses lèvres se joignent aux miennes dans une parfaite osmose et ses mains descendent sur ma taille puis sur mes hanches et m'attirent à lui.

Et en même temps qu'il s'écarte quelques secondes le temps de reprendre nos souffles, la corne de brume retentit dehors, annonçant le début de l'épreuve.

Ander recule, me fixe puis jure :

— Merde !





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Hey hey hey

Bon j'espère que ce chapitre vous a plu, comme d'habitude. J'ai bien aimé l'écrire, même si les descriptions d'amour etc c'est pas vraiment mon fort 😭 (oui la fille écrit des romances dans savoir décrire lol)

Comme on arrive bientôt à 50 chapitres, je voulais savoir si jusqu'ici vous aviez remarqué des incohérences, ou des choses qui vous paraissent un peu bizarre, des persos qui vous intriguent plus que d'autres etc...

(n'hésitez pas à répondre ça pourrait m'aider pour le développement et la suite de l'histoire)

Le prochain chapitre sortira aujourd'hui encore je pense ^^

Bizz bizz

💓

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