Chapitre 5
La salle s'est vidée peu à peu. Même Anthos et Nethan m'ont abandonnée. Seuls mes prétendants sont restés, tous se refaisant une beauté. Je ne compte même plus le nombre ayant passé la main dans leurs cheveux, soufflé dans leurs mains pour sentir leur haleine et j'en passe. Comme si j'allais en épouser un sur le champ.
Lasse, je les observe un à un. Il y en a au moins des dizaines. Or, seuls vingt seront acceptés. Et je me demande bien sur quels critères ils seront choisis. Certains ont plus de cinquante ans... Même plus vieux que Père ! Il est hors de question que j'épouse un vieillard.
— Bien, commençons ! s'extase Père en s'installant confortablement sur son trône.
— J'ai un mot à dire, j'interviens.
Je me lève, défroisse les plis de ma robe et m'apprête à m'adresser à toute cette ribambelle d'hommes. Mais les portes s'ouvrent de nouveau et d'autres font leur apparition. Je serre les dents mais manque de me décomposer en apercevant la silhouette de Darren.
Il arbore cette fois-ci un air innocent au visage en rejoignant le groupe. Mais ce n'est pas tout. Derrière lui, il y a pire. Jameson. Je vais faire un arrêt cardiaque.
— J'espère que c'est une supercherie.
Jameson et moi avons eu une sorte d'histoire il y a de cela quelques années. Mais nous n'étions pas compatibles. C'est à peine si nous parlions la même langue ! Quoiqu'il en soit, nous nous sommes fréquentés quelques jours avant que je décide de fuir loin de lui. J'ai toujours été terrifiée par l'amour. Et quelque part, j'avais peut-être peur de m'ouvrir à lui.
Et il a maintenant le culot de débarquer ici. Je me retiens de descendre pour aller le baffer.
Au lieu de cela, je l'ignore et reporte mon attention ailleurs. Darren qui vient de plisser les yeux. L'expression de mon visage a sûrement été assez explicite pour qu'il devine que quelque chose me met en rogne.
— Bien, puisque tout le monde est là, je me permet d'ors et déjà d'afficher mes critères. Tout ceux ne les respectant pas peuvent sortir de la pièce.
Mon père fronce les sourcils.
— Reyna, nous choisissons ensemble.
Je me tourne vers lui et rétorque :
— Quelqu'un vous a-t-il fait choisir Mère ? Pas à ma connaissance. Alors si je suis destinée à être le cœur de cette année, permettez de me laisser mener ce jeu comme il me chante.
Mère sourit, une lueur fière dans les yeux. Père, lui, lève les mains en signe de rédemption.
— On croirait entendre ta mère, marmonne-t-il.
Je l'ignore et descends les quelques marches qui me séparent de mes potentiels prétendants. J'ai l'impression d'être une brebis au milieu des loups.
— Rangez-vous correctement. Vous n'êtes pas des animaux.
Je crois bien que j'en terrifie certains puisque la plupart détournent le regard. Sous mes ordres, ils se séparent en deux carrés de rangées distinctes. La tête relevée, le dos droit, mains jointes dans le dos, je passe devant eux.
— Vous écouterez bien tous mes critères avant de vous décider ou non à rester dans cette pièce. Si vous restez, vous estimez être digne de m'épouser. Et sachez que je n'accepterai pas n'importe qui.
Je passe entre les rangées, croise le regard d'un type aux yeux bleus. Je garde un air froid au visage ce qui le fait détourner la tête.
— Mon premier critère se base sur l'âge. Tout ce qui dépasse la barre des trente ans n'est pas admissible. Il est bien hors de question que j'épouse un vieux rat fripé.
— Reyna ! me réprimande Père depuis son trône.
Je lève la tête et lui offre un sourire innocent. Mère, à côté, est hilare. J'ai l'impression d'être le divertissement du jour.
— Le critère de l'âge est éliminatoire. Le reste que je vais maintenant vous proposer sera à votre convenance. Si vous estimez que vous ne marquez pas de points dans ce que j'énoncerai, la porte vous attend.
Je passe entre les deux carrés de rangées et fais volte-face. Je croise le regard de Darren qui garde les yeux plantés dans les miens, un air amusé au visage.
Le rouge me monte aux joues mais je l'ignore. Au lieu de cela, je m'éloigne de lui pour passer devant les autres.
— Je recherche quelqu'un de respectueux et à l'écoute.
— C'est tout moi ! À moi la princesse ! s'amuse un type sur ma droite, ce qui fait rire ses copains autour de lui.
Je me plante devant lui, et de ma petite taille, lève la tête.
— Déclinez votre identité.
Ma phrase préférée.
À mes mots, un émissaire accourt jusqu'à nous, saisit un parchemin et tonne haut et fort :
— Son Altesse Royale Archer Dwington de la province de Seol !
— Je pensais qu'Archer serait capable de se présenter seul mais visiblement il n'a pas toutes les capacités intellectuelles pour se servir de sa langue correctement.
Des rires résonnent dans la salle. Archer devient tout rouge sous mes mots et je poursuis :
— Archer, l'humilité est une qualité que je recherche aussi chez un homme. Je suppose que cette fois-ci, vous saurez faire bon usage de vos neurones restants pour vous diriger vers la porte.
D'un signe de main, je l'invite à s'en aller. Ce qu'il fait.
— Reyna, ce n'est pas de cette manière que tu trouveras chaussure à ton pied, tonne Père.
— Laisse-la faire, Rewind, s'agace Mère. Elle n'a d'ordre à recevoir de personne.
De nouveau, il lève les mains en l'air comme si Mère était une sorcière l'ensorcelant de sa voix.
— Bien. L'incident clos, je poursuis. Je ne veux pas d'un fanfaron comme cet Archer. Je ne veux pas non plus un petit garçon manquant de confiance en lui. Je ne suis pas celle qui vous fera prendre conscience de votre valeur. Je veux quelqu'un de réfléchi. Et de patient.
Je continue d'avancer. M'arrêtant devant Jameson, je lâche :
— Je ne veux pas de lâche dans ce tournoi. Ni d'ex.
Jameson déglutit. Tant mieux pour lui. Arrivant au dernier rang, je me poste devant Darren, de profil.
— Je ne veux pas d'un intrus. Et d'un fouineur. Ni de quelqu'un qui se permet ouvertement de m'agresser.
Darren lâche un rire et je lève la tête vers lui. Il doit savoir que si je fais cela, c'est la porte.
— Déclinez votre identité.
Il ne sourit plus mais ses yeux brillent toujours de cette lueur d'amusement.
— Darren Heackart.
Tiens tiens. Darren Sans Nom n'est plus sans nom !
— C'est de moi que vous riez de la sorte, Darren ?
— Je ne me permettrais jamais de rire de vous, Votre Altesse. Je trouve simplement cette situation quelque peu comique. Vous, établissant vos critères –à juste titre d'ailleurs–, nous, écoutant sagement. Enfin... La plupart ne regroupe aucune des qualités que vous venez d'énoncer.
— Et pensez-vous, Darren, que vous regroupez toutes ces qualités ?
— Je ne le pense pas, Votre Altesse. J'en suis convaincu.
Père s'exclame sur son trône :
— J'aime bien ce petit !
— N'interfère pas, grogne Mère.
— Je pensais avoir fait passé le message, je réplique. L'humilité est une qualité primordiale chez mon futur époux.
— Et la confiance en soi faisait aussi partie de vos critères. Où pouvons-nous donc établir la limite entre trop et pas assez ?
Il me sourit. Il n'attend aucune réponse de ma part. Sans un mot, je m'éloigne. J'ai perdu la bataille, mais je suis loin d'avoir perdu la guerre.
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