Chapitre 11
— Je vous l'avais bien dit que ce tournoi serait du n'importe quoi. Vous avez sélectionné des animaux en candidats.
— Reyna, tu lui as donné une épée en bois ! s'agace Père en tapant du poing la table. Nous avons failli assister à un drame. Je m'attendais au moins à ce que... je ne sais pas moi ! Lui donner un temps imparti pour gagner le combat, c'est ce genre de désavantage dont je parle. Pas le jeter en pâture à un autre candidat.
Je croise les bras sur ma poitrine alors que Darren savoure pleinement la situation. Assis sur le lit médical, il se fait soigneusement bander les bras, et m'offre un sourire méprisant puisque je suis clairement en train de me faire réprimander.
— Tu sais comment ils sont, reprend-il d'une voix basse. Ils sont prêts à tout. Je ferai passer le message à Javier de se calmer, mais de ton côté pense à celui que tu désavantages et évite, la prochaine fois, de l'envoyer à la mort.
Il s'apprête à s'en aller mais avant de quitter la pièce, il se tourne vers moi :
— Tu pourrais peut-être offrir la récompense à Darren en guise d'excuses, qu'en penses-tu ?
Et il s'en va sur ces mots. Il n'attendait aucune réponse de ma part et moi, j'ai envie de m'écraser au sol.
C'est dans un silence total que j'attends que l'infirmière ait fini de bander son bras droit. Père m'oblige à raccompagner ce maudit vaurien à sa chambre, m'excuser et maintenant je dois partager la récompense avec lui ! Il peut aller se curer le nez. Jamais cet imbécile n'obtiendra mes excuses.
Pourtant, je fais mine de m'en vouloir.
— Ça vous fait mal ?
Et je hausse les sourcils, l'air inquiète. Darren n'est pas dupe. Il réplique du tac au tac :
— Vous voulez que je vous taillade le bras pour voir ?
Je suis à deux doigts de lui brandir mon majeur. Je me retiens. Je suis une fille civilisée, réfléchie et pleine de bon sens.
Il lève alors la tête vers l'infirmière, la remercie avant qu'elle ne sorte. Je me mets debout, prête à partir.
— Je vous raccompagne.
— Vous avez une récompense à m'offrir.
Je serre les dents. Il ne me lâchera pas la grappe tant que je ne lui aurai pas accordé son gain. J'ouvre la porte, furibonde, et me retiens de la claquer sur son bras blessé.
— Il semblerait que vous ayez des accès de colère, Reyna.
— Je n'ai aucun problème de colère, répliqué-je. Je me demande seulement pourquoi vous avez candidaté à ce tournoi si vous m'abhorrez autant. C'est ma couronne qui vous intéresse ?
Un instant, je lis dans ses yeux une infime émotion passagère. De la haine. Pure et simple. Ce type me hait et participe à un jeu pour me conquérir. C'est totalement contradictoire.
— Votre couronne ne m'intéresse guère, princesse. Je concours pour votre cœur.
— Alors ayez l'air au moins sincère.
— Si vous cessiez vous aussi de m'abhorrer, peut-être que l'envie de vous séduire me parviendrait. Mais quand vous ne cessez de me mettre des bâtons dans les roues, oui je commence à m'impatienter.
— La patience est une qualité requise chez mon futur époux, je rétorque. Et je croyais que peu importe mes agissements, vous feriez toujours en sorte de gagner les épreuves ? Vous changez donc de discours comme de chemises.
— Pas quand ma vie est impliquée, sombre crétine !
Je me fige et ma mâchoire en tombe. Cette fois-ci, la colère se dépeint clairement sur ses traits. Si avant je doutais qu'il ne me déteste, cette fois j'en suis certaine.
— Je vous ferai brûler sur la place publique. De quel droit osez-vous me parler de la sorte ?
— Pauvre princesse née avec une cuillère en or dans la bouche se sent incapable d'avoir de la compassion pour un humain comme moi qui tient à la vie. Vous êtes une crétine, Reyna, et je ne cesserai de vous le répéter.
Ma main s'abat sur sa joue. Avec peu de force mais vive tout de même. Darren reste immobile et soutient mon regard d'un air de défi.
— Frappez-moi, Votre Altesse. Une gifle de plus ou de moins ne changeront rien à la personne que vous êtes au fond. Seule et méprisable.
Et il me dépasse pour s'en aller. J'ignore ce qu'il vient de se passer, mais ce que je sais, c'est que je le hais. Je le hais d'une force qui me dépasse.
J'attends qu'il soit complètement parti pour reprendre ma route dans le sens opposé, et tombe nez à nez avec Hedge et Freya qui n'en ont pas manqué une miette. Enfin, Freya semble plus absorbée par la façon dont le palais a été façonné que par ma petite entrevue avec l'autre imbécile.
— Tu veux mon avis ? lance Hedge.
— Non.
— Je vais te le dire quand même. Il n'a pas tort.
— Je ne t'ai pas demandé ton avis.
Je suis dans un univers parallèle. L'ignorant simplement, je les dépasse et m'enfuis. Je dois retrouver Anthos, ou quelqu'un, n'importe qui, mais pas des pseudos membres de ma famille qui me font la leçon en permanence.
Quand j'entre dans le petit salon, je tombe sur Anthos et Nethan en pleine partie d'échecs. Je m'empresse de m'affaler sur le sofa à quelques mètres d'eux, face contre le cuir, et marmonne :
— Je veux mourir.
— Mais si tu meurs, qui me fera les meilleurs cookies du monde ? s'étonne Nethan.
— Mon fantôme. Mon fantôme te les fera, je grommelle.
— Ta vie m'a l'air emplie de rebondissements depuis l'annonce de ce tournoi, ma luciole, ricane Anthos.
— Rien ne va. Tout va mal.
— Ne sois pas si dramatique. Sans vouloir être méchant, il est vrai que tu as été un petit peu sadique sur ce coup-là à lui donner une épée en bois. Et je peux t'assurer que pour quelqu'un qui sait se battre, c'est d'autant plus frustrant de ne pas montrer de quoi on est capable.
— Je sais, je soupire, je le sais et c'est bien cela le pire. Je m'en veux mais je le déteste... il ne mérite pas mes excuses.
Anthos hausse les épaules mais son sourire est toujours présent sur ses lèvres. S'il y a bien une particularité chez mon frère, c'est qu'il sourit en permanence.
— Ne te tracasse pas trop l'esprit, Reyna. Il y a eu plus de peur que de mal. L'important c'est que tu aies compris ton erreur. Demain, tu le désavantageras mieux que cela.
Il me fait un clin d'œil et quelque part, je me sens instantanément un peu mieux. Il a raison. Demain, tout ira mieux.
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