𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟔 - Rᴀᴘᴘʀᴏᴄʜᴇᴍᴇɴᴛ

Tout d'abord, le fatras d'images en noir et blanc qui défilaient devant mes yeux me fit m'interroger : comment une photo en noir, gris et blanc pouvait-elle changer et se mouvoir à ce point ? Gardant d'abord mes questions pour moi de peur de paraître ridicule aux yeux du sympathique brun, je finis pourtant par lui faire part de mes interrogations.

⸺ Tais-toi et regarde le film, Drago, on discutera après.

Mph. Sympathique réponse.

Je me renfonçai dans le divan en croisant les bras. Le Balafré m'avait mis en rogne. Qu'est-ce qu'il pouvait être pénible, quelquefois ! Bon, je devais bien admettre qu'il était bien plus agréable à vivre que lors de notre scolarité... ce qui ne l'empêchait pas de me m'énerver lorsque l'envie lui prenait.

⸺ Pourquoi l'image est-elle si rapide ? demandai-je en pointant l'écran. Ce n'est absolument pas représentatif de la réalité.

Le visage du jeune Potter se tordit en un semblant de sourire. Il se moquait de moi ! Ou bien je me faisais des idées... À vrai dire, Potter était plutôt sympathique. Mais il fallait bien que j'essaie de voir un peu de négatif afin pouvoir me plaindre pour des choses insignifiantes ! Je n'oubliais pas non plus notre passé d'ennemis jurés. Certes, ce temps était révolu, mais j'étais parfois nostalgique.

⸺ Tu sais, Drago, ce film est ancien. À cette époque, les techniques cinématographiques des Moldus n'étaient pas aussi développées qu'aujourd'hui. Pour qu'une image soit à vitesse réelle, il faut vingt-quatre image par seconde. À cette époque, ils n'en mettaient que vingt-trois. C'est donc plus rapide. Tu me suis ?

⸺ Pourquoi les créateurs de films ne mettaient donc pas vingt-quatre images ? Ne se rendaient-ils pas compte que tout était trop précipité ?

⸺ Les bandes sur lesquelles les images étaient ajoutées ne comptaient de la place que pour vingt-trois images. Ce n'est qu'après que ceci a pu être rectifié. Maintenant peux-tu te taire afin que nous regardions le film ?

Il plaisantait, bien sûr. Mais je fis mine de ne pas comprendre, et grognai avec un sourire en coin :

⸺ Tu veux te moquer de moi ? Tu vas le regretter !

Il n'eut même pas le temps d'éclater de rire que je me jetai sur lui pour l'immobiliser et l'embêter. Malheureusement, dans son incompréhension la plus totale, il se recula, et mon genou posé sur le bord du canapé glissa. Je perdis l'équilibre et tombai en avant.

Et je mis quelques secondes avant de me rendre compte que je m'étais affalé... sur lui.

Ses yeux s'écarquillèrent, et je sentis mes joues me brûler. Quel moment gênant ! Pourquoi s'était-il dérobé, aussi ? J'étais complètement tétanisé. Que faire ? Pourquoi la vie s'amusait-elle à me mettre mal à l'aise ?

C'est alors que mon regard empli de confusion rencontra celui d'Harry. Il avait l'air tout aussi perdu que moi. Et ce qui n'était qu'un simple malentendu me fit quelque chose. C'était clairement indescriptible. Un grand vide en moi. Mon cœur se serrant très violemment. J'aurais voulu bégayer un « Excuse-moi, Harry. ». Mais j'en étais incapable. Je n'avais jamais ressenti cela auparavant. C'était plutôt désagréable. Mais lorsque je vis le brun fermer les yeux, la réalité me ramena à elle, et je me reculai précipitamment.

⸺ Désolé, parvins-je à articuler d'une voix tremblante.

Il se releva à ma suite, et je remarquai la rougeur de ses joues. Qu'allait-il s'imaginer, par Merlin ? Je n'étais pas comme lui. J'étais un Malefoy. J'étais hétérosexuel. Complètement. Je ne voudrais pas qu'il pense que... quoi ? Non, quelle idée !

⸺ Désolé, Potter, dis-je d'une voix remplie de gêne. J'ai glissé.

⸺ Oh ! Oui, je sais, excuse-moi.

Il fronça les sourcils, soupira puis se rassit sur le sofa. Nous avions raté de nombreuses secondes du film, et je mis quelques instants à me replonger dans l'histoire. Certains passages étaient très drôles, je ne m'attendais pas à ça de la part des Moldus d'antan !

À la fin de l'œuvre cinématographique comme l'appelait Harry, nous restâmes quelques instants dans le divan, avant que le brun ne se lève pour aller lire, m'enjoignant de vaquer à mes occupations. Je pris le boîtier en forme de pavé et le gros cosque sur la table en le montrant à mon hôte :

⸺ Puis-je les prendre ?

Il se retourna et revint vers moi, perplexe.

⸺ Tu veux prendre mon Walkman pour écouter de la musique moldue sur des cassettes ?

⸺ Oui, c'est ça, dis-je, heureux de le voir déstabilisé.

Il ne s'attendait pas à ce que je fasse un pas vers la culture moldue de moi-même ! Il me montra pourtant comment l'objet rectangulaire fonctionnait, puis ouvrit un tiroir où se trouvait ce qu'il appelait des cassettes. J'en pris une au hasard, et vis le gros titre : Charles Aznavour. Je haussais les épaules et insérai la boîte dans le Walkman tandis qu'Harry montait les escaliers pour rejoindre sa chambre. Je ne connaissais rien à la culture moldue ; autant y aller en faisant confiance au hasard. Je mis quelques minutes à comprendre comment lancer la musique, puis entendit le premier titre. Sympathique. Puis le second. Puis le troisième. Puis le quatrième. L'instrumental m'interpella, et j'écoutai avec attention. Plus tard, j'appris que cette chanson se nommait Comme ils disent. Les paroles me serrèrent le ventre. Pourquoi me sentais-je si étrange à son écoute ? Bien que cette chanson parle de l'homosexualité de manière satirique, je ne pouvais m'empêcher le vide de mon cœur de s'étendre. Étais-je vraiment... ? Non, non, non.

Drago, ne commence pas à délirer. Ce doit être Potter qui te fait te poser des questions, après tout, il est bisexuel, cela doit simplement t'intriguer...

Potter...

Potter ?

Oh, non, n'importe quoi. Reprends-toi, Drago. Tu es un Malefoy, un Sang-Pur, quelqu'un de digne. Tes certitudes sont vraies. Tu n'aimes pas les hommes. Et encore moins Potter... non, absolument pas.

Je ne cessais d'essayer de m'en convaincre. Et pourtant, ce soir-là, dans mon lit, je ne pus m'empêcher d'y repenser. Dire que je passai une nuit blanche est tout à fait véridique. Pourquoi cette stupide question me torturait-elle tant ? J'avais eu un contact physique avec Potter, oui, et alors ? Pourquoi cela me perturbait-il à ce point ? Pourquoi me prenais-je la tête avec tout ceci ? J'étais hétéro. Oui, totalement. Et ce n'est certainement pas Potter qui me fera accepter le contraire ! Hum, pardon, croire le contraire.

Oh, et puis, pourquoi faudrait-il absolument mettre des terme et créer des cases pour ça ? Une relation amoureuse est une relation amoureuse, il est complètement stupide de préciser qui en fait partie. À ceci près que ce que je vivais avec Potter était loin de l'être.


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Plusieurs semaines plus tard – moins terribles que ce que j'aurais pu penser –, Harry m'appela du salon alors que j'étais en train de lire dans ma chambre. Grommelant dans ma barbe inexistante, je descendis les escaliers grinçants. Ce début de séjour forcé chez le Survivant avait radicalement changé mes habitudes de Sang-Pur : désormais, il m'arrivait de ne pas me coiffer et de rester en jogging les jours où je ne sortais pas à l'extérieur avec lui. Chose que je n'aurais jamais pu imaginer quelques mois auparavant. Après m'être frotté les yeux, je m'installai dans le divan, intrigué.

⸺ Que se passe-t-il ?

Me tendant une tasse de chocolat chaud, l'Élu s'installa à mes côtés en buvant sa propre boisson.

⸺ Cela fait un mois et demi que tu es ici, Malefoy, et j'admets que j'ai pris mon rôle de tuteur peut-être trop à cœur. J'ai quelque peu négligé mes amis...

Pour moi ? Quelle douce marque d'attention ! Je précise ici que c'est de l'ironie pure et simple.

⸺ ... et j'aimerais bien les revoir. Dean et Seamus m'ont invité à passer manger avec eux ce soir.

⸺ Dean et Seamus... tu parles de Thomas et Finnigan ?

⸺ Tout à fait, acquiesça-t-il.

Je levai un sourcil étonné.

⸺ Ils vivent ensemble ? Ils sont en collocation ?

Il y eut un silence avant que le brun ne me réponde d'une voix enjouée :

⸺ Non, pas de collocation. Ils vivent ensemble, dans une maison qu'ils ont achetée. Pas en collocation.

⸺ Ces deux Bouffondor sont en couple ? Première nouvelle.

Au fond, je n'étais pas si étonné que ça. Thomas et Finnigan n'étaient jamais bien loin l'un de l'autre à Poudlard... Mais bon. Je ne m'en étais jamais douté. Il faut dire que lors de mes premières années à Poudlard, je ne savais même pas que l'homosexualité existait. En réalité, je ne savais pas ce que c'était. Mon éducation n'a été que trop centré sur la descendance de Sang-Pur et, bien évidemment, l'hétérosexualité.

Harry se renfrogna.

⸺ Si tu dis ça devant eux, ils ne vont pas apprécier.

⸺ Attends, parce que je dois venir avec toi ?

⸺ Soit c'est ça, soit je lance un sortilège autour de la maison de manière à ce que tu ne puisses pas en sortir. J'aimerais bien pouvoir faire autrement, mais ce sont les directives du ministère... Et puis tu m'avais dit que tu ne voulais pas que je te traite comme un enfant.

⸺ Dans ce cas, je viens. Je ne tiens pas à être enfermé dans cette maison qui sent le Gryffondor héros de guerre à plein nez.

Un sourire passa furtivement sur le faciès de l'ancien Gryffondor. Il paraissait plutôt... content ? Décidément, la personnalité de Harry resterait pour toujours un mystère pour moi.

⸺ Très bien. On va se préparer ? Il faudrait que nous soyons un minimum présentables, ne crois-tu pas ? Je vais prendre une douche.

J'hochai la tête et montai les escaliers suivi du Survivant, loin d'être enchanté à l'idée de revoir Thomas et Finnigan pour dîner.

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