𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟏 - Cᴏɴᴠᴏᴄᴀᴛɪᴏɴ

⸺ Qu'est-ce qui ne va pas, en ce moment ? me demanda Harry d'une voix calme.

Sans chercher à me défaire de son étreinte, je fermai les yeux et expirai d'un coup. Un sourire ironique naquit sur mes lèvres et je répondis, moqueur :

⸺ Tu veux dire, à part la visite à Azkaban, le regard des autres et la vie en général ?

Je le sentis gêné. Le menton posé sur son épaule, je sentis bien plus que je ne vis son rougissement, et il lâcha :

⸺ Excuse-moi, ma question était stupide.

⸺ En effet.

Le silence se fit peu à peu, et aucun de nous deux n'osait bouger. Je crois surtout qu'aucun de nous deux n'en avait envie : nous étions tous deux réconfortés par l'étreinte de l'autre et de nombreuses secondes pleines de non-dits qu'aucun de nous ne connaissait s'écoulèrent avant que je reprenne la parole.

⸺ Excuse-moi, Harry. Je sais que ça ne doit pas être facile pour toi de me supporter. Nous avons tous deux des problèmes et un lourd passé, et on se fait du mal en restant ensemble. Dès l'année sous tutorat achevée, je partirai, me trouverai une maison et un travail. Je te remercie de m'avoir sorti d'Azkaban, mais je suis un poids pour toi.

Pendant que je parlais, il m'avait repoussé et tenu par les épaules en cherchant dans mon regard une quelconque trace de plaisanterie qui lui permettrait de ne pas prendre mes paroles au sérieux. Mais je pensais ce que je disais. Il secoua la tête, touché et effaré.

⸺ Tu n'y penses pas.

Il inspira tandis que je le dévisageais.

⸺ Personne n'acceptera de t'embaucher ou de te louer une maison. T'aider donne un sens à mon existence et tu es plus une libération qu'un poids pour moi. Réfléchis à ce que tu fais, Drago. Je serais content de t'accueillir chez moi après cette année terminée.

Je haussai les sourcils et il inclina la tête, faisant bouger ses cheveux en bataille.

⸺ Je t'aime bien, tu sais.

Ses paroles firent s'ouvrir un avenir différent pour moi. Je hochai la tête et souris.

⸺ Je t'aime bien, toi aussi, Harry.

Il hocha la tête en m'adressant un sourire ma foi fort charmant... charmeur, avant de se rasseoir dans son canapé. Ses paroles me troublaient bien plus qu'il n'était nécessaire, et j'avais appris à faire la paix avec notre passé. Dorénavant, nous étions amis. Et cela signifiait que je pouvais compter sur lui en toutes circonstances. L'avenir qu'il me promettait faisait naître en moi une euphorie incompréhensible, et je n'avais plus qu'une certitude lorsqu'il lança un nouveau film de Charlie Chaplin sur l'objet moldu qu'il appelait lecteur de cassettes : il me plaisait.

L'avenir, bien sûr.

Comme le disait un personnage de littérature française dont Harry m'avait parlé : « Vous m'avez vu, mais vous ne m'avez pas regardé. », cet adage put s'adapter, ce soir-là, au film que nous regardions. Les images rapides défilaient devant mes yeux mais j'étais perdu dans mes pensées, réfléchissant comme je ne l'avais encore jamais fait à mon avenir. Harry était la seule personne pouvant m'aider à avoir un futur heureux et convenable. Je m'étais par certains côtés attaché à lui : sous ses airs hautains et insupportables se cachait un homme avec un grand cœur.

La lumière était éteinte et je ne vis pas les yeux du Survivant scruter mon visage ; en revanche, je sentis sa main prendre la mienne et je ne fis rien pour me dégager. Et lorsque le gémérique de fin défila, Harry alluma la lumière en me lâchant. Curieusement, je ne ressentis rien d'autre qu'un grand vide en moi, sans parvenir à l'expliquer. Un seul motif logique me parvenait, mais c'était tout bonnement impossible. Harry était un homme, et je n'avais jamais été attiré par d'autres personnes que... non, même pas des femmes. À bien y réfléchir, je n'avais jamais eu de désir, amour, fantasme ou passion pour ne serait-ce qu'une seule femme... mais cela signifiait-il que j'étais... ? Non. Ce mot me faisait peur, parce que je savais que s'y j'y songeais, je ne pourrais plus jamais revenir en arrière. C'était un terme auquel je refusais toute place dans mes pensées. Surtout pour me poser des questions sur moi-même. Allons, Drago, reprends-toi ! Mais... quoique... cependant... lors du dîner chez Thomas et Finnigan, lorsque j'avais pensé à embrasser Harry...

Ces questions me poursuivirent pendant de nombreux jours durant lesquels je fis tout pour qu'elles ne dérivent pas sur la visite à Azkaban que j'avais faite. Je ne voyais plus l'Élu du même œil, bien que je me refuse à penser que j'étais attiré par lui. Ce n'était pas vrai. J'étais hétéro, je n'avais juste pas trouvé la bonne femme. C'était tout. Je traversai les jours sans en voir la couleur tellement j'étais perturbé. J'espérai que tout reviendrait vite à la normale. J'étais tellement perdu dans mes pensées que je ne remarquai même pas les regards en coin d'Harry et nos contacts physiques qui s'éternisaient...



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Exactement six mois après le début de mon année sous tutorat, l'Élu et moi reçûmes une convocation du Ministère concernant l'avancée de ce que la justice appelait ma « Sentence » avec un grand S. Ironiquement, Harry et moi rîmes à la lecture de ce terme, car aucun de nous deux ne s'était rattaché à ce langage.

⸺ Que dira le juge lorsqu'il verra que nous sommes devenus amis ? demandai-je en ricanant une fois la lecture du document grisâtre achevée.

⸺ Il n'est pas question de montrer cela, Drago. Même si c'est Kingsley qui a pris la tête du Ministère, la haine envers les anciens Mangemorts perdure, et les gens détestent sans chercher à connaître l'histoire personnelle de gens pourtant formidables, comme toi par exemple. Non, nous devrons jouer la comédie pour cette visite. Je ne tiens pas à alimenter des commérages sur une quelconque trahison à la nation de ma part. Ce n'est pas contre toi ; tu sais bien que je tiens à toi et que je te vois comme mon égal. Mais à la sortie d'une guerre, les gens sont fous...

Étonné par ses propos, j'hochai cependant la tête : il devait beaucoup mieux connaître que moi le comportement à adopter face à un brouillard de haine. La convocation était ce soir-là à dix-huit heures, et nous passâmes la journée sur les nerfs : qu'allait dire le juge ? Je comptais sur Harry pour mentir afin qu'il ne m'arrive rien. Et moi, que devrais-je dire ? Et comment me comporter avec lui ? Lorsque je posai ces questions au Survivant, sa réponse ne m'étonna même pas. Il semblait gêné, mais nous savions tous deux qu'il avait raison.

⸺ La justice a soif de vengeance. Le juge en charge de ta sentence s'attend à ce que tu sois affaibli et très mal psychologiquement ; à quoi pensais-tu que rimait ta convocation à Azkaban pour rendre visite à ton père ? Le Ministère pense que je partage leur colère, et que je passe mes nerfs sur toi. C'est ce que le Magenmagot attendait de moi, et c'est ce que je leur ait dit lors de toutes mes convocations. Tu devras jouer la comédie, Drago, même si ça ne te plaît pas plus qu'à moi.

Je me rendis compte que je tremblais lorsqu'Harry posa la main sur mon épaule.

⸺ Excuse-moi. Je sais que c'est puéril, mais si le juge se rend compte que nous sommes amis, il va t'envoyer aussi sec en prison. Comme je l'ai dit, la haine à la sortie d'une Guerre rend les gens fous...

Il pencha la tête sur le côté, les mains sur les hanches.

⸺ Il faudrait que tu aies l'air physiquement mal en point. Je vais user de maquillage moldu, car, si j'utilise un sortilège, le juge le détectera tout de suite.

Je trouvais dingue le fait que nous devions ainsi nous cacher simplement pour rassurer l'opinion publique, mais, après tout, j'avais appris à m'y accommoder. Quelques nuages de poudre et chatouilles de pinceau sur ma peau plus tard, mon reflet dans le miroir me parut étrangement maladif. Bien qu'il soit loin d'être un professionnel de maquillage - je m'en rendais compte -, Harry avait réussi à faire paraître quelques semblants de bleus et de joues creusées sur mon visage, et avait accentué mes cernes. Rien de bien élaboré, mais l'effet était, ma foi, plutôt saisissant. Avant de partir, je vis l'inquiétude sur le visage de l'Élu qu'il tenta de masquer en derniers conseils.

⸺ Aie l'air fatigué et mal en point. Marche tête baissée derrière moi. Ne réponds pas aux remarques que les gens te feront. Et surtout, surtout, retiens que chaque parole que j'échangerai avec le juge est fausse. D'accord ?

J'hochai la tête avec anxiété et plongeai mon regard dans le sien : j'y lus une appréhension maladive, et je cherchai à effacer ce sentiment d'insécurité grandissant.

⸺ Allons-y, Harry.

Le sursaut furtif qui nous crochète le nombril me prit soudainement, et, la seconde suivante, je me trouvais avec l'Élu dans une rue moldue de Londres, devant une cabine télépho-je-ne-sais-plus-quoi. Le brun me poussa dedans et entra à son tour : nous étions serrés l'un contre l'autre dans l'espace exigu et j'eus du mal à ignorer les battements de plus en plus rapides de mon cœur : le rendez-vous avec le juge n'était que dans quelques minutes. Harry gesticula durant quelques secondes avant de pouvoir accéder au touches du télépho-objet-moldu, et y tapa une combinaison de chiffres qui me rappela le trajet jusqu'à la cellule de mon père à Azkaban... puis le sol s'enfonça. Harry semblait calme, et, sitôt que la porte se fut ouverte sur l'entrée des visiteurs du Ministère, il me prit le bras, et, d'une secousse, me dirigea au milieu de la foule, marchant d'un pas rapide. Comme il me l'avait conseillé, je gardais le regard rivé sur le sol, et j'essayais de ne pas prêter attention aux murmures de la foule.

Le voyage jusqu'au bureau du juge ne fut pas long, et il nous reçut avec une rapidité qui m'étonna fortement. C'était un vieil homme au visage ridé et profondément marqué par la vie ; il semblait furieux mais profondément satisfait. D'un geste solennel, il nous indiqua deux chaises, et j'attendis qu'Harry s'y assoie avant de faire de même : j'avais toujours adoré les cours de théâtre que mon père m'imposait lorsque j'étais plus jeune, et j'avais appris à jouer la comédie de manière plutôt convaincante, même s'il m'arrivait de me faire dépasser par mes nerfs. Ce jour-ci, il ne fallait pas que ça arrive, il fallait que je reste maître de moi-même.

L'entretien se résuma à une heure et demie d'insultes envers moi et mon nom. Harry y participait mais je sentais son irritation derrière ses mots. Le juge dut l'entendre également, car il le coupa en plein milieu d'une phrase. Le silence court qui retentit accrût mon attention, et j'écoutai le vieil homme, cette fois-ci.

⸺ Je persiste à croire que vous vous chargez d'une tâche indigne de votre statut. Ce... Malefoy n'est qu'un déchet inutile ; si vous nous en donnez la permission, monsieur Potter, nous devrions écourter son séjour chez vous et l'envoyer à Azkaban.

Je serrai les poings et bandai chacun de mes muscles. Je me sentais trembler et lutter pour ne pas relever la tête et, durant un instant, Harry en resta bouche-bée. Je n'étais rien, aux yeux de la société. Rien du tout. Même plus une personne à part entière. Je sentis mon ami hésiter quelques instants, puis il posa sa main sur mon épaule. Aussi choqué de son geste qu'étonné de l'assurance qu'il venait de prendre, je tressaillis lorsqu'il posa ses doigts sous mon menton pour me faire relever le visage. Le juge laissa une exclamation étouffée et je me tournai vers Harry : il le foudroyait du regard.

⸺ Harry, murmurai-je, paniqué.

Que faisait-il, par Merlin ? Il allait nous faire emprisonner tous les deux, s'il continuait !

Insensible à ma panique, il se redressa, et, fusillant le juge du regard, il déclara d'une voix froide :

⸺ C'est hors de question. Vous n'êtes qu'un être cruel et sans cœur. Je pense que Drago a largement démontré qu'il était digne de confiance. C'est mon ami, oui, monsieur ! Effacez cette grimace dégoutée de votre faciès ! Drago Malefoy est mon ami. Avez-vous oublié qui je suis ? Je suis l'Élu, c'est moi qui ait tué Voldemort ! J'estime savoir bien mieux que vous ce que la haine peut détruire. Je désapprouve complètement le mouvement du Ministère et comment il se positionne par rapport aux anciens Mangemorts : même s'ils ont commis des actes répréhensibles et horribles, ce n'en sont pas moins des humains. Des humains avec une dignité ! Ma parole et mon opinion comptent pour ce Ministère, n'est-ce pas ? J'exige que vous respectiez Drago et le laissiez vivre en paix.

Il leva la main pour faire taire le juge, qui, de toute façon, était trop mouché pour ne faire ne serait-ce qu'une seule réflexion. Sans en attendre la permission, il se leva, et, me faisant signe de faire de même, sortit de la pièce.

Ce soir-là, nous sortîmes dans la rue, à découvert, sans chercher à éviter les journalistes avides de potins. Avec colère, Harry répéta son discours, révolté, avec une colère et une hargne que j'admirai, quelques mètres plus loin. Je répondis avec courtoisie aux questions que l'on me posa, et, ce soir-là, je m'endormis, le sourire aux lèvres, repensant à ce qu'avait dit Harry à mon sujet.

Il était admirable.

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