Chapitre 9 [1/2]
Quand je me suis réveillée, Ange et Luz étaient assis en tailleur sur le parquet, discutant à voix basse. Je les ai rejoints, les yeux bouffis.
Ange s'est tourné vers moi.
— On t'attendait pour prendre le petit déjeuner. (Il m'a tendu un paquet de cookies industriels.) Sers-toi.
J'ai engouffré un biscuit dans ma bouche et l'ai terminé en quelques bouchées, savourant la sensation des pépites de chocolat fondant contre ma langue. Je n'avais jamais rien manger d'aussi exquis. J'en ai repris un.
En réalité, les cookies étaient surement immondes, comme la plupart des gâteaux qu'on nous servait à Subterra. Mais j'avais tellement faim n'importe quelle denrée culinaire m'aurait semblé délicieux. Cela incluait même les plats un peu douteux que Tristan avait l'habitude de cuisiner, ce qui montrait bien mon désespoir.
Luz s'est tourné vers moi. Elle avait remonté ses boucles en une queue de cheval haute, ce qui dégageait son visage aux joues poupines.
— On doit se mettre à la recherche des disparus le plus tôt possible, a-t-elle commencé. On remballe nos affaires et on se sépare pour fouiller la forêt. On trouvera un nouvel immeuble où dormir ce soir.
M'apprêtant à porter un cookie à mes lèvres, j'ai stoppé net mon geste.
— Se séparer ?
Luz a acquiescé, l'air grave.
— Je savais que cette idée n'allait pas te plaire, mais j'ai fait le calcul. Nous ne tiendrons pas plus d'une semaine avec nos provisions et nous n'avons aucune idée de jusqu'où s'étend la Surface.
J'ai posé les mains sur mes genoux, pensive. Ange a ouvert la bouche, comme pour protester, mais n'a rien dit. Je cherchais quelque chose à répliquer mais je savais au fond de moi que Luz avait raison.
— Très bien, ai-je soupiré. Mais Ange reste avec moi.
Je me suis tourné vers le garçon. Il se frottait la nuque, le regard dans le vide. Soudain, il a relevé la tête, ses yeux gris semblant comme recouvert par un voile.
— Écoutez, a-t-il murmuré si bas que je n'étais pas sûre d'avoir bien entendu, je crois que vous vous trompez de stratégie.
— Comment ?
Ange a haussé la voix, visiblement gêné.
— Je crois que vous vous trompez de stratégie. Ce n'est pas ainsi qu'on retrouvera nos familles. Cassius m'a donné des indications.
Luz m'a lancé un regard du style « Qu'est-ce qu'il nous raconte encore ? », en levant les yeux au ciel. Je l'ai ignorée, me penchant vers mon ami.
— Que veux-tu dire par là, Ange ? Il t'a donné une carte, un chemin à suivre ?
Le garçon n'avait jamais eu l'air aussi petit, tassé dans ses vêtements crasseux.
— La carte, c'est dans ma tête, a-t-il rétorqué d'un air un peu trop triste pour que cela soit de l'humour. Quant au chemin, on est déjà dessus. On va continuer à le suivre.
Je l'ai fixé, cherchant à déchiffrer ce qu'il avait derrière la tête.
— Tu veux dire que tu sais où aller ? ai-je insisté.
Il a acquiescé.
***
Après avoir vérifié l'état du bras de Luz et rangé toutes nos affaires, nous nous sommes retrouvés en bas de l'immeuble, prêt à partir.
Comme nous n'avions pas de meilleur plan, on avait décidé de faire confiance à Ange. Il nous guidait d'un pas assuré, son sac sur le dos, refusant catégoriquement de nous en dire plus sur sa discussion avec Cassius.
Pendant la marche, j'ai pris le temps d'observer un peu mieux le paysage qui m'entourait. Les arbres étendaient leurs branches épaisses au-dessus de nos têtes et je devais enjamber leurs racines noueuses. La nature fleurissait partout entours de nous, dans d'incroyables teintes de vert.
Après ces quelques heures passées à la Surface, je devais me rendre à l'évidence : l'air n'était pas toxique, le ciel pas dangereux et rien ici ne pouvait forcer nos ancêtres à se réfugier sous terre. Évidemment, les animaux étaient plutôt étranges, mais nous n'en avions aperçu aucun depuis le début de la journée. Je commençais à croire qu'ils ne sortaient que lorsque la nuit tombait.
Comme je commençais sincèrement à m'ennuyer (marcher sous une chaleur effroyable n'était pas une activité que j'aurais recommandée pour se divertir), j'ai attendu Luz qui marchait quelques mètres derrière moi. Elle m'a adressé un petit sourire figé.
— Tu penses vraiment que c'est une bonne idée ? a-t-elle murmuré en s'assurant qu'Ange ne puisse pas nous entendre. Je veux dire, de le suivre.
J'ai haussé les épaules. Elle avait remonté ses manches sur ses coudes, transpirantes. Subterra ne nous avait pas habituées à de telles chaleurs. J'ai réfléchi quelques instants à ma réponse.
— Dans tous les cas, ai-je commencé, on sait parfaitement comment cette histoire va se terminer. Si on veut retrouver les disparus, il va falloir affronter ceux qui les ont kidnappés. Puisque Ange affirme savoir où ils se cachent, nous n'avons pas d'autre choix que de le suivre.
Malgré mes propos, je n'étais pas très convaincue moi-même. Pensive, je triturais frénétiquement une mèche de cheveux entre mes doigts. Un garçon de neuf ans, une rouquine hargneuse et une adolescente terrifiée ne feraient pas le poids face à des guerriers surentrainés kidnappeurs de parents. Je ne comprenais toujours pas pourquoi nous avions été choisis pour cette mission.
J'ai levé le regard vers Ange. Il marchait devant nous, suivant un chemin que lui seul paraissait comprendre. Malgré l'affection que je lui portais, je n'arrivais pas à lui faire totalement confiance et cela me pesait sur le cœur. J'avais parfois l'impression de le connaître, et l'instant d'après, ses grands yeux gris trouvaient encore un moyen de m'étonner. La manière qu'il avait d'observer autour de lui d'une manière enfantine tout en semblant avoir vécu plus que n'importe lequel d'entre nous était presque... terrifiante.
On a marché en silence un quart d'heure. Au bout d'un moment, j'ai remarqué qu'Ange, qui se trouvait désormais loin devant nous, s'était arrêté devant un arbre. Heureuse qu'il ai enfin décidé de faire une pause, je me suis approché.
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