Chapitre 8[1/2]

Recommandation musicale : Beating Heart de Ellie Goulding

Encore quelques pas...
La silhouette de Luz s'est détachée. Elle a passé une jambe dans le trou causé par l'explosion, puis l'autre. Mon cœur a tressauté dans ma poitrine en pensant à ce nouveau monde si près de moi.

Encore quelques pas...
Ange a lâché ma main. Il s'est arrêté, hésitant. Je me suis demandé comment j'aurai réagi à son âge.

J'arrive...
J'ai passé la tête par l'entrée. Avide, je me suis relevé et ai observé les moindres détails de ce nouveau monde, mais le soleil m'aveuglait, me procurant une sensation étrangement agréable. Un sourire incontrôlable est né sur mon visage, comme fleurit par la chaleur de cet astre. L'air semblait moins lourd, plus frais. J'ai inspiré son parfum à pleins poumons, peu m'importais s'il était toujours toxique.

J'ai lâché un rire hystérique et je me suis laissé tomber au sol avec Luz et Ange. Nous devions avoir l'air fou, mais ce qu'il arrivait était tellement effrayant et merveilleux que c'était la seule réaction appropriée. J'ai attrapé une touffe d'herbe. Elle est verte et douce au toucher. Je me suis retourné sur le dos et ai aperçu un miracle comme personne n'en a jamais vu.

Le ciel... Je pourrais vous décrire sa beauté pendant des heures. Je me suis perdue dans les moindres mouvements que créaient les rayons du soleil dans ses incroyables teintes de bleu. Ils se reflétaient dans les yeux d'Ange, perdu dans la majestuosité du firmament. De grands immeubles en ruine le perçaient comme des flèches, envahis par le lierre et les racines. Ils côtoyaient les arbres, formant un incroyable mélange de nature et d'architecture. On aurait dit que ce monde était infini et qu'il s'étendait à perte de vue.

— Incroyable, a fait Luz.

Si la Surface était ce mélange de couleur, de senteur et de beauté, il avait dû couter à nos ancêtres de se réfugier sous terre. J'aurais voulu rester allongée sur le sol et effleurer l'herbe dans cette douce euphorie toute ma vie.

Luz s'est levée, des étoiles dans les yeux. Le soleil faisait briller ses boucles rousses. Doucement, elle a levé la main pour attraper le ciel. Ses doigts se sont refermés sur le vide.

Intrigué, je me suis levé à mon tour pour tenter de toucher le voile bleu. Même en me hissant sur la pointe des pieds, je ne parvenais pas à toucher les nuages. Je ne pensais pas qu'ils étaient aussi loin.

— On devrait fouiller nos sacs, a proposé Ange, assis en tailleur sur le sol.

J'ai ouvert le mien pendant que le ciel prenait des teintes orangées. Il y avait une bouteille d'eau, quelques boites de conserves, des biscuits secs, un sac de couchage et une lampe torche. J'ai observé mes maigres ressources. En faisant attention, on pourrait tenir plusieurs jours avec ça. Mes compagnons disposaient de la même chose, à l'exception près que le sac d'Ange contenait une trousse de premiers secours en plus. Nous avions bien entendu chacun nos armes respectives.

— Comment allons-nous retrouver nos parents ? ai-je demandé, un peu découragée. La Surface me semble beaucoup plus grande que ce que j'imaginais.

Ange s'est avancé.

— Ne vous en faites pas, Cassius m'a donné les indications.

J'attendais qu'il développe, mais Ange n'en a rien fait. Je l'ai regardé s'assoir tranquillement par terre. C'était étrange, mais je le percevais moins bien. J'ai levé les yeux vers le ciel. Il était presque... noir. J'ai lâché un hoquet de surprise en me demandant qui avait bien pu éteindre le ciel ainsi. Était-ce dangereux ?

— C'est quoi, ça ? me suis-je exclamé d'un ton paniqué, une boule dans la gorge.

Luz a essayé de se protéger avec son sweat.

— C'est la nuit, a répondu rêveusement Ange. Regarde les étoiles.

Il a pointé du doigt les petites lumières blanches qui constellaient le ciel, d'un noir d'encre désormais. Elles étaient magnifiques.

— Pour nos ancêtres, a continué le petit garçon, c'était le signal qu'il était l'heure d'aller dormir. Leurs journées étaient dictées par le ciel.

Ange en connaissait un rayon sur la Surface. Je ne distinguais plus que ses contours.

-On devrait aller se coucher, nous aussi, a proposé Luz.

J'ai acquiescé. Nous avons sorti nos sacs de couchage et nous sommes installés sous les longues branches qu'étendaient les arbres.

Luz et Ange se sont allongés, épuisés. Quant à moi, je me suis appuyé contre un arbre. Il fallait bien que quelqu'un monte la garde, je n'avais pas confiance en cette obscurité soudaine. J'ai observé le ciel, les sourcils froncés. Je ne comprenais toujours pas, et je n'aimais pas ne pas comprendre. Comment une chose aussi grande pouvait-elle changer aussi subitement ? La seule chose à laquelle je pouvais penser était cet étrange voile au-dessus de nos têtes.

Je me suis battue contre le sommeil plusieurs heures. Alors que j'avais décidé de compter les taches de rousseur sur mon bras pour me maintenir éveillée, un cri a percé le silence. J'ai aperçu la silhouette d'Ange s'asseoir sur son sac de couchage, tremblante. Luz a bougonné quelques insultes puis s'est rendormie. Il avait encore fait un cauchemar. Ce genre de scène se produisait toutes les nuits. Ange ne me dérangeait pas, mais quelques enfants s'étaient plaints qu'il les réveillait. Je n'étais jamais allée le voir dans ces moments, j'avais l'intuition qu'il préférait être seul.

Seulement, Ange, Luz et moi formions une équipe désormais. On devait pouvoir compter les uns sur les autres.

Je me suis assis à ses côtés.

— Alors, il s'y passe quoi ?

Ange a tourné ses grands yeux gris vers moi.

— Comment ?

— Dans tes cauchemars, ai-je répété. Il s'y passe quoi ?

Ange a poussé un léger soupir. Il a blotti sa tête contre ses genoux, relevés sur sa poitrine.

— C'est cet endroit, a-t-il balbutié. Je veux juste rentrer chez moi.

Je l'ai fixé un instant. Ses cauchemars avaient commencé bien avant qu'on monte à la Surface. Je n'ai pas relevé son mensonge, ayant peur de le forcer.

— Ils faisaient quoi tes parents, d'ailleurs ? ai-je continué d'un ton léger. Moi, ma maman est professeur du groupe des petits au troisième étage et mon père pompe les nappes phréatiques pour récupérer l'eau.

Je m'attendais à ce qu'Ange soit heureux de changer de sujet, mais il s'est renfermé encore plus.

— On habitait au quatrième étage, a-t-il marmonné. Ils travaillaient tous les deux au gouvernement.

Je n'ai pu m'empêcher de laisser transparaitre ma surprise. Si Zoélie avait été là, elle aurait traité le gouvernement de tous les noms devant Ange. Mais Zoélie avait rejoint le gouvernement, donc je ne savais pas vraiment quoi penser. Ange m'a regardé, comme me défiant de dire quoi que ce soit.

— Je sais ce que tu penses.

Son étrange regard gris semblait me percer les entrailles. Quelque chose dedans clochait. Ses yeux étaient trop clairs, trop profond. Je n'aurais jamais pensé un jour être intimidée par un gamin de dix ans.

— Je ne pense à rien de particulier, ai-je tenté de me défendre en levant les mains en l'air.

— Tu ne comprends pas, Iris. Tout le monde pense que le gouvernement est responsable de notre situation, de notre vie sous terre, des règles qu'on nous impose. Mais mes parents... ils croyaient en quelque chose. Ils voulaient changer les choses, aider les gens. Ils s'y prenaient peut-être mal, mais ils y croyaient.

J'ai hoché lentement la tête. Je me suis tourné vers Ange et lui ai donné un petit coup de coude taquin.

— Ne t'en fais pas, ai-je murmuré avec un sourire en coin. On retrouvera bientôt nos parents.

— Oh oui, les miens en tout cas, a rétorqué Ange d'un ton amer.

Pourquoi fallait-il qu'il ruine toutes mes tentatives de lui remonter le moral ? Luz suffisait amplement à cette tâche.

On est resté en silence. Alors que je m'apprêtais à lui dire de se recoucher, un grondement sourd a résonné entre les arbres. Je me suis crispé, les sens aux aguets. Ma main s'est portée à mon épée. 

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