Chapitre 2
Recommandation musicale : My tears are becoming a sea de M83
Zoélie a détourné le regard.
J'ai toujours admiré sa capacité à dire ce qu'elle pensait. N'empêche que ce jour-là, j'ai lâché un soupir de soulagement en constatant qu'elle avait retenu ses mots. La connaissant, Zoélie aurait trouvé le moyen de donner son avis sur la Réminiscence à voix haute, devant tous les citoyens. Mais surtout devant Cassius, sur l'estrade située à peine quelques mètres devant nous.
Zoélie savait qu'elle n'avait plus qu'une chance.
J'avais rencontré mon amie à l'école primaire.
Elle était l'élève parfaite, talentueuse et studieuse que tout le monde rêvait d'être. Seulement, mon amie n'aimait pas se taire. Très tôt, elle avait compris des choses dont je n'avais même pas idées, des choses qui la révoltaient.
Un jour, Zoélie avait décidé qu'elle n'irait pas à la visite du Gouvernement imposé par l'école. J'étais moi-même très excitée à l'idée de cette sortie scolaire. Pour les enfants du troisième étage, se rendre si haut dans Subterra était une occasion à ne pas rater. J'étais si curieuse que j'avais forcé Tristan à venir lui parler avec moi.
— Pourquoi tu ne veux pas faire la visite scolaire ? avais-je demandé en rassemblant mon courage, le regard baissé.
Zoélie m'intimidait à l'époque. En fait, cela n'avait pas beaucoup changé depuis.
Tristan hochait la tête, comme pour témoigner de sa présence à lui aussi. Elle avait levé les yeux vers nous, un mélange de défi et de détermination sur son visage. J'observais un instant son long nez droit, sa peau mate et ses pupilles noires. La petite fille me dépassait d'une bonne tête.
— Vous savez, avait-elle simplement soupiré, je n'aime pas Cassius.
C'était une remarque naïve et innocente, qui prouvait pourtant toute sa maturité. J'avais pris peur à ce moment-là. Cette fille me fascinait depuis la maternelle, et elle venait ouvertement de critiquer le gouvernement. Ce jour-là, je me suis rendu compte que moi non plus, je n'aimais pas Cassius.
Quand le jour de la fameuse sortie est arrivé, Zoélie, Tristan et moi nous étions retrouvés au premier étage. Je n'y étais jamais allée, maman disait que c'était dangereux. C'était l'étage des anciens malfrats, tout droit sortis de prison, ceux qui ont perdu l'autorisation de se rendre aux étages supérieurs. Nous y avions passé la journée, vadrouillant dans ces lieux inconnus.
Le soir, quand j'étais rentrée chez moi, Papa m'attendait. L'école avait envoyé un mot. Il s'était efforcé de me gronder, mais je voyais bien qu'au fond, il était fier de moi. Il fallait croire que lui non plus n'aimait pas Cassius.
J'ai jeté un regard à Tristan et Zoélie, devant moi. C'était ainsi que notre trio s'était formé, inséparable depuis.
— Et zut, a marmonné Tristan. Ma mère me fait signe, il faut que j'aille voir ce qu'elle veut.
Tristan a fendu la foule pour retrouver ses parents.
Tiens, où étaient les miens, d'ailleurs ? Je les ai cherchés du regard dans la salle.
Les yeux bruns de ma mère m'ont trouvé en premier, elle était installé à l'autre côté de la salle avec mon père, Sybil et la famille de Tristan.
J'avais l'impression qu'elle essayait de me parler. J'ai plissé les yeux pour mieux voir. Elle m'adressait un regard pressant en agitant la main.
Viens.
Maman a tapé sur l'épaule de mon père et il a lâché un soupir de soulagement en m'apercevant. Ils ont continué à me lancer des signes pressants, mais discrets. Ce n'était pas comme si c'était la première fois que j'allais à la Réminiscence seule, avais-je pensé, légèrement agacée.
Les grands yeux bleus de Sybil se sont écarquillés.
Soudain, ce fut le chaos. Une explosion retentissante a résonnée dans la pièce, se multipliant comme un écho. J'ai regardé avec horreur la salle de réception se détruire en fracas assourdissants, me tenant à Zoélie tandis qu'elle poussait un cri strident. Que se passait-il ? Des éclats de pierres volaient, écrasant enfants et pauvres innocents. Le sol a tangué sous mes pieds et j'ai trébuché, perdant de vue Zoélie.
Mon cœur s'est lancé dans un rythme puissant et douloureux, écho à l'angoisse qui me saisit. Reprenant péniblement mon souffle, j'ai tourné la tête vers le lieu de l'explosion. Les expressions que je discernais étaient prises d'effroi, les peaux tachées de sang. Les gens semblaient hurler, mais je ne percevais qu'un sifflement strident qui s'emplifiait. Je cherchais désespérément un visage familier dans cet amas de citoyens en panique. Zoélie avait disparu, mais je localisais mes parents à l'autre bout de la salle, juste à côté de l'explosion.
Je m'efforçais de les rejoindre, mais j'étais à contre-courant. Les citoyens couraient, s'enfuyaient le plus loin possible de la lumière qui inondait subitement la pièce. C'était tellement lumineux que ça en semblait dangereux, et pourtant elle m'attirait comme un aimant.
Une douleur aiguë m'a transpercé le bras et j'ai sombré dans le noir, la tête cognant contre le sol.
***
J'ai ouvert faiblement les yeux. Ma bouche était pâteuse.
Bip bip
— Bonjour, jeune demoiselle.
Encore à moitié endormi, je me suis tourné vers l'origine du son et ai manqué de lâcher un cri strident. Une vieille femme aux cheveux grisonnants et aux dents jaunes se trouvait à côté de moi, allongée dans mon lit.
— J'espère que tu n'es pas trop blessée, a-t-elle marmonné d'un ton joyeux. Tu as dormi longtemps.
Bip bip
J'ai vaguement hoché la tête en me relevant en position assise sur lit. Je suis d'ordinaire plus polie, mais j'avais un peu de mal à comprendre la situation.
J'ai regardé autour de moi, les joues brulantes. Les LEDs' au plafond m'ont appris que je me trouvais dans l'infirmerie. C'était la salle la mieux éclairée de tout Subterra.
La trentaine de lits croulaient sous les blessés, entassés à plusieurs par manque de place. Ils gémissaient en essayant de se reposer dans les draps tâchés de sang.
J'essayais tant bien que mal de me souvenir de ce qu'il s'était passé. Ma tête tournait. Les cris... La lumière... La salle qui s'écroule. Comment la fête de la Réminiscence avait-elle pu tourner aussi mal ?
— Il paraît qu'ils ont touché les nappes phréatiques.
Je me suis tournée vers la grand-mère. Elle m'a souri.
— Je vais essayer de me rendormir, a-t-elle ajouté. Comment t'appelles-tu ?
J'ai avalé douloureusement ma salive.
— Iris Shatner.
Mes mots ont claqué dans l'air. La vieille femme m'a regardé avec un sourire doux.
— Eh bien, pense à moi, Iris Shatner. Je crois bien que s'en est fini.
Elle a fermé les yeux d'un air paisible. Je me suis figée un instant, prise de panique. Mes pensées se bousculaient comme les blessés dans la salle. Je ne connaissais pas cette femme, mais elle ne pouvait pas partir comme ça, et encore moins juste à côté de moi.
J'ai essayé de me relever en m'appuyant sur mon bras, mais celui-ci m'a lancé soudainement. J'ai retenu un petit cri avant de le relever au niveau de mon regard, tremblotante. Il était recouvert d'un bandage ensanglanté.
— Toi ! s'est écrié une infirmière en me pointant du doigt d'un air victorieux.
Elle s'approchait d'un pas vif, un air soulagé au visage.
— Tu vas bien, puisque tu arrives à t'assoir ? Tu vas pouvoir rentrer chez toi et libérer de la place.
Je ne voyais pas vraiment en quoi s'assoir signifiait qu'on allait bien. J'ai dégluti, cherchant une réponse honnête, mais polie. L'infirmière attendait ma réponse en hochant la tête, comme pour m'encourager à répondre par l'affirmative.
— Cette femme ne va pas bien, ai-je lancé. Je crois qu'elle va mourir.
Pour ma défense, j'étais en train de paniquer. C'était la première fois que j'étais assise dans le lit d'une mourante.
— Tu as raison, je vais m'en occuper, a continué l'infirmière. C'est pourquoi il va falloir que tu rentres chez toi.
La jeune femme m'a lancé un regard lourd de sens et j'ai compris que je n'avais plus vraiment le choix. Elle m'a donné un rouleau de bandage propre avec l'indication de le changer dans l'après-midi. Je me suis levée douloureusement et j'ai entrepris de sortir de l'infirmerie. J'essayais de trouver mes parents en chemin, mais je ne les voyais nulle part. Peut-être qu'ils n'étaient pas blessés et m'attendaient tranquillement chez nous ?
J'ai aperçu Zoélie qui dormait au fond de la salle, mais je sentais le regard de l'infirmière sur moi. J'ai décidé d'aller la voir plus tard.
Il me suffisait de descendre au troisième étage et je serai de retour dans ma galerie. Épuisée, je lâchais un halètement à chaque pas.
Il parait qu'à la Surface, les humains pouvaient se déplacer d'un étage à un autre grâce à une espèce de grand panier. Ils appelaient cela « ascenseur », ou quelques choses comme ça. C'était exactement ce dont j'aurais eu besoin à ce moment-là.
J'ai poussé la porte de ma galerie. Il faisait sombre.
— Maman ? Papa ?
Le silence fut ma seule réponse. Le vieux miroir de ma mère était posé sur la commode, réfléchissant la faible lumière de la pièce. J'ai observé mon reflet dans la pénombre. Mes cheveux châtains, plus emmêlés que jamais, tombaient devant mes yeux. Ma robe froissée laissait apercevoir une peau trop claire, parsemée de milliers de taches de rousseurs.
Derrière moi, j'ai croisé un regard émeraude.
Un seul problème.
Mes parents n'avaient pas les yeux verts.
╰┈➤ ❝[note de fin] ❞ Mettez en commentaire vos hypothèses sur qui pourrait être cette personne aux yeux verts, j'ai envie de rire XD
(Ceux qui ont déjà lu la version d'avant, ne dite rien )
Moony <3
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