Chapitre 12
Recommandation musicale : Running with the wolves de AURORA
— Vous pouvez vous installer ici, a dit M. Davies en se décalant pour nous laisser entrer. Vous trouverez des chemises de nuit propres dans l'armoire et de quoi faire votre toilette dans la salle de bain, juste à côté.
La chambre était un fouillis coloré constitué de deux lits, d'une table de chevet, d'une grande armoire et de drôles d'objets comme ceux du salon. Une fenêtre la baignait d'une douce lumière dorée. Luz s'est assise sur un des lits en poussant un soupir.
— Merci monsieur, ai-je soufflé avant d'entrer à mon tour, épuisée.
— Je t'en prie, tu peux m'appeler Tarek. Le nom de ma femme est Elisabeth, mais j'ai l'intuition qu'elle n'aimerait pas que tu l'appelles ainsi.
Il a ri légèrement. Je lui ai adressé un sourire crispé tandis qu'il refermait la porte derrière moi. J'ai attrapé une chemise de nuit et je me suis dirigé vers la salle de bain à pas lourds. À l'inverse de la chambre et du salon, cette pièce était telle que le couloir : vide et sans personnalité. Les murs étaient tapissés de carrelage et le sol, froid sous mes pieds.
Je me suis déshabillé lentement et ai laissé mes muscles se détendre sous un jet d'eau brûlante. À Subterra, nous avions l'habitude de nous doucher avec l'eau des nappes phréatiques. Le picotement que l'eau brulante produisait contre ma peau était tellement agréable que je l'ai savouré pendant une vingtaine de minutes, perdue dans mes pensées. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas douché. Des brindilles tombaient de mes longues mèches châtaines tandis que je les démêlais avec mes doigts en les passant sous le jet d'eau.
J'ai attrapé une serviette et je me suis frictionné avant d'enfiler ma chemise de nuit. Elle était rêche et bien trop grande pour moi. Elle appartenait probablement à Elisabeth Davies, me suis-je dit.
Alors que je m'apprêtais à sortir de la salle de bain, une image devant moi m'a fait sursauter. Je me retrouvais face à un miroir. Il me renvoyait l'image d'une jeune fille à l'air bravache, au visage barré de cicatrices. Ses yeux étaient durs, elle avait l'air d'une guerrière. J'ai poussé une exclamation de surprise et mon regard s'est adouci. Mes joues avaient pris des couleurs et mes taches de rousseur ressortaient encore plus que d'habitude. J'ai effleuré du bout des doigts mes cicatrices. Les écureuils ne m'avaient pas loupé.
Je suis resté quelques secondes devant le miroir, fixant mes yeux noisette. Je ne savais que penser de ce changement. Je faisais plus grande.
Je me suis adressé un sourire triste et je suis sorti sans bruit de la salle de bain. Luz m'attendait dans notre chambre, qui était à l'étage. Ange en occupait une autre au rez-de-chaussée.
La jeune fille était assise sur son lit, examinant son poignard.
— Pas trop tôt, a-t-elle soufflé en m'apercevant avant de se lever. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, moi aussi, je pue.
Je lui ai donné un coup de coude, qu'elle a évité avec un petit sourire.
— Ne t'en fais pas, tout le monde l'a remarqué, l'ai-je taquiné gentiment.
Luz m'a tiré la langue et s'est dirigé vers la salle de bain.
***
Mme Davies préparait le diner dans la cuisine. La cuisine était une pièce blanche, car elle était aérée et comptait pour seules décorations des plantes vertes. J'avais appelé les différents types de pièces de cet immeuble les pièces blanches et les pièces rouges.
Je me suis approché du plan de travail, ou Elisabeth Davies coupait des champignons. Le marbre était froid sous mes doigts.
-Vous avez besoin d'aide pour préparer le diner ? ai-je demandé.
Elle s'est tournée vers moi, la tête haute comme à son habitude. Elle avait accroché un tablier taché par-dessus sa robe mauve. Elizabeth a réfléchi un instant.
-Hum... Je ne serais pas contre un peu d'aide, il est vrai, a-t-elle accepté à contre cœur. Je n'ai plus l'habitude de recevoir.
Elle m'a passé un couteau et une longue planche en bois pour que je coupe les oignons. Je me suis mise à la tache en silence. Nous avons versé les oignons et les fines lamelles de champignons dans un saladier. Mme Davies a rajouté un peu de crème pour faire une sauce. J'ai fixé le mélange un instant, une question sur le bout des lèvres.
J'ai levé le regard vers Elisabeth Davies. Elle a levé un sourcil.
-Ou trouvez-vous votre nourriture ?
Un sourire faussement modeste est né sur son visage.
-Je cultive tout moi-même au potager, a-t-elle articulé avec fierté. Si tu allais te promener dans le jardin, tu apercevrais des arbres fruitiers, des plants de tomates et des tas d'autres merveille. Je suis plutôt douée en jardinage.
Je n'avais jamais pensé que des aliments pouvait pousser à la Surface. Cela aurait dû me paraitre logique puisque les arbres et les plantes germaient un peu partout. Mais cela contredisait que qu'on nous apprenait à Subterra : La vie à la Surface était impossible. Cela semblait déjà irréel qu'on ait survécu jusqu'ici.
Je me suis assise sur un tabouret, le dos appuyé contre la table. Mes jambes ne touchaient pas le sol. Je n'ai pas pu me retenir de poser une nouvelle question.
-Donc... L'air ici n'est pas toxique ?
Elisabeth a retiré son plat du four, sans répondre. J'ai retenté ma chance :
-Je veux dire, j'ai bien remarqué que l'atmosphère ne nous avait pas tués, mais on peut carrément vivre ici et prospérer ?
Elle a retiré ses maniques roses pales d'un geste sec et les a jetées sur le plan de travail. Elle s'est retournée vers moi, les sourcils froncés et les bras croisés devant son tablier.
-Je ne peux rien te dire sans risque de livrer trop d'informations. Je ne connais rien des plans de Cassius.
J'ai levé un sourcil interrogateur tandis qu'elle versait la sauce préparée auparavant sur les carottes cuites. Une odeur agréable s'était rependue dans la cuisine.
-Dis-moi tout ce que tu sais sur la Surface, a continué Elisabeth. Ainsi, je saurais ce que je peux te dire sans faire de bêtise.
J'ai haussé les épaules, un petit sourire aux lèvres.
-Pas la peine, je sais déjà tout. Vous pouvez parler sans crainte.
Elle m'a fusillé du regard avant de pousser un soupir.
-Le plat est près. Nous verrons cela au diner.
Mme Davies a appuyé sur une sonnette près du four et un bruit retentissant a résonné dans toute la maison. J'ai sursauté, manquant de glisser de mon tabouret. Remarquant mon air étonné, elle a ajouté :
-Ne fais pas attention, Tarek peut avoir l'oreille un peu lourde lorsqu'il est absorbé par son travail.
Quelques minutes plus tard, nous étions tous réunis autour de la table de la cuisine. Luz s'était installée à ma droite et Ange, entre ses parents. Mme Davies a apporté un plat fumant d'où s'échappait des effluves délicieux.
-Qu'est-ce que c'est ? a demandé Luz d'un air poli, les mains croisées sous son menton.
Ses cheveux humides pendaient platement contre son visage. Elle dégageait une agréable odeur de linge propre.
-Des carottes du jardin, a marmonné Mme Davies d'un ton sec. J'espère que cela vous plaira.
La table était silencieuse pendant un instant, seulement troublée par les bruits de mastications. Ange mangeait avec une lenteur calculée, absorbé dans ses pensées. De temps à autre, il jetait des regards furtifs vers ses parents. Je me suis concentrée sur mes carottes, les coupant en morceaux plus petits qu'elles ne l'étaient déjà, avant de porter ma fourchette à ma bouche. Le goût était doux, sucré, surprenant. Il n'y avait rien d'industriel dans ce plat, rien de stérile comme tout ce que j'avais connu à Subterra.
-C'est vraiment délicieux, merci.
Mme Davies m'adressé un petit signe de tête comme pour me remercier, avant de reprendre son air grave.
-Alors, Iris. (Elle s'est penchée en avant, les coudes posés contre la table.) Que sait-tu de la Surface ?
J'ai souris doucement, écartant la question d'un geste de la main. J'évoluais ici depuis des jours, je commençais à être une habituée des lieux.
-La Surface est devenue invivable il y a une centaine d'années, ou alors c'est ce que tente de nous faire croire le gouvernement, ai-je commencé, confiante. On ne nous a jamais expliqué pourquoi, seulement une vague idée de pollution et d'épuisement des ressources disponibles. Thomas, l'ancêtre de Cassius, s'est inspiré des métros de Paris pour concevoir une cité souterraine ou la population pourrait prospérer en paix. Dix ans plus tard, Subterra était fonctionnelle. Quelques centaines de personnes ont pu payer pour s'y réfugier à temps, les autres sont morts. (Je me suis laissé retomber contre le dossier de ma chaise, un petit sourire en coin) Seulement voilà, la Surface se révèle parfaitement habitable.
M. Davie a remonté ses lunettes rondes sur son nez, les sourcils froncés.
-Tu penses que le gouvernement ment ? a-t-il commencé d'une voix douce. Et comment expliques-tu notre rôle ici ?
Tous les regards étaient posés sur moi. J'ai réfléchi quelques secondes, les joues chaudes.
-Je n'en sais rien, ai-je finis par avouer en haussant les épaules. Mais c'est surement quelque chose de très important, cela ne fait aucun doute.
Mme Davies me regardait du coin de l'œil, n'ayant pas eu l'air d'apprécier mon trait d'humour. Je me suis maudite intérieurement. Ce n'était pas le moment pour les plaisanteries. Si je voulais que les Davies me livrent des informations supplémentaires, il fallait qu'ils me prennent au sérieux. Et j'avais comme l'impression que ma théorie sur la Surface et le gouvernement ne les avait pas convaincus.
Elisabeth Davies s'est frotté les tempes un instant, poussant un long soupire.
-Vous a-t-on déjà dit, Iris, que vous étiez une véritable philosophe de salon ? a-t-elle articulé lentement. Une petite arriviste stupide croyant tout savoir sur tout ?
Je suis resté bouche-bée, accusant le coup. Je me sentais mes joues devenir brulantes.
Luz, à mes côtés, m'a regardée un instant, comme pour demander si elle devait réagir. Elle ne disait rien, mais ses lèvres étaient pincées. Je la sentais prête à bondir à tout instant. J'ai posé une main sur son avant-bras pour lui signifier que je me débrouillais.
Mme Davies me fixait, le visage fermé. Je me suis forcé à afficher une expression neutre.
-Alors ? a-t-elle continué comme pour me tester. Vous l'a-t-on déjà dit ?
J'ai jeté un regard vers Ange. Il a haussé les épaules, l'air de dire « ne fait pas attention à elle » Il paraissait tout petit entre ses parents.
-Non, jamais.
Mme Davies s'est lentement laissé retomber contre son dossier, le dos droit. Son regard était plus tranchant que mon épée.
-Très bien. Vous feriez mieux d'aller vous coucher.
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Coucou tout le monde ! Comment allez- vous ? Vous avez passez un bon Noël ? (Pour ceux que le fete)
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