Chapitre 11

Recommandation musicale : War of Hearts de Ruelle

J'ai été réveillée par la lumière du soleil et les pépiements des oiseaux. Ange était déjà levé. Je me suis étirée, les muscles douloureux.

- Tu vas mieux ? a demandé le petit garçon.

Je me suis frotté les yeux, tentant d'évaluer mon état. Bien que mes égratignures me brûlaient encore, la douleur me paraissait plus supportable, comme si le sommeil en avait apaisé une partie.

J'ai hoché légèrement la tête pour le rassurer.

Luz ronflait doucement, emmitouflée dans son sweat. Dans son sommeil, son visage semblait plus doux, plus juvénile. Quand ses épais sourcils n'étaient pas aussi froncés, on s'apercevait alors que ses joues étaient rondes et le bout de son nez, tout rougis.

- On va devoir la réveiller, a murmuré Ange.

Il s'est approché de Luz et l'a secoué doucement par l'épaule. La rouquine a grogné avant de se tourner dans l'autre sens.

- Luz, a chuchoté mon ami. Il faut se lever.

Elle a poussé un léger soupir, puis a ouvert les yeux à moitié, paraissant à la fois perdue et agacée par les interruptions.

- Qu'est-ce qui se passe ? a-t-elle demandé d'une voix encore ensommeillée, la tête enfouie dans son sweat.

- La journée commence, a répondu Ange avec un petit sourire. Si on veut arriver au bout de cette mission au plus vite, on ne peut pas se permettre de dormir toute la matinée.

Luz lui a lancé un regard assassin, et j'ai deviné que l'optimisme forcé d'Ange lui tapait sur les nerfs.

Je me suis sentie un peu coupable. C'est moi qui devrais remonter le moral des troupes et mener l'expédition. La vérité, c'était que depuis notre arrivée à la Surface, je me laissais guider par un gosse de neuf ans.

Je me suis assise, essayant d'ignorer la douleur persistante dans mes muscles. J'avais assuré à Ange que j'allais bien, mais ce n'était pas tout à fait vrai. La lumière du matin filtrait à travers les branches des arbres, créant un jeu d'ombres dans la pièce. Je me suis étirée une nouvelle fois, forçant mon corps à se réveiller complètement pendant que Luz rangeait ses affaires dans son sac.

On a descendu les escaliers. Mes cuisses brulaient à chaque marche. Nos chaussures claquaient contre le sol. Une fois en bas, j'ai poussé la lourde porte et je suis sortie en première. Un léger frisson a parcouru mon échine dans l'air frais du matin.

On s'est mis en marche en silence, Luz et Ange tout devant, tandis que je suivais un peu plus loin. J'avais besoin d'être seule.

La forêt se dressait autour de nous, grandiose et majestueuse. Les arbres se balançaient doucement sous le souffle léger du vent, leurs feuilles vibrant d'une palette infinie de verts. Les rayons du soleil perçaient à travers le feuillage, créant des éclats de lumière dansants qui illuminaient le sol. La terre était humide sous nos pas, de l'eau était tombé du ciel cette nuit.

Mes cicatrices picotaient. J'ai repensé à la scène d'hier soir, une boule à la gorge. Lorsque les écureuils m'avaient traîné contre le sol, j'avais réellement cru que mes derniers instants étaient venus. Si Ange et Luz n'étaient pas venus à mon secours, ils m'auraient probablement tué.

J'ai chassé cette idée de mon esprit, m'efforçant de penser à autre chose. Une étrange mélancolie s'était emparée de moi depuis la veille et je peinais à mettre le doigt sur sa cause. Était-ce la peur d'être à nouveau attaquée, la crainte de l'inconnu ou simplement la fatigue accumulée ? Un mélange de tout cela sans doute.

J'ai fixé mes pas. Un pied devant l'autre, et on recommence. Au bout d'une heure, Luz s'est mise à râler.

- Ange, a-t-elle soufflé d'un air agacé. Es-tu sûr de bien suivre les indications de Cassius ? J'ai l'impression de tourner en rond depuis notre arrivée à la Surface.

Le petit garçon s'est tourné vers elle, sans pour autant s'arrêter de marcher. Le feuillage faisait de drôles d'ombres sur sa peau brune.

- Je t'assure que nous y sommes presque. Une fois arrivé à la station de métro, il ne nous restera plus que quelques minutes de marches.

- Qu'est-ce qu'une station de métro ? suis-je intervenue, la voix rauque.

Ange et Luz se sont tournés vers moi. Je n'avais pas prononcé un mot depuis notre départ. Le petit garçon a haussé les épaules.

- Nos ancêtres se déplaçaient parfois en métro. Pour faire simple, c'était une espèce d'énormes vers de terre qui pouvaient les emmener d'une station à une autre en passant sous terre. Thomas s'est inspiré des stations de métros lors de la création de Subterra.

J'ai hoché doucement la tête, les lèvres pincées. Je l'ai fixé en silence un instant.

- D'où te viennent toutes ces informations ? ai-je lâché d'un ton sec.

Mes mots ont claqué dans l'air. Évidemment, je n'avais aucune idée de ce qu'était une station de métro. Mais j'avais surtout vu une occasion de forcer Ange à avouer ce qu'il nous cachait et je l'avais attrapé. Car il y avait quelque chose qui clochait chez lui, c'était indéniable.

Il a haussé les épaules, comme si de rien n'était.

- Je suis déjà venu ici, a lâché Ange d'un ton léger. C'est pour cela que j'ai été choisi pour la mission.

Je suis resté sans voix. Non pas que la déclaration d'Ange m'ait étonné, non. Je l'avais deviné depuis bien longtemps. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il crache le morceau aussi facilement.

Luz avait l'air aussi surprise que moi. Ce n'était simplement pas dans la personnalité du petit garçon de se livrer de cette manière.

- À quelle occasion ? a-t-elle bredouillé d'un air ahuri.

Ange a fait un vague geste de la main.

- Oh, c'était il y a longtemps, a-t-il commencé. Mais je m'en souviens très bien. Mes parents étaient venus en recherche pour le compte du gouvernement. Au bout d'un moment, ils ont compris que la Surface n'était pas un lieu adapté au bon développement d'un enfant ; alors ils m'ont renvoyé chez ma tante. Je n'étais plus très utile.

Ange marchait plus vite et j'ai dû accélérer pour rester à son niveau.

- Donc... Tes parents ne sont pas disparus ? Dans ce cas, pourquoi as-tu été emporté par les gardes ?

Il a haussé les épaules.

- Mes parents n'étaient nulle part dans Subterra, alors ils m'ont embarqué. Cassius savait qu'ils étaient en mission à la Surface, mais il ne pouvait pas faire d'exception. (Ange nous a jeté un regard furtif avant de continuer sa marche, toujours plus vite.) Maintenant, nous allons les retrouver. Ils pourront nous aider.

J'ai mis un instant à assimiler toutes ces informations. Ange nous emmenait chez ses parents. Des adultes responsables qui pourraient prendre en main la situation. Une charge s'est enlevée de mes épaules. Je n'avais plus qu'à m'assurer qu'Ange, Luz et moi arrivions chez eux en sécurité et ils prendraient ensuite le relai.

J'ai rejoint Luz à son niveau. La forêt commençait à s'éclaircir, les arbres à s'espacer. Nous sommes arrivés dans une grande prairie où l'herbe m'arrivait au-dessus de la taille. Quand Ange s'y est engagé, il a presque disparu. Luz et moi l'avons suivie. Seul le haut du corps de la rouquine, qui était plutôt petite pour son âge, dépassait des hautes herbes.

Nous avons avancé ainsi un moment, laissant une longue traînée d'herbe piétinée derrière nous. Vers le milieu du champ, Ange s'est arrêté devant une grande structure métallique.

- La station de métro, nous a-t-il expliqué, l'air satisfait. Nous y sommes bientôt.

La station se présentait comme un grand cadre de fer. Elle se dressait, silencieuse, vestige d'un temps révolu. Du ciment bouchait son entrée. Un écriteau pendait d'un côté, de manière presque nostalgique. « Métropolitain », ai-je déchiffré.

J'ai imaginé nos ancêtres s'engouffrer dans ce cadre et descendre sous terre de la même manière dont j'étais monté à la Surface. Je me suis demandé ce qu'ils pouvaient ressentir. Savaient-ils que leurs enfants s'y confineraient leurs vies entières ?

- Ne perdons pas de temps, a dit Luz, peu impressionnée. Continuons.

J'étais sur le point de répliquer pour proposer une pause déjeuner lorsque je me suis rappelé que nous n'avions plus de nourriture. J'ai supposé que nous n'avions pas d'autre choix que d'avancer. Je commençais à me désespérer d'arriver un jour chez les parents du petit garçon.

Au bout d'un moment, nous sommes arrivés devant une rivière qui zigzaguait entre les bois. Un petit pond reliait les deux rives. Les quelques planches qui répondaient encore à l'appel étaient tenues par de vieux clous rouillés. Luz s'est arrêtée, plissant les yeux, examinant la structure avec méfiance. Je pouvais presque lire ses pensées : « Est-ce que ça tiendra sous notre poids ? »

Je me suis tourné vers Ange pour qu'il nous donne les indications. Devions-nous traverser ce pont ? Il se tenait devant la rivière, les mains sur les hanches, une expression indéchiffrable au visage. Son regard semblait perdu dans les remous de l'eau.

- Ange ? ai-je appelé.

Il s'est retourné lentement, comme s'il venait de sortir d'un rêve.

- Qu'est-ce qu'on doit faire ?

Un sourire a éclairé son visage. Ange a pris une grande inspiration avant d'avancer de quelques pas, juste devant le pont.

- Traversons, s'est-il exclamé d'un ton faussement enjoué. De l'autre côté, nous trouverons mes parents.

En deux temps, trois mouvements, le petit garçon avait rejoint l'autre rive.

Je me suis avancé sur le pont. Le bois craquait sous mes pieds comme un avertissement. Comme Ange n'avait pas l'air de s'en inquiéter, j'ai continué à avancer. Je sentais la présence de Luz derrière moi.

Arrivée au milieu du pont, j'ai jeté un regard vers le bas. L'eau sombre se balançait dans un fracas assourdissant, plusieurs mettre en dessous de moi. Je me suis arrêté un instant, une drôle de sensation grondant dans mon ventre.

J'ai essayé de ne pas repenser à la dernière fois que j'avais vu une aussi grande étendu d'eau. Le bois rugueux s'incrustait dans mes mains, cramponnées à la rambarde. Je me suis imaginé le pont lâcher sous mes pieds pour me laisser tomber dans les eaux glacées, comme lors de ce soir d'hiver.

C'était il y a six ans.

Tristan, Zoélie et moi avions l'habitude de passer nos soirées ensemble. La fin de journée approchait toujours trop vite, surtout quand nos rires et nos discussions enfantines dansaient dans l'air. À dix-neuf heures, c'était toujours le même rituel : nos mères commençaient à s'inquiéter et nous renvoyaient chez nous.

Ce jour-là, le maitre m'avait félicité à la fin des cours : j'avais obtenu la meilleure note de la classe en mathématiques. Moi, Iris, la plus faible en cours, celle qui luttait chaque jour pour comprendre des concepts qui semblaient si évidents pour les autres. J'avais travaillé tellement dur pour cette note. C'était comme un miracle. Le papier en ma main, cette note brillante, je la tenais comme un trésor. Mon cœur battait fort dans ma poitrine, une fierté que je n'avais jamais ressentie avant.

Bien que mon père soit pompeur, je me rendais rarement dans les salles d'extraction. Une ambiance étrange régnait là-bas. Avec Tristan et Zoélie, on avait couru jusqu'aux nappes phréatiques pour annoncer la bonne nouvelle à mon père, qui m'avait fait réviser toute la semaine. Cette note, je la devais aussi à Zoélie. En tant que première de la classe, mon amie m'encourageait toujours à m'améliorer. Je n'arrivais pas à croire que je l'avais dépassée, cette fois-ci.

Mon père m'avait embrassé, et je ne m'étais jamais sentie aussi fière de moi.

Et puis soudain, j'avais senti des mains me pousser. Quand j'ai essayé de respirer, mes poumons s'étaient remplis d'eau. Mon corps entier était glacé et je me sentais sombrer, sombrer toujours plus profond. Ma vision s'était obscurcie. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait.

Au moment où je croyais mourir, quelqu'un m'a attrapé par la taille pour me ramener à l'air libre. Quelques secondes plus tard, je gisais sur le sol de la salle d'extraction, crachotant pitoyablement. La scène s'était déroulée si vite que mes souvenirs en restaient confus.

Je n'avais qu'une certitude : même si elle l'avait nié à maintes reprises par la suite, c'est Zoélie qui m'avait poussée.

J'ai détourné le regard, les yeux droits devant moi. Luz, derrière moi, n'avait pas l'air beaucoup plus à l'aise. Elle m'a tendu une main, que j'ai attrapée avec reconnaissance. Ses doigts étaient glacés.

J'ai avancé à petits pas, Luz à ma suite. Elle serrait ma main si fort que je ne sentais plus le bout de mes doigts, mais cela me donnait du courage. Au bout de ce qui m'a semblé une éternité, nous avons atteint l'autre rive.

Ange nous a jeté un regard intrigué, ne comprenant pas pourquoi nous avions pris autant de temps. J'ai eu un peu honte, mais il fallait dire que l'eau était un univers inconnu pour les citoyens de Subterra. À part les extracteurs, qui suivaient une formation spéciale, personne ne savait nager. Ange avait dû apprendre lors de son séjour à la Surface.

Luz a lâché ma main, je ne m'étais pas rendu compte qu'elle la tenait encore.

- Nous y sommes, a murmuré Ange.

J'ai relevé la tête. Quelques mètres devant nous se tenait un immeuble plutôt bien conservé.

Nous avons avancé le long de l'allée. Le gravier bruissait sous nos pas. Les alentours de l'immeuble étaient soignés, les buissons parfaitement taillés et le gazon tondu à ras. Deux pots de fleur d'une douce teinte de violet encadraient la porte d'entrée. J'ai inspiré un grand coup, la gorge nouée. Je n'étais pas encore tout à fait remise de l'épisode du pont. Les fleurs dégageaient une odeur rassurante.

Ange a toqué à la lourde porte, l'air épuisé. Depuis mon arrivée à la Surface, je n'avais jamais vu un lieu respirant autant la présence humaine.

Je me suis forcée à paraitre enthousiaste.

- Alors, ai-je chuchoté en pressant les épaules d'Ange, tu vas enfin retrouver tes parents !

Il m'a adressé un petit sourire, haussant les épaules.

Des bruits de pas ont résonné vers la droite. On a tourné la tête d'un même mouvement pour tomber nez à nez avec une femme d'âge mûre, l'air surprise. Ses cheveux étaient ramenés en arrière par des milliers de petites tresses et des yeux en forme d'amande perçaient sa peau sombre.

La femme nous a dévisagés un par un, la bouche entrouverte. J'ai imaginé ce qu'elle devait penser en nous voyant ainsi devant sa porte. Trois gamins perdus, l'air hagard, mendiant de l'aide.

Elle a laissé tomber le panier qu'elle tenait à la main et son contenu s'est renversé contre les graviers.

- Ange ? a-t-elle murmuré d'une voix incrédule.

Le petit garçon a hésité, puis s'est élancé dans les bras de sa mère. Elle l'a serré contre elle, caressant doucement son visage. Ange paraissait encore plus petit à côté de sa mère, qui était très grande. Il s'est mis à sangloter contre sa robe mauve.

- Ange... Qu'est-ce que tu fais là ? J'ai entendu du bruit...

Luz et moi avons dévié le regard, ne voulant pas nous immiscer dans l'intimité de la scène. J'ai fait semblant d'être en grande admiration devant les pots de fleurs, effleurant les pétales d'une main. Quand je l'ai porté à mon nez, elle était marquée de cette odeur particulière.

Luz fixait le sol, l'air grave. Elle pensait surement à ses parents.

Ange a murmuré quelque chose et Mme Davies l'a relâché. Je m'apprêtais à me présenter, mais elle est passée devant moi, la tête haute. Elle a tapé un code sur un petit clavier et la porte s'est ouverte sur un couloir d'une blancheur immaculée.

- Tarek ! Ton fils est revenu.

Un bruit sourd a résonné tandis que l'homme criait qu'il arrivait. Quelques secondes plus tard, il débouchait dans l'entrée, une blouse de scientifique à moitié boutonnée et une paire de lunettes de travers sur son nez. Son visage s'est éclairé quand il nous a aperçus.

- Oh Ange, quelle bonne surprise !, s'est-il exclamé, n'ayant pas l'air plus surpris que cela. Et vous devez être...

Ange a serré la main de son père, un geste étrangement dépourvu de familiarité. M. Davies m'a tendu la main à son tour, un grand sourire au visage. Je me suis éclairé la gorge.

- Je m'appelle Iris Shatner, et elle, c'est Luz.

- Luz Ira, a complété la jeune fille. On est des amies d'Ange.

L'homme a ouvert la bouche comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose, mais s'est arrêté, le regard dans le vide. Personne n'a rien dit pendant quelques secondes.

Soudain, il a semblé se réveiller et un sourire béat a éclairé son visage.

- Je vous en prie, entrez !

On a fait quelques pas dans le hall d'entrée. Les murs étaient d'une blancheur immaculée, vierges et propres. Seules des plantes vertes disposées avec soin ajoutaient une touche de vie à ce décor stérile. Je me sentais comme une intruse dans ce long couloir blanc avec mes cheveux hirsutes et mon haut vert en miette, que je n'avais pas changés depuis mon départ de Subterra.

M. Davies nous a conduits dans une pièce qui ressemblait à un salon. L'ambiance changeait étrangement de celle de l'entrée, avec de vieux fauteuils moelleux et des rideaux volatiles de toutes les couleurs. La pièce contenait toute sorte d'objets improbables dont je ne connaissais même pas le nom. Elle dégageait une ambiance chaleureuse, mais tellement surchargée que cela en devenait malaisant.

M. Davies s'est laissé tomber sur un sofa. Intimidées, Luz et moi nous sommes serrées sur un fauteuil dont le cuir partait par grosses pièces. Ange et Mme Davies se sont assis à leur tour, si bien que nous formions un cercle autour d'une petite table basse en bois.

L'ambiance était assez étrange, comme remplie de tension. Mme Davies m'a proposé une tasse de thé, que j'ai acceptée poliment. J'ai porté les lèvres au breuvage brulant. Elle me regardait avec insistance, comme attendant ma réaction.

- Délicieux, ai-je soufflé.

Elle a hoché la tête, satisfaite.

- Je cultive moi-même les feuilles de thé dans mon jardin.

M. Davies plissait les yeux, observant Luz la tête légèrement penchée. Il avait vraiment l'air d'un savant fou, avec ses cheveux en bataille et sa blouse froissée. J'ai senti la jeune fille se crisper contre moi.

- Ne serait tu pas la fille de Phillipe et Thyra ? a-t-il finalement articulé, hésitant. Hum, Lizzie... non, Lisa ?

- C'est Luz, en fait. Mais oui.

Un sourire victorieux a fleuri sur son visage.

- Je le savais ! Tu es le portrait craché de ta mère. Cela fait bien longtemps que je ne les ai pas vus. Comment vont-ils ?

Luz a haussé les épaules.

- Longue histoire, a-t-elle soupiré.

Elle a tourné son regard vers moi, comme si elle s'attendait à ce que je raconte cette longue histoire. M'éclairant la gorge, j'ai reposé ma tasse de thé sur la table basse et entrepris de raconter les événements des derniers jours. M. Davies a semblé s'intéresser au début avant de décrocher, captivé par les détails dorés de sa tasse. Mme Davies, cependant, écoutait attentivement. Je pouvais presque sentir son regard sombre me transpercer les entrailles.

-Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, ai-je conclu d'un ton grave. Nous avons besoin de votre aide pour retrouver nos parents.

Le visage de Mme Davies a parue se décomposer. Elle s'est tournée vers Ange, l'air déçu.

-Tu n'es pas revenus pour nous aider ?

Le petit garçon s'est renfoncé dans son fauteuil. Ange a baissé les yeux, évitant le regard de sa mère.

- Non, a-t-il murmuré. Si j'avais pu, je serais resté à Subterra chez tante Odile. Cassius savait, il m'a envoy, car il savait. Je suis quand même venu vous trouver.

Mme Davies a pincé les lèvres, avant de se tourner vers son mari. Ils ont échangé un regard. Avec un soupir, elle s'est retournée vers Ange.

- Ce n'est pas grave, a-t-elle soupiré avec un sourire froid. (Elle lui a caressé doucement la joue, sa voix se faisant plus distante). Tu as de si beaux yeux... C'est tellement dommage.

Ange a dégluti. J'ai croisé le regard de Luz, qui fronçait les sourcils. Mme Davies a fait un geste de main vague, comme pour changer de sujet.

- Bref, ton père et moi sommes heureux que tu sois de retour parmi nous.

Elle a jeté un regard soutenu à son mari. M. Davies a acquiescé d'un air peu concerné.

Les parents d'Ange nous ont posé des tas de questions auxquelles je me suis efforcé de répondre le plus précisément possible. Il a été convenu que nous allions rester ici quelques jours pour nous reposer, même si Mme Davies n'en avait pas l'air ravie. Ensuite, nous repartirions à la recherche des disparus à l'aide des parents d'Ange. La certitude que mes amis ne dépendaient plus de moi m'enlevait un poids énorme des épaules. Deux adultes responsables allaient désormais gérer la situation.

M. Davies fixait le vide d'un air penseur, comme si mille rouages s'affairaient à l'intérieur de son crâne. Il est soudain sorti de ses pensées pour nous adresser un large sourire.

- Et si vous alliez vous doucher, maintenant ? Vous descendrez ensuite prendre le dîner

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top