sur le pardon, l'amour et la rage d'exister

il y a longtemps quelqu'un m'a fait du mal. beaucoup de mal.

notre relation m'a laissé le genre de cicatrices invisibles qui pourissent l'âme et l'être, qui s'attaquent à notre nature pour nous faire croire qu'il y a quelque chose de profondément incorrect avec nous.

récemment je me suis rendue compte que j'ai officiellement passé plus de temps à me soigner de ce que notre relation m'avait fait que de temps dans cette même relation et ça m'a fait un choc.

j'ai lu quelque part qu'on passe vraiment à autre chose quand on pardonne quelqu'un pour le mal qu'iel nous a fait, pas parce qu'on croit que ce n'était pas si grave, mais parce qu'on a réalisé que notre propre paix intérieure était plus importante que tout.

pourtant j'y arrive pas.

et à chaque fois que j'essaie, je pense aux soirées passées dans l'angoisse, à me répéter que je n'étais pas assez pour elle et pour qui elle voulait que je sois. pas assez mince, aussi. je me rappelle le jour où j'ai décidé que j'allais arrêter de manger pour enfin être assez, sans savoir que c'était le début d'une longue descente aux enfers. je me rappelle le poids de son regard sur moi qui m'a suivie pendant des années, et que je pensais ne me quitterait jamais.

pourtant ça va mieux. les crises d'angoisse quand je la croise dans les couloirs ont disparu, je n'ai plus l'impression de devoir changer qui je suis pour avoir de la valeur et j'ai conscience que si je l'ai cru pendant des années, c'est parce qu'elle me l'a répété. encore et encore.

parce que j'ai réalisé que c'était la dernière personne à qui j'avais envie de ressembler, et qu'avec le recul son comportement est pathétique. et quand je pense à la gamine de 12 ans que j'étais ça me rend triste et j'ai mal pour elle parce que bordel elle méritait tellement mieux.

je sais pas si je l'ai pardonnée, je pense que c'est au-dessus de mes forces et peut-être que c'est pour ça que j'ai pas encore trouvé la paix. peut-être que je la trouverai jamais, et peut-être qu'en refusant de le faire c'est moi que je punis.

pardonner ça va souvent de paire avec aimer. les deux riment, d'ailleurs.

il y a longtemps, pas si longtemps en fait mais aujourd'hui ça paraît si loin, j'ai aimé quelqu'un très fort. j'étais encore une enfant qui avait peur du monde et du noir, pas le noir de la nuit, celui dans mon esprit, et dans ses bras tout ça disparaissait. c'était le seul endroit au monde qui avait ce pouvoir, celui de me faire tout oublier.

seulement voilà, on s'aimait trop ou alors pas assez, ou peut-être qu'on a laissé nos propres démons entre nous, peut-être qu'on était trop brisées individuellement pour être ensemble, ou peut-être que c'était juste pas la bonne personne. peut-être aussi que j'avais tellement de choses que j'aurais aimé lui dire mais que j'avais trop peur pour les dire, et je pense qu'elle aussi. j'ai toujours pas de réponse à cette question. mais un jour ça a explosé, et les morceaux se sont jamais recollés.

et ça a fait mal, bien plus que ce que je pensais. j'en ai arrêté de dormir, j'en ai pleuré, pleuré, tellement pleuré que j'avais des cercles rouges sous les yeux et que j'en ai vomi.

apparemment ça s'appelle avoir le cœur brisé. alors je sais pas trop comment ça marche, mais mon cœur brisé c'était pas joli à voir. il se tordait, il hurlait, il suintait de douleur, et il suppliait, il suppliait silencieusement "ne me laisse pas sombrer".
à l'époque je pensais qu'il s'adressait à elle, mais aujourd'hui j'ai réalisé que c'était à moi qu'il parlait.

parce qu'avant d'aimer, il faut apprendre à s'aimer et c'était pas quelque chose que je savais faire. je savais pas comment combler ce grand vide dans ma poitrine donc j'ai essayé de le compresser, pour qu'il rapetisse et ça n'a pas marché non plus. alors j'ai dû apprendre, jour après jour, à me donner ce qu'une autre ne pouvait plus m'offrir : l'Amour. et c'était pas facile, parce que je me haïssais et que j'étais si dure avec moi-même, et je le suis encore. mais au fur et à mesure j'ai appris à m'accepter, plus ou moins, et surtout à accepter que les choses ne suivent pas le chemin que j'aurais aimé qu'elles suivent, et que c'est pour le mieux.

s'aimer c'est savoir SE pardonner aussi. se pardonner d'avoir été son pire ennemi, se pardonner d'être resté.e quand au fond de soi-même, on savait qu'il fallait partir parce que ça nous détruisait. se pardonner de s'être oublié.e pour des gens qui dormaient très bien sans nous et qui acceptaient sans donner. se pardonner pour le mal qu'on s'est fait. se pardonner pour toutes les choses pour lesquelles on se blâme, comme si tout était notre faute ; comme si seule j'étais responsable de ce qui m'avait brisée et du comportement des autres ; de leur incapacité à m'aimer sainement, sans chercher à me changer ; de leur incapacité à me comprendre.

c'est drôle ça aussi parce quand je pensais que je n'aimerais plus jamais comme ça, je suis retombée amoureuse. c'était magique, on dansait sous les étoiles et on chantait girl in red à tue tête ; on riait d'euphorie, on courait le soir dans les rues pour ne pas être en retard et elle m'embrassait devant ceux que ça gênait. elle avait comme une constellation d'étoiles sur sa gorge, une constellation de grains de beauté et elle sentait la mer, l'été, l'insouciance. elle avait de jolis yeux qui pétillaient quand elle était heureuse et ça réchauffait mon cœur parce qu'ils pétillaient quand on était à deux.

c'était facile, là bas sur la plage, de l'aimer. loin des soucis, loin de l'anxiété, quand on riait et on dansait toute la journée. c'était facile d'y croire, de se laisser espérer que ça puisse ne jamais s'arrêter.

elle me parlait de son pays, de la neige en hiver et de la soupe à la tomate. elle avait un accent doux, chantant, et j'aimais bien l'entendre parler.

et c'était merveilleux, et j'aurais voulu que ses lèvres sur les miennes et ma main dans la sienne ça dure toujours et j'ai prié sans y croire pour que jamais n'arrive le moment de retourner dans nos pays respectifs.
mais tout à une fin, en est venu le moment des adieux, la promesse de ne pas s'abandonner. si je voulais aller à pied de mon pays au sien j'aurais marché 474 heures et pourtant c'était pas assez pour l'oublier. un jour sous la lune elle m'a dit, "tu sais des fois j'ai l'impression que c'est le destin et je pense que je t'aimerai toujours".

je sais pas si elle m'aimera toujours, c'est pas le genre de promesses auxquelles je crois, mais je pense qu'une partie d'elle restera en moi à jamais, comme pour chaque personne que j'ai un jour, même brièvement, aimée.

il est bizarre ce destin, parce qu'au final c'était pas la bonne personne non plus, et c'est pas grave. peut-être que c'est ça la vie au fond, une succession de gens qu'on aime, qu'on hait, qui nous marquent et qui nous forgent. peut-être qu'on est seulement un produit d'expériences et de rencontres, un mélange unique de l'essence de toutes les personnes qu'on a un jour aimées.

et peut-être que vivre c'est accepter d'être incomplet.e et que c'est notre fatalité, de toujours rechercher ce qui nous donnera notre raison d'être. je pense pas que l'humain puisse être défini comme étant complet ou incomplet et je pense pas non plus qu'on ait besoin d'une raison pour être. pour exister, peut-être.

mes raisons d'exister c'est les feuilles rouges sous mes pieds en automne, les karaokés où on hurle à s'en déchirer les poumons et à s'en libérer l'âme, les pulls de grand-pères dans les friperies, les câlins où on s'abandonne, les cookies le vendredi soir, les tasses de chocolat trop chaud, la poésie, celle que je comprends, les batailles dans la neige, les fous rire dans la nuit, les sourires de mes ami.e.s même si iels vivent à l'autre bout de ce putain de monde et que je sais pas si je les reverrai un jour. et je sais que tout ça donne pas vraiment de papillons mais quelque part c'est de l'amour aussi.

et il y a des jours où j'ai pas vraiment de raisons d'exister. des jours où ma seule envie c'est de m'enrouler dans le plus petit coin de la terre et de disparaître, même avec les cookies et les feuilles d'automne sous mes pieds.

alors je sais pas si on peut pardonner à tout le monde, je sais pas si le pardon est nécessaire pour passer à autre chose et vivre. je pense qu'avoir cette rage dans mon estomac, cette rage contre l'injustice, cette rage qui ne tolère pas la façon dont l'humain est traité et bafoué, c'est aussi une de mes raisons d'exister ; et cette rage des fois c'est ma seule raison de vivre.

parce que cette rage c'est un cri du cœur, un cri de l'âme et que je refuse de le laisser mourir au nom de la sainte paix d'esprit ; parce que je sais pas aimer ou donner à moitié et qu'essayer de le faire ça me tue ; et c'est ainsi que marche mon équilibre bancal.

***

j'espère que vous avez aimé ;)
j'ai écris ça il y a quelques jours, sous l'émotion, et j'aime bien ce genre d'écrits donc si ça vous plaît je pense que j'en ferai plus souvent.

je parle pas beaucoup de ma vie personnelle ici (je le faisais à une lointaine époque lol, mais n'y repensons pas c'est cringe), encore moins de mes relations, je pense que je suis assez pudique sur ça. pour moi l'amour et la relation qu'on a avec une personne c'est quelque chose d'hyper intime et j'aime bien garder ce genre de choses pour moi parce que quelque part en le jettant au monde ça pert de sa valeur ?

bref c'est un peu pour ça que je donne pas énormément de détails sur ma vie perso ici et vous ne le saviez pas mais quand je suis partie en angleterre je venais de vivre ma première rupture et mon premier chagrin d'amour. ça faisait extrêmement mal et j'ai cru que je retomberais plus jamais amoureuse parce que ça valait pas le coup (tu parles lol).

mais au final aujourd'hui je suis reconnaissante de cette rupture parce que ça m'a permis de me rapprocher de moi-même et d'apprendre à m'aimer au lieu de me reposer sur l'affection d'une autre. j'écris ça si jamais des personnes vivent la même chose par ici ; je sais que c'est dur au début, mais tout finit par aller mieux, vous verrez.

dans la première partie je parle de quelqu'un qui je sais lit ces lignes. à une époque de ma vie c'était une personne extrêmement toxique pour moi, qui m'a fait perdre ma confiance en moi et à cause de qui je suis tombée dans les tca (entre autres lol), et c'est la raison pour laquelle pendant longtemps j'ai pas cru en moi. cette relation m'a détruite, sans exagérer. l'année dernière j'ai dû retourner en thérapie pour plein de raisons, notamment parce que dès que je la croisais dans les couloirs j'étais incapable de respirer et je finissais en larmes sur le sol. un jour ma psy m'a demandé ce que je ferais si elle venait me parler et je lui ai répondu "je me jetterai par la fenêtre".

par chance aujourd'hui c'est plus du tout le cas, je vais beaucoup mieux par rapport à ça et je ressens plus le besoin de me comparer à elle parce que j'ai pris conscience que c'était vraiment la dernière personne que j'avais envie de devenir (et que même si j'ai longtemps cru être moins bien qu'elle ou jamais vraiment assez, je sais que c'est loin d'être le cas). des fois je la trouve pathétique même, quand je repense à tout ce qui s'est passé et à ce qui peut encore se produire. aujourd'hui je suis plus ou moins en paix par rapport à toute cette histoire et je suis fière de moi, parce que je partais de loin quand même.

tout ça pour dire, n'abandonnez pas. je sais que des fois on a l'impression qu'on n'ira jamais mieux et que ce qu'on vit n'a pas de fin, mais avec le temps les choses finissent par aller mieux.

bref hésitez pas si vous avez des questions, si vous ressentez les mêmes choses ou si vous avez des choses à ajouter ce sera un plaisir d'en discuter avec vous !

prenez soin de vous <3

- niamh

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