❝𝐕𝐈𝐈- 𝐎𝐔 𝐋𝐀 𝐇𝐀𝐈𝐍𝐄 𝐏𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 𝐕𝐄𝐑𝐒 𝐋'𝐀𝐁𝐈𝐌𝐄❞
Hey / Salam a3leykoum amiraati
Bienvenue dans un nouveau chapitre de LW ENKASART | SI JE ME BRISAIS, avec un point de vue de Tasnim, en espérant que l'histoire vous plaise toujours autant.
Même si je traverse une passe compliquée, je fais de mon mieux pour vous sortir des chapitres en me surpassant, même si en se comparant constamment aux autres et en étant mise à l'écart des autres autrices c'est compliqué.
❝𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟕❞
❝𝐀𝐁𝐔 𝐃𝐇𝐀𝐁𝐈 - 𝐔𝐍𝐈𝐓𝐄𝐃 𝐀𝐑𝐀𝐁 𝐄𝐌𝐈𝐑𝐀𝐓𝐄𝐒
𝐓𝐀𝐒𝐍𝐈𝐌 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀'𝐒 𝐕𝐈𝐄𝐖𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓
𝟏𝟒𝟒𝟏 - 𝟐𝟎𝟏𝟗❞
Je quittais mon pays, ma natalité pour m'envoler vers le crime. Ce dernier rimait pour le moment avec réussite et vérité, j'y trouverais réponse à tout, bien qu'il y aurait à l'évidence une contre- partie, que j'étais prête à payer. J'étais loin de savoir si je reviendrais ici, mais j'avais marqué les émirats, et marquerais le monde entier, dans la limite du temps qu'il me restait à vivre.
Quelques mois. C'était ce que j'avais pour mener à bien mes missions, et tout découvrir. Le temps m'était compté, tout était allé vite jusqu'ici, ce qui était en ma faveur, et je ferais en sorte que tout le reste aille aussi vite. J'étais Tasnim Sariya, qui pouvait donc m'arrêter ?
Ryan et moi étions au guichet, où nos identités étaient contrôlées. Je sentais des regards sur nous, aussi bien sur moi que sur lui, mais je n'en avais strictement rien à faire. Ca ne faisait que témoigner de la peur qui émanait de ma personne et mon passé.
Peut-être Ibn Hillal était elle là, avec sa collègue sénégalaise, à nous guetter, pour encore nous prendre en photo. Je me demandais ce qu'elle pourraient inventer à notre sujet, sûrement un voyage aux Maldives ? A cette pensée, je ricanais intérieurement. C'était si pathétique de vouloir inventer des vies aux gens de la sorte pour se faire remarquer. Ibn Hillal, de ce que j'en avais aperçu, jouissait déjà d'une forte popularité à travers les émirats, bien qu'elles soit essentiellement connue à Abu Dhabi.
On cherchait à me faire passer pour la bête de foire que je n'étais pas, en oubliant de me prendre pour la psychopathe que j'étais réellement. J'étais le danger principal des émirats, au lieu de s'occuper des dépendances économiques au pétrole et au gaz, des véritables sujets d'actualité, des touristes non respectueux de nos cultures, les médias voulaient s'occuper de mon cas, calmé depuis un certain temps, alors qu'il y avait bien plus important.
Après le guichet, nous passions à la douane. Il était six heures moins cinq. Nous n'allions pas tarder à embarquer. Ryan adressa une salutation au douanier, qui la lui rendit avec un sourire. L'avocat semblait avoir des contacts de partout, quoique, en avoir un à la douane d'Abu Dhabi était essentiel, surtout lorsqu'on avait des activités mitigées comme les siennes, tirant entre défense du bien et illégalité pour parvenir à des fins personnelles.
— C'est bon, Sariya, on est tranquilles.
Ben Sayour était serein, pour quelqu'un qui s'apprêtait à faire passer une autre personne par sa volonté dans un réseau criminel à l'autre bout du monde. J'étais tout de même aussi volontaire que lui, il me fournissait des moyens dont je ne pouvais pas me passer. Sa froideur ainsi que son détachement étaient impressionnants, il se dérobait de la situation aussi vite qu'il pouvait s'irriter.
Il s'assit sur une banquette rouge, s'y affalant presque. Il semblait fatigué, tout comme moi je l'étais, mais lui n'était pas gêné de le montrer et ne tentait même pas de résister à sa condition physique. Il me tendit mon ticket, quand je fus assise à côté de lui. J'y regardais le numéro du vol, avec attention afin d'être certaine de ne pas le louper. Je ne pouvais pas compter sur lui pour être à l'affût, en lui jetant un simple coup d'oeil, je pu constater que ses paupières se fermaient sans qu'il tente de faire face à sa somnolence. Il avait été capable de faire face à la justice pour me défendre, ayant soi-disant trouvé ma peine immorale, mais était incapable de tenir tête à lui-même.
Me charger d'être attentive à l'annonciation du vol que nous allions prendre était comme prendre une responsabilité, en fait, ça l'était. Et ça me démangeait terriblement de le rater en le faisant exprès, je prenais la responsabilité de faire l'inverse contre mon gré. J'avais même envie de laisser la chose de côté, mais ce n'était pas dans mon intérêt, j'en avais d'autres à remplir, alors il fallait bien que je sois à l'écoute pour ne pas rater le vol.
Il fut annoncé un peu après, alors que Ryan avait les paupières fermées. Je l'observait en posant sur lui un regard qui se voulait dégoûté. Avec une moue, je le secouais par l'épaule d'un geste de la main qui sollicita pourtant tous les muscles de mon bras. Il était plus lourd qu'il n'en avait l'air.
— Tu n'aurais pas l'impression qu'il est l'heure d'y aller, non ?
Je tapotai mon index contre mon poignet, mimant le geste de désigner l'heure sur une montre, alors que je n'en possédais pas. Il souffla et se releva, en s'étirant même un peu. Il avait vraiment réussi à s'endormir affalé dans un aéroport bondé. A sa place, le brouhaha ambiant m'en aurait empêché, mais visiblement ça ne l'avait pas dérangé, et ma compagnie encore moi.
La montée se fit silencieusement, sans doute n'était il pas sorti du coma dans lequel il était tombé. Nos places étaient à côté, et nous n'étions environ qu'une vingtaine de personnes dans l'avion. L'escale se faisait à Paris, la plupart devaient descendre là-bas. Voyager d'Abu Dhabi à Rotterdam était plutôt quelque chose d'étrange et peu fait.
J'étais assise du côté de la fenêtre, par laquelle j'observais la piste de décollage. Ryan retomberait sans doute dans un profond coma dans les minutes qui venaient. Il somnolait déjà, la tête contre le moelleux siège. Il avait pris les billets de la classe la plus haute, mais au vu de la luxure son organisation, je n'étais même plus surprise.
Dix. C'était le nombre d'heures qu'il me restait avant d'arriver à Rotterdam, comme il me l'avait promis. Au début, j'avais trouvé l'avocat louche, il me parlait de vérité et utilisait mes propres idées pour me convaincre, mais j'avais vu qu'il tenait ses promesses et qu'il ne mentait pas. Je l'avais mis à terre dès notre première rencontre, sûrement cela influait -il sur le respect qu'il manifestait à mon égard.
Il m'avait ramenée en bas du bâtiment où j'avais tué Ali. Je m'étais revue haut huitième étage, le poussant d'une main vers l'abîme, guidée par la soif de vengeance et la haine. J'avais converti ma tristesse en ce dernier sentiment, pour achever comme il m'avait tuée intérieurement.
Il ne fallait pas mourir pour perdre la vie, c'était lui qui me l'avait enseigné. Et maintenant, j'étais sous les vibrations d'un avion ayant pour destination Rotterdam, ayant retrouvé une existence, sans pourtant y reprendre goût. Tandis que lui était six pieds sous terre, ayant amèrement payé le prix de ses actes.
J'avais plongé dans une profonde réflexion, aussi profonde que le coma dans lequel avait sombré Ryan. J'allais de nouveau sombrer dans la haine et le crime, lui préférait dormir, c'était chacun son domaine d'expertise. Je pensais que nous aurions l'occasion de parler et que durant ces dix heures je pourrais améliorer encore ma répartie, mais je m'étais trompée, il s'était endormi, désarticulé comme le cadavre de ma victime d'il y a deux ans.
Je l'observais, ancrant chacun de ses traits dans ma mémoire. J'en profitais, endormi comme il était, il ne pouvait pas sentir mon regard le scruter dans les moindres détails. Ses paupières étaient closes sur ses yeux que je savais bruns, quelques fois avec des lueurs vertes, et ses cheveux, qu'il n'essayait encore moins de boucler qu'il n'essayait de lutter contre sa fatigue, lui tombaient sur le front, cachant en partie ce dernier ainsi que ses sourcils.
Il était un avocat diplômé des émirats arabes unis, détenteur d'un doctorat, et se retrouvait avec moi dans un avion ayant pour destination finale Rotterdam aux Pays-Bas, après m'avoir défendue. Il s'apprêtait à me faire passer dans une mafia européenne plus ou moins réputée, avec aplomb et confiance en lui. Je doutais fortement de ses véritables intentions, mais si il nourrissait mes intérêts, je n'avais aucune raison d'aller à son encontre.
Je n'avais quasiment plus de batterie sur mon portable, que je ne savais par où charger, je n'avais même pas avec moi mon chargeur. Le sommeil n'était pas près de moi, si on exceptait la présence de Ben Sayour, et je savais aussi qu'il ne viendrait pas, ce seraient 7 heures tortionnaires.
J'espérais que l'Algérien ne dorme pas tout le trajet. Une forte envie de tirer son téléphone de sa poche me démangeait, il en dépassait un peu. Je délaissais pourtant l'idée, l'action risquerait de le réveiller, je ne devais pas prendre le risque. J'avais déjà eu l'occasion de faire un tour dans l'appareil, la veille, lorsqu'il était descendu chercher à son bureau la brique de feuille que j'avais refusée de lire. Il avait dans sa messagerie, de nombreux numéros non- répertoriés et beaucoup de dossier à gérer. D'après mes connaissances, il plaidait souvent, avec ardeur et volonté, et se déplaçait au quatre coins du monde pour son activité.
Il défendait le bien, ordonnait le convenable et condamnait le blâmable, mais s'apprêtait pourtant à me faire passer dans un réseau mafieux particulièrement dangereux et actif dans le monde criminel. L'ambition d'un homme ne devrait jamais dépasser ses valeurs. Il fallait qu'il l'apprenne, autrement et contrairement à moi, il finirait par amèrement regretter ses actes. Je savais pertinemment que si nous étions là, ici et maintenant, c'était parce qu'il nourrissait ses intérêts, et il avait pour cela besoin de moi. Un avocat luttait pour la justice, et lui y faillait, si on l'attrapait, son droit d'exercer lui serait à l'évidence retiré.
Mais tout ça ne me concernerait pas, je venais juste prendre les informations nécessaires à mon enquête, je n'avais pas à me soucier de ce qui lui arriverait. Le temps m'était compté, c'était seulement une dizaine de mois qu'il me restait à vivre, tôt ou tard je succomberais à l'agonie, et filerais entre les griffes de ceux qui voudraient me faire regretter.
❝𝐑𝐎𝐓𝐓𝐄𝐑𝐃𝐀𝐌 - 𝐍𝐄𝐓𝐇𝐄𝐑𝐋𝐀𝐍𝐃𝐒
𝐓𝐀𝐒𝐍𝐈𝐌 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀'𝐒 𝐕𝐈𝐄𝐖𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓
𝟏𝟒𝟒𝟏 - 𝟐𝟎𝟏𝟗❞
C'était fini. Il était vingt heures, et nous étions depuis quelques temps entrés dans l'atmosphère des Pays-Bas. L'avion se préparait à atterrir, et ses passagers aussi. L'excitation commençait à monter en moi, fébrilement, j'imaginais la suite des évènements, n'ayant pas reçu de détails dessus de la part de l'avocat.
Ce dernier s'était réveillé et avait pris ma place du côté du hublot durant l'escale. Son téléphone lui ayant fait défaut, il s'était occupé avec un dossier juridique, et avait passé plusieurs heures à trouver les bons arguments, de sorte à être le plus convaincant possible. Des murmures en darija s'échappaient de ses lèvres alors qu'il écrivait, dans cette même langue qui lui était propre, et dont je comprenais à peine quelques mots.
L'escale à Paris s'était faite sentir rapide, alors qu'elle avait bien duré trois heures. Je n'avais même pas pris la peine de sortir et de visiter la France, je ne voulais pas savoir à quoi elle ressemblait, et j'espérais à ne jamais avoir à poser les pieds sur son territoire.
La descente se fit dans le calme, ce dernier était si apaisant que j'eus envie de le déranger. Nos identités furent encore vérifiées, et nos bagages avec. C'était long et redondant, surtout un soir, mais il était aux yeux du monde trop grave de confondre un Homme avec un autre.
Mais que ce fut agréable ne pas sentir un seul regard mal placé sur mon corps ! Certes ma tenue était extravagante aux Pays-Bas, mais ma réputation n'était pas arrivée jusqu'ici, que ce fut doux de ne pas être toisé avec hargne et dédain. Bien au contraire, je sentais dans les regards un peu d'admiration et d'intrigue, sans doute dégageais- je l'aura de mon pays, les émirats n'étant que charisme, modernité et culture.
Au dehors, le soleil avait depuis bien longtemps tiré sa longue révérence, offrant comme chaque soir sa place à la Lune, la laissant défiler de longues heures.
Ryan, qui avait récupérer nos deux sacs, relativement légers, revint vers moi alors qu'il s'était éloigné quelques minutes auparavant. Il avait le portable collé à l'oreille, en appel, ça ne me surprenait même plus.
— Oui... J'ai le doubles des clefs... Merci, tu gères... Non, je peux...
Sa voix, avec laquelle il m'avait toujours froidement adressé la parole, grave, qui se voulait rauque et relativement froide, était cette fois-ci douce et calme je pouvais y sentir qu'il appréciait un minimum la personne à l'autre bout du fil, ou que tout du moins il la considérait un minimum. Ou alors était -ce la fatigue qui donnait cette impression. C'était possible, puisque je sentais son ton un poil las.
— Viens, Sariya.
D'un signe de la main, il m'invita à le suivre. Il faisait toujours ce geste de la même manière, et lorsqu'il parlait, s'exprimait beaucoup avec le corps. Nous étions à la sortie d'un terminal d'aéroport, ce dernier étant gigantesque, non loin de la sortie. Ryan chercha rapidement dans son sac quelque chose, qui s'avérait être des clefs de voiture. Je commençais à me demander combien en possédait- il, mais il vivait dans l'aisance et le luxe. Après tout, c'était un avocat qui avait réussi dans la vie, alors qu'il devait avoir mon âge ou un peu plus. C'était cette fois-ci les clefs d'une Porsche qu'il tenait dans la main. La personne avec qui il était au téléphone quelques instant auparavant devait être un contact des Pays-Bas, m'infiltrer ici devait être prévu depuis un certain temps.
Le parking sur lequel nous étions arrivés était énorme, mais à moitié vide. Il s'en dirigea au fond, avec aplomb, sachant parfaitement où il allait. Il me fit monter dans la voiture dont il tenait les clefs. Elle était immatriculée avec le sigle de l'union européenne, et la lettre latine "N", pour Netherlands. Les étoiles en cercle qui venaient représenter dessus l'Union Européenne me répugnaient, en les voyant j'avais même eu une petite moue.
— On y est... me souffla l'Algérien derrière le volant, venant à peine de démarrer.
J'approuvais d'un signe du menton. Nous passions aux choses sérieuses, j'avais quitté les Emirats pour les Pays-Bas. On me chercherait sûrement dans mon pays, en demandant partout sur les unes " Où est Sariya ?", mais personne ne me retrouverais.
— Qui se doutera que je suis ici, répondis -je avec un éclat de rire et l'expiration qui allait avec.
— Personne. J'ai déjà fait en sorte qu'on ne puisse pas te retracer.
Il avait pensé à tout. Mais je savais qu'on pensait aussi pour lui, il avait beaucoup trop de charge pour être opérationnel à ce point là. Je doutais fort de ses capacités à gérer stress, multiples informations et charge mentale, mais tant qu'il faisait les choses dans nos intérêts communs, ainsi que les miens personnel, je n'avais rien à dire.
Je pris un instant pour regarder par la fenêtre. Rotterdam était une grande ville, un centre économique international. Je savais que beaucoup d'immigration arabe et maghrébine s'y était faite, et même dans tout le pays. Les bâtiments étaient hauts, comme ceux d'Abu Dhabi, mon émirat que je venais tout juste de quitter, mais dans leur forme s'en démarquaient. Il étaient plus carrés, moins illuminés, et semblaient aussi moins animés. Pourtant, ils restaient tout aussi importants, et s'élevaient comme le port à ses côtés pour étouffer le monde de leur grandeur.
La plupart des panneaux étaient en néerlandais, et beaucoup soient accompagnés de leur traduction anglaise. Ben Sayour conduisait, les mains raides sur le volant, loin d'avoir l'air ravi de se trouver ici, et la mine préoccupée. Il ne m'avait pas adressé la parole depuis plusieurs minutes, ayant plongé en immersion dans ses pensées qui semblaient le torturer.
— Comportes -toi bien, Tasnim Sariya, on passe aux choses sérieuses, me lâcha-t-il lorsqu'il senti mon regard sur le sien. C'est ici que tout commence et que tout se saura.
Son ton s'était fait formel, bien qu'il ait presque sonné comme une menace, sûrement pour accentuer son sérieux. Il ne paraissait pas avoir fini de parler, ses lèvres étaient restées suspendues en l'air.
— Le temps t'es compté, ne le perds pas, Sariya. ADAK est bien loin d'être une fausse piste , ils en savent bien plus que nous le pensons.
— Je sais. Je ne faillerais pas, après tout, je suis Tasnim Sariya, lui répondis-je avec un sourire à la fois confiant et satisfait.
— Nourris mes intérêts, je nourris les tiens.
Il avait ajouté cette phrase d'un ton grave, que la sincérité réussissait à venir troubler.
— Et où est basé ADAK exactement ici ?
J'avais brutalement changé de conversation, ne sachant pas quoi répondre à sa précédente phrase, et ayant des informations à lui soutirer.
— Près d'ici, nous sommes vers le port, regarde bien. Le centre économique de Rotterdam, et un moyen d'exportation, où auraient -ils pu être mieux ?
Il avait raison. Il était en fait peu étonnant qu'ils soient ici, c'était pour eux le plus pratique, et si un réseau avec de telles activités et de telles idéologies, cela signifiait clairement qu'il était discret et dissimulé.
— Par contre, on ne sait pas qui est à la tête d'ADAK. Sans doute un homme influent, mais le réseau étant divisé en secteur eux-mêmes chacun géré par quelqu'un, on ne sait pas qui gère le réseau en entier. Ce qu'on sait en revanche, c'est que cette personne est comme toi, un fervent croyant des théories du complot.
— Excellent, je vais trouver qui est-ce et devenir amie avec lui. Nous allons bien nous entendre.
— Fais-en ton objectif et renverse- le.
Il me jeta un bref regard à l'instant où il finit sa phrase. Il m'avait dit ça presque de façon rhétorique, comme si c'était une évidence et qu'y parvenir serait aisé. Mais, au vu de qui étais -je et de mon absence d'éventuel sens moral, je comprenais qu'il ait de telles attentes à mon égard. C'était en fait logique, je me devais de renverser ce réseau et en prendre le contrôle si je voulais tout savoir, cet objectif n'était qu'un passage vers la vérité.
— Ce que tu dois en revanche savoir, c'est que c'est bien une mafia, et que leurs agissements ne sont pas des moindres. Ils ne prennent pas n'importe qui non plus, mais ne t'en fais pas pour ça, tu corresponds à ce qu'ils recherchent. Il y a là-bas, comme dans toute mafia, une grande solidarité, que tu devras respecter. Même si ça te fait mal.
Il marqua une pause, comme pour me faire méditer, avant de reprendre :
— Ils ne te feront quand même pas passer sans raison. Tu auras à prouver, Sariya.
— A prouver de quelle manière ?
— De celle qu'ils t'imposeront, et dans ton intérêt, ou plutôt dans le nôtre, tu t'exécuteras.
— Dans tous les cas je suis sûre que ça me plaira, fis-je avec un petit rictus.
Nous parlions d'une mafia de façon banale, comme si ce n'était rien. Mais pour une journaliste psychopathe et un avocat ayant fondé une organisation illégale dans un pays plutôt serré sur ses lois, c'était en fait vraiment banal. J'allais m'infiltrer dans une mafia qui avait pour nom l'état caché, sous ses ordres, afin de découvrir les dernières vérités de ce monde. Cela pouvait bien paraître quelques fois ridicule dit de cette manière, mais c'était en vérité d'un sérieux implacable.
— Je ne rigole pas, Tasnim. On parle de corruption, de crime, de trafics, d'illégalité et de violence à l'état pur, me réprimanda- t -il en détachant un instant son regard de la route.
— Mais on parle aussi d'importantes découvertes, soulevais -je.
— Mais aussi de lourdes pertes.
Il se tu et je ne pris pas la peine de le relancer, voyant ses sourcils se froncer. Nous rentrions dans du concret, je ne pouvais pas me permettre d'aller contre lui, ni de susciter son irritation. Je me devais de me retenir, même si cela me coûtait. La frustration enflait en moi comme une bulle, mais dès que j'en aurais l'occasion, je la percerai d'un coup sec.
Ryan se gara enfin devant un haut bâtiment, qui s'avérait être un hôtel. Je lui adressais un regard interrogatif, auquel il répondit par un geste de la main comme il avait l'habitude de le faire. Il parlait beaucoup, mais était incapable d'exprimer une telle consigne par des mots, préférant utiliser un mouvement qui souvent n'était que peu explicite.
— Prends tes affaires dans le coffre, m'ordonna- t -il.
Je claquais la portière à ma sortie, tandis que lui me devançais en rentrant dans le bâtiment. J'exécutais sa consigne, saisissant mon sac que j'avais peut-être un peu trop chargé. Je pénétrais ensuite dans l'édifice, pour le croiser allant dans le sens inverse. Il déposa au creux de ma main une clef accompagnée d'une étiquette numérotée.
— Troisième étage, dépose tes affaires et redescends.
Cette fois-ci, ce fut un regard mauvais dont je le gratifiais. J'estimais que de par sa sécheresse, il l'avait amplement mérité, et il ferait mieux de cesser avec ce type d'intonation, ou nous aurions une altercation comme celle qui avait constituée notre première rencontre.
J'ouvrais fébrilement la porte et en allumai la lumière. C'était une spacieuse chambre, similaire à celle que l'Algérien m'avait attribué à Al-Hakikah, mais bien plus dans l'esprit européen et moderne. Je déposais rapidement mes affaires non -loin de l'entrée, et redescendais. Je sentais quelques paires d'yeux se poser sur moi avec curiosité, mais j'ignorais. Je faisais tâche, au milieu de la nuit, en Europe, avec mon kimono crème tirant sur le marron, ample et luxueux, qui criait qu'il venait des émirats, en utilisant comme voix l'élégance.
Ben Sayour avait redémarré, et m'attendait, avec une main posée sur le volant de la Porsche et une autre tenant son téléphone.
— La nuit risque d'être longue, Sariya, m'annonça-t-il lorsque je m'assis à côté droit.
— Intéressante et pleine de progrès, je l'espère surtout.
Il eut un petit haussement de sourcils dubitatif, et reprit la route sur le macadam bien lisse, où en cette nuit noire du deux décembre peu voyageaient. Il n'y avait qu'un vingtaine de voitures avec la nôtre, alors qu'il était encore tôt. Il était vingt et une heures, vingt et une heures sombres comme mon existence, vingt et une heures de secrets se préparant à se divulguer.
Ben Sayour n'alla pas bien loin, nous n'étions qu'à quelques avenues seulement de l'hôtel où il m'avait fait déposer mes affaires. Par la fenêtre de l'habitacle, j'observai qu'il s'était arrêté en bas d'un certain bâtiment, et que les quelques voitures qui étaient ici étaient luxueuses, donnant l'impression que le bâtiment était plutôt important. La plupart étaient des Porsches, des Range Rover, de grosses Mercedes, et toutes étaient immatriculées des Pays-Bas. L'Allemagne se trouvant juste en dessous, il serait peu étonnant que beaucoup aillent les chercher là-bas.
— Souffle un bon coup, Sariya. Prépares -toi, me pria l'Algérien qui était jusque-là resté silencieux.
J'expirai donc, alors qu'il approchait sa main de mes genoux. J'eus peur et les renfrognai, mais en réalité il ne faisait qu'ouvrir la boîte à gants. Il en tira quelques papiers, que je ne pu qu'apercevoir brièvement. Malgré tout, je vis clairement que dans la liasse se trouvait un journal, ou tout du moins un morceau de journal. J'étais pratiquement sûre qu'il s'agissait de l'un de mes articles, c'était évident.
Mon coeur commençait à pulser dans ma poitrine, enflant, prenant plus de place qu'il n'en avait besoin dans ma cage thoracique. Je savais que l'édifice, aussi large que haut devant lequel nous nous trouvions était la base d'ADAK. Quelque chose s'en dégageait, comme une aura malfaisante, similaire à celle que j'avais ressenti lorsque je m'étais trouvée avec Ryan en bas du bâtiment d'Ali, à Abu Dhabi. C'était là la deuxième étape de ma vie, la première ayant été l'assassinat d'Ali.
L'avocat, qui tentait d'avancer à mon rythme alors qu'il allait bien plus vite, avait remonté la fermeture éclair du col de son haut et l'avait légèrement ajusté. Il n'allait quand même pas venir avec moi, si ? Cela devait être su qu'il était un avocat, soit une autorité, s'il m'accompagnait, cela ne ferait que révéler notre jeu, alors que nous devions nous emparer de vérités et de secrets.
— Je suppose que tu as un contact au sein d'eux, Ben Sayour, qui connaît nos plans.
— J'en ai eu quelques-uns, oui. Et pas la peine de t'inquiéter pour ça, ADAK est au courant de ta venue, ils s'y attendent depuis un bout de temps.
Il avait parlé au passé, ce qui ne me rassura pas. De plus, sa seconde phrase portait à confusion.
— Comment ça ?
— Tu le verras de toi-même.
Il prit mon bras, que je tentais de lui retirer, il l'avait saisi d'une bien trop ferme manière. Il mit dans ma main, de la même façon qu'il y avait mit les clefs tout à l'heure, les quelques papiers qu'il tenait dans la sienne. Je les regardai, et constatai que je ne m'étais pas trompée, plusieurs étaient bien des articles que j'avais écrit il y a trois ou quatre années. Il y avait aussi des pages de magazines émiratis, où l'on avait relaté mon homicide exécuté au quartier des affaires d'Abu Dhabi, des extraits transcrits de journaux télévisés, et le tout daté. Chaque élément visait à prouver ma criminalité, et à appuyer mes idéologies, faisant de moi l'idéale recrue.
Une petite pochette était entre deux papiers, contenant une toute petite carte, qui s'apparentait à une SIM.
— A toi Tasnim. Tu sais comment me contacter, et moi j'ai à faire. Tiens moi au courant de tout.
Et sur ces mots, il me tourna les talons et s'en alla doucement, me laissant seule face au large édifice. Il ne m'avait pas donné plus d'informations que cela, sans doute parce qu'elles me seront fournies de suite. Ou bien devrais -je me débrouiller seule ? Après tout, j'avais des consignes, des objectifs et des désirs.
J'étais Tasnim Sariya, femme de volonté originaire des Emirats Arabes Unis, qui à défaut de changer le monde, le marquerai à jamais. Je savais où j'allais et ce que je voulais : connaître chacune des vérités de ce monde. Je savais pertinemment que les fils de la vérité étaient manipulés par des figures inconnues du peuple. Et je comptais bien couper ces fils, mettant un terme au règne de l'invisible.
C'était mon serment.
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