chapitre post-générique 1
+o1 : un monde peut en cacher un autre ...
☽ ▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿ ☾
- Tu ne devrais pas autant froncer les sourcils, ou ton front risque de rester marqué à jamais, dit Finn Colao
- Vu le nombre de sujets qui me préoccupent à l'heure actuelle, mes rides sont le cadet de mes soucis, réplique Grace Lington
Le directeur adjoint s'avance dans la pièce, à savoir le bureau de cette dernière se trouvant dans sa demeure au cœur de la propriété Dawson. Il s'assoit dans un fauteuil capitonné de tissu satiné violet, posé près d'une cheminée en marbre noir surmontée d'un miroir travaillé. Assise derrière son bureau en bois laqué noir, la directrice classe quelques feuilles de papier avant de s'adosser dans son fauteuil, visiblement exténuée. D'un air distrait, elle joue avec le globe en verre de sa canne à pommeau, posée contre le bureau.
- Tes défenses sont solides, je ne vois pas comment des intrus pourraient s'infiltrer à nouveau dans l'enceinte, déclare Finn
- J'ai renforcé la sécurité du domaine Dawson à son maximum, je ne pense pas pouvoir faire plus sans s'apparenter à une prison carcérale pour fous dangereux
- Ça ne les a pas empêché de forcer plusieurs fois sur le bouclier et de parvenir à le percer
Grace secoue la tête en claquant la langue plusieurs fois, signe probant de son scepticisme.
- Ils n'auraient pas pu réussir depuis l'extérieur, le bouclier est impénétrable. Il dépend d'une pierre de lune, d'une pierre de lune Finn ! souligne-t-elle en tapant frénétiquement de son ongle son bureau
- Alors comment les Obliqués ont-ils pu réduire à néant cette protection ? Ils n'ont tout de même pas simplement claqué des doigts et prier pour que la barrière s'abaisse, suggère son adjoint en haussant les épaules
- Si c'était impossible d'entrer depuis l'extérieur, la faille est venue de l'intérieur
Comme s'il avait été piqué violemment par un insecte, Finn se redresse avec vivacité en s'accoudant à ses genoux, un regard alerte et presque affolé braqué sur Grace. Cette dernière se lève, l'air grave.
- Rassure-moi, tu n'es pas en train de suggérer la présence d'un traître dans nos rangs ?
La tension émanant de cette phrase flotte entre eux et à travers la pièce, comme un nuage de gaz suffocant. La directrice contourne à pas lents son bureau, les épaules affaissées, comme si le poids du monde entier pesait sur elle.
- Cette personne savait que Dane Hewitt était le Possesseur de la pierre, elle savait qu'il l'utilisait pour créer le bouclier autour de la propriété Dawson. Ce n'est pas un hasard si Dane a été attaqué le soir de l'incendie, explique-t-elle en s'appuyant sur le manteau en marbre de la cheminée
Un chapelet de jurons franchit les lèvres du directeur adjoint tandis qu'il se radosse à son siège, comme effondré par cette possibilité.
- Et le feu ?
- Si preuves à exploiter il y avait, elles sont certainement parties en fumée. En admettant qu'on puisse exploiter quelque chose, soupire Grace en se pinçant l'arête du nez
- Ceux qui ont fait ça sont malins, ils n'auront sûrement pas laisser de trace
- Non, c'est certain. À ce stade, on ne peut avoir que des suppositions. N'importe qui aurait pu déclencher ce feu de forêt, n'importe qui ...
- Et l'une des coupables qui semble la plus cohérente a mystérieusement disparu juste après les faits ...
En pleine réflexion, les traits de Finn sont tendus par la concentration. Ses yeux s'étrecissent et montrent qu'il vient tout juste de penser à cette hypothèse. Grace se détourne complètement de la cheminée pour lui faire face, secouant la tête de gauche à droite.
- Je ne pense pas que Tia Walcott soit à l'origine de cet incendie. À quoi bon disparaître après, en laissant son frère derrière elle ?
- Pour couvrir ses arrières, échapper à la justice, répond Finn, de plus en plus convaincu par son accusation
- Non, ça ne tient pas debout, contre-t-elle fermement
- Alors quoi ? Les Obliqués l'auraient enlevé ? Ils s'en seraient pris à elle ? Ça n'a encore moins de sens, quand on connaît les positions de Gregor
Grace tourne le dos à la cheminée pour s'appuyer sur son bureau, les bras croisés. Elle pousse un énième soupir, de plus en plus fatiguée. Son visage ne parvient plus à revêtir un masque neutre et maîtrisé, au lieu de ça, l'inquiétude durcit ses traits et fait ressortir sa cicatrice avec plus d'évidence. Finn le constate avec une pointe de douleur, il la connaît depuis suffisamment longtemps que savoir qu'elle ne laisse pas paraître ses failles aux yeux de n'importe qui. Pour elle, hors de question d'afficher qu'une situation la submergue mais là, les choses sont particulièrement corsées.
- Le sens de leurs actions nous échappent et je pense que c'est précisément le but. Les Obliqués qui ont attaqué l'Académie lors de l'incendie, et ceux qui s'en sont pris aux élèves à leur retour ... ce ne sont que des pions. Ils sont les premières pièces à sacrifier en début de partie. Les pièces plus importantes restent à l'abri, elles se contentent de lancer leurs coups à distance
Cette représentation de la situation en une image est simple, et pourtant diablement efficace.
- Et nous, on se retrouve au milieu de ce plateau sans connaître les règles du jeu, renchérit Finn
- Les règles nous sont peut-être inconnues, ça n'empêche pas d'imposer des limites et de se tenir à un cadre. Les élèves doivent revenir à l'Académie et terminer leur cursus, ou alors nous laissons gagner la terreur répandue par les Obliqués. Ce n'est pas ce que je souhaite
- Aucun de nous deux ne souhaite une telle chose
Grace et Finn s'accordent sur beaucoup de choses, depuis des années, et l'Académie Dawson est certainement l'un des sujets qui leur tient le plus à cœur. Si le retour des élèves à l'Académie est un fait classé, il en reste un encore non évoqué qui tarrode le directeur adjoint :
- Et les enfants Harvey ?
La directrice baisse la tête en décroisant les bras, assaillie par le poids de cette question. Sa poitrine se soulève en une inspiration longue et torturé, sa robe fourreau bordeaux semble lui servir de corset réprimant douloureusement ses poumons. Finn attend nerveusement le verdict établi par sa collègue, ses doigts tapotent avec frénésie l'accoudoir de son fauteuil.
- Ils ne doivent rien savoir sur leur père, affirme finalement Grace, avec fatalité
- Quelque chose m'échappe, comment savent-ils que William a été directeur ? On a tout fait pour effacer les traces de son passage ici ! Et pourquoi ton fils est au courant, lui aussi ?
- Peu importe, ce n'est pas ce qui compte. L'héritage de William ne doit pas être repris par ses enfants, on ne peut même pas risquer qu'ils en apprennent plus sur lui. Le mystère William Altmann doit rester un mystère, rien d'autre n'a d'importance
Cette lourde déclaration, bien que redouté, n'est pas une surprise. Elle était nécessaire, difficile mais absolument incontournable. Les deux têtes dirigeantes de l'Académie Dawson le savaient, c'est en partie pour ça qu'ils se retrouvaient aujourd'hui.
- Bon, ce n'est pas que je m'ennuie ici mais j'ai encore du pain sur la planche de mon côté, affirme Finn en se mettant sur ses pieds d'un bond
- Du remous du côté de l'Indigo ? demande Grace, légèrement soucieuse
- Encore rien de concret pour le moment mais la peur des Obliqués ne fait de bien à personne. Tout le monde se méfie les uns des autres et accusent son voisin d'avoir des intentions cachées. Les immaculés ont peur, ça commence à créer des tensions. Et c'est à moi de faire redescendre la pression
- Bon courage, tu vas en avoir besoin
Finn émet un petit rire ironique, bien que sans joie. Il reboutonne sa veste de tailleur vert sapin et redresse la tête, regagnant une posture plus confiante. Quelques pas plus tard et il s'arrête devant le mur opposé à la cheminée. Face à un cadre d'au moins deux mètres de hauteur, plus précisément.
La tableau n'est qu'un toile de couleur taupe, unie et sans décor. Le cadre en revanche est sculpté dans une sorte de roche oscillant entre le gris et le bleu foncé, orné de fioritures en tous genres. Étoiles, vagues, fleurs, arabesques ... cette sculpture est d'une précision élégante absolument somptueuse.
Finn approche sa main d'un des décors du cadre, en forme de globe. Cette demie-sphère est entourée d'une sorte d'anneau ciselé d'un motif de cordes et tel le cadran des anciens téléphones, le directeur adjoint fait tourner cet anneau comme une molette autour du globe.
Plusieurs fonds se succèdent au milieu du tableau, Finn s'arrête finalement sur la peinture d'une mer azur, aux magnifiques reflets turquoise dignes des plus belles îles tropicales, se jetant sur un banc de sable blanc. Des palmiers surplombent la plage, un port de charme peut être aperçu au fond du tableau et un trois-mats naviguent avec fierté sur l'océan.
- Fais-moi savoir si tu as du nouveau, dit Finn en lançant un regard à Grace par-dessus son épaule
- À propos de ?
- N'importe quoi. Vu le nombre de casseroles que l'on a sur le feu, tu peux me tenir informé de tout ce qui te semble important, lui répond-il dans un rire un brin désabusé
Les deux têtes dirigeantes de l'Académie s'adressent un dernier signe de la tête, en guise de salutation. Puis, Finn fait un pas en avant en direction du tableau. Son corps pénètre dans la toile, déformant le dessin telle la surface d'un lac troublé par une goutte de pluie. Lorsque Finn a complètement disparu à l'intérieur du tableau, les remous en forme de larges cercles perdurent quelques secondes après son passage. Finalement, la toile retrouve sa forme initiale, l'image du bord de mer caraïbien se stabilise en douceur.
Grace regagne sa place derrière son bureau, pensive. Mille choses tourbillonnent dans son esprit et même si beaucoup de poids pèse sur ses épaules, elle n'est pas prête à renoncer.
- La partie est loin d'être terminée, quelque chose me dit qu'elle ne fait que commencer ...
☽ ▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿▵▿ ☾
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top