chapitre 7
o7 : on est bien loin de la marelle dans la cour de récré
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- Oh man ! I feel like a woman, beuglent Madeline et Jefferson en cœur avec Shania Twain
Pour bien commencer la journée, les jumeaux ont décidé de se mettre une petite playlist de leur composition qui possède la vertue immense de les mettre de très bonne humeur. Et après avoir rouler une bonne partie de la nuit, il n'y a rien de mieux.
Au cours de la nuit, ils se sont échangés le volant plusieurs fois avant de décider qu'ils étaient suffisamment avancés sur le trajet pour s'accorder une pause bien mérité et un sommeil tout relatif.
Après avoir fait une halte pour petit-déjeuner, les jumeaux ont eu envie de se défouler en gesticulant sur des morceaux qui leur plaisent à tous les deux. Ce qui fonctionne très bien, ils sont d'attaque pour affronter cette journée avec une bonne humeur surprenante en prime !
Tandis que Shania offre ses dernières notes et que Stevie Nicks prend le relais, Madeline laisse son regard se promener à travers l'horizon. Elle apprécie particulièrement les premiers rayons clairs du soleil, illuminant avec douceur les paysages vallonnés de comté de Bilburton. Jefferson atteint une intersection, sa sœur lui indique de tourner à droite. Leur Challenger rouge s'élance donc dans cette direction, de grands arbres se font de plus en plus nombreux autour de la route et ce n'est qu'une question de minutes avant qu'ils se retrouvent en pleine forêt.
Certains arbres possèdent toujours leurs feuilles, d'autres les ont perdu depuis plusieurs mois. Ce contraste saisissant fait se dégager une ambiance unique dans cette forêt, la rendant pleine de mystères voués à être percé.
Entre deux chênes, un panneau indique qu'ils entrent dans la ville de Dinkleling. Madeline jette un coup d'œil à son portable pour vérifier l'heure. 8h34, timing parfait.
- Nous y voilà, Dinkleling
- Tu peux me relire la convocation s'il te plaît ? Je ne me souviens plus s'ils disent comment on est censé trouver l'Académie, dit Jefferson en laissant fureter brièvement son regard à travers les arbres
Fouillant dans son sac posé sur les sièges arrières, la blonde met la main sur l'étui bordeaux où la fameuse convocation est rangée. Comme demandé, elle lui lit à haute voix les mots écrits sur le parchemin et termine par les maigres informations qu'ils possèdent pour savoir où aller :
- « Vous êtes donc attendue le quatre Janvier, neuf heures du matin, à l'Académie Dawson, dans la ville de Dinkleling, comté de Bilburton. Munissez-vous de cette convocation, elle saura vous montrer le chemin. Même lorsque que le soleil brille dehors, la lune n'est jamais loin. Veuillez recevoir les salutations les plus distinguées de la part de toute l'équipe gérante de l'Académie. Signé : Grace Lington, directrice de l'Académie Dawson, Finn Colao, directeur adjoint de l'Académie Dawson »
C'est alors que quelque chose fait tiquer Madeline, elle remonte un peu plus haut et relie ce qui a attiré son attention. Les pièces du puzzle s'assemblent, elle plisse les yeux sous l'effet de la surprise.
- Grace Lington, directrice ... c'est la mère de Julian, non ?
- C'est possible, acquiesce son frère. Je ne connais pas le prénom de sa mère mais ils ont le même nom de famille en tout cas
- Il aurait pu nous le dire, ce bougre, réplique-t-elle. C'est sa mère qui est la patronne de ce cirque et il ne nous dit rien !
Son jumeau éclate de rire, faisant sourire Madeline. Elle reporte son attention sur les signatures des têtes dirigeantes de l'Académie au bas de la page et remarque le dessin d'un croissant de lune, de couleur noire, dans le coin droit du parchemin. Ce dessin n'a pas l'air fait à l'encre ordinaire puisque le noir semble se mouvoir et devenir plus clair, comme nacré de gris. La jeune femme cligne plusieurs fois des yeux, se disant que ce n'est qu'un effet d'optique dû à la fatigue mais pourtant, rien n'y fait. L'encre change de couleur à vue d'œil, elle vire à un gris plus prononcé, s'éclaircissant de seconde en seconde.
- Elle saura vous montrer le chemin ..., murmure-t-elle
- Je vais où maintenant ? questionne Jefferson
La voiture est arrêtée à un stop, la route en face se découpe en une fourche à deux directions possibles.
- Essaye à droite
Sous les commandes de sa sœur, le jeune footballeur s'exécute et suit la route du côté droit. Presque aussitôt, l'encre de la lune sur le parchemin retrouve sa teinte sombre initiale.
- J'ai compris, saisit Madeline. C'était l'autre route
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? s'étonne Jefferson
- Le parchemin me montre le chemin, répond simplement sa jumelle avec un sourire énigmatique
Guidés par le parchemin, le frère et la sœur s'enfonce dans la forêt à la recherche de l'Académie Dawson. Plus ils se rapprochent, plus la lune dessinée sur la convocation prend une couleur claire. Lors d'un virage très courbé, elle est si blanche qu'elle en devient lumineuse.
- On est sur la bonne voie, continue dans cette direction
Leur chemin, une route de plus en plus sinueuse, les fait zigzaguer entre des arbres dont la taille ne fait qu'augmenter. La forêt se densifie, arriver aussi loin après toutes les bifurcations et les virages ne peut pas se faire de manière hasardeuse. L'encre de la lune irradie de lumière, indiquant que le terme de leur voyage est tout proche.
Après un dernier virage, ils débouchent sur une longue ligne droit où sont garées une quinzaine de véhicules environ. Perpendiculaire à cette route, une autre voie s'enfonce plus loin dans les bois mais un majestueux portail en fer forgé empêche d'y accéder.
- On y est, on est arrivés, réalise Madeline
- Ce n'est pas le moment de me dire que tu as oublié quelque chose à la maison, plaisante Jefferson
C'est ici et maintenant, au cœur d'une forêt et à l'aube d'une nouvelle vie, que Madeline mesure à quel point les choses sont réelles à présent. Cette concrétisation de plusieurs semaines d'interrogations, à en parler sans prendre conscience que tout ceci existait vraiment, fait souffler une tornade d'émotions en elle. Impressionnée, curieuse, effrayée, intriguée ... cette composition contradictoire se mélange comme un cocktail détonnant.
Comme à son habitude, la jeune femme ne laisse pas transparaître son trouble et reste impassible, expectative de la suite des événements. À contratio, Jefferson se tourne et se retourne dans son siège en jetant des coups d'œil frénétiques dans toutes les directions, se penchant au-dessus du volant puis par-dessus son épaule en quelques secondes. Son état d'impatience donnerait presque le tournis.
- On devrait aller voir les autres, tu ne crois pas ? demande-t-il, surexcité
Le regard désabusé de sa sœur suffit à répondre à sa question, le footballeur se calme aussitôt.
- Okay je vois, on va plutôt attendre, dit-il en se faisant tout petit dans son siège
- Merci bien, raille la blonde
Pendant les minutes chargées d'attente qui suivent leur arrivée, Jefferson peine grandement à se maîtriser. Du coin de l'œil, Madeline remarque qu'il trépigne d'impatience sans même s'en rendre compte. La nature joviale et aventureuse de son frère se réveille aujourd'hui, sa volonté de toujours faire connaissance avec de nouvelles personnes ne demande qu'à être libéré.
Les minutes défilent, plusieurs voitures rejoignent le regroupement qu'ils forment déjà. La blonde saisit ce temps pour se plonger dans ses pensées. Elle scrute brièvement les voitures en se disant que Jesse Cassidy, le garçon qui était dans sa classe au lycée et avec qui elle a eu une discussion sur les lunaires en compagnie de Kai, se trouve dans l'une d'elle. Elle se demande également si elle retrouvera Julian aujourd'hui et si Kai se montrera.
Le mouvement des battants en fer forgé du portail interrompent ses questions muettes, elle se redresse pour mieux voir le portail s'ouvrir de lui-même. Une à une, les voitures passent entre les grilles du portail et pénètre dans le domaine de l'Académie Dawson. Une grande allée, bordée d'arbres étrangement bien alignés, les mène jusqu'à une vue bien plus dégagée et époustouflante.
- Wow ... on ne voit pas ça tous les jours, murmure Jefferson, ébahi
La densité de la forêt semble s'arrêter net, afin de laisser la place à un majestueux château gothique en pierres grises très claires. L'immensité de cet édifice a de quoi laisser pantois, sa beauté termine de couper le souffle. Sa couleur nacrée n'est pas sans rappeler celle de la lune, presque blanche et pourtant dotée de quelques aspérités lui donnant son charme. Un lac serpente en contre-bas des immenses jardins qui entoure le château, formant un cadre absolument splendide.
Avant d'accéder au château, la route faite en terre s'achève un peu plus a droite et mène à un auvent d'une longueur impressionnante fait de bois, dissimulé sous les arbres. Chaque voiture se gare sous le auvent, tout le monde quitte son véhicule et glisse des coups d'œil plus ou moi discrets aux autres élèves.
- J'ai l'impression de revivre les jours de rentrée où chacun se jogeait à vue d'œil, chuchote Madeline à son frère
- Ne me dis pas que tu as peur d'être placé par ordre alphabétique ? On risque d'être côte à côte, rit-il
- Si c'est le cas, je change de classe, plaisante sa jumelle
Ils sont une trentaine, offrant un éventail large de personnalités. À première vue, ils ont l'air d'avoir tous entre vingt-cinq et trente ans, ce qui rend cette rentrée encore plus singulière. Parmi cette foule d'inconnus, Madeline reconnaît quelques visages familiers qui la renvoient des années en arrière. Elle s'étonne silencieusement de retrouver d'anciens camarades de classe ou simplement des gens qu'elle croisait tous les jours, sans se douter à l'époque qu'ils renfermaient secrètement des pouvoirs ou une nature différente. Tout comme elle et son frère finalement.
À travers les branches des frênes entourant le auvent, elle aperçoit au loin le château. Tout le monde le ressent, cet édifice les fascine et exerce une attraction impossible à ignorer. Sans se concerter mais d'un même mouvement, chaque élève se met en chemin vers le château. Des petits groupes se forment, certains partagent des discussions légères, comme si cette journée n'avait rien d'extraordinaire ou qu'aucune appréhension ne les empêchait de respirer. D'autres ne peuvent retenir des questions dont personne n'a les réponses, cherchant à comprendre ce qu'il se passe. En prêtant l'oreille, Madeline constate qu'une grande variété d'accents fusent tout autour d'elle, signifiant que les élèves ne viennent pas tous de l'Aléandre. Elle reconnaît des intonations nettement indentifiables venant d'Écosse, un jeune homme aux cheveux clairs l'emmène même jusqu'en Irlande.
Une jeune femme métisse passe près de Jefferson, Madeline lui jette un coup d'œil furtif. Ses longs cheveux d'un noir de jais intense sont relevés en une queue de cheval, ses mèches ondulées laissent apercevoir l'arrière de son oreille où un croissant de lune, plus clair que sa carnation et parfaitement net, est discrètement logé. Ce détail fait sourire la blonde, qui réalise combien cette petite tâche qu'elle pensait insignifiante est en train de changer leur vie à tous, les unissant d'une bien étrange manière.
L'heure fatidique se profile, tout comme le château. Ils peuvent à présent tous l'apercevoir se dresser fièrement sous leurs yeux, les faisant se sentir tout petit face à son immensité. Plus leurs pas les rapprochent du château, plus les discussions s'évanouissent, ne laissant bientôt plus que la place à un épais silence tendu et respectueux.
Afin d'atteindre le perron du château, ils remontent le long d'une allée d'une dizaine de mètres faite de cailloux blancs, délimités par des buissons ronds. Madeline projette son regard sur la porte d'entrée, en ébène noir et sculpté, et où attendent patiemment un groupe de personnes.
- Tu crois que ce sont les profs ? chuchote son frère
- C'est possible, acquiesce-t-elle
Lorsqu'ils sont tous suffisamment proches pour distinguer les visages des mystérieux personnages, les élèves s'arrêtent et attendent. Placée au centre de l'assemblée, une femme brune fend le rang et s'avance avec assurance. Sa main gauche prend appui sur une sorte de canne au pommeau en forme de globe en verre, un objet qui semble purement décoratif et qui réussit parfaitement cet effet. Madeline détaille cette femme charismatique, aux yeux clairs et au nez droit. Une fine cicatrice blanche remonte au-dessus de sa lèvre supérieure jusqu'au côté gauche de sa joue, près de sa narine. La cause de cette cicatrice n'est pas la seule chose qui intrigue la blonde, le visage de cette femme à la quarantaine d'années passée lui paraît étrangement familier.
- Bonjour à tous, et merci d'avoir répondu présents en ce jour important, déclare-t-elle d'un ton orateur parfaitement maîtrisé. Je suis Grace Lington, la directrice de cette Académie où vous avez tous été conviés
L'évidence frappe de plein fouet Madeline. Elle qui a connu les trois enfants Lington, le lien de parenté avec cette femme est si évident qu'elle ne comprend pas pourquoi elle n'avait pas remarqué plus tôt les traits que Grace a transmis à ses enfants. Et avec une posture aussi digne, sûre d'elle et confiante, cette femme qui n'a l'air d'avoir nulle crainte est forcément la directrice de l'Académie. Un simple échange de regard avec son frère lui prouve qu'ils partagent la même pensée.
- Vous êtes les bienvenus au sein de l'Académie Dawson pour cette année de formation, continue-t-elle avec un fin sourire bienveillant. Depuis plusieurs années, l'Académie avait fermé ses portes, connaissant une histoire compliquée entachée de troubles malheureux. Mais récemment, la nécessité de retrouver un lieu d'enseignements et de protection dédiés aux jeunes lunaires s'est révélée comme évidente et surtout primordiale. Cette prouesse, je n'ai pas pu la réaliser seule ... rien n'aurait été possible sans l'aide de cette formidable équipe. Ce projet leur tient à cœur, autant qu'à moi et je leur en suis reconnaissante
Elle se tourne vers le groupe se tenant dans son dos et incline la tête de manière respectueuse. Plusieurs membres lui rendent son salut mais un mouvement dans le coin de son œil fait se détourner le regard de Madeline. En penchant la tête, elle voit Julian sortir d'une tourelle du château. Il referme la porte derrière lui et s'approche du regroupement d'élèves, les mains dans les poches. La jeune femme ressent une vague en l'apercevant mais elle n'a pas le temps de croiser son regard, un homme rejoint Grace après avoir fait quelques pas en avant.
- Vous pourrez les détester au cours de l'année mais pour le moment, vous devez faire comme si vous étiez content de leur dévouement, plaisante-t-il
Le teint hâlé, de beaux yeux sombres, il paraît partager la même tranche d'âge que la mère de Julian. Ce n'est d'ailleurs pas leur seul point commun : lui aussi possède une cicatrice blanche qui s'étire sur tout le long de son arcade sourcilière droite. Cet homme impose une autorité naturelle qui pourtant ne semble pas strict.
- Je suis Finn Colao, simple second de notre directrice en chef, ajoute-t-il en désignant Grace
- Il veut dire par là qu'il est mon bras droit, mon directeur adjoint, qui ne sera pas en mesure d'être régulièrement sur place car souvent retenu, précise-t-elle
Finn ouvre la bouche mais sa phrase est étouffée par le bruit d'un moteur ronflant et de pneus crissant sur les cailloux. Tout le monde se tourne vers l'origine de ce vacarme, les élèves font volte-face pour poser le regard sur une belle cabriolet blanche dont sort à la hâte un jeune homme de leur âge. Un retardataire qui remonte nonchalamment l'allée de cailloux blancs, comme si son arrivée était tout à fait naturelle.
À l'instant où Madeline voit que Julian lève les yeux au ciel en se passant une main nerveuse sur le front, elle comprend l'identité de cette personne. Le murmure ébahi qui enfle au sein du groupe d'élèves tend à approuver sa suggestion.
- C'est Zadig, dit-elle à Jefferson
- Évidemment, il n'y a que lui pour arriver en toute simplicité comme ça, rit-il
Zadig Lington, le frère cadet de Julian, le petit dernier de la fratrie. L'ancien mannequin parti faire carrière en France, devenu une icône de la mode et styliste de renom ayant lancé sa propre maison de haute couture il y a peu.
Un habituel sourire en coin est toujours logé sur ses lèvres fines, réveillant une fossette sur sa joue gauche. Sa veste incrustée de diamants, à la griffe italienne, recouvre à peine un débardeur blanc au large décolleté, révélant plusieurs tatouages sur les omoplates. Ses yeux verts étincellent d'une lueur pétillante, pleine de vie et de malice. Même sans cette arrivée remarquée, tous les regards seraient braqués sur lui tant Zadig possède une aura magnétique. La noblesse de ses traits, alliant l'harmonie d'un ange avec l'ardeur d'un démon, n'y est pas pour rien. De plus, il y a quelque chose de fascinant dans sa démarche décontractée et pourtant si élégante, comme si être aussi éclatant ne lui demandait aucun effort.
La chanson de Shania Twain flotte encore dans la tête de Madeline et s'accorde parfaitement à cette arrivée captivante et sacrément charismatique.
- Bonjour ! s'exclame-t-il joyeusement en français. Désolé d'être en retard, les avions à Paris, vous savez ce que c'est ! J'espère que je n'ai rien loupé
- Merci de bien vouloir nous honorer de ta présence Zadig, mais contente-toi de garder le silence pour ne pas nous faire perdre plus de temps que nécessaire, réplique Grace
- Ouh, ça se voit que c'est sa mère, rit Jefferson
Nullement impressionné par cet avertissement sévère, Zadig traverse la foule d'élèves pour se placer en première ligne, juste face à sa génitrice.
- Moi qui croyais que tu serais contente de me voir ... j'ai pris le temps de te ramener des macarons au cassis, tes préférés ! s'offusque-t-il faussement en ne se défaissant pas de son sourire en coin
Il n'a vraiment pas changé, constate Madeline avec amusement. Elle se souvient encore du phénomène qu'était déjà Zadig lors de son adolescence. Parce qu'ils ont le même âge, ils ont tous les deux été dans la même classe pendant toute la durée du lycée. Ce dernier a toujours été à part et n'a jamais tenu à brider sa personnalité. Elle se souvient encore de ce cours de chimie où leur professeur avait lu devant toute la classe le contenu du devoir de Zadig. Il n'était pas question de formules compliquées, d'atomes ou d'expérimentations hasardeuses, mais de conseils vestimentaires. Pensant faire ça pour mettre Zadig dans l'embarras, la professeure s'est vite faite avoir à son propre jeu lorsque le cadet Lington a réitéré ses conseils de mode avec un air tranchant adouci par un sourire plein de charme, tout en terminant son discours par : « j'ai trouvé que ça serait plus utile au monde de vous apprendre à vous habiller plutôt que de retenir des composants chimiques dont tout le monde se fout ». Un grand moment signé Zadig Lington !
- J'aurais pu te rapporter une petite Tour Eiffel en porte-clef aussi mais-, continue-t-il
- Pour l'amour du ciel Zadig, ne m'oblige pas à te mettre une retenue ! le réprimande sa mère
- Je ne pensais pas entendre cette menace à mon âge, ajoute-t-il
- Boucle-la frérot, intervient Julian
Zadig pivote vers son frère aîné, son sourire s'intensifiant. Il agite les doigts pour saluer Julian avec une politesse ironique, frisant la provocation. Tous les élèves échangent des regards expectatifs, se demandant comment ce conflit familial va aboutir.
- Bien, j'aimerais terminer mon introduction avant que mes fils ne se prennent le bec, assène Grace d'un ton qui n'accepte aucune éventualité
- Ça, c'est de la dynamite, commente Finn Colao sur un ton amusé
- C'est exactement le genre d'attitudes que je n'espère pas retrouver au sein de l'Académie Dawson. C'est d'ailleurs tout le contraire qui doit être encouragé, reprend la directrice. Vous êtes entourés de personnes de même nature que vous, c'est une opportunité indéniable de tisser des liens, de vous apporter mutuellement et d'être plus forts tous ensemble. Les rivalités ne sont pas souhaitables, l'entraide est le seul objectif en ligne de mire
Le ton implacable de Grace a suffit à faire retomber le début de tension qui crépitait dans l'air.
- Alors oui, je sais que vous ne comprenez pas tous pourquoi vous êtes ici aujourd'hui. Mais je vous l'assure, vous avez tous votre place à l'Académie et ce sera toujours le cas, continue-t-elle avec ferveur. Des compétences à développer, des connaissances à acquérir, des notions à aborder, des réponses à obtenir ... l'Académie Dawson peut offrir tout ça à chacun d'entre vous. C'est demain que commence votre premier jour de cours. Demain, vous vivrez le premier jour du reste de votre vie. Demain, vous forgerez le lunaire que vous êtes et allez devenir
Ce discours fait planer un voile un peu mystique au-dessus de leurs têtes. Il est parvenu à faire taire les dernières réticences de Madeline, de plus en plus intriguée quant à ce que lui réserve l'Académie.
- Aujourd'hui, prenez le temps de vous familiariser avec le domaine et avec vos camarades. Des dortoirs vous attendent, vous pouvez d'ores et déjà y prendre place. Mais n'oubliez pas : même lorsque le soleil brille dehors, la lune n'est jamais loin, termine Grace
- C'est ce que j'appelle un discours réussi ! sourit Finn. Pour l'heure, ne vous préoccupez pas trop de la journée de demain. Nous nous retrouverons tous ici à la même heure afin d'expliquer le déroulement de la journée. Mais aujourd'hui, savourez les heures de liberté qu'il vous reste
Le directeur adjoint parvient à arracher quelques rires des uns, des sourires venant des autres. Grace et Finn se retournent vers les professeurs derrière eux, laissant les élèves decider de leur occupation de la journée.
- Bon alors, qu'est-ce qu'on fait ? demande Jefferson en s'étirant
Les yeux de Madeline se promènent sur la façade du château, avides d'en parcourir le moindre couloir. Cet endroit semble tout droit sortie d'une réécriture noire d'un conte de fée, si beau et ténébreux à la fois.
- On devrait s'installer, qu'est-ce que tu en dis ? lui propose-t-elle
- Génial ! Je me suis toujours demandé comment on dormait dans un château, s'enthousiasme son jumeau. Tu crois qu'il y a des portes dérobées cachées par de fausses bibliothèques ou des passages secrets derrière des pans de mur ?
Sa sœur s'esclaffe, Jefferson est si convaincu par ce qu'il avance qu'il recommence à déborder d'excitation.
- Je crois sérieusement que tu regardes trop de films. Beaucoup trop, rit-elle
- Tu rigoleras moins quand on trouvera un portail magique caché dans un frigo ou-
- Quand papa te parlait d'aventure, je ne suis pas sûre que c'était ce qu'il avait en tête, se moque-t-elle en secouant la tête
- Tant pis, ça sera pour plus tard
Avant de suivre son frère, Madeline jette un œil par-dessus son épaule. Julian et Zadig sont en pleine discussion, une entrevue apparemment électrique aux vues de leurs postures fermées. Ce n'est pas la première fois que leurs caractères fermement différents créer des tensions entre eux, ce point n'a visiblement pas évolué avec les années.
Les jumeaux ont décidé de partir à la découverte du château afin de se familiariser avec leur nouvel environnement, et ils sont loin d'être les seuls. La porte d'entrée en ébène noir a déjà été poussée, laissée entrouverte sur un monde qui ne demande qu'à être parcouru. Ensemble, ils entrent dans le château et pénètrent dans un long couloir aux murs en pierres grises, débouchant sur un immense escalier formant une courbe et menant aux étages. Ce hall ressemble à un point de départ, des couloirs s'ouvrent des deux côtés de la pièce et une arche en arc brisé dans le mur qui leur fait face permet d'accéder à une autre pièce. Un réseau de couloirs considérable à la hauteur de l'immensité de l'édifice semble se déployer à travers tout le château, sans oublier les niveaux supérieurs et les tourelles et tours qu'ils ont pu apercevoir depuis l'extérieur.
Sous l'escalier a été placé un bureau où s'affaire une jeune femme brune, vêtue d'un tailleur bordeaux.
- C'est elle, dit soudain Jefferson en la regardant avec des yeux arrondis de surprise. C'est elle qui m'a apporté la convocation que je prenais pour un rouleau de sopalin
Elle et Kai étaient chargés de la même tâche, comprend Madeline. C'est alors qu'elle réalise ne pas avoir croisé ce dernier aujourd'hui. Intriguée par son absence, la blonde se demande donc quel est son rôle dans le monde des lunaires et s'il a lien avec l'Académie. Ces personnes en tailleur bordeaux ne ressemblent pas à des professeurs, alors que sont-ils par rapport à l'Académie Dawson ?
Madeline n'a pas le temps de se pencher davantage sur ces questions, les deux élèves que la jeune femme étaient en train d'aider viennent de quitter le hall, signifiant que leur tour est venu. Notre tour pour quoi, d'ailleurs ? s'interroge-t-elle.
- Bonjour, leur dit la brune avec un sourire amical. Je m'appelle Vicky et ne vous inquiétez pas, je suis là pour vous aider à prendre vos marques
- Vous êtes l'hôtesse d'accueil de l'Académie ? lui lance la blonde sur un ton rieur
- C'est à peu près ça oui, acquiesce Vicky dans un rire. J'ai été réquisitionnée aujourd'hui à titre exceptionnel pour accueillir les élèves
Elle baisse le nez vers le calepin qu'elle tient entre ses mains, la mine de son stylo planant au-dessus de la feuille. Une expression plus neutre, plus professionnelle s'empare de ses traits tandis que ses yeux verts survolent ce qui ressemble à une liste de personnes.
- Vos noms ?
- Vous ne vous souvenez pas de moi ? dit Jefferson d'une voix étrangement grave
Les deux femmes ont la même réaction, elles tournent la tête vers Jefferson en fronçant leurs sourcils. Puis Madeline manque de rire au nez de son frère. En plus de son timbre de voix qu'il a souhaité enjoleur, il arbore un sourire se voulant séducteur tout en prenant une posture bien trop confiante. En bref, sa tentative de charme sonne faux, très faux.
- Désolée mon chou, mais je ne peux pas me souvenir de toutes les personnes que j'ai rencontré en livrant les convocations, réplique Vicky, bien insensible à son manège
- Tu n'es pas le centre du monde, petit frère, ricane Madeline
- C'est peut-être parce que vous portiez des lunettes ce jour là, poursuit son jumeau qui tente de ne pas montrer sa perte de confiance soudaine
Des lunettes. Kai aussi portait des lunettes le jour où il m'a déposé la convocation, se dit Madeline. Bien des similarités relient Vicky à Kai, l'importance de ces détails commencent à soulever énormément d'interrogations.
- Ça n'a rien à voir avec les lunettes, fais toi une raison, ajoute-t-elle pour éviter les faux espoirs de son frère
Madeline se tourne à nouveau vers la brune, qui esquisse un fin sourire en coin.
- Jefferson et Madeline Harvey, l'informe-t-elle
Vicky vérifie son registre, coche deux cases et dépose son carnet sur le bureau. Elle ouvre ensuite un tiroir en leur expliquant d'un ton implacable :
- Je vous donne les clefs de vos chambres respectives. Les dortoirs des filles et des garçons sont séparés évidemment. Vous n'êtes plus des ados pré-pubaires mais c'est comme ça, la décision ne dépend pas de moi. Donc nous avons : Madeline Harvey, chambre n°8
Elle tend à la jeune femme une clef en argent, toute simple et dépourvue de fioritures. Ses yeux verts se posent ensuite sur Jefferson, dont la confiance s'est dégonflée comme un ballon de baudruche.
- Et Jefferson Harvey, chambre n°11, continue-t-elle en réitérant son geste. Les dortoirs des filles sont au premier étage, dans l'aile ouest du château. Ceux des garçons se trouvent au rez-de-chaussée, dans l'aile est. Plus éloigné, vous ne faîtes pas
Devant les visages un brin confus des jumeaux, Vicky retrouve de sa douceur et se montre conciliante.
- Je sais que se repérer dans le château n'est pas évident, surtout au début. Aujourd'hui, je vous conseille de prendre vos marques et d'essayer de mémoriser les couloirs essentiels et les pièces importantes. L'escalier principal permet d'accéder aux étages mais plusieurs autres escaliers disséminés un peu partout y mènent aussi. Bref, baladez vous, installez vous et vous verrez, vous arriverez à vous y retrouver en un rien de temps
- Super, merci. On va éviter d'utiliser un GPS dès le premier jour, plaisante Madeline
- On va essayer, la corrige Jefferson en faisant sauter la clef dans sa main
Les jumeaux rebroussent chemin pour ressortir du château, prêts à aller chercher leurs affaires afin d'entamer leur installation. À l'instant où ils s'apprêtaient à passer la porte en ébène, la voix de la brune au tailleur bordeaux les interpelle.
- Très belle saison à Brestham au fait, dit-elle en faisant un clin d'œil à Jeff
La bouche de ce dernier s'ouvre, le faisant ressembler à un poisson hors de l'eau. Autant amusée par cette tête cocasse que par le petit tour de Vicky, Madeline passe la porte en entraînant son frère à sa suite.
- Elle se souvient de moi finalement ! se félicite-t-il
L'heure qui suit est réservée à l'application des conseils de Vicky. Madeline et Jefferson enchaînent les aller-retours entre leur voiture et leurs dortoirs respectifs. Jefferson apprend à s'orienter de lui-même tandis que Madeline sculpte ses cuisses à force de monter et descendre l'imposant escalier.
- Et voilà pour le dernier carton ..., se murmure la blonde en débouchant dans le couloir de l'aile ouest
Elle n'a pas eu de mal à trouver ses quartiers, cette zone étant accessible dès le palier de l'escalier. L'aile ouest est un long couloir en forme de L, sa chambre se trouvant tout au fond de celui-ci, en attestent la pile de cartons et de sacs posés devant la porte.
Fouillant sa poche à la recherche de sa clef, c'est à cet instant que la porte voisine s'ouvre. Sortant de la chambre n°7, la jeune femme à la peau café au lait qu'elle avait aperçu plus tôt s'arrête sur son perron. Ses yeux marrons, magnifiquement sombres, détaillent l'entassement d'affaires qu'a amené Madeline avec elle avec un sourire en coin complice.
- On a toujours peur d'oublier quelque chose, pas vrai ? lui lance-t-elle avec un sourire
- C'est dans ces moments là qu'on trouve tout indispensable oui, acquiesce Madeline en lui rendant son sourire
- Besoin d'aide ?
- Oh, je ne veux pas t'embêter avec ça
- J'aurais bien aimé que quelqu'un me donne un coup de main mais je crois que je suis arrivée la première. Mes cuisses se sont littéralement changées en béton armé à cause de ce foutu escalier, rit-elle. C'est la moindre des choses
Appréciant la proposition, Madeline accepte et déniche enfin la clef dans la poche de son manteau. Elle l'insère dans la serrure et tourne, prête à découvrir pour la première fois la chambre qui n'attend plus qu'elle.
- Je m'appelle Madeline Harvey au fait, désolée de ne pas te serrer la main, dit-elle en désignant le carton qu'elle tient dans ses bras
- Phoebe Saunders, se présente son interlocutrice en attrapant une valise et deux sacs
Prenant une discrète inspiration, la blonde se résout enfin à pousser la porte de sa chambre et s'en trouve sans voix. Elle s'imaginait déjà loger dans une pièce de la taille d'un placard à balais où un vieux lit en fer rouillé et un bureau bancal l'attendraient mais il n'en est rien. Elle est agréablement surprise de découvrir une chambre vaste, chaleureuse et on ne peut plus accueillante. Les murs blancs sont lumineux et n'attendent qu'à être égayés par des touches plus personnelles. Un lit double est cerné par deux tables de chevets, le large placard encastré sera en mesure de recevoir ses nombreux vêtements, un pan de mur est occupé par des étagères formant une sorte de bibliothèque ouverte et un bureau est posé sous une fenêtre ronde. Le mobilier est amplement suffisant et ne demande qu'à se développer davantage. Il y a même une salle de bain attenante, tout aussi moderne et confortable.
Le clou du spectacle et ce qui attire le plus le regard est indéniablement le plafond. De splendides moulures forment un fantastique tableau sculpté, révélant un ciel constellé de milles étoiles et d'une pleine lune, évidemment.
- Si ce n'est pas la vie de château ça ..., souffle Madeline, admirant ce plafond en se dévissant le cou
- Il faut avouer qu'on est bien loties, admet Phoebe en déposant sa charge près du lit
- Je me demande si les dortoirs des garçons ressemblent aux nôtres
- J'espère que les nôtres sont plus jolis, rit la métisse avec un clin d'œil
En riant, Madeline dépose son carton sur le bureau avant de se tourner à nouveau vers Phoebe.
- Au moins, ça rend le fait d'être ici plus facile à avaler, ajoute-t-elle plus faiblement, l'air pensive
Intriguée par ce que ses mots ne disent pas, la blonde fait un pas vers la jeune femme, occupée à tripoter l'une de ses mèches noires.
- Tu as eu du mal à te décider toi aussi ?
- Du mal à partir de chez moi oui, acquiesce Phoebe avec un sourire mélancolique. Surtout parce que j'étais à deux doigts de monter un projet dont j'ai envie depuis un moment ... et puis j'ai reçu la convocation et patatra
Madeline ne comprend que trop bien ce que ressent Phoebe, elle a elle-même était tiraillée par cette situation.
- Quel genre de projet ? lui demande-t-elle doucement, sincèrement intéressée
- Ça fait plusieurs années que j'ai envie d'ouvrir ma propre pâtisserie, ma boutique rien qu'à moi où je ferais mes propres recettes, lui répond Phoebe, un petit sourire rêveur aux lèvres
- Wow, c'est un beau projet, complimente la blonde
- J'étais à deux doigts d'y arriver. Depuis que je suis toute petite, il y a une boutique vide dans ma ville. Je passais tous les jours devant avant d'aller en cours en me promettant qu'un jour, ce local serait à moi et que j'en ferais ma pâtisserie. Les choses allaient pouvoir se concrétiser et l'Académie a débarqué
Phoebe, avec son look jean et veste en cuir, t-shirt moulant et bottines noires, n'est pas le portrait craché de l'image qu'on se fait d'une pâtissière ordinaire. Et pourtant, le soin qu'elle met dans le choix de sa tenue et l'application de son maquillage montre combien elle sait être délicate et juste, les qualités d'une bonne pâtissière. En plus de ça, ses fines lunettes noires et dorées lui donnent un air studieux qui impose une minutie naturelle.
- Mais bon, ce n'est pas comme si on m'avait traîné ici de force non plus ! se ressaisit-elle
- C'est toi qui as décidé de venir à l'Académie Dawson ?
Phoebe hoche la tête, hésitant à prononcer la phrase qu'elle a sur le bout de la langue.
- J'ai besoin de l'Académie, avoue-t-elle en baissant la tête
Sans s'en rendre compte, elle fixe sa main gauche avec intensité. Madeline croit comprendre, elle préfère cependant en avoir le cœur net :
- Tu fais partie de ceux qui ont des pouvoirs, n'est-ce pas ? la questionne-t-elle
Se tirant de la contemplation de sa main, Phoebe acquiesce de nouveau et redresse la tête, adressant un regard plus vivant et
- Pas toi ?
- Et non, je fais partie des erreurs de la nature ! plaisante la blonde en haussant les épaules
- Oh je vois ... tu ne sais pas où tu mets les pieds alors, rit Phoebe
- Pas du tout, je n'ai jamais vu un lunaire utiliser ses pouvoirs ... je dois m'inquiéter ?
- Peut-être un peu, sait-on jamais, s'esclaffe la brune
Les pouvoirs de Phoebe semblent être un sujet épineux, aussi Madeline ne tient pas à braquer cette première connaissance en posant trop de questions indiscrètes. Elle ne force pas les choses, ne voulant pas que cette sympathique jeune femme ne la prenne pour une fouineuse. Les choses se passent bien entre elles, il vaut mieux ne pas tenter le diable !
La brune et la blonde s'appliquent à amener toutes les affaires de cette dernière à l'intérieur de la chambre. Transporter des cartons plein à craquer et des sacs bien remplis ressemble à une tâche ingrate, ainsi pour la rendre plus agréable, les deux jeunes femmes font plus amples connaissances et confirment une chose : le courant s'est fait naturellement entre elles. Leurs caractères ne sont pas très éloignés l'un de l'autre, ce qui établie un lien certain.
- Cette fois, c'est terminé ! C'était le dernier sac, soupire Madeline en déposant un gros sac de voyage bleu sur son lit
- Maintenant, il n'y a plus qu'à déballer tout ça ... je te souhaite bien du courage, raille Phoebe
- J'aurais bien le temps cet après-midi. Pour le moment, je voulais voir un peu l'intérieur du château et les jardins ... ça te dit de m'accompagner ? propose la blonde
- Bien sûr, avec plaisir, accepte la brune avec un sourire. Au moins, si on se perd, on sera deux ! Je vais chercher une écharpe et j'arrive
Phoebe sort de la pièce pour rejoindre sa chambre, Madeline ouvre machinalement le sac bleu pour regarder ce qu'il contient. Plusieurs livres, des photos, des paires de chaussures - celles qui ne rentraient pas dans sa valise du moins - , le renard en verre que lui avait offert sa mère pour ses douze ans et d'autres bricoles personnelles. Cherchant à prendre ses marques dans sa nouvelle chambre, elle sort les livres du sac et ouvre le tiroir d'une des tables de chevets en bois blanc. Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'elle constate que la place est déjà prise.
Ses doigts sortent une rose du tiroir, aux pétales glacées. De la même couleur que celle qu'elle avait trouvé sur le bord de sa fenêtre à Cherryton, cette fleur-ci comporte également une petite étiquette attachée à la tige.
« Une petite attention de bienvenu »
Pas besoin de s'interroger sur l'auteur de ce geste, l'écriture est la même que la dernière fois. Ça n'empêche pas Madeline de sourire doucement, touchée par cette fleur rose pâle délicatement emprisonnée par la glace.
- C'est bon, je suis parée, dit la voix de Phoebe dans son dos. Prête à s'aventurer dans l'antre de Dracula ?
- Je te suis, répond la blonde en posant la fleur sur son oreiller. Avec toutes ces histoires de lune et ce château, ça ne m'étonnerait pas de voir des vampires se balader tous crocs dehors
Heureusement pour les filles, pas l'ombre d'un vampire à l'horizon. Elles déambulent brièvement à travers le premier étage et réalisent bien vite qu'une journée ne sera pas suffisante pour parcourir l'entièreté de l'Académie. Pour partir du bon pied, elles retournent dans le hall d'entrée et passent la grande arche en pierre. La surprise et l'admiration s'emparent de leurs traits.
Si l'extérieur du château est ancestral, travaillé et si imposant qu'il en devient presque intimidant, c'est tout le contraire de cette immense salon. Il s'agit visiblement d'une salle commune, assez spacieuse pour accueillir une grande partie des élèves. L'ambiance qui se dégage de cette pièce est conviviale, donnant l'impression d'être chez soi. Elle prend le contre-pied de la façade gothique et ancienne, avec une impression de chaleur, de modernité et de lumière. Tout le mobilier est clair, contemporain, adapté aux goûts de la génération d'élèves qui va vivre dans cette pièce. Le charme n'est pas en reste, la partie basse des murs est en pierre, surmontée d'une frise sculptée représentant le cycle lunaire. Le plafond quant à lui s'apparente à celui des chambres, à la différence que la représentation de la voûte céleste est encore plus grandiose, détaillée et à couper le souffle. De la feuille d'or rehausse les sculptures blanches, formant une merveille visuelle qui ne demande qu'à être admiré durant des heures.
De confortables canapés et fauteuils noirs sont disposés ça et là dans le salon : près de la cheminée en marbre blanc, à côté des fenêtres donnant sur le balcon avec vue sur les jardins, à proximité de grandes bibliothèques ... la lecture n'est pas le seul loisir disponible dans la pièce, une table d'échec est placée dans un coin, une télé et tout une panoplie de jeux vidéos ont trouvé leur place, et pour le plus grand bonheur de Madeline, un piano à queue trône fièrement près des fenêtres.
En dehors de cette somptueuse salle commune, les filles continuent leur découverte du château. Cette visite les mène dans un jardin d'hiver luxuriant aux mille plantes vertes, une cuisine en accès libre - pour le plus grand bonheur de Phoebe cette fois -, une salle de peinture où les chevalets n'attendent plus qu'à recevoir leurs premières toiles, une cantine - si on peut vraiment appeler ça une cantine étant donné la splendeur du lieu - où ceux qui ne tiennent pas à cuisiner vont trouver de quoi se restaurer, et encore bien trop de portes à ouvrir.
Face à la grandeur du château, les jeunes femmes doivent s'avouer vaincues. Elles décident d'aller prendre l'air et sortent sur le balcon de la salle commune. Ce dernier surplombe une bonne partie des jardins de l'Académie, leur permettant de contempler le parfait jardin à l'anglaise qui semble tout droit sortie d'un tableau de maître. De là, elles n'aperçoivent qu'un petit prémisse du lac mais peuvent percevoir une fontaine, les parterres de fleurs à venir, un bâtiment annexe en pierres près d'un saule pleureur, des étendues d'herbe qui feront de parfait transat à l'arrivée des beaux jours.
Leurs pas les mènent à travers l'extérieur, leurs yeux se régalent du paysage alentour.
- Donc tu n'as pas de frère et sœur ? questionne Madeline
- Non, je suis venue toute seule à l'Académie, avoue Phoebe. Je ne connais personne ici alors ... c'est sympa d'avoir quelqu'un à qui parler
- Même si ce quelqu'un n'est qu'un imposteur sans pouvoirs ? plaisante la blonde
- Aussi horrible que ça puisse paraître, je devrais pouvoir passer au-dessus de ça, rit la brune en faisant une petite moue joueuse
Elle qui craignait de devoir passer son temps coller à son frère jumeau, elle est rassurée de connaître au moins une personne qui ne la prend pas pour un intrus. Les deux jeunes femmes partagent une même réticence concernant l'Académie, et chacune d'elle a su la mettre de côté pour des raisons qui leur sont propres.
Soudain, une secousse se manifeste sous leurs pieds, les faisant légèrement vaciller. Aussi vite qu'il est apparu, ce mini tremblement de terre cesse en une seconde de temps.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'étonne Phoebe
- Ça, ce sont des idiots qui cherchent à prouver que leurs pouvoirs sont plus cools que ceux des autres, répond une voix masculine
Les filles pivotent pour voir Zadig, le frère de Julian, arriver vers elles, une boîte de macarons bien entamée à la main.
- Il faut croire que la crise d'ado n'est pas terminée s'ils croient avoir besoin de comparer la grandeur de leurs pouvoirs, réplique Madeline
- Félicitations, tu viens de trouver l'un des fléaux de notre siècle : l'égo surdimentionné, se moque-t-il en croquant dans une friandise française. Un macaron ? Je crois que j'ai froissé ma mère donc je vais être obligé de les manger moi-même
- Quel dommage, c'est vraiment affreux, raille Phoebe
Parce qu'un macaron ne se refuse pas, les filles s'emparent chacune d'un d'entre eux. Effectivement, un peu plus loin dans le jardin, un groupe de lunaires est assemblé pour démontrer les prouesses qu'ils peuvent accomplir. Madeline manque de s'étouffer avec son macaron lorsqu'un garçon se transforme sous ses yeux en un lion noir, à la crinière fauve. Il n'y a pas que sa couleur qui est inhabituelle, cet animal est bien plus massif qu'un lion ordinaire.
- Dites-moi que je rêve, soupire Phoebe
- Oh merde, on en est aux problèmes
avec la taille maintenant, ajoute Zadig
- Félicitations, tu viens de trouver l'un des fléaux de notre siècle : la revendication stupide de la taille, plaisante Madeline
Bien que ce cirque ne soit pas fondamentalement mâture, la blonde s'en trouve quelque peu impressionnée. Elle vient d'assister à sa première démonstration en direct des pouvoirs d'un lunaire, ça a de quoi surprendre un peu !
Elle n'est d'ailleurs pas la seule, Jefferson fonce vers eux en courant, jetant des coups d'œil frénétiques vers le lion noir.
- Tu as vu ça Made ? Un mec vient de se changer en lion ! En lion ?!
- Bienvenus à l'Académie Dawson, école de formation des cintrés les plus puissants de la terre ! s'exclame Zadig
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