chapitre 4
o4 : la face cachée de la lune ... enfin, une partie
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- « Mademoiselle Madeline Loane Harvey,
Nous avons l'honneur de vous annoncer la réouverture prochaine de l'Académie Dawson. Après plusieurs années de fermeture, la décision d'ouvrir à nouveau les portes de l'Académie va enfin se concrétiser. Ainsi, les jeunes lunaires seront en mesure de recevoir une formation qui leur assurera de trouver leur place au sein de notre monde et de ce fait, de mieux se trouver eux-mêmes.
Votre patrimoine génétique ayant été repéré et certifié, nous sommes ravis de vous annoncer qu'une place au sein de l'Académie Dawson vous attend d'ores et déjà. Cette formation d'un an vous offrira la possibilité d'acquérir des connaissances sur le monde des lunaires, d'apprendre à maîtriser vos aptitudes ou à les user de manières nouvelles, et bien d'autres savoirs qui vous seront utiles dans l'avenir.
L'Académie Dawson vise à guider les lunaires, à les préparer à toutes les éventualités, à leur faire accepter leur réelle nature. Elle deviendra un véritable foyer où l'entraide, le partage et la force seront maîtres mots.
Vous êtes donc attendue le quatre Janvier, neuf heures du matin, à l'Académie Dawson, dans la ville de Dinkleling, comté de Bilburton. Munissez-vous de cette convocation, elle saura vous montrer le chemin.
Même lorsque que le soleil brille dehors, la lune n'est jamais loin.
Veuillez recevoir les salutations les plus distinguées de la part de toute l'équipe gérante de l'Académie.
Signé :
Grace Lington, directrice de l'Académie Dawson
Finn Colao, directeur adjoint de l'Académie Dawson »
Ces mots, Madeline les connaît presque par cœur tant elle les a lu et relu. Écrits soigneusement à la main d'une écriture ronde et rassurante, ces mots ont pourtant eu l'effet d'une bombe dans la tête de la jeune femme. Couchés sur un parchemin d'un écru immaculé, ces mots ont ouvert une brèche dans un mur dont elle n'avait pas connaissance. Alors s'y engouffrer pour faire la rencontre de ce qui l'attend de l'autre côté, ce n'est pas vraiment ce qui fait frémir la blonde.
Après s'être rendue compte que Jefferson avait reçu le même parchemin qu'elle, ils ont tous les deux lus cette convocation en sentant une incompréhension immense les envahir. Les quelques explications que leur a fourni leur mère les ont encore plus plongé dans la perplexité, si bien qu'ils n'ont pas su immédiatement comment réagir.
Et le lendemain, le brouillard ne s'est toujours pas dissipé pour Madeline. Se noyant dans ses propres pensées et ses mille questions, elle a préféré sortir prendre l'air dans un parc pas très loin du Lollipop, son lieu de travail. Depuis hier soir, elle a si souvent roulé et déroulé le morceau de parchemin pour le relire qu'il ne parvient même plus à rentrer dans l'étui bordeaux que lui a donné Kai. Elle a d'abord pensé à le glisser dans son sac avant de renoncer, souhaitant se changer les idées de tout ce foutoir.
Et pourtant, bien qu'assise tranquillement sur un banc du parc, elle a bien du mal à faire taire ses pensées qui reviennent en boucle sur le sujet du parchemin et tout ce qu'il évoque.
- Quel beau merdier ..., soupire-t-elle
Plus elle y pense et plus quelque chose la dérange, elle sent que tout ce mystère la rebute davantage à chaque seconde. Un rire ironique s'échappe de ses lèvres, elle finit par secouer la tête pour repousser tout ça loin d'elle.
- N'y pense plus Made, qu'ils aillent tous se faire voir, lâche-t-elle
Rejetant la tête en arrière, elle ferme les yeux et profite du soleil qui a décidé de pointer le bout de son nez aujourd'hui, lui caressant doucement les joues. Bien emmitouflée dans son manteau, la fraîcheur hivernale qui persiste malgré les rayons du soleil ne la dérange pas, bien au contraire. Elle se délecte du vent qui fait bruisser les branches nues des arbres, des quelques oiseaux qui sifflotent gaiement, des odeurs de pain d'épice et de café chaud qui proviennent d'un petit stand juste à côté ...
Il lui reste deux heures avant le match de foot de Jefferson, Madeline réfléchit à quoi elle pourrait occuper son temps.
Les bruits de pas d'un marcheur pressé dans son dos lui parviennent, puis ce sont des pas face à elle qui lui font ouvrir les yeux. Elle hausse les sourcils, ne s'attendant pas à trouver cette personne ici à ce moment de la journée.
- Tiens, salut Julian, sourit-elle
- Salut Madeline, qu'est-ce que tu fais là ? lui demande-t-il précipitamment
- J'ai décidé de passer la journée à ignorer un sujet épineux, vois-tu, rit-elle
Tandis qu'elle se lève en remettant les pans de son manteau correctement, elle ne remarque pas les coups d'œil frénétiques que jette Julian à quelque chose dans son dos. Quelque chose ou quelqu'un.
- Ah oui ? Tu es bien la seule personne que je connaisse qui aime passer son après-midi dans un parc en plein hiver, dit-il en se rapprochant presque imperceptiblement d'elle
- Je ne suis comme personne ... ne me dis pas que tu l'avais oublié ? s'offusque-t-elle
- Bien sûr que non, c'est impossible de t'oublier ! lui assure-t-il avec un rire
- Tu ne dois pas craindre le froid toi non plus, remarque la blonde en désignant la veste en jean bleu foncé que porte Julian
- Disons que le froid ne m'a jamais dérangé
Après un rapide coup d'œil par-dessus l'épaule de la jeune femme, Julian semble se détendre un peu. Il peut reporter une attention entière à son interlocutrice.
- Tu ne devrais pas être à Brestham ? C'est bien aujourd'hui que ton frère joue, non ? lui demande-t-il en penchant la tête sur le côté
Un discret sourire se faufile au coin des lèvres de Madeline, touchée que Julian soit au courant des dernières actualités de son footballeur de frère.
- Si, c'est bien aujourd'hui, acquiesce-t-elle. J'ai encore un peu de temps avant d'aller au stade et je pensais aller à la boutique, mettre la musique à fond et danser comme une dingue en priant pour que personne ne s'arrête devant la vitrine. Tu veux te joindre à moi ?
- Tu es sûre de vouloir que je vois ça ? plaisante-t-il en haussant un sourcil
- Seulement si tu m'accompagnes dans mon moment de folie
Les yeux verts de la blonde défient avec un once d'insolence Julian d'accepter de la suivre. Pas du genre à se démonter face à ce genre de challenge, il lève le menton et redresse fièrement son port de tête.
- Si tu crois que ça me fait peur ... un peu de folie, c'est la clef de la vie. Et crois-moi, j'en ai à revendre
Ravie qu'il laisse aller sa personnalité pétillante s'exprimer, Madeline guide Julian jusqu'au Lollipop, qu'elle ouvre avec le double des clefs que lui a remis Amy à l'ouverture de la boutique.
- Vous n'ouvrez pas la boutique le dimanche alors ?
- Non, c'est le seul jour de la semaine où Amy peut se reposer. Et sa copine aime l'emmener en balade, lui faire la surprise d'une destination mystère le temps d'une journée, répond Madeline. Alors parfois j'en profite pour passer et ça m'amuse toujours de voir à quel point la boutique est différente lorsqu'elle est déserte
- C'est très différent, c'est ... plus calme. Vide même
- Mais ça ne va pas le rester longtemps !
La blonde retire son manteau et son écharpe, qu'elle dépose sur le comptoir. Elle fait signe à Julian d'en faire de même avec sa veste, il s'exécute pendant qu'elle s'avance vers la platine la plus proche. Elle dépose un vinyle méticuleusement choisi et se retourne dès que les premières notes de Tissues de YUNGBLUD résonnent entre les murs de la boutique.
- Alors, laissez parler votre folie monsieur Lington
- Tu as envie de voir ce que ça donne quand je bouge mon corps, pas vrai ? lui lance-t-il en commençant à remuer des hanches
C'est le morceau parfait pour se vider la tête et laisser les problèmes de côté, pour gesticuler dans tous les sens sans se soucier d'être vu. Et c'est ce que font Madeline et Julian.
Ils se mettent à danser de manière complètement aléatoire, en bougeant les bras et le bassin au rythme de la musique. À mesure que les notes s'enchaînent, les corps se déchaînent. Bien vite, ils ressemblent à deux électrons libres lâchés au beau milieu d'une boutique.
- C'est bien mieux que les danses qu'on apprenait pour le carnaval au collège ! s'écrie la blonde
- J'avais détesté le tango de dernière année, quelle horreur ! se rappelle Julian
- Si tu m'avais eu comme partenaire, ça aurait peut-être été plus marrant, plaisante Madeline
- Ça reste à voir
En réponse à ça, Julian attrape les mains de Madeline. Leur danse est complètement désordonnée mais qu'importe, ils s'amusent et rient à gorge déployée. Ce duo oscille entre tous les styles de danse possible et imaginable, allant au grès de leurs envies. Julian fait tourner sa partenaire sur elle-même, Madeline sert les doigts de son danseur dans les siens, Julian efflure la taille de la jeune femme. Tous deux se rapprochent, avant que Julian ne fasse basculer Madeline en arrière lorsque la musique émet ses dernières notes, marquant la fin de leur prestation.
Des éclats de rire mélangés emplissent le silence retrouvé dans la boutique, les deux jeunes gens n'ont pas envie de briser la bulle d'innocence et de légèreté qui s'est formée autour d'eux. Julian maintient son bras dans le dos de Madeline pour la soutenir, avant qu'elle ne se redresse lentement sur ses pieds avec un immense sourire aux lèvres.
- Merci Julian, j'avais vraiment besoin de ça aujourd'hui. Et cette sublime danse contemporaire m'a bien vidé la tête, avoue-t-elle
- Pas de quoi, je réponds toujours présent pour faire le con tu sais bien, rit-il
La jeune femme retire le vinyle de la platine et le remet à sa place, comme il se doit. Mais il suffit de songer à toutes les choses dont elle ne souhaite pas penser pour que ces mêmes choses refassent surface, la faisant soupirer sans s'en rendre compte. Ses yeux se perdent quelques secondes dans le vague, signe que ce qu'elle s'est évertuée à repousser regagne du terrain.
Julian remarque aussitôt l'expression tourmentée de son amie et même s'il se doute de la raison qui se cache derrière le vert empreint d'agitation de ses yeux, il se doit de poser d'abord la question :
- Tu as l'air ailleurs Deli', qu'est-ce qui te préoccupe ?
Aussi bien étonnée de se faire appeler comme ça que par le fait que Julian se souvienne qu'il l'avait affublé de ce surnom il y a quelques années en arrière, Madeline ne répond pas tout de suite.
En fait, elle a plusieurs réponses à sa question. Ce qui me préoccupe, c'est ce foutu parchemin que m'a donné Kai. C'est cette histoire de lunaires auxquelles je ne connais rien. Ce sont les brèves explications de ma mère. Tout ce bordel qui n'a aucun sens pour moi et qui pourtant a l'air de vouloir tout changer dans ma vie.
Puis une chose lui vient à l'esprit. Kai n'était pas seul le jour où il lui a remis le parchemin.
- Tu sais ce que Kai m'a donné l'autre jour, pas vrai ? lui demande-t-elle, bien que son ton soit rhétorique
Le jeune homme ne fait pas semblant d'être surpris par cette question, il s'y attendait fortement. Il passe une main machinale dans ses cheveux châtain foncé, replaçant les quelques mèches qui tombent sur son front.
- Oui, je le sais. Pour être franc, il y a beaucoup de choses que je sais mais beaucoup d'autres que j'ignore, soupire-t-il en appuyant sa hanche contre le comptoir. Tu n'es pas obligée d'en parler avec moi si tu ne veux pas, je n'ai pas envie de te forcer
Un rire ironique, presque impuissant échappe à Madeline. Elle s'assoit sur le comptoir, balançant ses jambes dans le vide comme une enfant.
- En fait, je ne suis pas sûre de ce que je veux à propos de ... de tout ça, admet-elle. Je voudrais pouvoir tout repousser et ne plus y penser parce que ... c'est dingue, c'est complètement insensé. Je préférais faire comme si ça n'existait pas et aller me coucher sans être étouffée par toutes les questions que je me pose. Je voudrais vraiment ignorer cette histoire mais ...
- Tu ne peux pas ? complète Julian
- Non, c'est impossible. Ça a trop de conséquences sur toute ma famille
- Ton frère doit être dans le même état d'esprit que toi
Madeline tourne la tête vers Julian, les sourcils froncés.
- Comment tu sais que mon frère est concerné lui aussi ?
- Vous êtes jumeaux, c'est comme ça que ça marche, répond-il en haussant les épaules. Quand l'un d'une fratrie est touché, les autres aussi, je sais de quoi je parle. Et puis, il a la même tâche de naissance que toi
- Qu'est-ce que ça prouve ça ? Ce n'est qu'une tâche de naissance, réplique la blonde, sceptique
- Tous les lunaires ont une tâche en forme de croissant de lune derrière l'oreille, plus ou moins marquée, ça dépend des gens
Comme pour démontrer ce qu'il avance, Julian pivote sa tête de façon à exposer l'arrière de son oreille gauche. Stupéfaite par ce qu'elle voit, Madeline ne peut s'empêcher de s'approcher pour mieux voir ce croissant de lune bien plus net que le sien et pourtant plutôt clair, passant facilement inaperçu.
- Je n'avais jamais remarqué ..., murmure-t-elle en passant son pouce sur la tâche
- Blair et Zadig ont la même, sauf que ma sœur l'a derrière l'oreille droite, ajoute-t-il en réprimant un frisson. Enfin la même ... pas vraiment, chaque tâche est différente. Les tailles changent, les couleurs aussi, certaines sont si nettes qu'on dirait presque des tatouages et d'autres sont plus floues
- Ça veut dire que vous êtes des lunaires aussi ?
Julian acquiesce en souriant, fier de sa nature. Puis la blonde prend la mesure des mots qu'elle vient de prononcer, elle jette un rapide coup d'œil en biais avant de regarder à nouveau son ami, les yeux plissés.
- C'est quoi un lunaire en fait ?
- On peut dire qu'on est des enfants de la lune
Madeline ouvre la bouche, le jeune homme l'interrompt aussitôt.
- Je te coupe tout de suite, on n'est pas des loups-garous ou une bestiole de ce genre. C'est bien plus cool que ça
- Plus cool qu'être un loup-garou ? réplique-t-elle en haussant un sourcil
- Ben, on n'a pas de poils qui nous poussent partout sur le corps donc oui
La phrase de Julian parvient à arracher des éclats de rire à la jeune femme, qui fait de son mieux pour chasser les images un peu trop fantasques de son esprit.
- Chaque famille à sa spécialité, en général une lignée conserve le même pouvoir, reprend-t-il. Un lunaire qui a des enfants transmet son don, quel qu'il soit
- Des pouvoirs ? Comme les X-Men ?! s'enflamme Madeline
- Je valide la référence et oui, la ressemblance est proche mais ça s'arrête là, dit Julian avec un sourire approbateur
- Mais attends ... je n'ai pas de pouvoirs, et Jeff non plus, réalise la blonde
En disant ça, elle s'étonne de ne pas ressentir de déception. Après tout, elle a grandi sans connaître ce monde bien étrange des lunaires, qui lui est encore inconnu, elle a su pendant tout ce temps se passer de super-pouvoirs à la Wonder Woman donc elle n'est plus à ça près. C'est plutôt de l'incompréhension qui embrume son cerveau.
Julian se penche vers elle et s'accoude au comptoir, son bras frôlant la cuisse de Madeline.
- Ça c'est le hasard de la génétique, certains développent des pouvoirs et d'autres pas, répond-il. C'est fréquent et aléatoire, on ne peut pas prédire qui développera une habileté ou non
Pendant qu'elle digére toutes ces informations, Julian réfléchit de son côté et un point vient attirer son attention.
- Ta mère n'est pas une lunaire alors ... ça veut dire que ...
- Mon père biologique en était un, complète-t-elle. C'est ce qu'elle nous a expliqué hier quand Jeff nous a parlé du parchemin qu'il avait reçu lui aussi
- Elle savait pendant tout ce temps mais elle ne vous a jamais rien dit ? s'étonne-t-il
- Elle l'ignorait, ou pour être plus exacte : elle n'y avait pas cru. Mon père ne lui a parlé des lunaires, de l'Académie Dawson et tout le tralala qu'une seule fois, elle a pensé qu'il délirait ou qu'il avait un coup dans le nez. Et puis après, il a disparu et elle n'a plus jamais repensé à toute cette histoire. Elle se souvenait de tout ce qu'il lui avait dit, mais elle était persuadée que rien de tout ça n'était vrai. Jusqu'à hier
Assimilant la réponse de la blonde, Julian hoche lentement la tête.
- Ton père a dû être un peu surpris, Peter je veux dire, précise-t-il
- On l'était tous si tu veux tout savoir, raille-t-elle. D'ailleurs, j'apprécie que tu te sois souvenu pour Peter. Que je tiens à dire « mon père » et « mes parents » ... ça compte beaucoup pour moi
- Ce n'est peut-être pas lui qui vous a conçu mais c'est lui qui vous a élevé, s'il n'a pas mérité le titre de « père » je ne sais pas ce qu'il faut ! plaisante-t-il
- Je sais bien, rit-elle. Mais certains n'arrivaient pas à se faire à l'idée, ils n'osaient pas le nommer parce qu'ils ne voulaient pas prononcer ce petit mot. Pour eux, mon père avait disparu et celui qui avait repris le flambeau ensuite ne pouvait pas prétendre à ce titre. Ça me surprend encore que tu te souviennes que je tiens à appeler Peter comme ça
- Ça n'a rien d'étonnant ...
Le ton de Julian a brusquement perdu de sa légèreté naturelle, il est même empreint d'une douleur à peine masquée sur cette dernière phrase. Pour changer de sujet et chasser ce mauvais présage, Madeline se racle la gorge en glissant un sourire au coin de ses lèvres.
- Donc toi non plus tu n'as pas développé de pouvoirs ?
L'ombre de tristesse s'efface en un coup de vent des traits de Julian, un petit sourire malicieux éclot sur ses lèvres. Ses yeux bleus pétillent à nouveau, un sourcil plein de défi s'arque.
- Ah tu crois ça ?
Surprise dans le bon sens du terme, le visage de Madeline s'éclaire d'une curiosité nouvelle, un brin impressionnée.
- Tu déconnes, c'est ça ? Tu me fais marcher ?
- Pas du tout, je fais partie des X-Men chez les lunaires, rit-il
- Quand je pense qu'on a traversé le collège et le lycée ensemble, que même si on avait trois ans d'écart on arrivait à se voir, qu'on est devenus amis ... et toi, pendant tout ce temps, tu me cachais tes pouvoirs magiques ?! Je suis effarée, monsieur Lington, c'est une honte ! s'offusque-t-elle de manière théâtrale
- Comme si j'allais t'aborder pendant une heure d'étude et te dire : « Salut, j'ai des pouvoirs parce que je ne suis pas tout à fait humain, ça va les cours d'espagnol ? », raille-t-il
La blonde admet son tort en roulant légèrement les yeux, donnant un petit coup de tête sur le côté.
- Oui bon, c'est vrai que ce n'était pas l'idéal
- Je n'avais pas le droit d'en parler, aucun lunaire n'a le droit de crier sur tous les toits ce qu'il est réellement. Tu imagines le bordel sinon ?
- Et donc, c'est quoi ton truc à toi ?
C'est plus fort qu'elle, Madeline a besoin de cette réponse pour assouvir cette curiosité qui la ronge. Mais Julian n'a pas l'intention de tout révéler aussi rapidement, ça serait bien trop facile.
- Tu le verras bien assez tôt, promet-il avec mystère
- Ce n'est pas beau de me faire ça, râle la blonde
Elle jette un coup d'œil à la pendule en fer forgé qui trône au-dessus du comptoir et constate que le temps est passé bien vite en compagnie de Julian.
- Il faut que j'y aille si je ne veux pas manquer le début du match, Jeff me tuerait sinon, dit-elle en attrapant sa veste
- Évite un fratricide alors, plaisante-t-il
- Tu veux venir avec moi ? lui propose-t-elle. Les joueurs ont le droit d'inviter plusieurs personnes à voir le match et comme on est dans une partie privée du stade, on peut amener un ou deux invités de dernière minute
Étonné et touché par cette attention, Julian ne répond pas tout de suite. Il dévisage en silence la jeune femme, le bleu de ses yeux ressortant plus intense que jamais.
- On ne parlera pas des lunaires et de tout ce bazar, j'ai eu ma dose d'infos pour la journée ! rit-elle. On y va pour le foot et pour rien d'autre, histoire de se changer les idées
- Bien sûr, j'adorerai, accepte-t-il
- Super ! Il faut qu'on décolle, sinon deux personnes seront enterrées aujourd'hui au stade de Brestham
Les deux amis partent en direction de la ville voisine, atteignant le stade juste à l'heure avant le début du match. Regagnant la partie privée des tribunes, ils y retrouvent les parents de Madeline qui ne manquent jamais de venir voir les matchs de Jeff quand ils se déroulent à Brestham. Jodie est d'abord surprise de voir sa fille arriver accompagnée, et par Julian qu'elle n'avait plus vu depuis bien longtemps. Rapidement, elle accueille cette vision avec bonheur. Visiblement, Madeline ne se laisse pas abattre par les événements de la veille et ça soulage énormément la mère.
Lors du match, tout le monde donne de sa personne pour encourager l'équipe de Jefferson. Et de la voix également. Andrew Garrett, le mentor du jumeau de Madeline, ouvre le compteur de but à la demi-heure de match mais malheureusement, l'équipe de Birmingham recolle au score juste au retour des vestiaires. Pour ne rien arranger à leurs cordes vocales, c'est Jeff qui délivre son équipe en marquant le deuxième but grâce à un splendide retourné. Après quatre-vingt dix minutes intenses, l'équipe de Brestham gagne donc ce match et le célèbre comme il se doit avec son public.
Se souvenant de ce que lui a dit son frère la veille, Madeline comprend que Brestham vient de prendre la première place du championnat de deuxième division anglais. Sa joie redouble, elle fête cette victoire importante avec ses parents et Julian, qui frôle l'extinction de voix.
Cet instant de bonheur innocent surpasse tout, balaye complètement les petites préoccupations futiles ou les problèmes plus conséquents. Pas une seule fois au cours de l'après-midi Madeline ne pense au parchemin, aux lunaires, à cette Académie dont elle ignore tout, aux pouvoirs qu'elle et son frère n'ont pas développé ainsi qu'à tout le reste qui demeurent bien étranges à ses yeux. Là maintenant, il n'y a que la joie fugace que seul un match de foot peut procurer, qu'elle partage avec ses parents, Julian et Jeff à la sortie des vestiaires.
L'après d'un match est toujours spécial, plein de frénésie, surtout après une victoire. En tant que personnalité publique, Jefferson ne peut pas repartir tranquillement avec sa famille. Comme à leurs habitudes, ils quittent le stade de leur côté pour éviter le bain de foule et de journalistes qui attendent les joueurs. Madeline dit au revoir à ses parents sur le parking, ils se promettent comme toujours de se voir rapidement. Aucun n'évoque les événements de la veille, aucun n'y pense à vrai dire. Le monde continue de tourner après tout.
Une fois en voiture, direction Cherryton, Madeline et Julian ne tiennent pas à redescendre de leur nuage d'euphorie tout de suite. Ils mettent la radio à fond et se laissent à nouveau porter par les notes. Concrètement, ils font les cons sur toutes les musiques entraînantes qui leur tombent sous la main. Et c'est si bon de s'amuser simplement, d'échanger des blagues et quelques moqueries taquines.
Arrivés en ville, Julian insiste pour raccompagner Madeline jusqu'à chez elle sous prétexte que « on ne sait jamais ce qui peut arriver ». Même si la blonde ne voit pas ce qui pourrait bien se passer si elle traversait les rues qu'elle a déjà emprunté mille fois, elle accepte de bonne grâce et ne le contredit pas. Elle se gare donc comme elle en a l'habitude, ils marchent tous les deux jusqu'aux pieds de son immeuble.
- Merci de m'avoir raccompagné, merci pour cette journée en fait, sourit-elle
- De rien, j'ai adoré cette journée. N'hésite pas à me demander si tu as encore besoin d'un partenaire de " danse ", la taquine-t-il en mimant des guillemets
- C'est toi qui te moques de mon niveau de danse, vraiment ? Tu veux qu'on parle du tien cinq minutes ou ça va aller ? rétorque-t-elle en prenant un faux air offensé
- Je suis sûr qu'on peut s'en passer, rit-il
Après une dernière plaisanterie, les deux amis partagent une accolade avant de suivre chacun leur chemin. Julian suit Madeline des yeux jusqu'à ce qu'elle soit rentrée avant de lui-même se mettre en route vers chez lui.
Madeline salue son chat et s'affale sur son lit. Ce n'est qu'en début de soirée que Jefferson passe la porte de leur appartement, le protocole strict d'après match incluant un chauffeur et plusieurs gardes de corps ne le libérant pas de bonne heure.
- Oh mon dieu, Jefferson Harvey ! Je vous adore, vous pouvez signer mon maillot ?! le taquine sa sœur en marchant vers toi
- Rigole mais j'ai dû entendre cette phrase une dizaine de fois à la sortie du stade, rit-il
- C'est ça d'être une star montante du foot, qu'est-ce que ça doit être désagréable, ironise-t-elle
Les jumeaux se prennent dans les bras, la jeune femme lui glissant un « je suis fière de toi » plein d'honnêteté. Jefferson ne touche plus le sol, il ne cesse de parler du match pendant la demi-heure qui suit avec une excitation vive, comme si l'adrénaline n'était toujours pas retombée. Son sourire lui remonte jusqu'aux oreilles, ses gestes sont plein de vigueur tandis qu'il reproduit certaines actions de jeu sous les yeux amusés de sa sœur.
- Je n'en reviens pas, on est enfin premier du championnat, soupire-t-il avec un sourire béat
- Et c'est largement mérité
Jeff s'effondre sur le canapé à côté de sa sœur, dont les jambes sont occupées par Cookie.
- Et toi, ça a été ta journée ?
- Rien qui ne rivalise avec la journée d'une star du foot, plaisante-t-elle
- Que veux-tu, tout le monde n'est pas fait pour ça, dit son frère en prenant un faux air important
Madeline rit de l'expression de son jumeau, il reprend son sérieux en attendant sa réponse.
- Ça a été, j'imagine, reprend-elle. J'étais avec Julian cet après-midi
- Aaah, ça explique pourquoi il était avec toi au match, comprend Jeff sur un ton volontairement traînant qui sous-entendu beaucoup de choses
La blonde secoue la tête, mais Jefferson ne s'arrête pas là et fait danser ses sourcils de manière subjective.
- Si tu veux tout savoir, on a parlé des lunaires, lâche-t-elle en caressant la tête de son petit félin
Son frère cesse son petit manège et retrouve brutalement son sérieux.
- Oh d'accord, et qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Rien d'important, réplique la blonde en balayant le sujet d'un revers de main
Elle ne tient pas à ce que la journée mémorable de son frère soit polluée par cette histoire. Mais il ne l'entend pas vraiment de cette oreille.
- À moins que Julian ne t'ait parlé d'une envie de se lancer dans des cours de tricot, excuse-moi mais je crois que c'était intéressant et qu'il y a matière à discuter, proteste-t-il
Le ton de son frère est rarement aussi ferme qu'à cet instant, toute discussion concrète n'est pas souvent facile à mener avec lui en réalité. Alors lorsqu'elle lève le regard vers lui, Madeline est surprise par le sérieux de son jumeau, qui a soudain l'air très adulte. Voyant que ça lui tient à cœur d'entendre ce qu'elle a à dire, elle lui rapporte donc les paroles de Julian et les explications sur leur nature qu'il lui a fourni.
- Dommage, on est passé à ça de devenir des super-héros, conclut-il sur un ton plus léger. Qu'est-ce que tu crois qu'on aurait eu comme pouvoirs si on les avait développé ?
- Je n'en sais rien, il n'y a aucun moyen de le savoir, dit-elle en haussant les épaules
Aucun à part de savoir quelle était la spécialité de leur père. Et cette possibilité est plus que réduite.
- Peut-être que les gens de l'Académie Dawson peuvent nous le dire, reprend Jefferson
- Peu importe, j'ai passé l'âge d'aller à l'école, soupire la blonde
- Tu ne comptes pas y aller ? s'étonne son frère
- Pourquoi faire ? Tu l'as dit toi-même, on n'a pas de pouvoirs. Ça ne servirait à rien, les moldus ne vont pas à Poudlard que je sache, réplique-t-elle comme si c'était évident
- Oui mais la convocation nous dit bien qu'on est attendus, il y a certainement une raison
- Ou alors ce n'est rien de plus qu'une erreur commise par une secrétaire d'école un peu fatiguée, raille-t-elle
Jefferson penche la tête, jetant un œil désabusé à sa sœur. Dans son geste, il met en évidence sans le vouloir sa marque de naissance, cachée discrètement derrière son oreille. Elle est bien là, comme un rappel qui les ramènent tous les deux à ce monde inconnu dont ils font partie malgré eux. À cette convocation qui n'a rien d'une erreur de paperasse, ils le savent tous les deux.
- Peut-être qu'il y a des choses qu'on doit savoir, des trucs cachés sur notre nature ou je ne sais quoi, tente à nouveau Jefferson
- Tu mettrais de côté la vie que tu t'es construit pour ce délire complet ? lui demande-t-elle franchement
Cette question a le mérite d'être honnête et implique de s'y pencher avec beaucoup d'attention. Jefferson baisse les yeux, visiblement en pleine réflexion. Puis un soupir lui échappe, il se met à caresser distraitement le dos de Cookie.
- Ouais, sûrement pas, admet-il
- Personnellement, ça ne me tente pas, avoue Madeline. Tu fais ce que tu veux mais moi, je suis bien contente avec ma vie. Pas besoin de la rendre plus compliquée
Ce que Madeline ne s'avoue pas, c'est que sa vie a pris un tournant plus complexe dès qu'elle a reçu ce rouleau de parchemin des mains de Kai. Il est déjà trop tard pour se soucier de ça, une part d'elle en est consciente.
Les jumeaux finissent par changer de sujet de conversation pour passer une bonne soirée. Ils ne vont tout de même pas se laisser abattre par tout ça, il faut d'abord fêter la victoire de Brestham !
Une petite coupe de champagne et un bon repas plus tard, ils s'installent confortablement pour continuer une série qu'ils ont commencé tous les deux. Et un phénomène terrifiant se produit : ils enchaînent les épisodes sans voir l'heure tourner.
Fatigué de sa journée, c'est Jefferson qui tire la sonnette d'alarme en piquant du nez. Les jumeaux interrompent donc le séance de binge watch pour aller se coucher, se souhaitant bonne nuit.
Après être passée par la salle de bain, Madeline regagne sa chambre, Cookie sur les talons. La petite demoiselle prend ses aises sans plus attendre sur son lit, faisant rire la blonde. Elle s'approche de l'une de ses fenêtres pour fermer les volets, ouvre les battants et interrompt son geste. Ce n'est pas l'air froid de Décembre qui la fait se figer mais plutôt ce qui l'attend sur le rebord de sa fenêtre.
Une rose est posée là, sur les briques rouges, une étiquette nouée autour de la tige. Madeline se saisit de la fleur et est stupéfaite de voir que les pétales d'un rose délicat sont givrés, la glace emprisonnant leur douceur velouté. Une écriture familière, fine et pointue s'étale sur la petite note :
« Tu le verras bien assez tôt mais, un petit indice pour te mettre sur la voie ... »
L'auteur de ce geste s'impose inévitablement dans l'esprit de Madeline. C'est dans un souffle court qu'elle murmure son nom, un tourbillon d'émotions s'emparant d'elle.
- Julian ...
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