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𝔑𝔢𝔥𝔶𝔦𝔯







Assis sur le rebord de mon balcon, une cigarette entre les doigts, je laissais la fumée s'échapper lentement dans l'air du soir. La rue en contrebas vivait, mais je n'y prêtais qu'à peine attention. Mon esprit dérivait ailleurs, loin de ces passants indifférents. Et puis, soudain, mon regard s'accrocha à une silhouette. Au début, je crus rêver, une hallucination de plus, un de ces fantômes qui surgissent parfois quand on s'y attend le moins. Mais non... c'était bien elle. Mon cœur se serra.

Je ne l'avais pas revue depuis longtemps. Combien déjà ? Trop longtemps, mais ça n'avait aucune importance à cet instant. Les souvenirs me frappèrent d'un coup. Cette dernière nuit ensemble... Elle venait d'avoir dix-huit ans. Je me souviens de la douceur de l'air, des éclats de rire qui flottaient encore dans la chaleur de l'été, et surtout d'elle, lumineuse, dansant comme si le monde lui appartenait. On s'était aimés avec une fougue que seuls ceux qui n'ont rien à perdre peuvent connaître. C'était notre nuit. La dernière avant que tout ne change, avant que je ne parte, la laissant derrière moi.

J'ai regretté mon départ et mon silence. Je ne l'ai jamais contacté, depuis ce soir là et je m'en veux. Malgré tout, je suis de retour déterminé à avoir une seconde chance avec elle.

Maintenant que j'ai réglé mes affaires, je suis prêt à me consacrer corps et âme à cette femme.

J'parle comme un zemel, j'avoue. Mais quand une femme a cette emprise sur cette organe vital, tu peux que t'incliner devant elle.

— Les choses sérieuses commencent Layla.














ℒ𝒶𝓎𝓁𝒶






Malheureusement cette nuit a été horriblement difficile. Alma n'a pas cessé de pleurer, de se remettre en question, de l'insulter. Et ça m'a fait vraiment de la peine de la voir comme ça. J'avais juste envie de lui rouler dessus à ce Mehdi de merde la !

Dans son culot, le plus grand, cet enfoiré à essayer de la joindre plusieurs fois et ce n'est qu'au bout de la cinquième fois qu'Alma a pris la décision d'éteindre son téléphone.

Ce matin, elle s'est réveillé leur yeux bouffis et tout rouge, dans un état complètement désastreux, même le plus grand make up artiste au monde aurait eu du mal à camoufler sa peine.  Je l'ai juste prise dans mes bras, histoire de la soutenir le plus possible dans sa tristesse.

La journée s'annonce longue.

Alma n'a presque rien dit depuis qu'on a quitté l'appart. Son regard est vide, ses gestes lents, et elle traîne ses pieds comme si chaque pas lui coûtait une énergie qu'elle n'a plus. À peine arrivée sur le campus, elle enfonce sa capuche sur sa tête, évitant tous les regards. Moi, je marche juste à côté, comme un bouclier silencieux, prête à foudroyer du regard quiconque oserait lui poser une question.

On traverse la cour, et je sens déjà les murmures. Parce que bien sûr, les histoires comme celle d'Alma ne restent jamais secrètes bien longtemps. Quelqu'un a dû voir Mehdi hier, l'entendre parler, exagérer, déformer, balancer des petits morceaux d'une vérité arrangée.

— Putain, ils me fatiguent... je lâche entre mes dents, en fusillant du regard un groupe de filles qui nous regarde avec insistance.

Alma ne réagit même pas. Elle a les bras croisés, les yeux fixés sur le sol. D'habitude, elle aurait déjà répondu par un sarcasme bien placé. Là, elle ne semble même plus avoir la force d'être elle-même.

Les cours s'enchaînent, mais son esprit est ailleurs. Je le vois dans sa façon de fixer son cahier sans écrire, dans la manière dont elle lève à peine la tête quand un prof l'interroge. Moi, je prends des notes en silence, gardant un œil sur elle, prête à intervenir si elle flanche. Mais elle tient bon. Enfin... en apparence.

À la pause de midi, elle refuse de manger.

— Juste pas faim, dit-elle en repoussant son plateau.

Je soupire et m'appuie contre le dossier de ma chaise.

— Alma, tu peux pas juste... te laisser dépérir comme ça.

Elle esquisse un sourire triste, un sourire qui me fout un coup au cœur parce que je vois à quel point elle souffre.

— J'ai pas la force de faire semblant, Layla.

Je ne trouve rien à répondre. Parce que je comprends. Mais putain, ça me tue de la voir comme ça, de voir que ce connard a réussi à lui voler son éclat, son feu.

L'après-midi passe au ralenti. Chaque heure est une épreuve, chaque couloir un champ de mines où les regards s'attardent un peu trop. Et puis, au détour d'un couloir, le pire arrive.

Mehdi.

Il est là, adossé au mur, les bras croisés, son foutu sourire aux lèvres comme si de rien n'était. Comme si ce n'était pas lui qui l'avait brisée en mille morceaux.

Alma se fige. Moi, je sens la rage monter en flèche.

— Hey, Alma, on peut parler ?

Sa voix est douce, presque innocente, mais je sais qu'il joue un rôle. Il est doué pour ça. Trop doué.

Alma, elle, reste silencieuse, les yeux rivés au sol.

— Casse-toi, Mehdi, je lâche froidement.

Il soupire, lève les mains en signe de paix.

— Je veux juste qu'on parle, c'est tout.

— Tu crois qu'après tout ce que t'as fait, elle a envie d'entendre ta voix ?

Ma voix tremble de colère. Je le hais. Je le hais tellement.

Alma finit par relever les yeux vers lui. Juste un instant. Et je vois quelque chose briller dans son regard. Une douleur immense, insondable.

Puis, sans un mot, elle tourne les talons et s'éloigne.

Mehdi, lui, reste planté là, l'air con. Et moi, j'ai juste envie de le frapper.

La journée continue, mais rien ne va mieux. Alma est épuisée, moi je suis à bout, et ce connard continue de rôder comme un fantôme.

Quand on rentre enfin à l'appart, elle s'effondre sur le canapé, les yeux clos, le souffle tremblant.

— Tu crois que ça passera un jour ?

Sa voix est si faible que j'ai presque du mal à l'entendre.

Je m'assois à côté d'elle et serre sa main dans la mienne.

— Ça prendra du temps. Mais oui, ça passera.

Elle hoche la tête, mais je sais qu'elle n'y croit pas encore. Alors moi, je crois pour elle.

























Les larmes sont les pétales du cœur. Paul Éluard


















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