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Chapitre 15 : Les Ombres du Passé
Les souvenirs de Kie étaient comme des fragments d'un rêve brisé, des éclats de verre qui s’enfonçaient parfois dans sa conscience, laissant des cicatrices invisibles. Ils surgissaient sans prévenir, souvent au milieu de la nuit, la laissant froide et tremblante dans son lit.
Sa mère et son père avaient été des ennemis, de ceux qui se battent avec la férocité des bêtes. Elle se souvenait à peine de leurs visages, mais elle se souvenait de leurs cris, des affrontements, des regards chargés de haine. Leur rencontre n’était pas de celles que l’on raconte dans les contes de fées. Ils étaient issus de clans opposés, ennemis de génération en génération. Pourtant, dans la violence de leurs combats, une étrange complicité s'était tissée entre eux, une compréhension tacite de leur douleur partagée, de leurs solitudes respectives. Peu à peu, cette rivalité s’était transformée en quelque chose de plus ambigu, de plus complexe.
Ils avaient fini par tomber amoureux, contre toute logique, contre toute raison. Leur relation était née dans le secret, dissimulée aux regards de leurs clans respectifs, comme une fleur qui pousse dans les fissures d’un mur. Dans cet amour interdit, ils avaient donné naissance à Kie, espérant que leur enfant serait le symbole d’une réconciliation, d’une paix possible entre leurs deux mondes.
Mais cet espoir avait été de courte durée. Dès la naissance de Kie, les tensions refoulées éclatèrent de nouveau. Son père, celui qui lui avait promis un avenir différent, un avenir où leur famille pourrait vivre librement, avait trahi sa mère. Il avait disparu, emportant avec lui ses rêves et ses promesses, la laissant seule avec un bébé qu’elle n’avait jamais souhaité élever seule. Pire encore, il était parti avec une autre, une femme qu’il avait apparemment toujours aimée, laissant sa mère dans un désespoir sans fond.
Le visage de sa mère, Kie le voyait encore dans ses rêves, déformé par la douleur, les larmes et la colère. Cette femme, autrefois forte et déterminée, avait été brisée par la trahison de l’homme qu’elle aimait. Elle avait tenté de se battre contre cette douleur, de la cacher derrière des sourires forcés, mais Kie sentait la rage brûler en elle, chaque fois qu'elle posait les yeux sur sa fille. Pour sa mère, Kie était la preuve vivante de son échec, de cette histoire d'amour qui n'avait été qu'un mirage.
Au début, Kie ne comprenait pas pourquoi sa mère la regardait avec tant de froideur, pourquoi elle ne la prenait jamais dans ses bras, pourquoi elle lui parlait comme si elle était une étrangère. Elle ne comprenait pas pourquoi les sourires de sa mère étaient aussi rares que les rayons de soleil en hiver, ni pourquoi sa voix devenait si dure quand elle prononçait son nom.
Mais un jour, cette froideur s'était transformée en quelque chose de plus sombre, de plus terrible. Sa mère l'avait prise par la main et l'avait emmenée loin de leur maison, à travers les bois sombres qui entouraient leur village. La nuit était tombée, et les ombres des arbres formaient des silhouettes menaçantes. Kie se souvenait du froid qui mordait sa peau, de la main de sa mère qui serrait la sienne avec une force presque douloureuse. Elle ne comprenait pas où elles allaient, ni pourquoi sa mère avait l’air si déterminée, si désespérée.
Elles arrivèrent à une clairière perdue, au cœur de la forêt. Une ancienne cabane en ruines se dressait là, ses murs lézardés par le temps. Mais ce qui attirait l’attention, c’était le cercle gravé au sol, des symboles étranges tracés avec soin. Kie ne comprenait pas ce que cela signifiait, mais elle sentait la peur s’insinuer en elle, une peur glaciale qui lui glaçait le sang.
Sa mère la poussa brutalement au centre du cercle, ses yeux brûlant d’une fureur que Kie n’avait jamais vue auparavant.
"C'est de ta faute," murmura sa mère, sa voix se brisant sous l'émotion. "À cause de toi, il est parti. À cause de toi, je l'ai perdu... Toi et lui... Vous avez détruit ma vie."
Kie ne comprenait toujours pas. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne sortit. Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues, mais sa mère n’y prêta pas attention. Elle commença à psalmodier des paroles incompréhensibles, une langue ancienne que Kie ne connaissait pas. Le vent se leva, s’engouffrant dans les arbres, et la lumière de la lune sembla vaciller, comme si le monde tout entier retenait son souffle.
C’est alors que le cercle s’illumina, une lumière rouge et menaçante. Une silhouette émergea des ténèbres, une créature sans forme précise, une masse sombre qui semblait absorber la lumière autour d’elle. Ses yeux brillaient d’une lueur malveillante, fixant Kie avec une intensité qui lui fit frissonner jusqu’à la moelle.
Sa mère, debout en dehors du cercle, murmura quelques mots, sa voix teintée de haine et de désespoir.
"Je te livre cet enfant, pour que tu la dévores de l’intérieur, pour que tu consumes tout ce qui lui reste d’humanité."
Kie ne comprenait pas ce que cela signifiait, mais la douleur qu’elle ressentit alors était plus réelle que tout ce qu’elle avait connu jusqu’à présent. La créature la frappa de sa présence, un poids qui s’abattait sur son esprit, sur son âme. Elle sentit une force obscure s’insinuer en elle, comme un poison qui se propageait dans ses veines.
Elle perdit conscience ce soir-là, étendue sur le sol froid de la forêt, et quand elle se réveilla, sa mère avait disparu, la laissant seule avec cette ombre qui la hantait désormais.
La cabane devint sa prison, son refuge, et la créature sa seule compagne. Le démon ne parlait pas, mais elle sentait sa présence à chaque instant, une obscurité qui la dévorait lentement de l’intérieur, qui aspirait ses émotions, laissant derrière elle un vide glacial.
Kie grandit ainsi, seule dans cette forêt, avec pour unique présence ce démon qui la réduisait à l’état de coquille vide. Elle oublia peu à peu le son de la voix de sa mère, le visage de son père, et les souvenirs de cette vie d’avant devinrent flous, comme un mauvais rêve. Tout ce qu’il lui restait, c’était ce vide, cette ombre qui s’agrippait à son âme et la plongeait dans une solitude infinie.
C’est cette ombre qui l’accompagnait encore, même maintenant, à Konoha. Elle avait appris à la cacher derrière un masque de froideur, à l’ensevelir sous le silence. Mais elle savait que le démon était toujours là, quelque part dans l’obscurité de son esprit, prêt à la dévorer à nouveau.
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