𝟐𝟒 ¦ 𝐋𝐀 𝐁𝐄𝐀𝐔𝐓𝐄́

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟒 ━ 𝟏,𝟖𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
La Beauté, Les Fleurs du Mal,
Cʜᴀʀʟᴇs Bᴀᴜᴅᴇʟᴀɪʀᴇ (1857)

     Assis sur le lit, Marco regardait d'un air surpris le petit appareil photo que tenait Jean entre ses mains. L'air très enthousiaste, le jeune artiste attendait que son ami réfléchisse à la proposition qu'il venait de lui faire.

     — Je ne sais pas trop, lui dit finalement Marco. Et puis, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire de tous ces clichés ? Tu n'as quand même pas besoin d'autant de références, si ?
     — Pas vraiment, mais peu importe leur finalité. Ce n'est pas l'objectif premier. Le plus important, c'est de s'amuser en les prenant, affirma Jean. Au pire, ça nous fera des souvenirs !

     En dépit des arguments exposés, Marco semblait toujours aussi peu convaincu par l'idée. À vrai dire, il commençait même à se demander pourquoi Jean tenait soudainement tant à faire une séance photo. Son insistance le rendait presque louche... Il sonda ses yeux ambre, espérant y dénicher un signe quelconque qui viendrait lui fournir une explication plausible, mais il n'y trouva rien de particulier. Pourtant, Jean avait bien une idée derrière la tête : il voulait distraire Marco. Il savait que ce dernier traversait un moment compliqué et, même s'il n'en connaissait pas la raison, il voulait l'aider à oublier ses tracas pendant un temps. Quoi de mieux, pour cela, que d'essayer quelque chose de nouveau ? Et l'activité à laquelle avait songé Jean impliquait un appareil photo instantané.

     — On peut toujours faire un essai, proposa-t-il finalement. Et si ça ne te plaît pas, on arrête. Qu'est-ce que t'en dis ?

     Il vit Marco hésiter. Mais, à son plus grand bonheur, celui-ci finit par acquiescer ; plus par curiosité que par réelle envie, en fin de compte, car il voulait comprendre pourquoi Jean semblait si enjoué. Le principal intéressé s'empressa justement d'indiquer une première pose à son modèle qui s'exécuta, un peu maladroitement. Quelques secondes plus tard, les deux jeunes hommes observèrent avec intérêt la petite photographie qui sortait doucement de l'appareil. D'abord noire, l'image se colora progressivement pour afficher la silhouette de Marco. Ce dernier avait toujours trouvé ces petits gadgets très chouettes, bien qu'outrageusement hors de prix. Et à en juger par la précaution avec laquelle Jean déposa le cliché sur sa commode, il avait lui aussi conscience que celui-ci valait bien quelques euros. Le jeune artiste se retourna ensuite vers son modèle préféré, dont il détailla rapidement l'accoutrement.

     — Je pense que tu devrais déboutonner les premiers boutons de ta chemise, lui conseilla-t-il avec grand sérieux.

     D'abord surpris, Marco finit par éclater de rire. Il avait l'impression d'enfin comprendre ce qui séduisait tant Jean dans cette activité, et la raison n'avait (évidement) rien d'innocent.

     — Si tu veux tant me déshabiller, lui lança-t-il sur un ton joueur, il va falloir le faire toi-même.

     Ce fut au tour de Jean de prendre l'air étonné. Néanmoins, un sourire espiègle prit rapidement place sur ses lèvres alors qu'il s'avançait dans le but de répondre à cette provocation. Avec une lenteur exagérée, ses doigts firent glisser les petits objets ronds à travers leurs trous respectifs. Les pans du vêtement s'ouvraient désormais sur toute la longueur du sternum de Marco. Satisfait de ce constat, le photographe s'éloigna afin de prendre un second cliché. Mais cette fois-ci, il n'attendit pas que l'image apparaisse sur la pellicule pour la déposer à côté de la première.

     Jean ne demanda même pas l'avis de son modèle avant de déboutonner le reste de sa chemise, exposant ainsi son torse nu. Mais Marco ne s'en plaignit pas. Au contraire, il observait chacun de ses gestes avec un sourire amusé. Ce dernier s'agrandit lorsqu'il sentit une main se poser au-dessus de ses abdominaux. L'objectif resta tourné dans cette direction lorsque Jean appuya sur le déclencheur de l'appareil. Il voulut attraper le cliché qui en sortait, mais Marco fut plus rapide. Il le fit volontairement tomber au pied du lit et profita de cette distraction pour attirer Jean entre ses cuisses.

     — Et ton érection, tu comptes la prendre en photo ? lui murmura-t-il malicieusement au creux de l'oreille.

     Sans même attendre une quelconque réponse de sa part, il pressa la paume de sa main contre l'entre-jambe à demi-tendue du photographe, lequel s'en mordit la lèvre inférieure. Curieux de voir jusqu'où celui-ci pourrait garder contenance, Marco ôta le bouton de son pantalon et en baissa la fermeture éclair dans la foulée. Ses doigts se faufilèrent sous son caleçon afin de s'enrouler autour du sexe de Jean qu'il sentit aussitôt frémir. Malgré les mouvements agréables qu'on lui prodiguait, le jeune homme s'efforça de rester concentré sur l'appareil photo qu'il tenait. Par pure provocation, il dirigea son objectif en bas. Jean se délecta des rougeurs qui s'installèrent sur les joues de Marco. Son beau brun paraissait scandalisé, mais il ne pouvait pas lui dissimuler la tension qui déformait son propre pantalon. Conscient que la situation allait très vite s'enflammer, Jean se redressa brusquement sous les yeux étonné de son partenaire.

     — Ne bouge pas, lui lança-t-il avec autorité.

     En le voyant s'enfermer dans la salle de bain, Marco comprit qu'il était parti faire un lavement. Comme promis, Jean revint moins d'une dizaine de minutes plus tard, en tenue d'Adam. Il fut ravi de constater que son partenaire n'avait pas non plus attendu son retour pour se déshabiller. Depuis le lit où il se trouvait allongé sur son flanc droit, Marco le regardait en souriant. La position était ouvertement lascive, bien que le drap recouvrait son bassin, car on devinait aisément que le jeune homme était nu sous cette mince barrière. Avant de le rejoindre, Jean prit l'appareil photo pour immortaliser cette vision qui lui plaisait un peu trop. Marco rouspéta en le voyant s'installer au-dessus de lui, l'objet toujours en mains.

     — Bordel, mais qu'est-ce que tu vas faire avec ce truc ?
     — Te prendre en photo, évidement.

     Jean attrapa sa mâchoire entre ses doigts pour lui arracher un baiser fiévreux. Il laissa son pouce appuyé contre ses lèvres.

     — J'ai beaucoup d'idées en tête, murmura-t-il avec envie. Je veux capturer ton air béat juste après t'avoir embrassé, ton regard fiévreux pendant que je te chevauche, tes sourcils froncés lorsque tu t'apprêtes à jouir... Entre autres choses.

     Le visage de Marco fut aussitôt recouvert par les mains que le jeune homme y avait placées dans l'espoir de dissimuler ses rougeurs, lesquelles ne passèrent évidemment pas inaperçues.

     — Ne te cache pas, s'esclaffa Jean. Je ne te dis pas ça pour t'embarrasser ! Enfin, pas seulement... plaisanta-t-il un peu. C'est juste que je te trouve tellement, tellement beau.
     — Et toi, alors ? rétorqua l'intéressé. Si tu te voyais...

     Marco n'avait pas de complexe particulier sur son physique, mais il était d'avis qu'il ne faisait pas le poids contre quelqu'un comme Jean. Le jeune artiste était assurément plus plaisant à regarder que la majorité des gens. Parce qu'il était très beau, bien sûr, mais aussi parce qu'il dégageait énormément de confiance ; celle-là même qui lui donnait l'audace d'oser.

     Lorsque Jean releva ses hanches pour les aligner au-dessus de son sexe tendu, Marco eut soudain très peur. Mais il comprit, en sentant ses chairs s'écarter sans grand effort, que son partenaire s'était déjà préparé sous la douche. Il appuya ses mains sur son ventre afin de pouvoir bouger plus facilement, bien que cette position s'avéra vite fastidieuse. Alors qu'il ralentissait ses mouvements pour reprendre son souffle, Jean en profita pour redonner un peu d'attention à son appareil photo. En le voyant enchaîner les clichés, Marco regretta que l'objectif soit dirigé dans sa seule direction. Cédant à une pulsion inopinée, il se redressa sur le lit et attrapa l'objet.

     — Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna Jean.
     — Je te partage mon point de vue.

     Le châtain poussa un soupir mécontent en sentant le sexe glisser hors de son intimité. Néanmoins, Marco ne l'abandonna pas longtemps ; juste le temps pour lui d'entraîner son partenaire quelques mètres plus loin, avec la ferme intention d'y reprendre leurs activités. Jean comprit le sens de ses paroles lorsqu'il fit face à son propre reflet sur la surface du miroir mural de son appartement. Marco s'était positionné dans son dos, afin de pouvoir lui faire l'amour tout en leur laissant le loisir de s'observer mutuellement. L'idée plut énormément à Jean qui frôla la jouissance, tant cette vision l'excitait.

     Sans quitter des yeux le reflet de leurs corps qui se mouvaient sensuellement l'un contre l'autre, Marco positionna l'appareil photo contre son œil. En le voyant faire, son partenaire écarta un peu plus les jambes ; histoire de lui offrir un meilleur angle. Le nouveau photographe appuya sur le déclencheur à plusieurs reprises. Les clichés tombèrent les uns après les autres autour d'eux, sans pour autant que les jeunes hommes n'y prêtent attention. Jean avait raison : ce n'était pas tant le résultat qui importait, en fin de compte. Le simple fait de prendre ces photos pendant leurs ébats semblait produire un effet aphrodisiaque. Et même après avoir atteint l'orgasme, le couple mit un certain temps à reprendre son souffle.

     — À court de flatteries, on dirait ? s'amusa Marco.
     — Pourquoi cela sonne-t-il comme si je ne les pensais pas ?

     Il n'y avait aucun reproche dans la voix de Jean ; c'était là une interrogation dont la sincérité prit de court Marco.

     — Je ne sais pas, s'excusa-t-il un peu penaud. Peut-être... Peut-être parce que j'ai l'impression de ne pas être le seul à qui tu les adresses.
     — Et à qui d'autre pourrais-je les adresser ?
     — À tes autres modèles ? supposa Marco.

     En l'entendant soulever cette hypothèse, Jean inclina la tête afin de pouvoir le regarder par-dessus son épaule.

     — J'aime croquer, c'est vrai. Pourtant, je sors rarement mon calepin à tout bout de champ, le détrompa-t-il. Mais quand je suis avec toi... Comment dire, hésita-t-il. Mes doigts me démangent. C'est presque physique, tu comprends ?

     Jean n'exagérait rien ; au contraire. Il avait encore du mal à s'expliquer cette attirance inédite qu'il ressentait envers le beau brun, mais il ne pouvait pas nier son existence. Il aimait le croquer, le peindre, le toucher. Un jour, il aimerait avoir la chance de graver ses traits dans la pierre, dans le marbre, dans les murs et jusque dans le ciel dont Marco avait volé les étoiles. Personne ne l'avait jamais fait vibrer autant, au point que s'en devenait presque inquiétant. Jean se demandait parfois s'il avait le droit de déballer à son modèle préféré toutes ses pensées le concernant, dans l'espoir qu'elles le rassurent sur la place qu'il occupait désormais dans sa vie. Néanmoins, il préférait s'abstenir, de peur de l'effrayer... Mais en croisant son regard dans le miroir, à cet instant, il eut une autre idée.

     — Je voudrais te peindre sur une toile, lui dit-il alors. Pour te montrer comment mes yeux te voient.

     Le visage de Marco s'empourpra légèrement.

     — J'ai hâte de la voir, fit-il simplement.

Nᴏᴛᴇ ᴅᴇ Lʏᴀ
Mazette il fait chaud par ici !!

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