𝟎𝟖 ¦ 𝐋𝐀 𝐏𝐄𝐈𝐍𝐓𝐔𝐑𝐄
𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟖 ━ 𝟐𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
L'Art de la Peinture,
Jᴏʜᴀɴɴᴇs Vᴇʀᴍᴇᴇʀ (1666)
Tandis qu'il attendait Jean devant le collège de Siméon, Marco eut mille occasions de remettre en cause sa décision. Pourquoi diable avait-il accepté de participer à une chose aussi folle ? Il n'en était pas vraiment sûr, en toute honnêteté. La faute à sa gentillesse, sans doute ; c'était après tout ce qui l'avait conduit à poser pour l'atelier de sa mère, lorsque celle-ci lui avait supplié de la dépanner. Et quand bien même Marco avait répété à Jean qu'il ne tenait pas à réitérer l'expérience, il aimait beaucoup trop son petit frère pour lui refuser une faveur identique.
Bien sûr, en grand anxieux qu'il était, Marco avait sérieusement songé à prendre ses jambes à son cou pour fuir ce qui l'attendait à l'intérieur de ce collège. Mais puisqu'il ne voulait pas décevoir Siméon et Jean, il s'était contenté de patienter jusqu'à l'arrivée de ce dernier. Lorsqu'il l'aperçu enfin au coin de la rue, Marco sut qu'il était trop tard pour se défiler. Mais, à vrai dire, le brun n'avait plus tant envie de s'enfuir. C'était franchement étrange, et pourtant ; Marco réalisa que le tourbillon de ses pensées se faisait moins impétueux. Son cœur battait toujours un peu trop fort dans sa poitrine, mais l'appréhension n'en était plus l'unique raison. Car Jean lui embrassa les doigts, et Marco sut qu'il le suivrait dans ce projet, aussi fou fut-il.
Les deux garçons se présentèrent à l'accueil du collège. Marco ayant lui-même été scolarisé ici, il les conduisit jusqu'aux salles d'arts plastiques, au rez-de-jardin. Un cours avait justement lieu dans la pièce principale. Les élèves se consacrant chacun‧e sur leur projet dans un joyeux brouhaha, le professeur pu se présenter et les conduire dans une pièce annexe. Il s'assura qu'ils ne manquaient de rien, puis il les laissa à leurs préparations, tandis que lui retournait à ses élèves.
Jean s'activa aussitôt. Du grand sac de sport qu'il avait apporté avec lui, il sortit de la peinture adaptée à la peau : du rouge, du bleu, du jaune, du blanc et du noir.
— On va se mettre près du radiateur pour éviter que tu n'attrapes froid, indiqua-t-il à Marco.
Ils approchèrent quelques chaises de l'appareil qui était heureusement chaud au toucher. Marco retira d'abord son manteau, puis son pull, son t-shirt et, pour finir, son pantalon.
— Je n'arrive pas à croire que tu aies pu me convaincre de faire un truc pareil, lui avoua-t-il tout de même.
Jean eut un sourire malicieux. En toute honnêteté, il avait lui aussi été surpris de voir Marco accepter aussi vite (quoiqu'il n'allait certainement pas s'en plaindre).
— Plus sérieusement, Marco, lui rappela-t-il ; je sais qu'on sort de ta zone de confort, mais si tu ne te sens vraiment pas à l'aise pour une raison ou une autre, n'hésite pas à me le dire. Et surtout, si ça commence à te piquer, à te gratter ou à te brûler, tu me le dis de suite et on enlève tout.
Marco acquiesça, touché de voir que Jean prenait la peine de lui répéter qu'il plaçait toujours son bien-être au-dessus de la réussite de ce projet. L'artiste termina de sortir son matériel, puis il indiqua à Marco qu'il allait commencer par le dos. Le brun frissonna légèrement quand le pinceau se posa sur sa peau. Jean avait pris soin de sélectionner les poils les plus souples, mais la peinture restait assez froide. Il plaça d'abord le trapèze, le grand dorsal et les autres muscles du dos en usant à chaque fois d'une couleur différente.
La voilà, la fabuleuse idée de Jean ; reproduire le système musculaire d'un modèle afin d'aider Siméon et ses camarades à comprendre l'anatomie humaine. Et qui de mieux que Marco pour être la pièce maîtresse de son projet ? En près d'une demi-heure, Jean repeignit ainsi tous les muscles de son beau brun qui fut recouvert de formes colorées. Tout était à sa place, même les fessiers, car l'artiste avait peint par-dessus le sous-vêtement couleur chair qu'il avait demandé à Marco de porter.
— C'est très arc-en-ciel, tout ça, nota ce dernier. On dirait que je vais participer au défilé de la Pride.
La bonne vielle sonnerie de l'établissement scolaire retentit dans les couloirs, les informant que l'atelier de Siméon ne tarderait pas à débuter. Ils étaient pile dans les temps ; Jean travaillait vite et bien, il fallait lui reconnaître cette qualité. Les deux garçons remirent rapidement un peu d'ordre dans leurs affaires avant de rejoindre l'autre pièce désormais vide d'élèves. Ils prirent le temps de discuter avec le professeur d'arts-plastiques, qui complimenta le travail de Jean, notamment pour peaufiner le déroulement de la séance.
La salle de classe faisait plus fouillis que toutes ses voisines. Les tables n'étaient pas soigneusement alignées deux par deux pour former des colonnes et des rangés, mais elles formaient un grand rectangle, de sorte qu'un espace se créait au milieu. Il fut décidé que Marco se tiendrait ici afin que les élèves puissent tourner autour de lui et choisir la vue qui les intéressait. Le professeur y apporta des petits radiateurs portatifs qu'on utilisait fréquemment dans le milieu pour tenir au chaud les modèles partiellement ou totalement dénudés.
Le temps pour eux de mettre tout ceci en place, quelques élèves s'étaient déjà rassemblé‧e‧s près de la porte d'entrée. Marco sentit une petit boule d'angoisse naître dans son ventre. Il n'avait pas été particulièrement gêné avec Jean, car ce dernier s'était montré sérieux et appliqué dans son travail. À vrai dire, Marco avait même trouvé l'expérience plutôt amusante jusqu'à présent ; il y avait quelque chose d'enfantin et de rigolo à se retrouver presqu'entièrement couvert de peinture. Mais se montrer devant un groupe de personnes dans ce drôle d'accoutrement, c'était encore autre chose. Jean, qui devait l'observer, s'approcha aussitôt pour le rassurer.
— Siméon m'a dit qu'iels ne sont qu'une dizaine, tout au plus. Tu es très beau, tu es très coloré ; bref, iels vont t'adorer.
Bizarrement, l'enthousiasme de Jean calma un peu ses appréhensions, alors Marco lui rendit son sourire. Le professeur d'arts-plastiques fit rentrer ses petit‧e·s artistes qui s'installèrent tout autour de l'îlot de tables. En les voyant, Siméon leur adressa un grand sourire. Ses camarades ne mirent guère de temps à remarquer ces deux inconnus, dont l'un était recouvert de peinture, et à s'interroger sur la raison leur présence. À bien y réfléchir, leur professeur les avait bien prévenu que la séance sortirait un peu de l'ordinaire, mais il ne leur avait pas fourni d'autres détails pour garder la surprise.
— Jean et Marco ont eu la gentillesse de venir nous aider sur notre problème du moment : j'ai nommé l'anatomie.
Les deux étudiants se présentèrent brièvement.
— L'objectif est de vous familiariser avec les principaux muscles du corps humain, expliqua Jean. En comprenant comment ils se contractent ou se relâchent, vous serez capables de reproduire plus facilement toutes les poses que vous voulez.
Le professeur enchaîna sur quelques explications d'ordre anatomique, nommant certains muscles importants. Il montra ensuite à Marco comment se positionner, et les élèves furent rapidement concentré‧e‧s sur leur crayon. Les premières minutes furent évidemment assez embarrassantes pour Marco. Il se trouvait tout de même en caleçon devant une dizaine de collégien·ne‧s qui le dévisageaient de la tête aux pieds. Mais l'atelier se déroula bien et, progressivement, il arriva à se détendre. Enfin, non ; ce n'était pas vraiment ça.
À vrai dire, Marco sentait sur lui le regard de Jean. Ce dernier s'était assis par terre, à la limite de son champ de vision, mais Marco savait qu'il le dessinait lui aussi. Parfois, l'artiste se levait, histoire de se dégourdir les jambes, et faisait un petit tour pour jeter un œil sur les croquis des élèves. Il distribuait quelques compliments, pointait un ou deux défauts et retournait s'asseoir ailleurs pour reprendre un autre dessin. Marco savait toujours où il se trouvait car il suivait le moindre de ses mouvements. Il était comme hyperconscient de sa présence. Jean retenait toute son attention, au point qu'il en oubliait presque tous les autres regards posés sur lui. Marco ne se l'expliquait pas, mais c'était ainsi : seul Jean comptait.
Deux heures s'écoulèrent et l'atelier se termina. Les élèves comme le professeur semblaient ravi‧e‧s. Quant à Siméon, il aurait volontiers sauté au cou de son frère si celui-ci n'était pas couvert de peinture. Jean et Marco récupérèrent ensuite leurs affaires et se dirigèrent vers le complexe sportif annexe afin d'en emprunter les vestiaires. Car en effet, Marco avait bien besoin d'une bonne douche. Le problème, c'était que la peinture avait largement eu le temps de sécher sur la peau de Marco, et Jean craignait qu'elle ne peine à s'enlever.
— Commence par frotter doucement avec de l'eau et du savon, recommanda-t-il en lui tendant un bloc de savon solide.
Marco disparut dans la pièce à côté où l'eau ne tarda pas à couler. Pendant ce temps, Jean consulta les quelques photos qu'il avait prises pendant l'atelier. En tant qu'étudiant en arts, il veillait à garder une trace de tous les projets qu'il réalisait. Au bout de quelques minutes, il demanda à Marco s'il s'en sortait.
— C'est franchement galère à enlever, rouspéta celui-ci.
Jean glissa un coup d'œil pour vérifier ; il ne risquait pas grand-chose, Marco était encore en caleçon.
— Attends, il t'en reste dans le dos.
Retroussant ses manches pour ne pas les mouiller, Jean prit le savon qu'il frotta entre ses omoplates jusqu'à retirer le gros de la peinture. Mais il restait encore beaucoup de traces colorées qui s'accrochaient à la peau de Marco. Pour en venir à bout, Jean avait apporté un petit quelque chose.
— De l'huile de colza ? s'étonna Marco.
— C'est redoutable, tu vas voir.
Il en fit couler une ligne le long du bras de Marco qu'il frotta délicatement. Il fallait faire preuve d'un peu de patience, mais l'huile permit d'enlever les dernières résidus de peinture. Jean réitéra l'opération sur son deuxième bras.
— C'est pas génial ? commenta-t-il.
Marco ne répondit pas. En fait, cela faisait un moment qu'il restait silencieux. Jean releva la tête juste à temps pour apercevoir ses joues rouges avant qu'il ne se détourne de lui, présentant ainsi son dos. Jean n'eut pas à réfléchir ; il avait évidemment remarqué que leur situation actuelle pouvait porter confusion. Après tout, il était en train de masser le corps de Marco avec de l'huile. Bref, cela ressemblait étrangement au début d'un très mauvais porno. Si Jean s'efforçait de ne pas laisser transparaître ses pensées les plus indécentes, cela ne changeait en rien leur existence. Et savoir que Marco y songeait aussi ne rendait leur situation que plus ambiguë.
Les mains encore huilées de Jean se posèrent sur les épaules de Marco où elles tracèrent des mouvements circulaires. Elles se firent plus lentes, comme si leur propriétaire cherchait à prolonger cet instant, et descendirent le long de sa colonne vertébrale jusqu'à se poser au creux de son dos. Jean caressa la peau sous ses doigts avec le regard d'un camé. Marco retint sa respiration, mais l'artiste n'osa pas s'aventurer au-delà de son sous-vêtement. Au lieu de cela, les mains indiscrètes s'échouèrent sur sa taille qu'elles refusèrent de quitter.
— Jean, souffla enfin Marco. Qu'est-ce que tu fais ?
Jean lui-même n'avait aucune idée de ce qu'il était en train de faire. Quelque part au fond de lui, là où s'était réfugié sa raison, il avait conscience de pousser sa chance. Un pas de travers, un geste de trop, et Marco pourrait ne pas lui pardonner son imprudence. Jean le savait, et pourtant il en voulait plus, toujours plus que ce que Marco était prêt à lui donner. Ce n'était pas une mauvaise chose, mais il devait le réprimer.
— J'ai envie de toi, avoua-t-il néanmoins.
Jean posa un premier baiser contre la peau humide de sa nuque. Marco déglutit avant de retenir sa respiration, mais il tendit inconsciemment le cou. Jean lui en donna un autre. Il avait l'impression de devenir fou. Marco essaya enfin de bafouiller quelque chose, mais Jean le coupa, pressentant que ses mots seraient en contradiction avec ses actions.
— Ne dit rien, souffla-t-il. Je sais.
L'instant d'après, Jean s'écartait brusquement et quittait la pièce à grandes enjambées. Chancelant, Marco se rattrapa au mur contre lequel il se laissa glisser. Il porta une main à sa poitrine, où son cœur battait furieusement, et baissa les yeux pour constater ce qu'il savait déjà : il avait une érection.
Nᴏᴛᴇ ᴅᴇ Lʏᴀ
Ahah il fait un peu chaud, non ?
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