𝟎𝟓 ¦ 𝐋𝐀 𝐕𝐄́𝐑𝐈𝐓𝐄́
𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟓 ━ 𝟏,𝟗𝐊 𝐦𝐨𝐭𝐬
La Vérité,
Lᴇ Bᴇʀɴɪɴ (1652)
Le mardi suivant, soit le jour même où les deux garçons auraient dû se rendre au musée, Jean s'en alla frapper chez Marco. Puisqu'il y avait redéposé ce dernier quelques semaines plus tôt, le châtain retrouva l'adresse sans difficulté. C'était assurément une idée des plus culottées, et peut-être même que Marco le détesterait pour agir de la sorte, mais Jean s'était résigné à se montrer audacieux. Il devait le voir ; car même si le brun l'ignorait, Jean voulait s'expliquer.
Contrairement à lui, Marco ne vivait pas seul dans cette grande maison. C'est pourquoi Jean s'était déjà demandé sur qui il tomberait en déboulant chez lui à l'improviste. Idéalement, il aurait bien sûr aimé que Marco lui ouvre lui-même la porte, mais il eut raison de ne pas de faire d'illusions.
— Bonjour. C'est pour quoi ?
Le garçon qui se tenait devant lui devait avoir douze ou treize ans. En plus de ses cheveux châtains foncés et de ses yeux verts, il avait lui aussi hérité de sa mère quelques taches de rousseur. Jean comprit aussitôt qu'il avait affaire au petit frère, ce qui était plutôt une bonne nouvelle, car il se serait trouvé bien embêté face à Madame Fontenelle ou à son mari.
— Je suis un ami de Marco. Est-ce qu'il est là ?
— Non, mais il ne devrait pas tarder, l'informa l'adolescent. Tu peux l'attendre à l'intérieur, si tu veux.
Jean n'avait pas pour habitude de se dégonfler, alors puisqu'il était déjà là, il accepta d'entrer à l'intérieur de la maison. Il retira chaussures et manteaux avant de suivre son petit hôte jusqu'au salon. Sans grande surprise, il nota qu'il y avait tout un tas d'œuvres d'art accrochées sur les murs ou exposées sur des meubles. Certaines étaient certainement de la main d'Alix. Le petit frère de Marco s'installa dans le canapé où il semblait avoir élu domicile depuis un petit moment.
— Tu n'as pas cours ? s'enquit Jean.
— Si, mais j'ai attrapé froid.
Comme pour appuyer ses dires, le garçon fut pris d'une envie d'éternuer. Jean posa une main sur son front brûlant.
— Sacrée fièvre, commenta-t-il. Tu as pris quelque chose ?
— Maman m'a donné du paracétamol ce matin.
— Tu peux en reprendre un. Tu penses à boire ?
L'adolescent haussa les épaules, signe qu'il n'y prêtait pas vraiment attention. En suivant ses indications, Jean dénicha le placard à verres dans la cuisine. Il apporta de l'eau et un comprimé au malade qui avala tout d'une traite.
— Au fait, comment tu t'appelles ?
— Siméon. Et toi ?
— Jean. J'aime bien ton prénom.
— Merci, fit Siméon. Le tien me fait penser au papy du coin. Mais il est cool aussi, précisa-t-il.
Jean s'esclaffa. Son regard se posa sur la table basse du salon qui disparaissait sous un tas de feuilles et de crayons.
— Qu'est-ce que tu fais de beau ?
— J'essaie de dessiner des chats. Ce chat, fit-il en désignant l'animal blond qui traversa justement la pièce. On doit rendre une feuille remplit d'animaux aux poses différentes. Le problème, c'est que mon modèle ne tient pas vraiment en place.
— Oh, je connais ça, lui assura Jean avec un sourire en coin.
Après tout, s'il se trouvait dans ce salon, c'était parce que son propre modèle le faisait courir dans tous les sens.
— Si ton modèle bouge, tu n'as qu'à te déplacer avec lui.
Jean attrapa une feuille vierge et un crayon à papier avant de se lever pour suivre le félin qui explorait la cuisine. Moins de cinq minutes plus tard, il avait déjà réalisé trois esquisses grossières représentant le matou sous différentes positions.
— Tu dessines vite, constata Siméon avec admiration.
— En cours, on s'entraîne parfois à réaliser des croquis en quelques secondes seulement. Du moment que tu as une base, tu peux toujours revenir sur les détails plus tard, expliqua Jean.
Lorsqu'il rentra chez lui, une petite demi-heure plus tard, quelle ne fut pas la surprise de Marco qui trouva Jean et Siméon en plein safari-dessin. Il essaya de donner le change face à son petit frère, mais Jean remarqua tout de suite que sa présence ici ne l'enchantait pas beaucoup.
— Tu nous as pas dit que tu t'étais fais un nouveau copain aussi chouette que lui, s'exclama Siméon avec enthousiasme.
— On ne se connaît pas depuis très longtemps, se justifia Marco. Je ne pensais pas que vous vous entendriez aussi bien. Comment va ta fièvre ? s'enquit-il.
— Pas trop mal. Jean m'a dit de reprendre un doliprane.
Marco parut surpris, mais il ne dit rien. Il fit comprendre à Siméon qu'il montait dans sa chambre avec Jean pour y discuter. Ce dernier adressa un clin d'œil amical à l'adolescent avant de suivre Marco dans les escaliers. Une fois la porte refermée sur eux, un long silence s'abattit sur la pièce. Jean contempla le dos de Marco qui ne s'était pas encore résigné à lui faire face. Il ne fallait pas être devin pour comprendre que la conversation ne serait pas aisée.
— Je suis désolé de m'imposer comme ça, s'excusa-t-il sincèrement. C'est bas, même pour moi.
— Alors pourquoi tu es là, Jean ?
La voix de Marco n'était qu'un murmure. Il ne semblait pas en colère, non ; il avait plutôt l'air abattu et incommodé. Jean s'en voulut aussitôt d'être à l'origine de ce malaise, mais il n'était pas question pour lui de reculer. Pas maintenant.
— Parce que je pense qu'il faut qu'on parle, affirma-t-il avec aplomb.
Marco se retourna lentement en hochant la tête, puis il vint s'asseoir sur le lit, visiblement résolu à écouter ce que son invité surprise pouvait bien avoir à lui dire. Soulagé, Jean préféra tirer une chaise à lui pour s'installer face au brun.
— Ce que tu m'as dit au téléphone... Je n'ai pas arrêté d'y penser, lui avoua-t-il sans détours. Parce que j'essayais de comprendre ce qui a foiré. J'ai parlé avec Eren. Alors j'ai une vague idée de ce qu'on t'a raconté sur moi. Et j'aimerais que tu me laisses m'expliquer.
Si l'absence de réaction de la part de Marco ne l'encourageait pas beaucoup, cela ne l'empêcha pas de continuer. Après tout, il n'avait plus rien à perdre.
— J'ai l'habitude d'aller en soirée. J'ai l'habitude d'y rencontrer des gens. Et, parfois, quand l'attirance est mutuelle, j'ai des relations avec elles. Sexuelles, j'entends.
— Oui, marmonna enfin Marco, j'avais compris.
— On est entre adultes consentants. Personne n'est bourré au point d'ignorer ce qu'il fait. On se protège. On partage notre plaisir et puis on se dit au revoir. C'est aussi simple que ça. Je ne sais pas trop quelle image tu te faisais de moi. Mais c'est qui je suis, reconnu Jean. Et je l'assume entièrement. Maintenant, je comprendrais que ça te dérange, mais-
— Jean, Jean, Jean, le coupa Marco en soupirant. Ce n'est pas ça, le problème. Évidement que tu as le droit de t'amuser en soirée et de coucher avec une fille pour la nuit, si ça te chante. C'est pas mes affaires. On se connaît depuis quoi, deux mois ? Tu ne me dois rien.
Pour être honnête, Jean était un peu perdu.
— Alors c'est quoi, le problème ?
Marco se frotta les yeux. Sans doute réfléchissait-il à la manière de formuler correctement ses idées, cette fois-ci.
— Les soirées, l'alcool, les filles, les coups d'un soir... C'est ta manière de vivre, et je la respecte, lui assura-t-il. Mais je ne la partage pas. Ce n'est simplement pas fait pour moi.
Jean fronça les sourcils. Il écoutait, mais il ne comprenait pas où Marco voulait en venir.
— Bordel, Jean, lâcha celui-ci. J'essaie de te faire comprendre que je ne veux pas d'un coup d'un soir avec toi.
Les pièces du puzzle s'emboîtèrent dans l'esprit de l'artiste qui poussa un long oooh. C'était donc cela ; Marco craignait que Jean ne le voit comme un simple partenaire d'une nuit, quelqu'un pour le réchauffer le temps d'un hiver. Il réalisa avec soulagement qu'il y avait vraisemblablement eu une sorte de malentendu entre eux.
— Mais qui t'a dit que c'est ce que je veux ?
— Tu cherches à m'attirer dans ton lit. C'est plutôt évident.
— Certes, répliqua Jean. Mais ça ne veut pas dire que je veux t'en chasser au petit matin, après avoir tiré mon coup.
Ce fut au tour de Marco de froncer les sourcils.
— C'est pourtant ce que tu fais avec les autres, non ?
— C'est vrai. C'est ce que j'ai fait avec les autres. Mais mes expériences passées appartiennent justement au passé. Ça ne veut pas dire que je veux la même chose avec toi.
Face à lui, Marco semblait sincèrement surpris. L'espace d'un court instant, il eut également l'air soulagé d'apprendre qu'il s'était mépris sur les intentions de Jean. Pourtant, le visage du brun se ferma à nouveau. Jean constata avec un certain étonnement qu'il doutait de la sincérité de ses paroles. Comprenant qu'il n'était pas au bout de ses peines, l'artiste se racla la gorge. Comment pouvait-il donc l'en convaincre ? Tout en posant ses mains sur celles de Marco, Jean poursuivit :
— Je t'apprécie, Marco. Et je pense qu'en apprenant à mieux te connaître, je pourrais t'apprécier encore plus. Pas toi ?
— Si- Enfin, je crois. Je t'aime bien, moi aussi, balbutia Marco. Mais je ne sais pas si- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. C'est juste- C'est compliqué.
Jean aurait aimé pouvoir lui demander ce qui était si compliqué, mais il pressentait que Marco ne serait pas en mesure de lui répondre. Il ne le connaissait que depuis peu, mais il en avait vu assez pour deviner que son beau brun cachait un paquet d'angoisses derrière ses jolis yeux chocolat. Bien sûr, Jean mourrait d'envie d'en découvrir l'origine, mais Marco n'était visiblement pas prêt à s'ouvrir sur le sujet. Ces choses-là ne disparaissaient malheureusement pas d'un simple coup de baguette magique, ainsi Jean ne pouvait que se montrer honnête et faire preuve de patience.
— Marco, j'ai eu envie de te déshabiller dès l'instant où je t'ai vu, confessa-t-il sans détours. Et j'ai toujours envie de te voir poser pour moi. Mais je veux aussi savoir quel est ton film préféré, ton livre préféré, tes musiques préférées... Je veux continuer de te regarder travailler en silence et t'emmener dans un tas d'endroits. J'ai juste envie de passer du temps avec toi, conclu-t-il. C'est tout bête. On n'est pas obligé de rendre ça compliqué.
Jean n'avait pas quitté Marco des yeux. Celui-ci se mordillait nerveusement la lèvre, les joues rougies par ce qu'il venait d'entendre. Jean retint presque sa respiration tandis qu'il attendait le moment fatidique de sa réponse.
— D'accord, souffla-il enfin. On n'a qu'à faire ça.
Jean poussa un soupir de soulagement. Pour un peu, il en aurait presque sauté au plafond.
— J'ai cru que mon cœur allait lâcher, avoua-t-il.
— Désolé pour... tout ça, s'excusa Marco.
— C'est rien. Heureusement pour moi, je suis du genre persévérant, lui fit remarquer Jean. Mais, à l'avenir, si tu te poses des questions de ce genre, je préférerais que tu m'en parles pour qu'on en discute. Les malentendus, c'est nul.
Marco hocha la tête ; il tâcherait de s'en souvenir. Il ouvrit la bouche, prêt à parler, mais Jean embrassa rapidement sa main avant de se lever.
— Maintenant que je sais que tu répondras à mes messages, je ferais mieux de déguerpir. J'aime beaucoup ta mère, mais si elle me retrouve ici, j'aurais l'air fin ! Je dirais à Siméon de garder ma venue secrète, ça te va ?
Marco l'interpella juste avant qu'il ne passe la porte.
— Pour le musée... On se dit pendant les vacances ?
Jean sembla d'abord surpris, mais il acquiesça en souriant. Il disparut ensuite dans le couloir et dévala joyeusement les escaliers, heureux que les choses aient si bien tournées.
Nᴏᴛᴇ ᴅᴇ Lʏᴀ
Et voilà déjà un malentendu de résolu ! Ce chapitre marque aussi l'introduction de mon petit Siméon ! Vous risquez de le revoir assez souvent alors j'espère qu'il vous plaira <3
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