I. les souffrances d'un coeur
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Aimer, ce n'est pas se regarder
l'un l'autre,
c'est regarder ensemble dans
la même direction.
Antoine de Saint-Exupéry
"Mais je contemplais un paysage
qu'il ne pouvait voir,
et lui, un horizon
que je ne pouvais comprendre."
Anke Ness
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𝐀𝐍𝐊𝐄 𝐂𝐎𝐍𝐓𝐄𝐌𝐏𝐋𝐀 la voûte nocturne. L'étendue d'encre englobait tout son champ de vision, si sombre qu'elle ne distinguait plus la ligne d'horizon du ciel.
Ce soir, la lune était masquée par de denses nuages dont ne parvenait à s'échapper que de preux raies de lumière.
À bien des égards Anke ressemblait à ce paysage. Son humeur était ombragée de gris nuages et son visage aussi terne que le ciel. Elle nageait dans une obscurité sans fin, à peine guidée par des rayons faibles. Quand aux points lumineux des étoiles s'éparpillaient dans le ciel ils étaient les éclats épars de son cœur dans son être.
Anke n'était plus que l'ombre d'elle-même, une ombre qui se fondait si bien dans cette nuit morose qu'elle s'y jeta corps et âme.
~*•❈•*~
Elle se réveilla en sursaut, le front dégoulinant de sueur et des mèches de cheveux collées au visage. Elle cligna frénétiquement des paupières en se forçant à prendre de longues et profondes inspirations afin de calmer le rythme effréné de son cœur qui tambourinait dans sa cage thoracique avec la force d'un éléphant.
Quand enfin, elle se calma, Anke fixa son regard gris au plafond, observant d'un œil morne la fissure qui le parcourait.
- Quand sortiras-tu de ma tête, Kaiser ?
Elle referma les paupières et se laissa engloutir par la quiétude et la chaleur de ses draps, se remémorant une fois encore les douloureux souvenirs d'un passé révolu.
~*•❈•*~
- Je passe, déclara Alexis en posant face caché les quatre cartes constituant sa main.
- Je relance.
Kaiser poussa devant lui deux piles de jetons bleus avant de plonger ses yeux de la même couleur dans ceux d'Anke. Celle-ci se mordit la lèvre, concentrée sur son jeu et le manège de son adversaire. Maintenant que son frère avait abandonné, il ne restait en jeu qu'elle et Michael, comme à la majorité de leurs parties de poker. C'est à ce moment que commençait le vrai jeu, comme se plaisait à penser Anke, celui de la manipulation et du mensonge, des qualités dont Kaiser était pourvu.
Anke loucha sur les cartes de son adversaire, comme si contempler le dos en damier pouvait lui fournir une quelconque réponse ou que ses yeux gris s'étaient soudainement dotés de rayons X. Finalement ses iris orageux se posèrent sur les pupilles bleu tranquille de Kaiser, qui, dans un sourire en coin des plus insolent, lui enjoignit de se presser.
- Tu ne vas pas rester trois ans à réfléchir Anke. Nous savons tout les deux que je vais gagner.
La jeune fille se fit violence pour ne pas répliquer avec une remarque cinglante mais ne put empêcher ses yeux de rouler d'exaspération, arrachant un nouveau sourire narquois au garçon.
- Je suis, se décida Anke avant d'abattre ses cartes sur la table.
Elle observa avec un sourire ravi l'expression surprise de Michael lorsqu'il découvrit sa double paire de roi et de cinq. Mais cet étonnement fut bien vite remplacé par une lueur hautaine et goguenarde lorsqu'il révéla à son tour ses cartes. Un brelan de dix.
•*~❈~*•
Michael a toujours été le plus doué aux jeux de manipulation, songea Anke. Un goût amer lui restait en bouche, elle ignorait pourquoi le souvenirs de cette soirée lui était soudainement revenu mais elle l'écarta immédiatement de sa mémoire.
— Anke ? Anke ! Je suis désolé, bredouilla piteusement Alexis.
Profondément mal à l'aise, sa main gauche décoiffait nerveusement ses cheveux mauves et ses yeux de la même couleur la scrutait anxieusement sans croiser son regard.
— Je voulais pas, reprit-il plus calmement. Je suis désolé.
— C'est bon Alexis, ça fait des années maintenant je m'en fous.
Anke esquissa un sourire qui, loin de tromper son frère qui la connaissait
parfaitement, n'eut pour effet qu'accroître la culpabilité de ce dernier.
— C'est ton ami et ton coéquipier, tu as parfaitement le droit d'en parler, continua Anke.
Elle tourna le dos à son frère, faisant mine de remettre de l'ordre dans la bibliothèque sur le mur d'en face pour reprendre contenance. Alexis n'avait pas fait exprès, il lui racontait simplement sa journée et la découverte du projet blue lock lorsqu'il avait laissé échappé un futile commentaire sur Michael. Aussitôt ce nom provoqua chez Anke une multitude de réactions aussi incontrôlables que violentes qu'elle s'efforçait de dissimuler à Alexis qui la scrutait avec une inquiétude teintée de regrets.
Si elle ne pouvait empêcher ses mains de trembler légèrement, elle se félicita de parvenir à contrôler les chevrotements de sa voix.
— Où en étais-tu ? Le projet blue lock, c'est ça ? Je suis ravie pour toi, frangin.
Elle entendit vaguement le frottement des vêtements d'Alexis, signe qu'il se déplaçait, mais ne lui laissa pas le temps de la rejoindre. Déjà, elle filait s'enfermer dans sa chambre qu'elle verrouilla après avoir lancé un "je vais me coucher".
•*~❈~*•
Cela faisait à présent une bonne dizaine de minutes qu'Anke fixait avec intensité un petit carton posé au pied de son lit.
Elle l'avait descendu de son armoire, persuadée de vouloir en déballer le contenu, mais maintenant qu'elle l'avait devant elle une vague d'émotion la fit hésiter.
La violette savait déjà ce qu'elle y trouverait, un carnet à spirale délicatement décoré de comètes bleues et argentées, de croissants de lunes dorés et de tourbillons de couleurs.
Un carnet dans lequel elle avait confié pendant quelques misérables semaines le quotidien survolté d'une adolescente endiablé et amoureuse, encore pleine de rêves et d'illusions.
Une adolescente qui prononçait encore le nom de Kaiser avec des étoiles dans les yeux et le rose aux joues.
Anke soupira.
Elle s'avança lentement vers le carton, comme si ce dernier représentait un danger et méritait une attention toute particulière, et récupéra le cahier qu'elle débarrassa d'une généreuse couche de poussière.
Elle revint s'assoir, sur la chaise de son bureau cette fois, et l'ouvrit à la première page, quatre ans plus tôt.
Elle inspira doucement et commença à déchiffrer les pages noircies de longues phrases.
~•*❈*•~
zwanzigsten. August 2019
Alexis s'est encore réveillé en retard ce matin, apparemment son réveil "n'a pas sonné". Moi, je suis sûre qu'il s'est rendormi. N'empêche, il aurait pu choisir un autre jour, c'est la rentrée et je sautillais littéralement sur place en le regardant chausser ses chaussures comme s'il avait des heures devant lui.
- Calme toi Anke, y a pas le feu.
- C'est la rentrée Alexis, le premier jour ! Et on va être en retard à cause de toi ! j'ai répliqué d'un ton pressé en lorgnant la porte d'entrée.
Je serai partie sans lui si je n'étais pas trop intimidée. Si j'entrais en première année du prestigieux Gymnasium Georg Herwegh, Alexis qui est d'un an mon aîné allait donc débuter sa seconde. il connaissait déjà l'établissement, les profs, les règles, pas moi et j'étais remontée comme un coucou aussi nerveuse que surexcitée. Je comptais sur lui pour me servir de repère et me fondre dans la masse et il allait nous faire arriver en retard. Quelle désillusion.
- Alexis ! le pressais-je une nouvelle fois en le menaçant du regard.
- J'suis prêt, c'est bon.
On avait déjà commencé à détaler lorsqu'on entendit la porte se refermer.
𝕩 𝕩 𝕩
- Alors Anke, t'as vu dans quelle classe tu es ?
On était pas si en retard finalement, après avoir couru tout le trajet on était arrivé à temps pour se trouver plonger dans une foule d'étudiants qui scrutaient les panneaux d'affichage dans l'espoir de dénicher leur nom sur l'une des feuilles le plus vite possible.
- Non, j'vois rien, ai-je grommelé en fusillant du regard un groupe de garçons devant moi qui faisaient bien une tête de plus.
Je l'entendit rire derrière mon dos, alors je me suis retournée pour lui assener une remarque cinglante dont j'avais le secret mais les mots moururent sur mes lèvres. J'ignorais qui était le garçon à ses côtés, mais le moins qu'on puisse dire est qu'il était magnifique. Alexis a dû remarquer que je le fixais avec autant de méfiance que d'intérêt, les yeux comme deux ronds de flan en m'efforçant de fixer autre chose que son magnifique sourire. Je te jure Rosa, jamais je n'ai rencontré quelqu'un d'aussi hypnotisant.
- Ah, c'est vrai. Anke je te présente Michael, on est dans la même équipe de foot et dans la même classe aussi. Michael, j'te présente ma sœur.
- Salut, ai-je dit en tachant de me donner un air blasé bien plus cool.
- Enchanté Anke, répondit le garçon dans un sourire en coin.
Alexis coupa court au dialogue en déclarant que lui et Kaiser m'aideraient à trouver ma classe. Alors qu'ils se retournèrent pour lire les panneaux, je scrutais le nouveau. Le voir de dos m'a permis de constater que ses mèches blondes qui encadraient son joli minois n'étaient pas aussi courtes que le devant mais plus longues, frôlant ses omoplates. Un peu plus grand qu'Alexis, il semblait tout aussi musclé que lui. Il possédait un charme désarmant.
Quelques minutes plus tard mon frère revenait tout sourire pour m'annoncer la fameuse information, mais à mes yeux elle n'avait plus la moindre importance.
~•*❈*•~
Anke reposa la feuille sur le bureau, devant elle. Ses mains passaient nerveusement dans sa chevelure, rabattant en arrière ses mèches auparavant disciplinées. La lecture de ses pages provoquait en elle des émotions mitigées. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas entendu ce nom. Elle avait rayé l'existence même de cette personne, la supprimant de tout les endroits où elle aurait pu le trouver pour être certaine qu'il ne reviendrait jamais la hanter. Mais voilà que des années plus tard, Alexis malgré son immense attention avait évoqué le fameux nom. En avait déferlé un torrent de réminiscences à la fois merveilleuses et atroces. Et maintenant, elle était là. Dans l'obscurité de sa chambre seulement troublée par sa lampe de chevet, à relire les pages parcourues d'une fine écriture à l'encre noire de son journal intime du lycée, seul objet qu'elle n'avait pu se résoudre à délester.
Elle était un peu gênée de se rappeler la vitesse à laquelle elle s'était éprise du blond, comme la plus stupide des groupies elle s'était laissée charmer par sa chevelure et ses yeux clairs, son allure de sportif et son sourire à tomber. S'en était ridicule. Elle reprit à contrecœur son cahier et inspira un grand coup pour se préparer à l'éloge de Kaiser que la plus jeune version d'elle-même avait forcément retranscrit.
~•*❈*•~
dritten. September 2019
Hallo Rosa !
Il ne s'est pas passé grand-chose d'exceptionnel cette semaine... Quoi d'étonnant me diras-tu ! Il ne faut pas s'attendre à un grand événement quand on est cloîtré au lycée. Mais j'ai tout de même une bonne nouvelle à te partager, aujourd'hui, alors que je cherchais désespérément quelqu'un avec qui manger ce midi, je me suis résolu à casser la croûte seule. Mes amis avaient tous déjà prévu quelque chose et je ne voulais pas demander à mon frère, lui aussi devait être avec quelqu'un.
Il faisait étonnamment bon, pour le mois de septembre, je me suis donc dirigée vers les terrains extérieurs après avoir acheté à la supérette mon encas favori. Je n'étais pas la seule à m'être laissée tenter par la valeureuse lumière du soleil qui transperçait les nuages. Quelques groupes d'individus s'éparpillaient dans l'herbe, à l'ombre des arbres ou sur les bancs. Quant à moi, je me suis dirigée vers les terrains de foot. Je venais de me rappeler qu'Alexis et son groupe de footeux y jouaient quelques fois lors des pauses et j'espérais le croiser, lui et Kaiser.
Je dois t'avouer Rosa, que je ne suis pas parvenue à oublier ce garçon. Pour être honnête je n'ai pas vraiment essayé, j'ai même tenté de le revoir au cours de cette semaine mais mon emploi du temps et celui de la classe d'Alexis sont si différents que je n'ai pas trouvé le moyen de le croiser dans les couloir ne serait-ce que pour quelques misérables secondes. J'ai donc rongé mon frein durant ces quelques jours tout en réfléchissant à une stratégie qui me permettrait de me plonger à nouveau dans l'océan bleu de ses yeux. Et c'est là, que ça m'est venu, tout reposait sur le football et la météo douce de ce mois d'automne.
J'ai suivi le sentier jusqu'aux terrains, les bruits que j'entendais me confortaient dans mon objectif, il n'y avait que les fous du ballon rond pour râler autant en jouant. Je tournais au coin du bâtiment et commençais à descendre les escaliers lorsque mon regard se posa sur la pelouse verte qui s'étendait en contrebas.
Je n'avais jamais été très passionnée par le football contrairement à Alexis, j'en connaissais les règles, les plus grands joueurs et je me débrouillais assez bien avec un ballon mais ça s'arrêtait là. Je ne tenais jamais les quatre-vingt dix minutes d'un match, jugeant ça trop long et plat, Alexis finissait alors par me virer sous prétexte que je râlais trop et que ça l'empêchait de se concentrer.
Pourtant, je me suis surpris à être subjuguée par le jeu qui se déroulait sous mes yeux. Il n'y avait rien d'ennuyeux dans le jeu de passe fluide et technique, les dribbles aussi rapides qu'impressionnantes et les tacles qui semblaient si puissants qu'ils en casseraient des chevilles. Mais de tous les joueurs sur le terrain celui qui attirait mon regard n'était pas mon frère dont je connaissais déjà le talent, ni même cette armoire à glace de Grim mais bien - je te le donne en mille - Kaiser. Je sais ce que tu penses ; "Anke, ton petit cœur ne bat que pour ce semi inconnu au physique de rêve, ton jugement est tout sauf impartial ma pauvre fille !", mais tu te trompes et je te jure que si tu pouvais le voir, tu serais du même avis que moi. Michael courait à la limite du terrain quand je suis arrivée, la tranquillité qu'il affichait ne cachait pas l'intelligence qui transpirait de ses mouvements. Il jeta un coup d'œil circulaire autour de lui et soudainement son allure se modifia, il changea sa trajectoire pour rejoindre le centre du terrain, réceptionna une passe vraiment très étrange d'Alexis avec succès et dribbla à lui seul et sans difficulté apparente les deux joueurs qui se dressèrent devant lui. Il acheva son action avec une frappe formidable qui fit retomber le ballon au fond du filet.
A ce moment-là Rosa, j'étais comme déconnectée de mon corps. Mon cœur battait la chamade, mes yeux étaient écarquillés à l'extrême et une telle fébrilité s'était emparée de mon corps que j'aurai pu sautiller sur place. Les mains en porte-voix autour de me bouche, sans me soucier du sac de nourriture qui se balançait contre mon coude, accroché à mon poignet, je criais avec force ma joie et mon enthousiasme avant de descendre en quelques enjambées les marches qu'il restait.
- Anke ! se réjouit Alexis en accourant vers moi.
Son front luisait de sueur et son souffle court témoignait de l'effort intense qu'il venait de fournir.
- Vous avez mangé ?
- Nooooon et je crève la dalle, marmonna un garçon quelques pas plus loin qui semblait avoir entendu leur conversation.
- Et toi sœurette ?
- Pas encore. Je cherchais un endroit pour me poser.
- Viens manger avec nous.
Mon cœur s'emballa une nouvelle fois quand le timbre riche résonna comme la plus pure des mélodies à mon oreille. J'eus toutes les peines du monde à retenir le sourire niais que je sentais se dessiner sur mes lèvres pour hausser à la place mes épaules, dans un geste que j'espérais désinvolte.
- Pourquoi pas.
On s'est tous installé en cercle sur la pelouse verdoyante, Alexis à ma gauche et Kaiser à ma droite. Ils devaient avoir prévu leur partie parce qu'ils avaient tous emportés leur pique-nique dans des sacs qu'ils avaient laissés à l'ombre d'un arbre. Je découvrais l'ambiance entre coéquipiers, rythmé par les taquineries, boutades, piques et remarques cinglantes. Je ne pourrai pas te le prouver, Rosa, mais je te jure que les yeux céruléens de Kaiser m'ont fixés tout le déjeuner.
𝕩 𝕩 𝕩
Achtzehnten. September 2019
- Alexiiiis !
- Che mange Anke, qu-eche que tu feux ? baragouina Ness entre deux bouchées de knödels encore chauds.
- J'ai besoin de toi, ai-je chantonné en tourbillonnant autour de la table de la cuisine. J'ai trouvé l'élu de mon cœur et tu vas m'aider à le conquérir !
- Ah bon, marmonna mon frère sans lever les yeux de son assiette.
De toute évidence il semblait sceptique, et je ne pouvais pas trop lui en vouloir. Cela faisait quatre semaines à présent que les cours avaient débutés. quatre semaines que je connaissais Kaiser et qu'il s'était emparé de mon attention. Deux semaines que je lui parlais presque tous les jours via Enstagram. Une semaine que j'étais absolument persuadée qu'il était le garçon dont j'avais toujours rêvé.
- Tu n'es pas content pour moi ?
je me suis assise face à lui, les mains en coupe autour de mon visage en lui offrant mon regard le plus larmoyant. Il me jeta un coup d'œil et finit par pousser un grognement d'exaspération. Alexis craquait toujours face à moi.
- Et qui est le fameux "élu" ?
- Michaeeeeel !
Je me levai d'un bond pour refaire le tour de la pièce en dansant avant de revenir m'échouer sur la chaise.
- Je comprendrai jamais les filles, commenta Alexis en me lançant un regard étrange. J'suis pas sûr d'approuver An'.
- Pourquoooooi ?
- Un, ce type est mon coéquipier et j'ai pas envie que tu le déconcentres ou que votre histoire si y en a une, mette une tension entre nous. C'est mauvais pour les relations et le jeu. Deux, il est vraiment très populaire et il aime bien sortir avec les gens. Il fait ça souvent, quand une fille lui plaît, il sort avec elle.
- Je vois pas en quoi ce qui se passera entre lui et moi pourrait avoir une conséquence sur votre amitié Alex', sois pas parano je te jure que ça changera rien !
- S'IL se passe quelque chose, marmonna Alexis que cette idée semblait consterner.
- Ensuite, poursuivai-je en lui coupant la parole, c'est logique de sortir avec quelqu'un qui nous plaît, non ? Je sais bien que plein de personnes l'adorent, ça se comprend, et s'il voit sa chance il la saisit, c'est tout !
- T'es encore plus stupide que d'habitude, soupira le mauve.
- Je suis amoureuseee !
- C'est terrifiant.
- Tu vas m'aider, hein ?
- Tu y tiens vraiment Anke ? T'es vraiment sûre de toi ?
- Oui, oui ! Je te jure que même s'il me brise le cœur ça changera rien à ta vie !
- Petite idiote, c'est pas ce que je voulais dire. S'il te brise le cœur je sècherai tes larmes t'en fais pas, mais il reste mon coéquipier et mon meilleur ami Anke, et je veux pas que ça change quoi qu'il se passe, compris ?
Cette fois, j'ai pris le temps de réfléchir un peu. Je savais que mon frère et Michael avait une relation assez... particulière. Alexis semblait le placer sur un véritable piédestal et j'étais étonnée qu'il se montre aussi sérieux et différent d'un coup. Mais j'étais sûre de ce que je voulais, je connaissais les risques, dans quoi je m'embarquais, et je me sentais prête à y faire face.
~•*❈*•~
Anke abattit avec force le cahier sur le bureau. Le bruit résonna dans le silence de l'appartement et elle entendit Alexis gémir dans son sommeil dans la pièce d'à côté. Les cloisons étaient fines.
Elle contemplait absolument atterrée le livre posé devant elle. Elle était si stupide ! Elle ne parvenait pas à croire qu'elle s'était laissée berner par ses jolis yeux. Si jeune et si stupidement amoureuse de cet imbécile coureur de jupons. Elle n'était même pas tombée dans le piège, non, elle avait créé le piège et s'était jetée dedans sans hésiter.
- Aaaah, geignit-elle en s'affalant un peu plus contre son dossier.
Les vibrations de son téléphone la sortirent de ses lamentations. Elle jeta un coup d'œil surpris au réveil électronique sur sa table de chevet. Deux heures treize du matin. Qui pouvait bien la contacter à cette heure-là ? Ce ne pouvait pas être Alexis, ce serait idiot puisqu'il n'avait qu'à hausser un peu la voix pour qu'elle l'entende.
Elle retourna son téléphone et l'alluma, et bien qu'elle ne pensait pas pouvoir être étonnée elle le fut belle et bien lorsqu'elle découvrit l'identité de l'appelant.
Ce fut d'abord un calme olympien qui s'empara d'elle lorsqu'elle reconnut le numéro de Kaiser. Elle avait supprimé son contact mais n'était pas parvenue à effacer de sa mémoire le numéro qu'elle avait mémorisé avec soin auparavant. Une colère noire finit tout de même par la gagner et elle se retint de balancer violemment l'appareil à travers la pièce. Le plus surprenant était cependant que sa colère ne venait pas de cet appel en lui-même, mais de l'hésitation. L'hésitation qui l'empêchait de raccrocher, qui scotchait ses yeux à l'écran de son téléphone en se demandant "et si je répondais ? ". Ca la rendait dingue, ce type la rendait dingue si bien que lorsque les vibrations cessèrent signant la fin de l'appel entrant elle en poussa un soupir de soulagement qui la contraria au plus haut point. Ce fut hélas de courte durée, elle eut à peine le temps de se résoudre à reposer son portable qu'un nouvel appel agita l'appareil.
Sans surprise cette fois, c'était toujours Kaiser. Que voulait-il à la fin cet imbécile ? Peu importait le fouillis dans sa tête Anke était résolue à ne pas répondre, elle ne pouvait cependant pas faire taire la curiosité grandissante de savoir ce qu'il souhaitait lui dire, alors elle prit une décision. Avec du recul c'était probablement la pire décision qu'elle aurait pu prendre, ce qui ne l'empêcha pas de courir dans la chambre d'Alexis et de tambouriner à sa porte.
- Anke, avec tout l'amour que je te porte étant donné que tu es ma sœur et même si je me sens encore un peu coupable pour tout à l'heure, je te jure que si t'as pas une bonne raison de me réveiller à deux heures du mat' je te bute, articula d'une voix fatiguée son frère en ouvrant sa porte à la volée.
- C'est une raison suffisante pour toi, siffla Anke en lui mettant le téléphone sous les yeux.
Un blanc s'étira durant lequel Ness plissa ses yeux fatigués pour distinguer l'écran trop lumineux du cellulaire.
- Tu m'as réveillé, parce que quelqu'un t'appelle ?
- Pas quelqu'un, Alex' ! Lui ! Ce crétin, cet enfoiré de la casse avec ses...
- Ah. Kaiser, coupa Alexis dans un bâillement.
Elle inspira un grand coup pour faire redescendre sa colère et acquiesça.
- Et donc ?
- Donc ?
- Tu réponds pas ?
- Pourquoi tu voudrais que je réponde à cet emmerdeur ?
- Tu réponds pas alors.
- Si !
- Je comprend pas, admit Alexis après une petite pause. Qu'est-ce que tu fais ?
- Moi, je fais rien. Toi, tu réponds au type censé être ton pote et tu lui demandes ce qui cloche chez lui pour appeler son ex à deux heures du mat' et ce qu'il veut !
- Pourquoi tu le fais pas toi-même, gémit Alexis en frottant sa touffe de cheveux mauves, pourquoi tu m'embarques dans vos histoires encore ?
- Parce que j'ai envie de le trucider ! Allez Alexis, avant qu'il raccroche !
Le garçon poussa un profond soupir en saisissant le téléphone de sa sœur et décrocha en retournant à l'intérieur de sa chambre.
Anke le suivit docilement tout en s'efforçant de contrôler la pulsion qui l'incitait à épier les paroles d'Alexis pour retracer leur discussion.
- Salut... Ouais euh elle est pas... disposée à te parler là, oui oui. Et j'peux savoir pourquoi ?
La jeune fille s'assit sur le lit, à côté de son frère et contempla son visage sur lequel semblait défiler toutes les émotions possibles. A présent il paraissait perplexe, elle le devinait à sa façon de froncer les sourcils et au pli qui creusait l'espace entre eux. Elle lâcha un soupir de frustration, la conversation s'étirait et elle n'était pas d'humeur à attendre sagement.
- Ca va durer longtemps ? Articula-t-elle silencieusement.
Le garçon lui répondit distraitement par un signe de la main, quelques secondes après il raccrochait et lui rendait son téléphone.
- Alors ?
- Je sors, reste là je reviens dans pas longtemps, marmonna Alexis en rassemblant des vêtements.
- Comment ça, tu sors ? A cette heure-là ? C'est à cause de cet imbécile ? Qu'est-ce qu'il t'a raconté ? Alexis !
- Calme toi Anke, il faut juste qu'on discute.
- Pourquoi c'est moi qu'il a appelé alors, si c'est avec toi qu'il veut parler ? grinça-t-elle en sentant la rage remuer dans ses entrailles.
Alexis expira bruyamment puis s'approcha d'elle et posa ses mains sur ses épaules, la forçant à croiser son regard pourpre.
- Ecoute moi Anke, tu vas oublier cet appel, aller te coucher, et demain matin on verra cette histoire ensemble, okay ? Je crois qu'on est tout les deux d'accord pour dire que Kaiser est un idiot et qu'il ne devrait pas t'empêcher de dormir alors oust ou je ne te dirai rien demain...
- C'est bon, ça marche. capitula Anke, elle hésita avant de reprendre. Tu ne dis jamais que Kaiser est un idiot.
Elle pouvait presque sentir sa gorge brûler d'avoir prononcer ce prénom, cet affreux prénom qui n'avait plus franchi la barrière de ses lèvres depuis ce dernier jour. Pourtant elle n'éprouvait plus vraiment de haine, se rendit-elle compte, c'était plus complexe que cela, comme de la nostalgie, une pointe de regret et encore un peu de ressentiment. Ce prénom à lui seul véhiculait tant de souvenirs qu'elle s'était obligée à effacer... peut-être après tout qu'oublier sans résoudre n'était pas la meilleure des solutions ? Elle chassa de sa tête ses pensées désagréables pour se concentrer sur la réponse de son frère.
- J'aime beaucoup Michael. Il est incroyablement doué et intelligent mais ça le rend pas parfait, même si je l'ai longtemps pensé. Il lui arrive d'être un parfait imbécile, comme il l'a été il y a quatre ans, et comme il l'est aujourd'hui.
Anke méditait toujours ces paroles après qu'Alexis soit parti. Assise en tailleur sur son matelas, elle remettait en question pas mal de choses, dont la principale ; sa colère envers Kaiser était-elle réellement aussi justifiée ? Bien sûr son attitude le méritait amplement, aucun doute ne planait là-dessus mais était-elle pour autant aussi victime qu'elle se faisait passer ? N'avait-elle pas elle aussi une part de responsabilité ? A ne voir que ce que lui avait fait, elle en avait oublié qu'elle savait déjà plus ou moins ce qui se passerait et qu'en le sachant elle avait décidé de fermer les yeux. Elle pouvait blâmer Michael pour l'enfoiré qu'il était mais elle pouvait aussi se blâmer elle-même pour son aveuglement, et assumer son choix.
Finalement elle se tourna vers son bureau, où trônait le seul objet qui pouvait l'aider à éclaircir ses pensées - ou les embrouiller plus encore. Elle saisit le journal avant de revenir s'assoir sur son lit et l'ouvrit à la page où elle s'était arrêtée pour reprendre sa lecture.
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Freitag, vierte. Oktober 2019
Hallo !
Comme promis, Alexis m'a aidé à me rapprocher de Michael, sur ses conseils je l'ai accompagné à tous leurs entrainements et je venais manger avec eux le midi. Le reste s'est fait tout seul, déroulé avec autant de fluidité que les images d'un trombinoscope. Kaiser m'attendait chaque soir devant la porte de la salle de mon dernier cour. Son dos adossé contre le mur, je le retrouvais avec son sac sur une épaule et la tête penchée dans ma direction, son regard espiègle bravant le mien. Je feignais l'étonnement à chaque fois, et il proposait de me raccompagner chez moi, ce à quoi je répondais toujours oui. Alexis feignais constamment une urgence ou une occupation de dernière minute si bien que nous n'étions que tout les deux.
Hier, alors que l'on marchait sur le chemin du retour, Michael n'a eu de cesse de me complimenter, il disait que ma jupe m'allait bien et que le sourire rayonnant que j'arborais illuminait mon visage. J'étais un peu gênée, on ne m'avait jamais fait autant de compliments de façon si directe et j'ai été franchement flattée. J'aurai pu lui répondre la même chose, après tout j'étais une adoratrice incontestée de sa chevelure d'or et de ses yeux céruléens mais j'ai préféré me taire et profiter. Arrivé à ma porte, je l'ai salué, et alors que je me retournais pour ouvrir l'entrée il m'a attrapé le poignet.
Attention Rosa, ouvre bien tes oreilles le moment que je te raconte là est digne de figurer dans les k-dramas dont raffole Alexis, aussi sensationnel qu'intense et qui semble absolument improbable. Tu es prête ?
Je disais donc, il m'a saisit le poignet, mais pas très fort, c'est à peine si ses doigts ont effleurés ma peau un bref instant pour m'interpeller avant de se retirer. Ce moment aussi fugace était-il a laissé derrière lui un merveilleux fourmillement qui m'en donna la chair de poule. Je me suis retournée, intriguée par ce contact ; Michael malgré ce qu'on pourrait penser n'était pas tactile du moins pas avec n'importe qui, il préférait les sourires séducteurs et les répliques ambiguës. J'ai alors rencontré ses yeux bleus qui me fixaient avec malice, d'un pas il s'est rapproché de moi, son front frôlait presque le mien - j'avais dû relever la tête pour le suivre du regard. Ses lèvres se sont étirées en un sourire narquois alors que ses doigts dansaient le long de ma joue dans un contact aussi léger qu'électrisant.
- Anke, susurra-t-il à mon oreille après avoir fait basculé mon visage, me permets-tu de goûter à tes lèvres ?
Je me sentais déjà toute chose et sa question acheva de me faire fondre sur place. J'avais embrassé plusieurs garçons avant lui mais je me doutais qu'avec Michael ce serait différent, ma tête se remplissait d'angoisses futiles et d'excitation tandis que j'articulais tant bien que mal un oui timide.
D'une main de maître Michael a remis face à lui mon visage cramoisi, plongé une dernière fois ses yeux bleus dans les miens avant de poser ses lèvres sur les miennes dans un geste maîtrisé.
Oh Rosa, ce fut merveilleux ! Sa caresse si fugace a éveillé en moi une nuée de papillons et un gros coup de chaud a réchauffé mes joues. Michael s'est esclaffé de mes rougeurs et mon sourire niais quand il s'est écarté quelques secondes plus tard. En replaçant une mèche de ma chevelure violette derrière mon oreille, il m'a promis de réitérer ce baiser le lendemain avant de me quitter dans un dernier sourire de star de cinéma.
𝕩 𝕩 𝕩
Samtag, sechsundzwanzigsten. Oktober 2019
Les dernières semaines se sont déroulées à une vitesse folle, rythmées par les devoirs urgents que je ne faisais qu'à moitié, les messages langoureux que j'échangeais avec Micha', nos rendez-vous réguliers et les baisers enflammés que l'on partageait dès que l'occasion se présentait. Parfois, une de ses groupies les plus effarouchées venait se planter devant ma table et me déclarait dans le plus grand des calmes que Kaiser ne tarderait pas à se trouver quelqu'un d'autre, que je ne devais pas trop y croire. Je me contentais de répondre par un clin d'œil insolent tout en rangeant mes affaires et les laissaient seules pour rejoindre celui qui faisait vibrer mon cœur.
Une seule revenait plusieurs fois, si bien que j'avais pris la peine de me renseigner sur elle. Elle s'appelait Adélaïde et son caractère calme et serein dénotait avec puissance avec la chevelure rousse et sauvage qui entourait son visage d'un halo de frisottis. Elle m'attendait en général près de mon casier, le lundi midi après le cours d'histoire. Lorsqu'elle m'apercevait elle commençait par prendre de mes nouvelles puis elle me mettait en garde.
"Tu devrais faire gaffe Anke, tu es trop amoureuse.
- En quoi est-ce une mauvaise chose ?
- Tu l'aimes trop, Anke et lui finira par se lasser. Il te lâchera comme une vieille chaussette quand tu auras cessé de le divertir ou qu'il aura trouvé une distraction qu'il juge plus intéressante.
- C'est pas vrai, Micha' n'est pas comme ça, pas avec moi. Il veut une relation sérieuse, il me l'a dit !
- Tu vois ? Il t'a hypnotisé avec ses mensonges.
- Il m'aime Adélaïde ! Laisse moi tranquille maintenant, tu es comme les autres, hein ? Et bien pas de chance pour vous mais c'est moi qu'il a choisi et vous feriez mieux de vous habituer parce que ça va durer. "
Je pense qu'elle est jalouse, comme les autres, et j'en suis bien déçue, à part ça Adélaïde avait vraiment l'air d'une chouette personne alors voir sa vraie nature m'a vraiment mis en colère. Enfin passons, ce soir Michael vient à la maison, à priori il est un monstre au poker et j'ai hâte de me mesurer à lui car j'excelle moi aussi à ce jeu. Ah la la Rosa, si tu savais comme je suis heureuse ! Je nage en plein bonheur...
~•*❈*•~
Anke passa une main lasse dans son épaisse chevelure violette, au point où elle en était elle n'était même plus étonnée de ce qu'elle lisait. Se rappeler cependant à quel point elle avait été vache et hautaine avec Adélaïde la mettait profondément mal à l'aise. La jeune fille était désormais une de ses plus proches amies et elle espérait de tout cœur qu'Adélaïde avait oublié à quel point elle avait pu être odieuse avec elle. A cette époque, Anke était bien trop plongée dans son paradis amoureux pour accorder la moindre attention à ses propos, ce qui, elle l'apprendrait plus tard était une grave erreur.
Le bruit discret d'une clé tournant dans une serrure lui fit relever le nez de son cahier, ce devait être Alexis qui rentrait de son expédition nocturne avec l'autre demeuré. Elle se leva du lit et rejoignit son frère dans la cuisine à pas de loup.
Alexis avait démarré la machine à café et un liquide brun emplissait graduellement son mug tandis qu'une odeur riche en parfums embaumait la pièce. Il récupéra sa tasse et s'assit sur une des chaises hautes avec un air de concentration extrême qui fit grimacer Anke. Celle-ci sortit d'un placard un paquet de cookies aux pépites de chocolats et éclats de noisettes - ses préférés - et en tendit un à Alexis qui le refusa distraitement.
- Toujours pas Anke.
- Tu sais pas ce que tu loupes, fit-elle en enfournant un premier biscuit. Alors ?
- T'étais pas censé aller dormir, marmonna Alexis en la fusillant du regard.
- Comme tu le vois je suis réveillée donc tu vas pouvoir tout me raconter dès maintenant ! T'en as de la chance...
- Tu parles.
Anke lui offrit un sourire éclatant auquel Alexis répondit, puis il pianota distraitement sur la table en semblant se demander par quoi commencer. L'impatience de la jeune fille montait crescendo mais elle s'efforça de se taire et d'attendre qu'il commence son récit. Finalement, il se racla la gorge et planta ses pupilles pourpres dans celles, semblables, de sa sœur.
- Il aimerait te revoir.
Boum. La bombe était lâchée. Anke hésitait entre rire et pleurer mais opta pour la première option et éclata d'un rire qui frôlait dangereusement l'hystérie. Elle dut se rendre compte qu'Alexis la fixait mi- curieux, mi- inquiet, car elle se calma presque instantanément et repris ses esprits.
- C'est une blague, Alex' ?
- Non, lâcha celui-ci.
Elle comprit à son air ennuyé qu'il disait la vérité et lui enjoigna de poursuivre son récit.
- Pas forcément te voir en fait, même si c'est ce qu'il préfèrerait sans doute, mais discuter.
- Pourquoi ? Il se rend compte quatre ans après que la moindre des choses à faire c'est s'excuser ? Ou me donner des explications ? C'est un peu tard pour ça, tu penses pas ?
- Si, grommela Alexis. Ecoute, je sais que t'es super vénère contre lui, et franchement je te soutiens sur ce coup là, t'as totalement raison. Mais... je pense que ça peut te faire du bien de lui parler, de mettre les choses au clair... T'as jamais vraiment réussi à passer à autre chose Anke, j'suis pas aveugle et je pense qu'il est tant que tu mettes fin à cette histoire. Enfin, tu verras de quoi il veut te parler, marmonna Alexis en butant sur les derniers mots.
La violette fixa le plan de travail, un pincement au cœur la fit grimacer légèrement. Alexis avait raison comme toujours, malgré sa colère elle n'avait pas réussi à surmonter le chagrin de cette perte et la douleur de cette trahison. Le fait de croiser Michael assez fréquemment durant les deux ans suivant leur rupture n'avait pas aidé les choses non plus, mais ne plus le voir du tout l'avait confronté à une toute autre douleur. En réalité elle souffrait toujours de ce qu'il s'était passé il y a quatre ans, elle en gardait toujours des inquiétudes qui enlisaient toutes les nouvelles relations qu'elle tentait de se faire, des problèmes de confiance envers les gens. Elle avait essayé de passer outre et de se dire que ses soucis n'existaient pas, probablement parce qu'elle en ressentait une certaine honte ; Kaiser n'avait pas souffert et était passé à autre chose instantanément, mais elle ? Elle, l'idiote transie d'amour et de rêves arcs-en-ciel s'était faite jetée "comme une vieille chaussette" pour reprendre les mots d'Adélaïde et ce rejet, cet abandon avait profondément meurtri son âme. Changée à jamais et désormais méfiante plus que de raison, elle gardait en elle une douleur irrationnelle qui n'avait plus lieu d'être mais qui lui collait à la peau aussi indélébile que le nom de Kaiser dans les journaux. La voilà, la triste réalité, Anke était poursuivie encore longtemps après par les souvenirs d'une idylle d'adolescent qu'elle avait vécu avec trop d'intensité et les stigmates de cette expériences refusaient de s'estomper, malgré le temps, malgré toutes les choses qui avaient pu se passer depuis. Son cœur en peine continuait de pleurer ce garçon fourbe qui l'avait quitté sans regrets et n'avait pas dénié répondre à une seule de ses questions.
- Pourquoi ? pleurait son cœur, pourquoi m'avoir fait si mal, pourquoi m'avoir fait rêver pour m'abandonner si facilement ? Tout ceci n'était-il donc qu'une comédie ? Suis-je si aisément remplaçable ? Suis-je... oubliable ?
Ces interrogations tournaient dans sa tête, s'infiltraient dans son esprit lorsqu'elle était trop épuisée pour y édifier des barrières et meurtrissaient son cœur une nouvelle fois, affermissant ses insécurités pour ne laisser que du doute et de la souffrance. Anke était peut-être trop sensible, peut-être que cette douleur était exagérée par rapport à ce qu'elle était réellement. Peut-être que c'était ce que les gens pensaient d'elle, que cette pauvre fille exubérante ressassait avec trop d'exagération une histoire finie depuis longtemps. Peut-être, pensaient-ils qu'elle faisait exprès. Mais Anke ne faisait pas exprès, elle n'exagérait pas, elle avait mal, vraiment mal, et plus que tout elle aimerait que quelqu'un lui donne la solution magique pour que cela cesse. Mais personne n'était venue l'aider.
- Anke ? appela doucement Alexis en posant une main sur son épaule. Je ne te force pas à y aller, je ne te ferai jamais ça. Si tu ne veux plus jamais le revoir je te jure que tu ne le verras plus et que j'accepterai ça. Même si ça veut dire que tu viendras plus me voir à mes matchs, bouda-t-il en une tentative d'humour pour détendre l'atmosphère.
- Je crois, Anke s'arrêta et soupira un grand coup. Tu as raison. J'en ai pas vraiment vraiment envie, mais je pense qu'il faut que je lui parle. Dire une bonne fois pour toute tout ce que j'ai toujours voulu lui dire et obtenir les réponses à mes questions. Pour pouvoir avancer.
- Tu veux que je t'accompagne ?
- Non, ça devrait aller, mais merci.
- Je laisserai mon téléphone en son et tu m'appelleras si jamais t'as besoin, hein ?
- Oui, oui. Est-ce que tu peux, euh...
- Dis moi tout Anke !
- Lui dire que j'accepte de lui parler demain, enfin non aujourd'hui, rectifia Anke après un coup d'œil au trois heures quarante deux qu'affichait l'horloge. Il n'a qu'à me rejoindre à un café.
- Pas de problème, je dis celui qui est en bas, près de notre immeuble, comme ça c'est pas très loin. 15 heures ça te va ?
- Oui, c'est bon.
- Gute, maintenant tu files te coucher, ordonna Alexis en la couvant du regard surprotecteur d'un frère aîné.
- J'y cours, garantit Anke en joignant le geste à la parole.
~•*❈*•~
Mittwoch, siebenundzwanzigsten. November 2019
Hallo...
Tu excuseras mon absence prolongée Rosa, mais ces derniers temps ont été très compliqués. Une rage que je ne me connaissais pas brûle au fond de mon être, elle n'a d'égal que la douleur foudroyante qui s'abat sur moi quand je le vois.
Lorsque nous nous sommes quittées la dernière fois, Rosa, je vivais sur un nuage de bonheur, mais ce n'est plus le cas. C'est dingue comme la plus forte de nos certitudes se retrouve parfois balayée par une simple brise.
Je sortais avec Michael depuis plus d'un mois et tout se passait merveilleusement bien. Il n'était pas le garçon arrogant et folâtre dont on m'avait parlé, avec moi il se comportait en vrai gentleman, n'avait d'yeux que pour moi et me couvrait de milles baisers et d'attention qui m'étaient uniquement réservée. J'avais l'impression d'être privilégiée, la seule à le connaître pour ce qu'il était vraiment, la seule qui comptait à ses yeux.
Oh, Rosa, j'ai été tellement stupide de le penser.
J'avais remarqué depuis environ une semaine que Michael semblait préoccupé, rien de grave semblait-il mais ses pensées paraissaient souvent tournées vers un sujet dont je n'avais connaissance. Il se rendait moins disponible aussi, et déclinait mes sorties avec un sourire contrit qui me faisait oublier ma déception et endormait mes soupçons. Alors qu'il avait prétexté un énième empêchement, c'était un vendredi, le vendredi 8 novembre, je me décidais à sortir tout de même en ville. J'avais quelques achats à faire, un livre tout particulièrement m'intéressais et je n'avais pas la patience nécessaire pour attendre que Kaiser se libère pour le chercher avec moi. J'ai donc récupéré mes affaires dans mon casier, troquant mon sac de cours pour une écharpe qui me tiendrait chaud et partit vers ma librairie préférée.
J'ai bien dû y passer une heure et demie, mes yeux étaient sans cesse attirés par un nouvel ouvrage que je ne pouvais me retenir de feuilleter, mais voyant que le soleil amorçait sa descente vers la terre je me résolue à quitter la boutique. On entrait en période d'hiver, les jours finissaient plus tôt et le froid s'intensifiait aussi je pressais le pas pour rejoindre au plus vite le lycée où j'avais laissé mon sac tout en soupirant en songeant à la distance qu'il me faudrait encore parcourir pour arriver chez moi.
J'étais revenue aux casiers, le lieu qui regroupait l'ensemble des rangements et qui jouxtait une pièce destinée aux élèves dans lequel j'aimais bien me poser. Alors que je refermais mon cadenas et m'apprêtais à rebrousser chemin, des éclats de voix en provenance de la salle me firent tiquer. Le niveau sonore n'était pas suffisamment élever pour me permettre de décrypter la conversation mais j'aurai reconnu entre mille ce timbre qui faisait chavirer mon cœur. Je fronçais tout de même les sourcils, que faisait-il là, si c'était bien lui ? Michael n'était pas interne et s'il était resté pour jouer au football avec ses amis, l'entrainement aurait déjà dû être terminé depuis un moment. De plus, la voix avec laquelle il conversait appartenait à une fille et me semblait vaguement familière même si je ne réussie pas à mettre un prénom dessus.
Je m'approchais silencieusement de l'entrée, la salle n'était pas fermée par une porte, on y entrait par une grande ouverture en demi arc de cercle. Je me fis la réflexion que je ne faisais rien de mal et que je n'avais pas à me cacher, j'allais juste saluer Michael et lui demander ce qu'il faisait encore ici. Requinquée par cette pensée, je me plaçais bien en face de l'entrée et ouvrit la bouche pour parler. Cependant aucun son n'en sortit, j'étais sous le choc devant la scène que je venais de surprendre. Michael était assis sur un des fauteuils de la pièce, le buste penché en avant. Face à lui je reconnu Ada, une fille d'une classe avec qui je partageais certains de mes cours. Elle avait posé sa main sur l'avant-bras de Kaiser et ses longues jambes dévoilées par une jupe courte étaient étendues à demi sur les genoux du garçon. Ils riaient, sans m'apercevoir, et imperceptiblement leurs visages s'approchaient l'un de l'autre.
J'étais bien consciente de ce qui allait se produire ensuite, mais j'étais tétanisée. Une part de moi cherchais désespérément une autre interprétation à ce que j'avais sous les yeux, une autre se disait que Michael allait la rejeter d'un coup, forcément, et une autre part de moi, m'empêchait de faire quoi que ce soit et m'enjoignait d'attendre en silence la suite pour connaître la vérité. Je n'en menais pas large alors j'ai écouté cette dernière voix et contemplé stupéfaite Michael passer sa main dans la chevelure blonde d'Ada et embrasser cette dernière avec fougue. Celle-ci gloussa en posant sa seconde main sur l'épaule de Michael et répondit à son baiser avec autant de passion.
J'en avais assez vu pour comprendre. Je reculais de deux pas et m'approchais d'un casier dont je claquais avec violence la porte entrouverte. Le bruit métallique résonna dans le hall désert et fit sursauter Ada qui eut au moins la décence de paraître un peu embarrassée. Je sentais mes yeux se remplir de larmes et mon cœur qui frappait douloureusement dans ma poitrine à un rythme désordonné mais je me forçais à me maîtriser ; je ne pouvais pas encore craquer.
- J'espère que tu passes un bon moment Michael.
Il ne parut pas surpris le moins du monde et encore moins coupable. En fait, il paraissait plus ennuyé qu'autre chose. Il posa les mains sur les jambes d'Ada et fit courir ses doigts sur sa peau, celle-ci, ayant retrouvée toute son assurance, pouffa comme la dinde qu'elle était en rejetant ses cheveux en arrière.
- Tu nous déranges, fit-elle en me scannant de haut en bas.
- Tu n'étais pas censé rentrer chez toi ? questionna Michael avec un certain reproche.
A ce moment j'ai bien cru que j'allais lui sauter dessus, c'était ça tout ce qu'il trouvait à me dire ? Me demander ce que je faisais ici ? Etait-il en train de me dire que cette situation était de ma faute ? Je serrais fort les poings, et inspirais un grand coup.
- Ne t'avises plus de croiser mon chemin sale con.
- Oh ! Ricana Ada en mimant une pose dramatique.
- Quel gâchis, marmonna Michael en plissant ses yeux bleus.
Je secouai la tête, accablée, je ne le reconnaissais plus, ce devait être un cauchemars, il n'y avait pas d'autre explications.
- Je pensais que tu m'aimais...
Cette fois, je ne pus empêcher ma voix de se briser, j'avais besoin de savoir. Michael me regarda étrangement.
- Mais je n'ai jamais dit que je t'aimais Anke. Tu es comme toutes les autres, précieuse mais pas indispensable. Je pensais que tu le savais.
Il haussa les épaules puis reporta son attention sur Ada qui se tortillait comme un ver de terre pour s'approcher plus près de Michael.
Moi, je secouais la tête, déçue et blessée, cette soirée était atroce et je n'avais qu'une envie ; rentrer me terrer chez moi et ne plus jamais le revoir. Je tournais les talons et arpentais les couloirs à toute allure.
Quand je suis arrivée à la maison, les larmes coulaient abondamment le long de mes joues. Je me sentais nauséeuse, malade, mon souffle était haché et laborieux. Toute pantelante et parcourue de frissons incontrôlables, je restais bêtement plantée entre l'entrée et le salon, incapable de faire un pas de plus. Mes parents rentraient tard et je ne savais pas où se trouvait Alexis. De toute façon, si c'était pour s'entendre dire qu'il m'avait prévenu - même s'il n'avait pas tort - je préférais encore ne pas le croiser. Je me suis mollement traînée jusqu'au canapé de la pièce de vie dans lequel je me suis échouée. Je repliai mes genoux contre ma poitrine et les entourai de mes bras, le menton posé en équilibre sur le tout, je fixai d'un regard vaseux les motifs du papier en m'efforçant de détourner le cours de mes pensées.
Pourtant c'était plus fort que moi, mon esprit me rappelait douloureusement les scènes que j'avais surpris et une centaine de doutes et d'interrogations m'assaillaient, achevant de me faire déprimer. Alors que je reniflais bruyamment j'entendis quelqu'un dévaler l'escalier à la vitesse d'un avion de chasse.
Alexis s'arrêta sur le seuil de la pièce, lorgna mes yeux bouffis et ma position renfermée avant de passer une main dans ses cheveux violets. Une fois. Deux. Il s'approcha dans un soupir et s'assit à côté.
- Si c'est pour me dire que tu avais raison, tu peux repartir.
Alexis secoua la tête, un sourire gêné aux lèvres, il ébouriffa le haut de mon crâne, comme il avait l'habitude de le faire quand nous étions un peu plus jeunes et qu'il voulait se vanter d'être plus grand que moi. Etonnamment ce geste ne me calma pas mais fit au contraire redoubler mes pleurs, je me laissai aller contre mon frère, la joue contre son épaule et mouillait son tee-shirt avec mes larmes et les fluides qui s'échappaient de mon nez. Ness m'entoura de ses bras et caressa doucement mon dos dans un geste régulier qui m'apaisa peu à peu.
- T'en fais pas Anke, t'en trouveras un autre qui sera meilleur.
- Je veux pas. C'est lui que j'aime, je sanglotais en réalisant la sincérité de mes mots. De toute façon l'amour c'est nul.
Alexis soupira avant de me forcer à le regarder dans les yeux.
- Anke, si tu penses comme ça tu t'empêcheras de vivre plein de belles choses. Tu dois pas laisser une expérience définir toutes les autres, elles seront toutes différentes et c'est à toi d'en tirer des conclusions, des résultats, qui te permettront d'appréhender les prochaines d'une meilleure façon.
Je reniflai et hochai la tête pour lui signifier que j'avais compris. Honnêtement il devait avoir raison, mais j'étais trop triste pour me concentrer sur quoi que ce soit et je pense qu'il a dû s'en apercevoir.
Il s'est levé et a disparu dans la pièce d'à côté, un moment j'ai cru qu'il s'en allait et me laissait plantée là et aussi improbable que cette option était, j'étais trop claquée et déprimée pour la trouver illogique. Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine à la pensée de me retrouver seule face à mon chagrin et mes sombres réflexions, sans Alexis pour me rassurer et me protéger, cet abandon me semblait pire encore. Mais le mauve revint quelques minutes à peine, un paquet de mouchoirs dans les mains et un grand verre dans l'autre.
- Ton smoothie préféré, fit-il en me le tendant.
Je le pris avec des larmes aux yeux, mes émotions me semblaient aussi instables que lorsque j'avais mes règles, comme si on s'amusait à faire des associations délirantes et qu'on les changeait régulièrement. J'approchai le récipient de mes lèvres et savourai avec délice le goût acide et franc du cassis, à peine adouci par la rondeur du lait et le sucre d'un trait de miel. Peut-être que la vie était comme ça, aussi, pleine de rebondissements acidulés et de moments plus calmes et doux. Quelques fois une saveur prenait le dessus et l'équilibre entier en était bouleversé, Kaiser avait était le cassis de ma vie, mais il s'était révélé trop aigre pour que je parvienne à le contrebalancer.
Rosa, alors que je prenais mon stylo pour te conter cette journée, j'ai pris conscience que toute cette aventure s'apparentait un peu à un rêve ; Je rêvais. Mais les songes sont aussi beaux qu'éphémères et la dure réalité eut tantôt fait de me remettre les pieds sur Terre. Je ne sais pas comment sera demain, je ne sais pas si je parviendrai à oublier, je suis remplie d'incertitudes et de peurs mais la vie est un cocktail de surprises que je compte bien savourer et j'espère que malgré tous les chagrins et les obstacles que j'aurai à endurer, je ne perdrai pas de vue cet état d'esprit.
Je te salue Rosa, et je te souhaite le meilleur.
~•*❈*•~
Anke observa nerveusement son reflet dans la glace de la salle de bain. Elle avait longuement hésité sur la façon dont elle devait s'habiller car nul doute que l'apparence jouerait un rôle majeur dans la rencontre qui allait suivre. Mais devait-elle apparaître chic et élégante pour lui montrer son désintérêt ? Opter pour une tenue plus subjective pour lui montrer ce qu'il loupait ? Y aller décontractée pour se sentir à l'aise ?
Dans un grognement elle se déshabilla une énième fois, rien ne lui convenait. C'était soit trop, soit pas assez, elle ne voulait pas se faire passer pour ce qu'elle n'était pas. Elle n'était pas une femme fatale, ne voulait pas faire penser à Kaiser qu'il pouvait la récupérer ni apparaître trop négligée. Elle se passa une main sur le front pour éponger la sueur qui dégoulinait en minces stries. La salle de bains était devenu un vrai hammam après qu'elle ait pris son bain, la pièce exigüe contenait la chaleur et les déplacements nerveux d'Anke ne contribuaient pas à faire baisser la température.
Dans un soupir elle ouvrit la porte et retourna dans sa chambre pour en sortir un pull en laine blanc avec une ouverture en V et un jean bordeaux qui s'évasait au niveau de ses chevilles. Elle parut plutôt satisfaite de l'ensemble, de toute façon le temps commençait à manquer, l'heure n'était plus aux essayages. Elle rassembla sa dense chevelure en une queue de cheval haute, ne laissant s'échapper que quelques mèches rebelles ou trop courtes pour être attachées qui vinrent joliment encadrer son visage. Un trait d'eyeliner noir vint allonger son regard et des bracelets dorés entourer ses poignets dans un tintement mélodieux.
Elle s'appuya contre le mur de l'entrée pour enfiler ses baskets blanches et attrapa au passage son long trench beige. Alexis surgit derrière elle et lui tapota affectueusement la tête.
- Garde la tête haute sœurette, lui conseilla-t-il dans un clin d'œil.
Anke acquiesça avant de passer la porte. Elle descendit les quatre étages, le bruit régulier de ses semelles contre le carrelage des marches apaisa quelque peu son angoisse.
Le brouhaha de le rue explosa sitôt qu'elle franchit la grille de l'immeuble, l'assaillant de plein fouet. Les cris, le vrombissement des voitures, les pleurs des bébés, les éclat de rire des enfants, la musique ténue qui s'échappait des boutiques... Les sons virevoltèrent autour d'elle pour résonner au plus profond de son être. Anke aimait cette agitation, elle la trouvait vivifiante, aussi s'accorda-t-elle encore quelques secondes pour profiter du tumulte qui l'entourait avant de reprendre son chemin. Elle s'arrêta un peu plus loin devant la devanture d'un Kaffeehaus et inspira longuement avant d'en franchir la porte.
Elle repéra facilement Kaiser, assis sur une table du fond, il patientait avec une apparente exaspération. Anke sourit, elle avait volontairement fait en sorte d'arriver avec du retard. Elle ne le fit pas plus attendre et pris la place face à lui. Un silence pesant s'installa tandis que tout deux se jaugeaient du regard.
Michael avait toujours la même coupe que la dernière fois qu'elle l'avait vu mais la pointe de ses cheveux était désormais du même bleu que ses yeux. Anke remarqua également qu'il portait des lunettes, rondes et dorées, elles lui seyaient si bien que cela l'agaça. Il les retira quand il surprit son regard dessus et elle eut libre champ pour contempler les iris céruléennes du garçon. Ses yeux n'avait pas changés, tout comme l'aura qu'il dégageait. Une impression de sérénité et une grande confiance, un regard qui frôlait l'insolence et un sourire moqueur qui trahissait son caractère vantard.
- Anke. Je suis ravi de te revoir, tu as bien changé depuis le temps.
Elle pencha la tête sur le côté, un sourire amusé esquissé sur ses lèvres. Il ne pensait pas si bien dire, la jeune Anke candide et impressionnable avait évoluée au fil des ans, et elle avait bien gagné en répartie.
- En effet. Je remarque qu'en revanche toi, tu n'as pas changé Kaiser. Tu restes le même con narcissique et arrogant.
Son regard bleu s'assombrit et son sourire se crispa à l'entente de sa réponse, satisfaite elle s'enfonça dans le dossier de sa chaise sans le quitter des yeux. L'arrivée du serveur les empêcha de continuer leur charmante joute aussi s'empressa-t-elle de commander son café.
- Tu voulais discuter ? Reprit-elle en se raclant la gorge.
- Alexis et moi on va partir au Japon pour un bon moment, il a dû t'en parler.
Elle acquiesça distraitement, redoutant où il voulait en revenir.
- Je me demandai si t'allais l'accompagner.
Anke attendit en faisant tournoyer sa cuillère dans sa tasse ; ça ne pouvait pas être que ça, pourtant Kaiser la fixa en attente de sa réponse.
- J'en sais rien, et qu'est-ce que ça peut te faire ?
- Je me disais juste que si t'y allais, on risquait de se croiser assez souvent. Ca pourrait faire remonter des souvenirs, chuchota Michael dans un sourire charmeur.
Elle en resta coite de stupeur. Un instant elle replongea son regard violet dans le bleu profond de ses yeux et tout redevint presque comme avant. Elle et lui, autour d'une table, à discuter de football et de devoirs quand tout était encore simple. Mais Michael se racla la gorge et d'un coup elle est de retour, assise en face de lui, le charme est rompu. Michael n'était pas venu pour s'expliquer, encore moins pour s'excuser. Il était venu pour lui demander de servir de "copine temporaire" le temps de son voyage au Japon.
- Qu'est-ce que tu me veux exactement Kaiser ?
- Fut un temps où tu m'appelais Michael, soupira celui-ci, Anke, tu n'as pas envie de recommencer ?
Anke éclata d'un rire sans joie, il ne pouvait sérieusement pas lui demander ça.
- Tu te fous de ma gueule ?
- Oh Anke, ne me dit pas que tu m'en veux encore pour cette histoire ? C'était des amours d'adolescents, y a rien de sérieux à cette époque.
- Ah parce que maintenant tu l'es ?
- Je ne suis jamais sérieux Anke, mais je ferai peut-être un effort pour toi si tu me le demandes.
La violette termina de boire son café, reposa bruyamment sa tasse sur la soucoupe et, les paumes à plat sur la table, se pencha en avant pour croiser le regard de Michael.
- Ecoute moi bien Michael, peu importe ce qui s'est passé entre nous, ça n'a plus la moindre importance à mes yeux. Tu as raison, ce n'était pas sérieux, juste une expérience et je ne ferai pas la même erreur deux fois. Tu es un enfoiré Kaiser, un enfoiré insatisfait, imbu de lui-même avec un énorme complexe de supériorité. Il ne se passera plus jamais rien entre nous, c'est clair ? Tu vas oublier mon prénom, mon numéro, et tout ce que j'ai pu être pour toi, je ne suis rien de plus qu'une personne immunisée de tes soi-disant charmes. Je te souhaite de te rendre compte de ta personnalité merdique et de la changer. Au revoir Kaiser.
Michael ne répondit rien, il se contenta de la regarder partir, songeur. Il n'espérait en réalité pas beaucoup de choses de cette entrevue, mais pas qu'elle lui balance tout ça à la tronche, non ça c'était inattendu et il aimait être surpris. Mais Anke n'avait pas totalement tort et il ne pouvait pas la forcer. Ainsi il devait changer ? Un sourire ironique étira ses lèvres, Michael n'était pas irréprochable, il en était conscient mais il avait toujours réussi ce qu'il avait entrepris en étant celui qu'il était. Mais il ne voulait pas qu'Anke le déteste, ça, ça le frustrait au plus haut point, pas assez pour qu'il culpabilise de ses actes ou qu'il aille s'excuser, mais une infime part de lui regrettait les parties de poker qui s'éternisaient et ses sourires lumineux. La nostalgie, sûrement. Anke n'avait pas besoin de lui tout comme lui n'avait pas besoin d'elle, et c'était tout.
*~•❈•~*
Anke laissa pendre ses jambes dans le vide, appréciant la sensation de vertige qui faisait battre son cœur plus fort. Elle se sentait bien, elle se sentait libre.
A présent plus rien ne la rattachait à Michael, elle avait eu ce qu'elle attendait, la confirmation que Kaiser était un idiot fini et cette constatation lui suffit. Elle n'avait plus à s'interroger elle-même, elle n'était pas le problème et ne l'a jamais été. Kaiser collectionnait les conquêtes et elle était l'une d'elle, il n'y avait pas de bonne fin possible. A présent elle pouvait le détester, le mépriser pour ses travers et son arrogance, elle pouvait tirer un trait sur tout ce qui la raccrochait à ce passé qui l'avait tant tourmentée car Kaiser n'avait plus aucune prise sur ses pensées. A l'avenir, elle prendrait garde à ses fréquentations et aux raisons pour lesquelles ces derniers s'intéressaient à elle, plus jamais elle ne laisserait quelqu'un la blesser ou la manipuler. Elle avait son destin en main, elle guidait ses décisions et les assumerait pleinement jusqu'au bout.
Anke repensa à ce que sa version plus jeune avait écrit dans le journal : la vie est un cocktail de surprises. Là, les cheveux dans le vent et les jambes surplombant un énorme vide de plusieurs mètres, la violette se dit que l'aventure ne faisait que commencer, plein de choses l'attendaient et elle avait hâte de les découvrir. Sans plus attendre elle aspira par la paille le liquide pourpre de son smoothie, le mélange parfait alliait avec merveille acidité et douceur dans un combo de saveurs exquises.
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The end
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