𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟎














C  H  A  P  I  T  R  E   4 O

    









tw : mention du viol de
Méduse
(je rappelle que mon
histoire s'inspire seulement
de la mythologie mais qu'elle
n'y est pas 100% fidèle
les versions du mythe de Méduse
sont multiples, il ne s'agit
que de l'une d'entre elles)






    









          Ma main s’est refermée sur le pommeau de mon épée.

          Baignés des lueurs tamisées de la taverne, les traits de Sullyvan revêtent quelques aspects terrifiants. S’étirant en un film de cauchemar sous ses yeux, narines et lèvres, des ombres dansent dans un chatoiement étrange.

          Un rire jaillit de son sourire malin. Similaire à un grincement de porte.

— Tu ris comme si tu allais t’en sortir, je susurre dans un rictus amusé. Oublierais-tu qui se tient en face de toi ?

— Un démon sans pouvoir.

          « Aline »… Il a dit avoir tué « Aline ».

          Les Pythies des Âmes se haïssent. Liées par un serment faisant d’elles d’éternelles asservies, elles voient en leurs semblables le reflet de leurs faiblesses. Elles ne supportent pas la vision de leurs traits émaciés par des années de servitude.

          Cependant, il n’y a guère qu’une chose que nous haïssons davantage que les nôtres.

          Les autres.

— Je vais te tuer, Sullyvan.

          Penchant la tête sur le côté, le blond laisse choir quelques boucles d’or sur son front.

— Essaye.

          Je ne remue pas le moindre cil. Je ne porterai pas le premier coup. Car, lorsqu’il ouvrira les hostilités, il me donnera l’autorisation d’utiliser l’intégralité de ma puissance. Ce n’est qu’à ce moment précis que je pourrais lui rappeler son existence passée au Tartare.

          Cette autorisation, je la perdrais si je suis celle qui amorce le conflit. 

— Je vois… Tu ne veux pas porter le premier coup, n’est-ce pas ? Saches que je ne le ferai pas non plus.

          Bien sûr…

          Les Anges tout comme les Démons sont régis par des lois strictes. Leur puissance est telle qu’un abus de cette dernière les plongerait dans de bien sombres méandres.

          L’an passé, par exemple, un Ange qui se trouvait aussi être l’époux de l’impératrice Egarca Evilans a abusé de sa magie. Il a cru s’en sortir indemne. Mais, sans qu’il en ait même conscience, il est devenu mortel. Et c’est Sullyvan, debout devant moi, qui lui a porté le coup fatal.

          Alors… Qui de nous deux frappera en premier ?

— Les Dieux savent nous maintenir en place, rit-il d’un air narquois. Nous serions bien les derniers à jouer avec leurs lois… Nous connaissons la véritable douleur.

          Il est né au Tartare. J’ai vécu enchaînée au sol, sans eau ni nourriture, pendant une décennie.

          Assurément, nous savons ce qu’est la souffrance.

— Tu dis avoir tué « Aline », je lance en ignorant son commentaire. Que lui as-tu fait ? 

— Elle a entamé les hostilités et cela l’a tuée. Elle aurait dû se tenir en place.

— Il n’a jamais su respecter vos lois, mais il n’a jamais été un danger pour les autres, je gronde sombrement, le fusillant du regard. Et ne l’appelle pas ainsi.

          Nous n’avons pas de prénom. Hormis des appellations que des villageois apeurés nous donnent ou alors des surnoms que nous confient nos maîtres.

          Aline est son nom d’esclave. Celui de sa maîtresse, qui est aussi celle qui a longuement prétendu qu’il était une femme.

— Ah oui ? Et comment devrais-je l’appeler ?

— Comme chacun l’appelle…

          Je souris.

— …Sukuna.

          Un démon capable de prendre n’importe quelle forme. Un métamorphe espiègle et grossier. Un jeunot qui n’a jamais su tenir en place.

          Le plus faible d’entre nous. À l’exception de Mélodie qui est une plaie.

— Bien. Alors, si cela te tient tant à cœur, Sukuna m’a provoqué à de nombreuses reprises. Et, j’ai fini par craquer.

— Comment pouvait-il te provoquer ? Il a la même tâche depuis le siècle dernier, quand il est né. La plus soporifique de toutes, selon ses dires. Mais, la plus importante.

— Oui, il garde un temple. Il en a interdit l’accès aux villageois. Cela est inadmissible.

          À quelques pas de nous, Hector et Gojo observent la scène en silence. Aucun d’entre eux ne connaît le Démon dont on parle.

          Cependant, une chose est sûre ; si Sullyvan l’a tué, je le plongerai au fond du Styx.

— Le temple de Méduse n’est pas voué à accueillir des visiteurs, j’argumente et luttant contre l’envie d’éclater mes phalanges contre sa pommette. Ceux qui veulent prier le font en dehors. Il a été sanctuarisé par les déesses. Aucun homme ne doit le fouler. Pas même Sukuna. Rien n’est surprenant là-dedans.

— Étrange… Je n’ai jamais entendu parler de cette histoire, ricane Sullyvan en montrant ses dents. Je ne vois pas pourquoi les déesses interdiraient l’accès à un temple. Je crois en revanche que vous avez inventé cette légende pour ne pas avoir à partager un lieu.

          Mon esprit se fait blanc l’espace d’un instant. Je perds ma colère tant je suis surprise.

— C’est pour cette raison qu’on dit aux mioches que l’école, c’est important, je grommelle en levant les yeux au ciel, pinçant l’arête de mon nez.

— Et maintenant, de la condescendance…

          Un soupir retentit dans mon dos. Je n’ai pas besoin de me retourner, je sais qui l’a poussé.

          Gojo Satoru.

T’es sérieux, là ? Tu connais pas l’histoire de Méduse ?

          Les sourcils de Sullyvan se froncent. Il se tourne vers Hector qui a abandonné son air furieux pour en adopter un plus modéré…

          Il a visiblement honte de son compagnon.

— Méduse, une pythie qui vivait dans ce même temple, il y a plusieurs siècles ? Elle était une pythie et non une pythie des âmes. Cela veut dire qu’elle était voyante, transmettait les messages des dieux mais qu’elle n’avait pas de démon en elle. Elle n’avait pas « l’âme » d’un démon, donc n’était pas une pythie des « âmes » mais simplement une pythie. Ça ne te dit rien ?

          Il secoue la tête de droite à gauche d’un air interdit.

— À force d’investir dans l’armement et pas dans les fonctionnaires d’éducation, grommelle Hector en croisant les bras. Si j’étais empereur…

— Tout le monde s’en fout, l’interrompt Gojo en secouant la tête. Ce qu’elle dit est plus important.

          Je ne relève pas et poursuis mon explication : 

— Méduse était une pythie, donc sans pouvoir. Elle n’a pas pu lutter quand un homme du village l’a violée. Athéna, prise de compassion pour la pauvre femme, l’a changée en gorgone. Afin que les hommes aient peur d’elle et n’osent plus jamais la toucher et…

— Plus tard, Persée a tué Méduse, m’interrompt Hector. Et… AAAARGH…

          Le Prêtre Poisson se plie violemment en deux, son souffle se coupant après le coup de poing magistral que Gojo vient de lui asséner dans les reins.

          Ce dernier se tourne vers moi. Et, chose inhabituelle, il n’esquisse aucun sourire lorsqu’il me lance : 

Continue de parler, il ne t’interrompra plus.

— Je… J’avais fini…, je lance avant de me rappeler de quelques précisions à apporter. Elle a été tuée et les déesses ont fait de ce lieu un sanctuaire. En hommage aux Pythies, elles ont demandé aux plus puissantes de toutes, les Pythies des Âmes, de garder les lieux.

          Me tournant vers Sullyvan, je découvre son teint blême. De toute évidence, il ne s’imaginait pas une seule seconde qu’une telle histoire se cachait derrière la garde du démon Sukuna.

          Je souris d’un air mauvais.

— Mais, si tu me dis que tu as tué mon jeune frère et en plus, que tu as bafoué l’une de nos traditions ancestrales… Alors, je prendrai tous les risques.

          Mon épée émet un sifflement presque mélodieux lorsque je la fais jaillir de son fourreau.

— Et, je porterai le premier coup.

          Ma lame fend les airs, il l’évite d’un pas de côté. Parfait. Au même instant, mon genou s’écrase dans ses côtes. Il hoquète, propulsé au sol.

          Son corps glisse sur quelques mètres dans la poussière. Se retournant dans un grondement sourd, il me regarde, gardant la tête baissée. 

          Ô Ange Déchu…

          Un ricanement incontrôlable jaillit de mes lèvres lorsque je bondis, évitant le vent électrique qu’il projette sur moi. Dans un geste habile, il bascule à nouveau sur ses pieds et se redresse.

Sullyvan, tu vas…

          Ma voix meurt quand un claquement résonne soudain au fond de ma personne.

          Tout se tait. 

          Mes muscles se figent, à l’exception de ceux de mes paupières qui s’écarquillent. Quelque chose a changé.

          Mes yeux se ferment. L’air devient glacial. Mes yeux s’ouvrent. L’air devient brûlant.

          Sullyvan n’est plus là. Il a disparu.

— Touché, susurre soudain sa voix, derrière moi.

          En un battement de cils à peine, alors que je le croyais en position de faiblesse, il s’est matérialisé dans mon dos. Je n’ai même pas eu le temps de réagir ni de comprendre.

          Soudain, un liquide chaud coule depuis ma gorge. Je ne ressens aucune douleur. Je reconnais simplement cette sensation familière.

          Du sang.

          Je saigne.

          Sullyvan est parvenu à me faire saigner.

— Tu ne t’attendais pas à ce que je te maîtrise si facilement, hein ? rit-t-il grassement. Tu croyais pouvoir me…

          Ma main droite balance brutalement les chaînes dans mon dos. En un enchaînement complexe, mais immédiat, elles s’enroulent autour du cou de Sullyvan. Je tire dessus, le projetant au sol. De mon pied, je l’immobilise entièrement, appuyant sur son ventre.

          Je peux l’entendre grogner de douleur. Cependant, je n’en ai que faire. Il se débat, sous ma botte. Sans succès.

          Mes yeux demeurent fixés sur les perles écarlates courant sur ma main gauche. La même que j’ai posée sur ma gorge, là où les ongles de Sullyvan ont tranché ma peau.

          Je saigne.

          Je ne parviens pas à ôter mon regard vacillant du liquide rouge. Rien ne saura m’en défaire. Car une seule pensée absorbe ma psyché. Les vestiges d’une phrase que moins précepteur m’a murmurée, quelques années après ma naissance seulement.

          Le souvenir de cette conversation me revient. Voilà fort longtemps que je n’y avais pas pensé…

« Professeur… Je ne veux pas le faire ! »

« Pourquoi ? Tu as peur d’avoir mal ? Les guerriers auront pourtant tous mal un jour et tu fais partie d’un ordre martial. »

« Non ! Je ne veux pas salir ma nouvelle tenue ! Emma a grondé son fils qui avait saigné du nez. Elle a jeté sa tunique. Elle dit que rien ne nettoie les taches de sang. »

« Oh… Ne t’en fais pas pour cela, mon enfant. Tu ne saigneras pas. »

« Comment tu peux le savoir ? Tu me demandes de me battre à l’épée ! »

« Les Pythies des Âmes ne saignent pas. »

« Et si elles saignent ? »

          L’hémoglobine coule sur mon torse, suivant le même chemin que la larme qui dévale soudain ma joue.

« Alors, elles ne sont plus des Pythies des Âmes. Les dieux les ont bannis de cet ordre sacré. »
















































•    N  D  A    •

j'espère que le chapitre
vous a plu !

je suis vraiment désolée
pour le retard, j'ai
procrastiné pour être
transparente mdrr





































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