𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟖
















C  H  A  P  I  T  R  E   3  8

    























           Le violon s’est tu. Plus aucune musique ne résonne. Comme si, en cet instant, le temps venait de se suspendre.

           Mes lèvres s’ourlent en un rictus tandis que je contemple la silhouette devant moi.

— Les décennies s’écoulent et tu demeures inchangée, Mélodie, je lance dans un rire rauque.

           Devant moi, un humanoïde rougeâtre s’articule dans des flammes. Ces dernières ondulent sur son corps immobile. Il me fait face, me regardant sans qu’aucune expression ne traverse la boule cuivrée qui lui tient lieu de visage.

— Tu envoies d’autres se battre à ta place.

           Mélodie est une lâche. Elle l’a toujours été. 

           Son pouvoir réside dans les musiques qu’elle joue. De son violon, elle peut articuler n’importe quel être inanimé ou vivant. À l’exception de ses sœurs Pythies qui résistent à son pouvoir, elle peut prendre possession de chacun.

           Alors, tapie dans l’ombre, elle se bat de loin. Jamais elle ne risque le moindre cil.

Je suis surprise que tu n’aies pas pris possession de l’un d’entre eux… Voir Sullyvan étriper Hector vivant aurait été tordant, non ? j’insiste en lançant un regard à l’intéressé qui brandit son majeur en ma direction.

— Hé, la vioque. T’arrêtes avec tes idées à la con ?

— Ferme-la, gronde aussitôt Gojo à l’intention du Prêtre Poisson.

           Hector ricane avant de montrer les dents. Je me fige un court instant à cette vision.

           Sa grand-mère… Arquella Evilans. Elle affichait le même air terrifiant lorsqu’elle menaçait quelqu’un. Elle avait cette manière d’écarquiller les yeux en avançant la mâchoire qui faisait frissonner toutes les chairs. Y compris celles des êtres démoniaques que nous étions.

           Il ne l’a jamais connu… Pourtant, il lui ressemble énormément.

— Alors comme ça, tu refuses qu’on menace celle qui a décimé ton clan ?

           Ma mâchoire se contracte. Un frisson court le long de mon échine. Le visage de cet enfant, dans le désert, revient alors à mon esprit. Et ses paroles résonnent en moi comme une funeste mélodie.

« Tu n’es pas celle qui a donné de l’eau empoisonnée aux civils. Et le démon en toi non plus. »

           Mes mains tremblent, dépassant de mes manches.

« Elle a oublié qu’elle était responsable de ce massacre. Et elle a vécu toute son existence sans s’en souvenir. Elle t’a toujours cru coupable. »

           Gojo… 

           Jamais il ne doit le savoir. La seule chose qui le maintient en vie est sa haine contre moi. Je ne peux pas lui laisser renoncer à cela.

           Surtout que je n’oublie pas le plus cisaillant.

« Elle a oublié. »

           Satoru Gojo a perdu ses pouvoirs pour rien.

           Car, je n’étais pas coupable. Il n’avait pas à me tuer pour venger son peuple. Il n’aurait jamais dû renoncer à sa magie.

Elle a décimé mon clan, donc logiquement, elle a assez de pouvoirs pour tuer des entités puissantes. En d’autres termes, ferme ta grande gueule et retourne jouer avec ta main droite pendant que les grandes personnes s’occupent du danger, siffle Gojo en le fusillant du regard.

— La ferme, vous deux.

           Mon ton est ferme, quoique passablement agacé. Mon attention se reporte sur la créature de flammes immobile.

Je crois que l’unique raison pour laquelle tu ne prends pas possession d’eux est que cela va profondément à l’encontre de tes codes moraux. N’est-ce pas, Mélodie ? je demande en inclinant la tête sur le côté.

           Un sourire doux étire mes lèvres, bien qu’elle ne puisse pas me voir.

Allons, cesse de faire ta tête de mule. Tu ne veux pas te battre avec moi, je le sais. Accède simplement à ma requête.

           En quelques pas, je rejoins la créature de flamme. D’un air détendu, je gambade, ignorant la température qui se réchauffe à mesure que je réduis la distance entre ma personne et l’humanoïde.

           Directement dans l’endroit où devraient se trouver ses yeux, je regarde l’homme incandescent. Puis, je chuchote de sorte que seul lui puisse l’entendre : 

Qu’en dis-tu, Mélodie ? Acceptes-tu d’écouter une sœur ? De ne pas te laisser aller à la violence bestiale qui ne nous représente pas ? Allons… Tu sais que nous méritons mieux que ça. Et là est la raison pour laquelle tu n’as pas possédé l’un d’entre nous pour nous détruire… Tu vaux mieux que ça.

           Seul le crépitement des flammes sur le corps retentit durant quelques instants. Un peu de cendres tombe de la silhouette immobile.

           Soudain, une voix glaciale retentit : 

— Tu le sais, j’ai toujours été estomaquée par tes talents de guerrière.

           La voix de Mélodie semble venir de partout et nulle part en même temps. Elle s’éclate sur les parois de la grotte en échos profonds.

           Je serais incapable de dire où elle se trouve.

           Je souris à ses paroles. J’étais la plus douée de notre sororité lorsqu’il s’agissait de manier les armes. En temps normal, je n’aurais pas perdu un instant avant de la réduire à néant.

           Cependant, je n’ai plus mes pouvoirs. Et, même si un Ange de la Nuit, un Page Ancestral et un elfe surentraîné à savoir Sullyvan, Hector et Gojo s’allient pour lui faire face, ils n’auront jamais la moindre chance.

           Soit, nous arrivons à l’amadouer, soit, nous mourrons tous. Il n’y a pas d’intermédiaire. Et il existe encore moins de scénarios où nous gagnons.

           Elle est une Pythie des Âmes.

Oui, insiste Mélodie, je n’ai jamais cessé d’admirer ton talent de combattante.

           Elle éclate d’un rire gras en assénant : 

Mais bon sang, tes capacités de manipulation ont toujours été inexistantes.

           Ma mâchoire se contracte. Ce démon de pacotille a cerné mon jeu.

           Ma réaction est immédiate : 

— GOJO, RECULE !

— ET NOUS, ON EST LES VOISINS DE PALIER, POUFFIASSE ?

           Ma réponse est aussitôt avalée par un ré qui résonne dans la salle. Sa musique est si claire et vibrante qu’il pénètre ma peau. Cette dernière tremble sur mon corps et mes poils se hérissent.

           Mes yeux s’écarquillent. J’ai simplement le temps de voir un éclat de lumière devant mes yeux.

           La créature de flammes s’est animée. Et elle vient de me donner un coup. 

           Je n’ai pas le temps de l’éviter. Je contracte mes muscles, prête à le parer. Un poing enflammé va être douloureux. Mais, ce ne sera pas la première fois que j’affronterais une telle douleur.

— Sale folle ! retentit une voix tandis qu’un bras s’enroule autour de ma taille, me tirant en arrière.

           Mon dos s’écrase contre un torse quand je tombe au sol. Aussitôt, je comprends que Gojo m’a évité un coup de poing presque létal.

           D’un geste de colère, il me repousse. Je roule sur le côté et je croise son regard furieux.

Pour une grande guerrière, t’as vraiment deux de tension ! Tu comptais le laisser te frapper comme ça ? Sans même réagir ? Mais, t’es faible ou quoi ?

— Je suis pas un minable petit elfe, je peux encaisser les coups ! J’avais pas besoin de toi pour me sauver les miches ! 

— Je vais t…

           Un nouveau ré retentit. Aussitôt, je roule sur le côté. L’instant d’après, un pied enflammé s’écrase là où je me tenais, quelques instants avant.

           Le silence revient. Le corps enflammé s’immobilise. Il ne bouge que quand des notes de musique retentissent.

           Assise au sol, les jambes trainant devant moi, la tête renversée en arrière pour le regarder, je respire difficilement.

— C’est moi ou pour une créature démoniaque, il est vachement lent ? demande Hector en gardant les bras croisés, se triturant les ongles.

           Sullyvan, lui, a étalé des cartes de tarot devant lui et contemple son jeu, assis en tailleur.

— Mais je rêve ! je m’exclame en les voyant. Vous pensez pas que vous avez mieux à faire ?

           À mon commentaire, le Prêtre Poisson se tourne vers l’ange. Et, découvrant le blondinet assis en tailleur sur le sol, il exulte de colère : 

— Sullyvan ! Elle est sur le point de se faire botter les fesses ! Sois attentif, je te prie !

           Ce dernier hausse la tête sans grande conviction. Ma mâchoire se contracte en voyant qu’ils ne comptent pas m’aider.

           Une fois que j’en aurais fini avec le démon, je les éclaterai un par un.

           Un autre ré retentit. Plus long cette fois-ci.

— Qu’est-ce qu’il est lent ! insiste Hector tandis que je bondis sur mes pieds et évite de justesse la créature enflammée qui court jusqu’à moi.

           Elle me dépasse et continue de courir sur quelques pas avant de s’arrêter brutalement, réalisant qu’elle m’a manquée.

           Ma mâchoire se contracte et je lâche un rire agacé en constatant sa vitesse ridicule.

— Oh, j’y crois pas, je gronde.

           Elle veut m’humilier.

           Si elle jouait du violon avec frénésie, sa créature se battrait avec hargne et rapidité. Plus elle est lente, plus les mouvements du monstre sont pathétiques et sans aucune précision.

           Elle le fait exprès. Elle ne joue qu’une note à la fois, sans aucune intensité, simplement pour me faire courir et se moquer de moi.

— Quoi ? N’es-tu pas contente que je m’abaisse à ton niveau ? retentit à nouveau sa voix.

           Je lâche un rire rauque, dissimulé sous ma capuche. Gojo a visiblement remis celles-ci sur ma tête avant que la lumière ne revienne dans la grotte. 

           Peut-être a-t-il compris que je n’accepterai pas qu’Hector et Sullyvan voient mon visage.

— Mon niveau ? je répète dans un autre rire. Tu crois vraiment que tu veux te mesurer à mon niveau ?

           Pour toute réponse, un autre ré retentit. La créature remue à peine.

           Mélodie me provoque.

— Dans ce cas… Tu vas goûter à mon niveau.

           D’un geste sec, je tire sur ma chaîne. Cette dernière tombe dans ma main et je commence à la faire tournoyer. M’approchant du corps enflammé, je ris sinistrement.

           Ce dernier ne bouge pas. La distance entre nous réduit. Mais, il ne remue pas. Je crois qu’elle teste jusqu’où je suis capable d’aller sans mes pouvoirs.

           Et là est la différence fondamentale entre eux tous et moi.

           J’irai partout. Qu’importe mon état.

           Je hurle : 

LE VOILÀ, MON NIVEAU.

           Dans un bond, je projette ma chaîne vers le corps. Aussitôt, un ré retentit à nouveau. Mais, il est suivi d’autres notes. Précipitamment jouées après le premier son.

           Elle joue à toute vitesse.

           Je ricane. Mélodie ne semble plus aussi sûre d’elle.

           Au rythme de la musique, le corps s’anime. Ma chaîne s’enroule autour du bras de la créature qui s’en défait aussitôt. Son autre main frôle ma joue. Je l’esquive de justesse.

           Aussitôt, son genou tape mon ventre. Me pliant en deux, une giclée de sang noir jaillit aussitôt de ma bouche. Dans un gémissement de douleur, je titube loin de lui. Mon ventre brûle tant que je pourrais tourner de l’oeil.

           Cependant, je n’ai pas dit mon dernier mot.

           La main du monstre se lève. Aussitôt, ma chaîne s’enroule autour de son bras. Il tente de s’en défaire, mais je la resserre. Son autre main s’abat violemment sur ma tête. 

           Mes dents se serrent et ma tête vrille. Il me semble que le monde s’arrête de tourner tant la violence du coup me choque. Mon esprit se fait blanc durant quelques secondes. Je ne pense plus. 

           Ma paume reste sur la chaîne. Mon corps se liquéfie presque, mais je garde le dos droit. 

           Je ne lâcherai pas. 

— N’espère même pas me faire desserrer ma prise, je ris malgré la douleur.

           Mes doigts demeurent fermes sur les maillons de métal.

           Le regardant avec noirceur, je garde mes lèvres étirées en un rictus dément. La créature tire avec violence sur la chaîne, tentant de s’en défaire. Le violon s’emballe, crissant sur les cordes.

           Mais, il est trop tard.

           Mon épée ne fait aucun bruit lorsqu’elle fend l’air. Sa mélodie devient pourtant sifflante quand la lame tranche soudain la gorge de l’humanoïde enflammé.

           Le silence tombe soudain.

           Total.

           Le monstre ne bouge plus. La tête glisse de ses épaules avant de tomber au sol. Un bruit spongieux retentit quand la collision a lieu.

           Le reste du corps s’effondre. Le feu s’évanouit en quelques secondes. Le corps s’éteint.

           Je me retourne alors dans un sourire : 

— Viens m’affronter, maintenant…

           D’un geste brutal, j’abaisse ma capuche.

— …En face à face.


















































•    N  D  A    •

j'espère que le chapitre
vous a plu !

je vous avoue que je suis
pas vraiment satisfaite
et je comprendrais si
vous pensez qu'il a besoin
d'une réécriture
















































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