𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑
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C H A P I T R E 3
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Nous arriverons bientôt à destination. À travers la fenêtre, le sable du désert des Evilans a laissé place aux montagnes marquant la jonction du désert au royaume Satosakura. Maintenant, en plein cœur de ce dernier, nous pouvons admirer les forêts vertes et foisonnantes bordant la capitale impériale.
Ce n’est qu’une question d’heures avant que d’imposants bâtiments de marbre n’apparaissent. Leur avènement signifiera que nous sommes à proximité du palais.
— Le reste des hommes séjournera dans des tavernes. Toi, tu entreras au palais avec moi, affirme le marquis en jetant un regard aux soldats éparpillés autour du carrosse, sur des chevaux.
Il ne semble pas nerveux. Mora est une femme particulièrement respectée dans le désert des Evilans. L’impératrice elle-même ne remettrait pas en question son jugement. Alors, je suppose que Wolfrid n’a nul besoin de me voir en action pour me faire confiance.
— Ces débilités diplomatiques me fatiguent, soupire-t-il en astiquant sa chevalière à l’aide d’un chiffon. À la fin de la guerre, les Pages Ancestraux ont disparu. Gojo les a retrouvés, génial. Sommes-nous obligés de convier les personnages les plus importants du palais pour de telles bêtises ? J’ai déjà salué Yevhen dans une lettre. Inutile de s’étendre aussi longtemps sur le sujet.
Alors le duc est un bélier… Cela ne m’étonne guère.
En fonction de sa date de naissance, chaque individu naît sous le sceau d’un signe. Le signe astrologique d’un individu lui confère un pouvoir magique qu’il développe lorsqu’il atteint l’âge adulte. Les personnes ne développant aucun pouvoir, les sephtis, sont considérées comme maudites.
Chaque signe astrologique possède un représentant sur terre. Il s’agit des mages les plus puissants dans leur domaine. Au nombre de douze, un par signe astrologique, ils constituent le cercle des Pages Ancestraux.
Yevhen est le Page bélier. Si le marquis de Wolfrid l’a salué, cela signifie qu’il est lui-même bélier. Cela ne m’étonne guère.
— Si vous voulez mon avis…
Le carrosse est soudainement secoué. Des hennissements déchirent le silence, doublés de hurlements humains. Retentit le son des épées tirées de leur fourreau.
Le vent a tourné.
Brutalement, le silence revient. Mais il n’est pas seul, cette fois-ci. Une bien étrange musique l’accompagne, composée des battements de cœur qui n’osent pas retentir, des frissons qui ne seront pas émis, de pleurs qui n’éclatent pas… Lorsque la terreur n’est pas audible, elle se fait sentir.
Et je l’inspire. À plein poumons.
— Cesse tes enfantillages, je demande calmement.
Le marquis fronce les sourcils, me lançant un regard curieux.
— Quoi ? Mais je n’ai rien f…
— Ce n’est pas à vous que je parle.
Penchant la tête sur le côté, le marquis m’observe étrangement. Son regard se pose sur la fenêtre et un éclat d’horreur traverse son regard lorsqu’il réalise que ses soldats ont disparu. Plus personne ne se trouve sur les chevaux. Seule la forêt vierge nous entoure.
— Yeon, je ne me répéterai pas.
Un rire retentit, arrachant un sursaut au marquis. Vivement, il se tourne vers l’espace vide à sa gauche. Là où vient de retentir ce son.
— Les années passent, mais je ne parviendrai jamais à te surprendre… N’est-ce pas ? retentit une voix, juste devant moi.
Un battement de cils. Elle apparaît à nos yeux.
À côté du marquis, sur la banquette, une femme vient de se matérialiser. Sa peau de porcelaine semble irréelle dans l’obscurité des lieux. Les années se sont écoulées, mais elle n’a pas changé. Les mêmes cheveux semblables à une cascade de ténèbres, des lèvres gorgées de sang et un visage d’une finesse traître.
Yeon. La Page Ancestrale des Verseaux. Capable d’invisibilité.
— Vous… Vous connaissez un des Pages Ancestraux ? s’exclame le marquis, optant soudainement pour un vouvoiement plus respectueux.
Cette question est d’une inutilité telle que je ne prendrais pas la peine de formuler une réponse. Je préfère poser mon regard sur Yeon.
— Combien de fois t’ai-je dit de ne pas faire disparaître les gens ? Ramène-les.
Les lèvres de la mage se plissent en une moue tandis qu’elle jette un regard à l’extérieur du carrosse. Un instant, elle ouvre la bouche, prête à protester. Mais elle se ravise aussitôt.
Sa main se lève en un geste élégant et ses doigts tracent une rune dans les airs. Aussitôt, des cris de panique se font entendre.
Les soldats viennent d’apparaître. Et ils sont très bruyants, croyant à une attaque.
— Protégez le marquis !
— Quelqu’un peut me dire pourquoi ce connard de cocher s’est arrêté ?
— Où étiez-vous ? Le carrosse avait disparu !
— Battez-vous !
Dans un soupir, le marquis pince l’arête de son nez.
— Faites les disparaître à nouveau. Ou faites les taire, ordonne-t-il en fermant les yeux, agacé de tous ces hurlements.
— Et pourquoi obéirais-je à un simple marquis ?
Le concerné ouvre les yeux, s’arrêtant sur ce profond manque de respect. Un éclat d’agacement traverse son regard qu’il tourne vers Yeon.
Mais elle a à nouveau disparu. Il se redresse, cherchant n’importe quoi qui trahirait sa présence, malgré son invisibilité. Cependant, seul un rire résonne, avant qu’elle ne s’en aille définitivement.
Les soldats continuent de hurler, cherchant la raison de cet arrêt soudain. Je crois même percevoir le bruit d’un guerrier disputant le cocher. Le marquis n’y accorde plus d’importance, fronçant les sourcils.
— Vous m’expliquez ce que c’était que ça ?
— Un Page Ancestral.
— Non, je… Je l’ai bien compris. Mais de quel droit nous arrête-t-elle ? Qui croit-elle être ? Je suis membre de la noblesse !
— Les Pages Ancestraux sont les personnes les plus puissantes du royaume, à l’exception de l’impératrice.
Sa mâchoire se serre brutalement. Le marquis n’est pas un homme inculte, il sait parfaitement qu’il se situe à quelques rangs du statut de Page. Devant lui se trouvent les ducs, les princes, les conseillers impériaux, les Anges, les Pages puis l’impératrice.
Je suppose qu’après avoir mené tant de batailles pour l’Empire, il s’attend à plus de reconnaissance. Je peux comprendre les raisons de sa frustration. Mais celle-ci est vaine.
Il est inutile de vouloir à ce point briller dans le regard des autres. S’il est suffisamment conscient de sa propre valeur, il n’y a aucune raison pour lui de serrer les dents à cause d’un grade. Seul lui devrait définir qui il est et son importance.
L’égo est un poison qui se prétend antidote. Ses frustrations ne l’aideront pas.
— Yeon a toujours aimé se servir de son invisibilité pour faire des farces. Ne prenez pas cela personnellement. Elle aurait été capable de faire cela à l’impératrice en personne. Mais il y a une bonne nouvelle dans ce qu’il vient de se passer.
— Laquelle ?
— Elle n’aime pas sortir trop loin de l’endroit où elle demeure. Nous sommes donc à moins d’une heure du palais impérial.
Le marquis se détend quelque peu, jetant un regard à ses soldats. Ceux-là gesticulent toujours autant, cherchant les raisons de cet arrêt.
D’un geste sec, il ouvre la porte. Sans même hausser le ton, il déclare simplement :
— Êtes-vous des aspirants pour vous comporter de la sorte ?
Aussitôt, les cris se taisent. Les soldats remontent en selle, se tenant soudainement droits et fiers.
— Nous arrivons aux portes du palais. Évitez de me faire honte devant Sa Majesté.
— Oui, commandant, répondent-t-ils en chœur, une main sur leur plastron argenté.
La portière se referme quand il s’installe plus confortablement sur son siège. Le carrosse tressaute et le cocher reprend son chemin. Le bruit des sabots retentit au rythme du paysage défilant autour de nous.
— Vous n’êtes seigneur d’aucune terre, ne faites pas partie de la noblesse… Comment pouvez-vous connaître un Page Ancestral ? me demande soudain le marquis.
Sous ma capuche se dessine un rictus.
— Marquis, il s’agit là d’une trop longue histoire.
Les sourcils de l’homme se froncent quand son regard se plisse. Je n’y accorde aucune espèce d’importance. Je ne suis pas le genre de personnes qu’une expression faciale ou un grade effraie. Et je ne mens pas.
Il s’agit là d’une trop longue histoire qui date d’une ancienne vie.
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• NDA •
je sais l'intrigue progresse
lentement. vous commencez
à me connaître, j'aime prendre
le temps de tout mettre en
place
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