𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟖
















C  H  A  P  I  T  R  E   1  8























— Je crois que je préfèrerai être aveugle, résonne la voix acerbe de Charles.

           Je saisis son point de vue. La succession de murs maculés de taches sombres — seulement illuminés d’une lumière froide qu’est la magie bleue de Satoru —  provoque un frisson général. Seul l’hybride semble insensible à la situation. Comme s’il n’était pas surpris de découvrir un tel spectacle en ce lieu.

           Muet, il mène la cadence. Dans le silence abyssal de ce dédale de couloirs obscurs, seuls nos souffles résonnent. Par moment, au détour de tâches humides dans le sable, en flânant à côté d’une auréole noire maculant un mur, un commentaire nous échappe.

           Il fait froid. Pourtant, aucune brise ne nous traverse. Il s’agit simplement de l’humidité glaciale des pierres.

— Nous sommes manifestement dans des catacombes.

           Yevhen acquiesce doucement à mes dires tandis que l’émeu pousse un caquètement agacé. Ses yeux se dardent sur les cheveux coulant en rivière de givre dans le dos de Satoru. Il ne réagit pas à nos paroles depuis que nous avons commencé à marcher.

— Satoru, quand allons-nous émerger ? insiste Yevhen qui, comme nous, commence à saisir que l’elfe en sait manifestement davantage que nous trois.

           Cependant, l’intéressé ne répond pas.

— Satoru ! peste Charles.

           Le silence subsiste. Abyssal et presque vertigineux.

— Gojo, j’appelle à mon tour.

           Aussitôt, sa silhouette s’arrête. Dans une ondulation de chevelure enneigée, il se retourne. Les célestines coruscantes de son regard étincellent dans l’obscurité telles de froides lucioles. Elles attirent aussitôt mon attention, m’ancrant dans les pétales scintillants de ses iris. Un sourire délicat incurve ses lèvres.

— Oui, ma chère ?

— Pourquoi gardes-tu le silence ainsi ? Que nous caches-tu ?

— Garder le silence ? Vous cacher quelque chose ? répète-t-il dans un froncement de sourcils. Est-ce ainsi que mon mutisme est perçu ? Non… Je ne voulais simplement pas parler inutilement.

           Sous ma capuche, je pousse un soupir las. Il ment. 

— Alors pourquoi acceptes-tu de me répondre ?

— Parce que jamais, je ne pourrais consentir à t’ignorer.

           Roulant des yeux, je double mon soupir. La bouche ouverte, j’en profite pour le rappeler à l’ordre.

— Je commence à en…

           Un grondement sourd retentit brutalement, engloutissant le reste de ma phrase. Sépulcrale, il jaillit de la terre même, grimpant le long des murs autour de nous qui tremble sous ses échos. Un frisson grimpe le long de ma colonne en une caresse familière…

           Yevhen tombe à genoux, sa main se posant sur son cœur. Charles s’écroule dans le sable, battant des ailes dans des tentatives vaines de garder l’équilibre. La mâchoire serrée, je les observe défaillir, solide sur mes deux jambes malgré le séisme.

           Satoru hoquète. Son corps vacille.

           D’un geste que je ne réfléchis pas, j’enroule mon bras autour de sa taille, le rattrapant in extremis avant de le ramener contre moi. Aussitôt, son visage se loge dans le creux de ma capuche et je serre les dents, le sentant nettement inspirer mon parfum.

           Je songe à desserrer mon bras pour le laisser tomber. Mais, je me rappelle alors du moment où, alors qu’une puissante magie ancestrale m’a soulevée de terre, ses bras se sont enroulés autour de mon corps et il a usé de son être entier pour absorber le choc et me protéger.

           Baissant les yeux, je pousse un soupir face aux doigts cramponnés à ma cape.

— T’es sûre que tu ne veux pas m’épouser ? couine-t-il contre mon tissu, des morceaux de murs tombant en gravats autour de nous.

— Gojo.

           Ma main saisit avec fermeté sa mâchoire. Mon pouce s’enfonce dans sa joue gauche et mon index, dans la droite. Brutalement, je le force à relever le visage pour me faire face.

           Malgré ma poigne, il sourit. Un rictus tel que ses yeux lumineux se plissent, éclatant en une fente mirifique entre ses cils de givre.

— Oh… Ça devient intéressant…

— Gojo, tu vas me répondre. Qu’est-ce que tu nous caches ? je cingle entre mes dents serrées.

           Mais son sourire s'accroît sans qu’il ne parle. Une pointe de malice perce ses yeux de glace.

— Ce qui fait trembler les catacombes, là, c’est une magie ancestrale. Tu savais qu’elle nous tomberait dessus, pas vrai ? Pourquoi tu ne nous as rien dit ?

           Il s’accroche à moi. Sa chaleur se referme autour de mon corps, mais elle n’a rien de menaçant. Le sourire sur ses lèvres non plus, d’ailleurs. Il est simplement espiègle.

— Gojo !

— Je le sais…

           Mes sourcils se froncent. Mes doigts s’enfoncent davantage dans sa chair. Autour de mes phalanges distales creusant sa peau, des rougeurs apparaissent. Je les vois malgré les lueurs bleues nous illuminant. Elles revêtent une teinte noirâtre, comme une tâche d’encre autour de mes doigts plantées dans ses joues.

           Je lui fais mal. À un point tel que ma main laisse une trace. Pourtant, il sourit.

           Pourquoi sourit-il ?

— Tu sais ? je répète en écarquillant les yeux. Que sais-tu ?

— Je sais qu’il est somptueux, le spectre qui se cache sous ta capuche…

           Les murs continuent de s’écrouler autour de nous. Du coin de l'œil, j’aperçois l’amas de poussière déposé comme un drap sur la silhouette de Yevhen et Charles.

— Tu sais que nul être vivant n’a vu mon visage. Si tu insistes, je peux te le montrer, mais tu en paieras le prix.

           Sa paume glisse par-dessus mes articulations métacarpophalangiennes en une caresse étonnamment chaude. 

Oh oui, tue-moi, rit-il doucement.

           Mon souffle se fige dans ma poitrine. Un sursaut de terreur secoue mon corps. Quelque chose vient de se passer, en moi. Une déferlante a secoué, l’espace d’un court instant. Si puissante qu’il m’a semblé que les morceaux de mon âme allaient se décrocher, imitant les murs autour de nous.

           Soudain, je réalise.

           Ce sursaut qui vient de secouer mon être… Il s’agit d’un battement de cœur.

           Oui. Pour la première fois depuis que je suis démon, mon cœur bat.

— Tu veux mourir ? 

           Sa paume libre glisse sur mon bras, se cramponnant à mon épaule. Nos torses collés partagent une même respiration, se pressant l’un à l’autre en une lutte embrasée tandis que sa main demeure sur la mienne, accrochée à sa joue.

— Non, je veux sentir ton pouvoir. Je ne vis que pour connaître ta puissance. Et si mourir est le prix à payer, alors que je meurs.

— Ta propre vie n’a donc aucune valeur à tes yeux ?

— Elle aura la valeur que tu lui donneras.

           Mon sang ne fait qu’un tour. Quelques images de cheveux blancs mêlés de sang surgissent à ma mémoire. Des souvenirs de cette nuit-là, où les dynasties Gojo se sont écroulées en un chaos de terreur, m’ont marquée au fer. Sous le regard de Nyx, la déesse de la nuit, j’ai marqué un terme à l'existence d’un peuple.

           Et leur ultime survivant m’offre aujourd’hui sa gorge ?

— Si tu ne peux pas te montrer utile, tâches au moins de te taire.

           Dans un grondement rauque, je projette l’homme au sol en poussant sur son visage que je tenais. Un rire échappe Gojo qui s’écroule entre Yevhen et Charles.

           D’un geste vif, je saisis une chaîne que j'abats brutalement sur un mur. Aussitôt, les tremblements s’arrêtent. Le couloir se fige et des gravats cessent de tomber des murs. Le calme revient.

           Au sol, Yevhen, Charles et Satoru sont inconscients.

— Tant mieux. Ils ne traîneront pas dans mes jambes.

           Ma cape balaye la poussière maculant le corps de Satoru quand je l’enjambe. Observant le visage de l’endormi, je peux presque apercevoir l’ombre d’un sourire. Pourtant, je sens qu’il ne fait pas semblant de dormir. Depuis la scène qu’il m’a faite dans le désert, je suis plus attentive à ses “évanouissements” et leur crédibilité.

           Bientôt, les lueurs bleues de Satoru laissent place à l’obscurité totale. Étant inconscient, il ne peut plus entretenir sa magie.  Je ne vois plus rien autour de moi.

           Du pied, je dessine une rune de protection dans le sable. Les chaînes ont beau m’empêcher de mobiliser la magie comme je l’entends, les démons sont par nature des outils de pratique de sorts : si je trace une rune, qu’importent mes conditions, maladies, idées reçues, cette dernière sera active. Le territoire que je quitte sera donc protégé de toute forme de magie jusqu’à leur réveil.

           Fermant les yeux, je me concentre sur les sons m’environnant, le mouvement des grains de sable, presque imperceptible, sur notre terre tournante. Me parviennent aussi les odeurs, plus ou moins âpres à mesure que les catacombes s’élèvent ou s’enfoncent dans le sol.

           Quelques minutes s’écoulent avant que le sable sous mes pieds ne durcisse, devenant du sol. Je grimpe des marches en colimaçon, les murs étroits frôlant mes bras de chaque côté.

           À mesure que je m’élève, une chaleur me gagne. Elle caresse d’abord ma peau de façon lointaine, à travers ma capuche. Puis, elle se fait plus pressante.

           Au loin, j’entends un rire. Le tintement d’une vaisselle. Quelqu’un dine.

— Un peu de rouge pour faire passer ça ! Servez-moi, mon brave !

           La magie ancestrale nous ayant percuté de plein fouet tout à l’heure, je me serais attendue à ce qu’une poignée de soldats soit campée de pied ferme en haut de ces escaliers… Pourtant, il n’y a rien. J’entends même les bribes d’un repas convivial.

           Une porte s’ouvre, dessinant un rectangle de lumière devant moi. J’y aperçois un fragment de couloir sur lequel cet escalier donne.

           Franchissant le seuil de cette porte, je sors des escaliers. Je n’ai le temps de regarder en détail le corridor dans lequel je viens d’atterrir que la porte claque dans mon dos.

           Une voix féminine éclate : 

— Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ?
















































•    N  D  A    •

j'espère que ce nouveau
chapitre vous a plu !

je tiens à aborder un point.

les actes commis par tp sont
d'une cruauté sans nom et
le massacre d'une dynastie ne
peut être justifié.

je vous demanderai s'il vous plaît
de me.faire confiance sur l'évolution
de l'intrigue concernant la
famille gojo



































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