𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟒















C  H  A  P  I  T  R  E   1  4





















        L’ardente chaleur des régions sanguines perturbe l’air qui revêt des allures de drap secoué par le vent. Ma vision s’étire et tremblote tandis que nous marchons.

—  Il semble peser lourd. Tu aurais dû l'abandonner, fait remarquer Charles en me jetant un regard en coin.

        Hissé en travers de mes épaules, Satoru demeure inconscient. Je me doutais qu’il avait été particulièrement affaibli par l’attaque du désert lorsque ses veines sont devenues noires à travers sa peau. Cependant, je ne m’attendais pas à ce qu’il s’évanouisse quelques secondes plus tard.

        Charles a été aussi surpris que moi. Pour sûr, n’importe qui ayant connu un monde qui tremblait au moindre battement de cil du clan Gojo peut être étonné de la faiblesse de son dernier survivant.

— On ressent aisément son sang humain, insiste-t-il face à mon mutisme, plissant les yeux pour mieux sonder le visage endormi qui pend le long de mon bras.

— Il vient de me sauver la vie. Je ne l’abandonnerai pas.

        Un soupir jaillit de Charles qui secoue la tête en mouvement saccadé.

— Les années en prison t’ont ramollie. Jadis, tu faisais honneur à ta réputation de démon… Tu ne te laissais pas attendrir par des peccadilles.

        Je me contente de sourire sous ma capuche. Charles n’est que violence et quête de pouvoir. Il a fragilisé la lignée impériale à de nombreuses reprises par le passé. Et, sa vision exclut toute forme d’empathie pour l’Humain.

— Enfin… Sont-ce les années en prison ou ces chaînes contre-nature que tu portes ?

— Contre nature…, je répète dans un haussement de sourcils. Il s’agit d’un châtiment. Cela est tout à fait naturel après mon crime.

— Crime ou pas, tu n’as même pas pu encaisser une simple attaque ancestrale.

— Une simple attaque ancestrale ? je raille devant cette formulation euphémique. Les pouvoirs ancestraux font partie des plus puissants de cette carte.

— Les pouvoirs démoniques aussi, mais tu n’y as plus accès, avec tes sottises, cingle-t-il en désignant d’un coup de tête les chaînes couvrant ma cape.

        Qu’importe. Les pouvoirs démoniques sont assez puissants pour permettre de survivre à une attaque ancestrale. Mais ils ne sont sûrement pas capables de la contrer. Il s’agit d’une forme de magie prenant racine dans la première déesse, Gaïa. Il n’est pas possible de la balayer d’un simple revers de manche.

— Pourquoi s'acoquiner d’un poids pareil ? insiste Charles en observant la silhouette inconsciente de Satoru. Il n’est même pas entièrement elfique. Et ce n’est pas comme s’il était issu d’un sort. Il vient d’un accouplement naturel entre une elfe et un humain.

— Encore heureux.

        Certains mages sont capables de procréer à partir de sorts particulièrement sombres. Ils enfantent alors des créatures dont le pouvoir est si mauvais qu’il les prédispose à vivre plus ou moins longtemps au Tartare, aux côtés des personnes de leur puissance. Là-bas, ces enfants ne sont pas torturés. Ils y apprennent quelle éternité de damnation ils peuvent encourir s’ils utilisent leur pouvoir à tort. Cependant, les horreurs qu’ils y voient les perturbent à jamais.

        Ils payent pour les crimes d’un autre. Sulyvan, enfant de Lycus et Mael est né de la sorte. J’ai ouï-dire qu’il n’utilisait pas ses pouvoirs les plus sombres. Sans doute est-il terrifié à l’idée de retourner dans cette partie-là des Enfers.

— Sais-tu que les humains disent qu’il est un mage puissant ? Et même l’un des plus puissants ? Ils n’ont honte de rien, commente-t-il en fusillant Satoru du regard.

— Les humains considèrent la puissance des humains seulement. Ils préfèrent ne pas penser qu’il existe pire qu’eux. Des anges, des démons, des dragons…

— Les dragons sont une légende, tonne Charles d’un ton abrupt, refusant formellement d’entendre le contraire.

        Je n’argumente pas davantage. Je suis consciente qu’il se trompe. Cependant, je ne vois aucun intérêt dans la tâche de le convaincre du contraire. S’il souhaite se fourvoyer, cela le regarde.

— Et je sais tout cela… N’empêche que je suis ulcéré de voir qu’un homme si facilement atteignable est érigé au rang de figure de puissance.

— Ne sois pas jaloux. Tu as une très belle réputation, toi aussi.

— Tu te fous de moi ? s’exclame Charles d’un ton consterné. Les rumeurs disent que moi et mon peuple sommes des humains. Des humains, tu t’en rends compte ?

— On me confond aussi avec une humaine, mais je n’en fais pas tout un plat.

— Oui, mais tu n’as absolument aucun amour-propre.

— J’avais oublié combien ton espèce est susceptible…

— Susceptible !? Comment tu veux que les émeus prennent le contrôle de l’empire si on attribue leurs actions à celles d’humains !?

        M’arrêtant au sommet d’une dune, je tourne la tête et détaille la silhouette de Charles. Mon regard part de ses deux longues pattes et remonte à son corps horizontal et couvert de plumes. Jaillissant de ce dernier, un long cou se dresse, surmonté d’une tête flanquée de deux yeux rouges.

        Brutalement, sa tête bascule sur le côté et il plisse le regard.

— Qu’est-ce que tu fais là ? Es-tu à ce point jalouse de ma silhouette ? 

— Je me disais qu’un corps comme le tien ne pourrait jamais prendre place sur un trône.

— Je peux prendre place sur ta sépulture, si tu continues ainsi.

        Pour toute réponse, je soupire en ajustant le corps de Satoru sur mes épaules. Cela doit faire une dizaine de minutes que nous marchons et je ne vois toujours pas où Charles nous mène.

— L’entrée de ton territoire se trouve encore loin ?

— Dans la mesure où nous l’avons dépassée… Oui.

— Comment ça, “dépassée” ? je répète en le fusillant du regard.

— Là où tu étais assise entre les jambes de l’hybride… L’entrée était sous tes fesses.

        Je ne réponds pas tout de suite, préférant prendre plusieurs inspirations profondes. Je suis plutôt réservée de nature et, malgré mes victoires sur les champs de bataille, les diverses personnes que j’ai connues durant ce dernier siècle s’accordent à dire que je suis plutôt calme. Seulement, les émeus ont la faculté de me faire perdre cette tranquillité légendaire en un battement de cils.

        Le rapace devine sans doute mes pensées, car il finit par briser le silence : 

— Je voulais voir combien de temps tu pourrais porter l’hybride inutile avant de faiblir. Tu as beaucoup moins d’endurance, sans tes pouvoirs.

        Ma mâchoire se contracte sous ma capuche.

— Charles.

— Oui ?

— Donne-moi une raison de ne pas t’étrangler avec mes chaînes maintenant.

— Approximative cinq cent mille émeus.

        Je pince les lèvres.

— Argument recevable, je conclus en tournant les talons. Mais tu as intérêt à me traiter comme une invitée de marque lorsque je vais arriver.

— Tu peux toujours courir.





























        Les terres du désert sont prodigieuses. Sous la couche épaisse de sable rouge formant de solides dunes, là où mille guerriers pourraient courir sans que le sol en tremble, se trouvent des cités entières.

        Le soleil ardent du désert perce le toit au-dessus de notre tête en faisceaux de lumières multiples. Ceux-là chutent en couloirs lumineux sur la ville souterraine, révélant ses détails.

Comment avez-vous découvert cet endroit ? je demande, une fois enfoncés dans le sable.

— Le désert lui-même nous a invités ici.

        Il y a quelques minutes, les pattes de Charles se sont enlisées dans le sable rouge qui a commencé à ondoyer autour de lui. Le rejoignant, j’ai aussi senti le sol remuer contre mes mollets et ai glissé dans ce dernier, m’enfonçant comme s’il s'agissait d’un liquide épais.

        Cependant, au lieu de m’enterrer intégralement dans les grains, j’ai simplement jailli de l’autre côté, au sommet de la ville souterraine.

        Levant le nez, j’observe le plafond fait de cornaline, à quelques mètres au-dessus de ma tête. Ma chute a dû être longue et pourtant, je ne me suis pas sentie tombée.

        Mon regard se pose sur le visage endormi de Satoru. Il n’en a pas été perturbé non plus. J’observe un instant ses cils de givre chutant sur ses pommettes. Son sommeil semble paisible.

— Ton ami va mettre un certain temps avant de se réveiller, je me doute que tu le sais, fait remarquer Charles tandis que nous descendons les marches d’un escalier taillé à même la roche de cornaline.

— Cela le contrariera.

— Il avait de meilleures choses à faire que de se reposer chez les émeus, je suppose ? demande-t-il sombrement en jetant un regard noir à Satoru.

— En effet. Nous sommes venus demander tes services. Et tu n’es pas le seul qu’il compte recruter, vois-tu.

        Charles n’en laisse rien paraître, mais je sais que j’ai piqué son attention. Il n’est pas le seul à être curieux, d’ailleurs. En contrebas, la silhouette de divers émeus se tend sur le sable. Plusieurs paires d’iris rouges se rivent sur Satoru et moi.

— Et qui se joindra à vous ?

— Il recherche Sullyvan et Mael.

        Un rire secoue la poitrine de l’émeu.

— Sait-il que Sullyvan est son frère ? Et que Mael est la mère de ce dernier ? Et que des rumeurs venues du palais impérial attestent que tu as promis de la tuer ?

— Je n’en sais rien.

— Et, je suppose que cela ne t’intéresse pas.

        Je réfléchis un instant. Une femme est retenue en captivité et nous perdons actuellement un temps précieux. Je n'attendrai pas qu’il se réveille puis qu’il s’en aille quérir quelques noms futiles.

Veille sur Gojo. J’irai délivrer la fille seule.

        Un rire amusé résonne soudain derrière moi. Aussitôt, je me fige. Les voix des émeus sont nasillardes, parfois rocailleuses lorsqu’ils sont âgés. Jamais elles ne sont claires comme celle que je viens d’entendre. Non. Cette sonorité est assurément humaine.

        Aucun émeu ne remue et Charles regarde un point, derrière moi, sans s'agiter une seule seconde. J’en conclus qu’il savait qu’un autre humain se trouvait ici. Je suis sûre qu’il le connaît.

— Bonjour, maman.

        Et, assurément, je le connais aussi.





























•    N  D  A    •

vraiment désolée, j'ai
oublié de publier lundi

je suis tête en l'air en
ce moment, je ne sais
pas où j'en suis mdrrr

aujourd'hui, gojo ne
s'est pas fait entendre

j'espère que ce nouveau
chapitre vous a tout de
même plu




































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