𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟐

















C  H  A  P  I  T  R  E   1  2
























          Marchant avec calme à mes côtés, Satoru observe silencieusement les lieux. Ses yeux éthérés caressent les pierres des thermes, la façon qu’a l’eau de se refléter en un spectacle de lumière sur les surfaces. Sa longue cape traîne dans son sillage tandis qu’il avance. Par moment, elle frôle la surface d’un bassin sans jamais s’y mouiller.

          Il y a quelque chose de saisissant dans le portrait que nous sommes.

          D’une part, le mirifique visage d’une créature semblant inhumaine. Taillé dans du marbre, assurément dessiné par une main divine, les traits de Gojo ressemblent à un paysage enneigé. Au creux des monts de glace que forment son nez, ses arcades et ses pommettes, par-delà les feuilles jalonnées de givre que sont ses cils et sourcils, deux puits de lumières percent cette étonnante vision. Brille d’un bleu saisissant un regard à même de soulever des nations.

          De l’autre, comme un spectre naquit des ténèbres, ma silhouette enchaînée flotte presque sur le sol. Prisonnière d’un enchevêtrement de métal et regrets, ma cape noire s’impose en malédiction partout où on l’aperçoit. Seulement, le tremblement que sa vision suscite n’est rien comparé à l’émoi qui saisit quiconque aperçoit l’imposante épée dans mon dos.

          Ainsi, je comprends aisément pour quelle raison les clients nous voyant côte à côte s’empressent de quitter les bassins à côté desquels nous passons. Les servantes s’éclipsent plus hâtivement encore.

          Chaque pièce que nous pénétrons est vidée en l’espace de quelques secondes.

— J’ai toujours aimé cela, chuchote Satoru quand nous arrivons dans le sauna, apercevant un homme courir sur le sol humide pour quitter la pièce. Je ne vois pas ce qu’il y a de si négatif dans le fait de savourer la peur des autres… Je ne leur fais aucun mal, je les impressionne.

          Le sujet qu’il aborde ne m’intéresse pas. Je choisis de ne pas répondre.

          Malgré ma lourde cape, je ne ressens pas la chaleur des lieux. Le tissu que je porte a été ensorcelé de sorte à me rendre insensible à ces changements de température. 

          Je réalise en entendant la lourde respiration de Satoru qu’il n’a pas cette chance. En effet, lorsque je tourne la tête, j’aperçois ses joues rosées tranchant abruptement avec la teinte de porcelaine que sa peau revêt habituellement. Ses lèvres ont doublé de volume, maintenant rougies.

          Autour de lui flottent les vapeurs denses du sauna, s’étirant comme de la brume sur sa silhouette. Quelques-unes glissent telle de la fumée entre ses longs cheveux de givre.

— Je t’ai mené ici par habitude, j’explique en observant sa poitrine se soulever difficilement sous son imposante cape. Je n’avais pas réalisé que tu n’étais pas capable d’endurer ces températures. Sortons d’ici.

          À l’instant où j’évoque ses capacités d’endurance, ses yeux s’écarquillent. Une goutte de sueur tombe le long de son front avant de glisser à ses lèvres. Elle pend ainsi quelques instants sur le croissant de chair avant de chuter dans les confins de sa cape, disparaissant.

— Capable ? Bien sûr que je le suis. Et je n’utilise pas d’artefacts, contrairement à toi.

— Comptes-tu rester entièrement habillés dans un sauna conçu pour la population du désert, habituée aux températures brûlantes, simplement par souci d’égo ? je demande, ne prenant pas le soin de dissimuler mon mépris pour ce comportement immature.

— Non.

          Dans un sourire, Satoru glisse un doigt sur l’attache de sa cape. Celle-ci cède dans un claquement à peine audible.

— Je ne suis pas inconscient, je ne vais pas garder mes vêtements.

          Sa cape s’écroule au sol, découvrant une chemise de lin trempée de sueur. Croisant les bras, il tire dessus et l’ôte. A l’instant où son haut couvre sa tête, ne montrant que son torse épais dont les muscles luisent, humides, je l’observe.

          Ses épaules massives trahissent une habitude avec les armes lourdes malgré son expertise en tant que mage. Il a dû servir dans l’armée où dans un groupe de combat interdisant la pratique de la magie. Je ne distingue pourtant aucune cicatrice sur ses pectoraux saillants ou ses abdominaux travaillés.

— Arrête de m’observer comme ça, je vais rougir, lance-t-il en lâchant sa chemise au sol, agrippant la ceinture de son pantalon noir.

— Tu n’as jamais été blessé. Pas assez pour laisser une cicatrice. Comment est-ce possible ? Tu envoies d’autres mourir à ta place ? C’est pour ça que tu es venu me chercher pour un travail ?

          Il éclate d’un rire franc. Attrapant une serviette, je la lui lance à l’instant où il baisse son pantalon, se dénudant entièrement. Je tourne alors la tête pour lui laisser un peu d’intimité.

— Oh, tu me regardais pour cela… Tu me brises le cœur, moi qui croyais t’avoir tapé dans l'œil…, couine-t-il en allant s'asseoir sur l’un des bancs, la main posée sur sa serviette nouée.

          Ignorant ses idioties, je l’imite et prends place en face de lui. Un sourire vil étire ses lèvres en me voyant faire. Ses coudes glissent sur ses cuisses tandis qu’il se penche en avant. Satoru me regarde par en dessous, une ombre planant sur ses traits. Son visage s’incline quand il m’observe avec attention. Je ne saurai dire ce qu’il se trame dans sa tête. Mon intuition me dit que je ne gagne rien à le savoir. Les vapeurs du sauna dansent autour de lui à la manière d’une aura crépitante. Si je n’étais pas celle que je suis, je pense qu’il me ferait peur.

          Après un long silence de plomb, il se redresse. 

— Les elfes ont des capacités de régénération plus développées que la moyenne. J’en ai hérité. Mais je mène mes combats, ne t’en fais pas. 

          Il laisse filer un rire grave, semblable à un râle. Ses pectoraux luisant tressautent à ce son. Mais le sourire qu’il affiche n’a rien de sincère.

— Tu auras l’occasion de le découvrir quand tu travailleras avec moi.

— Qu’est-ce qui te fait croire que je vais accepter cette mission ? 

— Le fait que je sois encore en vie ? sourit-il malicieusement.

          Il est dans la nature humaine d’aimer se faire peur. Alors certains villageois aiment me dépeindre comme une bête sanguinaire. Cela doit aussi être lié au nombre de personnes que j’ai tuées en protégeant les servantes des thermes.

— Je ne suis pas le monstre assoiffé de sang que les rumeurs représentent.

— Oh… Ne brise pas ta légende… Cela froisserait mon petit cœur, me nargue-t-il dans une moue vexée.

          Sous ma cape, je lève les yeux au ciel. Cet homme est complètement fêlé.

— Mais si je te convaincs, toi, alors je suis sûr de réussir à convaincre toutes les autres personnes que je veux réunir dans cette équipe.

— Tout dépend de qui tu parles. Je ne travaille pas avec n’importe qui.

— Trois noms me viennent. Charles, Sulyvan et Mael.

          Je me fige. Mon regard se pose sur Gojo, espérant y voir un rictus provocateur. Cependant, il est absolument sérieux.

Je songeais à l’instant que tu étais fou, je déclare face à son air résolu. Tu n’es pas obligé de mettre tant d'efforts pour me le prouver.

— Ils sont assez puissants pour mener cette mission à bien. Et la personne qui me paye saura les récompenser généreusement.

— Quel genre de mission nécessite que tu t’allies avec une traîtresse à l’empire, le plus grand criminel que le désert des Evilans ait jamais connu, un ange qui a tué l’empereur et une Page Ancestral déchue ?

          Un rictus vil étire ses lèvres.

— Le genre marrant.

          Les sourcils froncés sous ma capuche, je ne réponds pas. Mon silence l’encourage à étayer.

— Je veux tuer un marquis.

          Ma mâchoire se contracte.

          Cet homme est effectivement fou.

J’ai besoin de ton aide, ajoute-t-il dans un long soupir, éreinté par la chaleur. 

— Pourquoi accepterais-tu de t’en prendre à la noblesse ? Je saisis que tu te fiches de ta réputation, mais n’es-tu pas conscient que tu essayes de te faire des ennemis de poids ? Et qui est assez fou pour te demander une telle…

— Le marquis a ravi une fille.

          Je me tais. Gojo passe une main sur son visage, essuyant les gouttes de sueur le maculant. Mais d’autres coulent le long de son bras. Accablé par la chaleur, il se penche à nouveau en avant, plantant ses coudes dans ses genoux. L’une de ses paumes pend entre ses jambes tandis que l’autre essuie ses traits.

          Ses yeux se posent sur moi, m’observant par en dessous. L’ombre planant sur ses traits se fait plus noire.

          Dévorante.

— Il dit qu’il l’aime. Qu’il l’a enlevée pour ça.

          Je cille sous ma capuche.

Je vois pourquoi tu t’imagines que cela m'intéresserait, j’admets dans un soupir. Mais qu’as-tu à y gagner, toi ?

          Soudain, sa mâchoire se contracte. Son expression douce et un brin taquine fond comme neige au soleil. Son regard se fait soudain froid et il m’observe durement.

— Tu en es ou non ? gronde-t-il avec animosité.

          Son changement de comportement me désarçonne. Il me semble observer la deuxième face d’une pièce que je n’avais pas encore retournée. Similaire… Et pourtant différente.

          Je suis tentée de refuser son offre simplement pour voir sa réaction. Cependant, la vie d’une fille est en jeu.

— J’en suis.

          Aussitôt, son visage s’illumine d’un sourire radieux. J’observe, circonspect, ses changements d’attitude si brutaux.

— Génial ! s’exclame-t-il dans un rire en se levant, marchant jusqu’à la sortie. Je vais me laver. On part dans une heure. Tu peux m’attendre ou…

          S’arrêtant sur le pas de la porte, il m’adresse un clin d'œil par-dessus son épaule. Son regard se fait charmeur tandis qu’il me provoque : 

— …Ou, tu peux me rejoindre.

          Je ne dis rien et il éclate de rire, quittant la pièce. Mes yeux s’attardent quelques instants sur l’endroit où il se trouvait juste avant de s’en aller.

          Un soupir franchit mes lèvres.

— Ce gars est complètement timbré.
































•    N  D  A    •

oui je me suis fait
plaisir en écrivant...










































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