𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟕



















𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    5 7

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           La sœur de James, Olivia, doit être dotée de facultés surnaturelles.

           Car je dois avouer que son dîner parvient à m’embarrasser. Moi. La femme ne pouvant être gênée par qui que ce soit.

           Seuls les échos de l’argenterie frottant contre les assiettes de porcelaine retentissent. Les dents mastiquent quelques bouchées des entrées proposées tandis que les regards détaillent la longue tablée pour ne pas avoir à s’affronter. Cette dernière se fait longue, certes, mais aussi large. Car il faut bien accueillir le nombre indécent de plats disposés entre quatre personnes.

           Au centre de la scène, on a déposé un plat de porcelaine ouvragé où se succèdent en une organisation savamment pensée sept ceviches aux courges dont le contenu alléchant fait frétiller les papilles. Pourquoi sept convives ? La question ne se pose pas lorsque l’on possède.

           Dans un bol pareillement travaillé sont tissés à la manière de longs cheveux soyeux des lianes de tagliolini à la truffe blanche. Pourquoi placer ce dernier à côté de Candice et Olivia, qui n’aiment pas cela et en avoir préparé en sachant que James n’avait non plus d’attrait pour ce champignon ? La question ne se pose pas lorsque l’on possède.

           Sur un plat dessiné avec soin, disposé avec la plus grande expertise à côté de toast, la gelée de caviar à la crème de chou-fleur brille sous l’éclat du lustre. Pourquoi en avoir placé si loin que nul ne peut l’attraper ? La question ne se pose pas lorsque l’on possède.

           Finalement, et je m’arrêterai ici car j’ignore simplement le nom des autres mets, les fleurs de courgettes ivres de girolles, couteaux en coque, citron et gingembre forment une appétissante mosaïque au creux d’une assiette. Pourquoi nul n’y prête la moindre attention ? La question ne se pose pas lorsque l’on possède.

           Surtout, une autre question me taraude. Une dizaine d’entrées nous entourent… Alors pourquoi les serveurs — car ici, au grand malheur des gueux que nous sommes, il y a des serveurs — nous ont-t-ils amené dans des larges assiettes des carpaccio de Saint-Jacques au pamplemousse, agrémenté sur le côté d’alternatives pour les personnes ne consommant pas de crustacés ou agrumes ?

           Enfin… Pourquoi ne pas avoir non plus demandé aux invités si certains mets leur étaient déconseillés au lieu de préparer autant de nourriture ?

           Olivia est une caricature.

— Vous ne mangez pas ? demande doucement Candice, un sourire timide aux lèvres.

           Je lève le nez de mon assiette. Je dois avouer que d’autres entrées attirent mon regard mais cela fait dix minutes que je me demande si je peux piocher dedans.

— Faudrait pouvoir, gronde James, arrachant à sa sœur un long soupir.

— Oh ! Tu ne vas pas bouder, tout de même ?

           Il se contente de lui adresser un regard noir.

— James ! Tu te conduis en enfant !

           Nullement embarrassé, il déglutit dans un autre mauvais regard avant de boire une gorgée de vin. Je le regarde faire, réalisant que cette histoire l’affecte véritablement.

           Bien sûr, j’ai confiance en l’amour qu’il me porte. Alors je sais que le problème ne vient pas du fait qu’elle sorte avec Candice. Non. Le soucis est que Candice est son ex-femme.

— Le divorce est signé, elle est libre. Elle a le droit de faire ce qu’elle veut.

           Rouge comme une tomate, la concernée s’enterre dans sa nourriture. De toute évidence, elle regrette amèrement d’avoir brisé ce silence.

— Tu sais très bien que cela n’a rien à voir avec le fait que tu sortes avec elle.

— Ah oui ? Tu m’as pourtant l’air bien affecté ! charrie-t-elle dans un sourire provocateur.

— Bordel, Olivia ! C’est la troisième fois que tu couches avec l’une de mes exs !

— Faut bien que quelqu’un assure et redore le nom Harold quand tu te plantes ! elle s’arrête un instant dans ses gestes, m’adressant un clin d'œil. D’ailleurs, je te filerai mon numéro tout à l’heure, chérie.

           James ne répond même pas. Je distingue sa mâchoire qui se contracte tandis qu’il fusille la femme sur regard. Elle ricane à cette vision, visiblement fière de l’avoir mis hors de lui.

           Bon sang, mais ils sont tous décérébrés dans cette famille, ou quoi ?

           Fièrement, elle se tourne vers Candice, s’attendant sûrement à ce qu’elle rit de ses provocations. Mais la femme se contente de soupirer, ramassant avec dédain une portion de caviar qu’elle enfourne dans sa bouche.

           Agacée par cette réaction hostile, Olivia soupire.

— Putain, vous me faites tous chier, les coincés du cul. Je vais fumer une clope.

— C’est la gosse qui fait cuisiner 15 entrées pour quatre personnes et vit dans la maison tout frais payée par ses parents qui me traite de coincée du cul ? je lance dans un regard noir. Ne fais pas la rebelle, t’as des putains de domestiques.

           Je n’ai pas aimé du tout  sa façon de se moquer de James et ce, même lorsqu’elle a saisi qu’il était blessé par son comportement. Il a besoin d’avancer, d’aller de l’avant. Il m’a lui-même expliqué qu’il souhaitait entamer un nouveau chapitre de son existence à mes côtés. 

           Comment pourrait-t-il se faire si le passé le scrute de cette façon en permanence ?

           Olivia ne répond pas. La porte claque dans son dos lorsqu’elle sort. Le silence se fait quelques instants. Candice l’interrompt.

— Je suis désolée… Elle peut être vraiment odieuse mais ce n’est que pour cacher ses véritables sentiments. Elle a du mal à assumer ce qu’elle…

— Merci de m’expliquer comment fonctionne la sœur qui m’a élevée. Vraiment, je n’espérais pas mieux venant de toi, caquète James, acerbe, en la fusillant du regard.

           Je ne rétorque rien, pinçant les lèvres. Candice fait preuve d’une patience remarquable.

— Tes parents sont compliqués, James. Chacun a sa méthode pour les affronter et Olivia enfouit ses émotions. Ce qui fait qu’elle n’est pas capable d’en parler…

           Il ouvre la bouche, prêt à asséner d’autres piques bien senties. Je pose alors ma main sur la sienne, tapotant dessus pour le calmer.

           Il s’exécute, réalisant sa méchanceté.

— Elle ne savait pas comment tes parents réagiraient à… nous. Et elle n’osait pas leur demander et j’ai pris les devants de les appeler pour qu’on se voit.

           Je commence doucement à réaliser certaines choses…

— Quand je suis arrivée, je m’attendais à certaines choses… , déclare-t-elle dans une grimace douloureuse. Être traitée avec décence n’en faisait pas partie.

           Un sourire penaud étire ses lèvres.

— Et pourtant… Ils ont été charmants. Pour la première fois depuis que je les connaissais, ils m’ont traité comme j’avais toujours espéré l’être.

— Ils te manipulaient.

— Tu ne crois pas que je le sais !? elle soupire tristement. Je l’ai su dès que vous avez franchi la porte. J’ai compris que je n’étais qu’un pion de leur jeu à ce moment-là…

           Alors elle a fait semblant de marcher, de ne pas voir qu’ils tentaient de les rabibocher. Simplement par espoir qu’ils puissent parler dignement après, qu’elle ait une possibilité d’aborder le sujet de l’homosexualité.

           Il la regarde un instant. Toute animosité a fondu. J’aperçois même, au fond de ses yeux, un brin de compassion.

— Ta sœur ne veut pas te faire de mal alors elle se cache derrière des remarques déplacées…

           Son regard brille.

— …Mais je l’aime. Je… C’est pour cette raison que j’étais soulagée quand tu m’as demandé le divorce.

           Il tressaille. Les yeux de Candice s’écarquillent. Les miens font de même en réalisant cet aveu partiel.

           Il ouvre la bouche, prêt à protester. Sa tête se tourne vers moi, comme pour s’assurer que je suis au moins autant consternée qu’il ne l’est. Mais, à l’instant où son regard croise le mien, ses traits s’adoucissent.

           A une rapidité désarçonnante, sa colère fond. Similaire à une couche de neige face à un cuisant soleil, tout ne redevient que douceur dans un mouvement étonnamment rapide.

— Je suis désolée, James… Mais je l’aime vraiment. Est-ce que tu peux le comprendre ?

           Il se tourne à nouveau vers elle. Sous la table, sa main saisit la mienne.

— Oh que oui, je le comprends.

           Un frisson parcourt mon échine. Elle sourit, visiblement rafraîchie par sa réponse. Mais le regard de James demeure sérieux.

           Refusant de lâcher ma main, il ne fait preuve d’aucune douceur lorsqu’il lâche : 

— Et tu vis comment le fait que ce sont nos parents qui ont tué ton frère ? Qu’ils ont été mis en examen il y a deux jours ?

           Je tressaille. Il ne m’avait pas communiqué cette information. Je suppose que le sujet était trop douloureux.

           Elle frissonne, devant son entrée. Incertaine, elle balbutie quelques mots, butant sur des syllabes. Sa peau se fait rouge tandis que des larmes embuent ses yeux.

           Au même moment, le son de talons résonne dans le couloir adjacent et la silhouette d’Olivia se découpe, dans l’encadrement de la porte.

           Elle se fige en découvrant le visage ravagé de larmes de Candice. Son regard se pose sur James et sa mâchoire se contracte.

— Je vais te tuer.

 



























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j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

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