𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟓𝟔























𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    5 6

𔘓





















































           Ni James ni moi ne prononçons mot. Debout devant la porte, l’obscurité de la nuit posant une voile sombre sur nos figures, nous ne prenons même pas la peine d’échanger un regard interdit.

           Car nous deux savons pertinemment ce que l’autre pense.

— Mais c’est quoi ce démarcheur téléphonique !?

           Ou peut-être pas exactement ce que l’autre pense.

           Debout dans des escarpins duveteux noirs, la semelle rouge de ces dernières contrastant avec le carrelage crème du seuil, Candice se tient. Un pantalon à pince large chute sur ses pieds, ne laissant voir que la pointe dénudée de ces derniers, maculés de vernis.

           Mon regard longe ce bas sombre qui donne sur un pull à col haut sans manche. Sa ceinture, ses bracelets, ses colliers et ses bagues ont été coulés dans de l’or, ajoutant de l’éclat à cette tenue sombre. Un éclat que je retrouve dans ses semelles, le vernis ornant ses pieds, ses faux-ongles et son rouge à lèvre qui sont tous de la même teinte vermeille.

           Aucun doute n’est possible. Avec ses cheveux coquelicot amassés en un chignon, elle est immensément belle.

           Poussant un soupir, je regarde mon legging galaxy assorti d’un tee-shirt à l’effigie de Kim Kardashian pleurant. A mes pieds, point de Louboutin. Seulement deux chaussures contrefaites qui, au lieu d’être marquées de trois barres et les lettres Adidas, sont flanquées de six traits et ananas.

           Je pince les lèvres et recule d’un pas, contemplant l’onéreuse villa.

— Putain… J’aurais dpu savoir qu’il y avait un dress code.

           James, se désintéressant de son ex-femme tourne des sourcils froncés vers ma mine boudeuse.

— Ne t’en fais pas, ma chérie, tu es très belle. Tu ne pouvais pas savoir que le dîner serait un peu guindé.

— Je ne pouvais pas le savoir, j’approuve en croisant les bras. Mais toi, si.

           Les sourcils de l’homme se haussent quand il réalise que je lui fais un reproche. Outré, sa main se pose sur sa poitrine et il ouvre la bouche, prêt à se défendre.

           Cependant, Candice le prend aussitôt de court : 

— C’est vrai que ce n’est pas très correct, James.

           Il se tourne vivement vers elle.

— Je dirais même plus : ce sont des manières de trou de balle, je lâche en remontant savamment mes bras croisés, gonflant le torse et levant le menton.

           Il se concentre sur moi.

— Mais…

— Tu es censé aider ta copine lorsqu’il s’agit de rencontrer sa belle-famille, l'aiguiller dans ses choix, le coupe Candice.

— Mais…

           Le pire étant que, fondamentalement, je n’en ai strictement rien à faire. Après tout, je suis bien rentrée dans le manoir des richissimes parents Harold en remplaçant ma culotte qui s'enfonçait dans mes fesses.

           Cependant, j’adore faire chier James.

           Virginia Woolf avait l’écriture. Frida Kahlo avait la peinture. Hitchcock avait le cinéma. Et moi, j’ai ça.

           Faire chier James.

           Voilà ce qu’on appelle une véritable passion.

— Je suis outrée ! je hurle dans de fausses pleures, essuyant les larmes inexistantes sous mes yeux.

— Hé !

           D’un geste ferme, il se tourne de sorte à nous faire face. Puis, fermement, il lâche en me pointant du doigt : 

— Toi, tu arrêtes tes larmes de crocodile. Je te connais trop bien pour m’y laisser prendre. Quant à toi…

           Dans un geste lent, il se tourne vers Candice. Cette dernière l’observe, un sourire faussement innocent aux lèvres.

— Je peux savoir pourquoi t’es là à chaque fois ? Tu t’es lancée dans une carrière de démarcheuse téléphonique ? T’appelle tous les numéros ?

           Candice hausse les épaules timidement.

— Je ne sais pas… C’est ta sœur qui voulait que je vienne…

— Mes parents, ma sœur ! Putain, mais c’est que t’es devenue indispensable ! s’exaspère-t-il, levant les yeux au ciel.

           James semble si agacé que de la fumée pourrait sortir de ses oreilles. Je ne peux m’empêcher de vouloir en rire et doit pincer les lèvres.

           Candice ouvre la bouche, prête à rétorquer. Soudain, une main aux ongles coupés courts et nets se glisse sur sa hanche et un corps vient se presser au sien.

           Remontant le long de ce bras maculé de tatouage, je découvre un visage large coiffé d’une coupe undercut vermeille. Une couleur sensiblement similaire à ces fameuses semelles que Candice porte.

           Elle observe d’ailleurs cette dernière quelques instants, tournant la tête vers elle et faisant teintées les fines chaînes lui servant de boucles d’oreille.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

           Là, elle nous considère.

           Son regard se pose d’abord sur moi et avant de dévier sur James. Cependant, elle ne prend pas le temps de s’attarder sur son frère. Ses yeux s’écarquillent violemment et elle me regarde encore.

           Cette fois-ci, de haut en bas.

           Plus elle découvre les détails de ma tenue, plus ses traits se décomposent. Chaque esquisse de son visage se brouille tandis que ses yeux s’imbibent presque de larmes, horrifiés.

           Alors, posant les mains sur mes hanches, je bascule mon poids sur une jambe et lève le menton : 

— Quoi ? Un problème avec mon style intemporel ?

           Atterrée, elle se tourne alors vers Candice. Puis elle me regarde. A nouveau, elle observe l’ex-femme de James avant de se reconcentrer sur moi, ma petite-amie actuelle.

           Là, médusée, elle laisse échapper : 

— Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— C’est de ma copine que tu parles, tonne-t-il dans un grondement sourd, exécutant un pas menaçant.

— Justement. Là est le problème.

           Aussitôt, le visage de James change.

           Nettement, je discerne l’instant où il décide qu’il ne va pas laisser de telles paroles impunies. Ses yeux s’écarquillent et sa mâchoire se serre. Il ferme le poing avant d’avancer d’un pas lourd.

           Je bondis immédiatement entre eux.

— Oh la la la ! On se calme, les enfants ! je lâche dans un sourire gêné. Si vous vous tapez, on va devoir annuler le dîner et je crève la dalle.

           Ouvrant en grand les bras, je tente de faire office de rempart entre les deux. Cependant ils me dominent chacun d’une tête. D’ailleurs, minuscule entre eux, je réalise combien leurs gènes sont similaires.

           Ils n’ont d’ailleurs qu’à s’observer par-dessus ma tête pour continuer leur dispute : 

— Pourquoi ta copine n’est pas fichue de s’habiller dignement pour un dîner ?

— S’habiller dignement ? On en parle de tes racines pas faites ? T’es sûre que tu veux parler de style ? gronde-t-il, me gardant entre lui et elle mais plaçant sa main sur ma hanche.

— Putain, mais t’as vu le délire ? On dirait une parodie. Putain, c’en est même pas une !

— Elle est magnifique comme elle est !

— Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre de ça. Tu peux te ramener avec une morue, un thon, une truite ou le reste de la mer mais qu’elles s'habillent correctement !

— La truite est un poisson d’eau douce, je la corrige en levant l’index d’un air suffisant.

— Enfin merde, quoi, James ! Un legging galaxy ?

           J’ai la sensation qu’elle n’a strictement rien à faire de l’habitat des truites.

— Mais c’est très beau ?

           D’un même geste atterré, nous nous tournons toutes les trois vers lui. Il nous regarde tour à tour, pinçant les lèvres et méditant sur ce qu’il vient de se produire.

— Bon, d’accord. C’est absolument dégueulasse et j’ai envie de brûler ce truc à chaque fois qu’elle le met.

           J’esquisse un sourire satisfait.

— Mais on est venu dîner ! Pas participer à un défilé de mode ! On est censé se présenter mutuellement les personnes avec qui on partage notre vie et…

           Il se tait brutalement. Je tressaille.

           Mutuellement ?

           Alors cela signifie que si James est venu afin que je rencontre sa soeur, cette dernière a fait venir Candice pour…

           J’observe la main qu’elle a posée sur la hanche de la rouquine. Mes yeux s’écarquillent et je peux sentir la respiration de James se bloquer, dans mon dos.

           Quelques instants, il me semble que le temps s’est suspendu. Nul ne dit mot. Le silence est de plomb et les respirations, coupées.

           Quand soudain…

— MAIS TU TE FOUS DE MA GUEULE, GROGNASSE ?

 

 































𔘓

j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

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