𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟓















𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    4 5

𔘓




















tw : patate de forain

  








         


           Jamais je n’ai ressenti telle rage, tel désir de vaincre, d’anéantir.

           La tête de James est posée sur mes cuisses. Il dort depuis plusieurs heures, sans doute éreinté par les pleures qu’il a versées. Je caresse son crâne à travers ses cheveux, essuyant doucement sa peau rougie par les larmes.

           Bientôt, le soleil se lèvera. Je n’ai pas dormi de la nuit, trop bouleversée par les révélations qui m’ont été faites.

—  Mmmm…

James remue dans son sommeil. Je caresse plus franchement sa tête, tentant d’apaiser le poids de ses souvenirs sur ses épaules.

—  Je déteste tellement te voir comme ça, je murmure doucement, la gorge encore nouée.

Posant la tête sur le mur, j’observe cette chambre qui n’est pas la sienne. Le cache-misère. Celle qui est là afin d’écarter la vérité sur les terribles personnes que sont ses parents.

Un frisson descend le long de ma colonne.

Un enfant. Il n’était qu’un enfant. Un simple gamin qui voulait faire plaisir à ses parents en jouant du piano. Un garçon qui espérait pouvoir provoquer mille et une émotions à ceux qui n’en avaient pas. Ceux qui ne daignaient lui en montrer.

—  Quels menteurs…

Bruns sont les murs, plaqués de panneaux gravés de fleurs, étoffés de mille et uns détails, enrichis de motifs superflus. Oh… Lourde est la tâche de faire paraître la maison belle lorsque ses habitants ne le sont pas.

On ne fait que rafistoler les traits d’âmes décrépis.

Commençant à péniblement filtrer à travers les interstices des larges rideaux tirés, le soleil forme de fines colonnes qui s’éclatent sur nous. Il illumine ce que je n’avais pas vu, la première fois.

Marquant la chute du creux de ses reins, des cicatrices maculent sa peau. Partout sur la chaire, des traits la strient. Vestiges des coups de martinets et fouets qu’il a reçus.

Soudain, revient à ma mémoire le moment tendre que nous avons partagé, à l'arrivée de Candice. Enfin, surtout, je me remémore les paroles de la mère de James.

“Où vous croyez-vous ? Que diriez-vous si je m’adonnais à ce genre de choses méprisables, parée de vêtements dignes d’une prostituée, au beau milieu du salon ?”

Ma gorge se serre douloureusement.

“...parée de vêtements dignes d’une prostituée, au beau milieu du salon ?”

Ma poitrine se soulève difficilement tandis que je rassemble difficilement ma colère. celle-ci est si ardente qu’il me semble que ma peau me brûle. J’étouffe presque dans ses vapeurs nébuleuses.

“...dignes d’une prostituée…”

Ma main tremble, assujettie à ma rage.

“…Ils m’ont traité de catin en apprenant que je l’avais laissé faire.”

Hier, son insulte ne m’était pas destinée. Elle parlait de son fils.

L’instant où je réalise cela marque une rupture en moi. Quelque chose d’irréversible. Je sais que rien ne sera plus comme avant. Plus jamais. 

         Nul part.

















—  Mais enfin ! Mais enfin ! Que faites-vous ?

           Affolée, la silhouette de Nora Harold débarque au milieu des marches menant vers l’extérieur du manoir. Dans un geste anodin qu’elle parvient pourtant à rendre condescendant, elle noue la ceinture de sa robe de chambre.

           Dans son dos, les sourcils froncés, son mari fait de même. Bientôt s’articulent derrière eux une rangée de servantes en tenue de nuit, leurs bras croisés pour mieux se réchauffer.

—  Ça se voit pas ? je gronde avec amertume. Je fais le ménage.

           Là-dessus, je balance notre dernier sac dans le coffre de la voiture de James.

           J’ai eu beau tenté de ronger mon frein, les révélations de cette nuit ont été la goutte de trop. Et, lorsque j’ai réalisé avec quelle grossièreté Nora avait fait référence au traumatisme de son fils, hier, je n’ai pas tenu.

           Doucement, j’ai réveillé James. M’efforçant de taire ma colère, j’ai caressé son visage jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Aussitôt, un sourire a étiré ses lèvres, faisant battre mon cœur à toute vitesse. J’ai déposé un baiser sur ses lèvres avant de chuchoter : 

“Tu as besoin de t’en aller d’ici. Tu ne crois pas ?”

           Il n’a même pas réfléchi ou fait mine de nier avant de hocher la tête. Les yeux encore gonflés par les pleurs de la veille, il s’est doucement levé et nous avons fait nos rares valises avant de quitter les lieux.

           Cependant, après avoir foulé les marches menant à l’allée pavée qui nous conduira hors de la propriété, je n’ai pu contenir ma colère plus longtemps.

           Alors, balançant violemment les valises dans la voiture, je n’ai eu aucune espèce d’égard pour les habitants du manoir que je risquais à coup sûr de réveiller. Les portières ont claqué puis les portes ont fait de même.

—  OU EST MON FILS !?

           Ignorant le hurlement de hyène de Nora, je ferme le coffre dans un claquement sec, en profitant pour jeter un œil à la silhouette de Crocodile que je ne vois pas à cause des vitres teintées. Je lui ai conseillé d’attendre sur le siège conducteur.

           De toute évidence, mon indifférence n’est pas au goût de la majorité : 

—  QUI CROYEZ-VOUS ÊTRE POUR M’IGNORER DE LA SORTE ?

           Des ongles se plantent dans mon épaule, manquant de m’arracher un hurlement lorsqu’on me tire brutalement en arrière. Je me retourne en repoussant violemment la mère de James.

           Cette dernière, les cheveux coincés dans un bonnet de nuit et son corps chétif habillé d’un peignoir donnant la sensation qu’elle est encore plus petite qu’elle ne l’est, semble bien moins effrayante. Elle ne terrorise rien. Elle n’y arrivera pas.

           James a peur mais James est loin.

           Je le lui ai dit : moi, je ne tremble pas.

—  Mais comment osez-vous ? s’exclame-t-elle, les yeux écarquillés de colère. Comment osez-vous venir sous mon toît, manger à ma table et vous comporter de la sorte ?

           Je ne saurais dire si son corps tremble de froid ou de colère. Je dois dire que je m’en fiche complètement, d’ailleurs.

—  Vous n’êtes qu’une immonde morveuse qui n’a pas la décence de savoir quand baisser la tête et bien se comporter ! Je vous maudis !

—  Et bien maudissez-moi, je tonne en m’approchant d’un pas, menaçante.

           Tout cela m’intoxique.

           La colère est un poison qui annihile l’insouciance qui m’a toujours habitée. Je suis de ceux qui se contrefichent de tout, qui balayent chaque contretemps de la main. 

Mais les Harold ont su me faire sortir de mes gongs. Et je ne me contrôle pas.

Pas cette fois.

—  James n’...

La voix de Nora meurt brutalement quand sa tête bascule sur le côté. Ma main vient de feindre l’air et la gifler dans un bruit de claquement retentissant.

Le silence se fait. De plomb. Les respirations se coupent. On eût dit que la terre elle-même craignait de tourner.

Sidérée, Nora ne réagit pas. Les servantes, effrayées par la scène, ont toutes reculées de plusieurs pas, s’empressant de rentrer dans le manoir. 

           Mais bien sûr… Il ne faudrait pas que ces viles gueuses aperçoivent la très grande Nora Harold dans une mauvaise posture.

           Alors, dans le silence de plomb, elles s’éclipsent.

           Un soupir de soulagement franchit mes lèvres. Jusqu’à l’exécuter, je ne réalisais pas le besoin cathartique que j’avais de faire ce geste.

—  MAIS POUR QUI VOUS PRENEZ VOUS !? hurle soudain l’autre, le monstre patriarche.

           Approche.

           Fais-moi le plaisir d’approcher.

—  VOUS N'ÊTES QU’UNE SALE PETITE IMPERTINENTE !

           Il le fait. Il approche.

           A toute vitesse, ses yeux lançant des éclairs, il fend l’air glacial de la nuit. Trop éloigné des lumières du manoir, il n’est plus qu’illuminé des lueurs diaphanes de la lune.

           A mesure que sa silhouette grandit, réduisant la distance entre nous, mon excitation fait de même. Qu’il vienne. Ma main me démange.

—  JE VAIS V…

           Ma main fend à nouveau l’air. Cette fois-ci, sa tête bascule si brutalement que son corps fait de même. Il s’effondre au sol, provoquant un cri chez sa femme.

           Se soulevant sur la pointe des pieds, elle saisit ses cheveux en écarquillant les yeux.

—  OH SEIGNEUR ! OH SEIGNEUR ! ON NOUS AGRESSE !

           Levant les yeux au ciel, je ne lui laisse pas le temps de se tourner vers moi et me retenir. Je suis lasse de ces conneries. D’un pas furieux, je franchis la distance qui me sépare de la portière.

           L’ouvrant, je m’assois sur le siège passager.

           Il fait plus chaud, dans cette voiture. Meilleur. Je pousse un soupir d’aise, laissant le silence ambiant calmer les hurlements extérieurs que je peux percevoir mais qui sont étouffés par la voiture.

—  Je…

           La voix de Crocodile résonne à la manière d’une interrogation, sans la moindre animosité.

—  Je rêve ou tu viens de gifler mes parents ?















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j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

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