𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟐













𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    3 2

𔘓

















































































































           Les mots de James flottent dans l’air. Un air irrespirable, brûlant, épais, capiteux qui rentre avec peine dans mes poumons. Un air poisseux qui colle à ma trachée. Un air mouvementé et pourtant figé, une tempête qui ne remue pas.

           Un air de dire qu’il m’a percée à jour.

— Q… Quoi ?

           Les yeux ambrés de James brillent dans leur noirceur. Curieuse oxymore, l’obscurité plane dans la lumière. Ses pupilles se dilatent à la façon de taches d’encre tombées sur un tissu sablonneux.

— Je ne suis pas sûr que me faire répéter changera quoi que ce soit pour vous, ma chère.

           Ma gorge se serre. Un sifflement jaillit de ma poitrine quand mes poumons se bloquent, m’empêchant de respirer.

           Il fait un pas en avant. J’en fais un en arrière.

— J… Je crois que je vais rentrer chez moi.

— Pourquoi ? Vous pensez que fuir changera quelque chose à cette situation ? demande-t-il d’un ton sérieux qui me gifle presque.

           Un frisson court le long de ma colonne vertébrale.

           Jamais, avant cet instant précis, je n’avais ressenti tel émotion en présence de James. Pas une fois. La colère, l’agacement, la joie, l’amusement… Oui. Mais jamais ce qui m’étreint violemment, là…

           Jamais il ne m’avait fait peur, avant cela.

           Un frisson parcourt mes épaules et je tends la main vers la table basse ou trône un vase énorme. Il me regarde faire sans ciller, ses yeux ambrés fixant le moindre de mes gestes, le décryptant, le détaillant.

— Ne me dites pas que vous comptez m’assommer avec cela ?

— Depuis quand le savez-vous ? Et pourquoi vous êtes-vous tus jusque-là ? j’ignore sa question et m’empare du récipient lourd qui fait la taille de mon bras.

           Ses sourcils se haussent quand chaque trait de son visage s’affaisse. Mon corps tremble quand je recule et il pousse un soupir.

— Posez cela, vous devenez vexante.

           Quelqu’un qui connait mon identité depuis si longtemps et ne la révèle que maintenant ne peut pas avoir de bonnes intentions.

           Roulant des omoplates, je bande mes muscles, prête à me défendre.

           Soudain, James franchit la distance entre nous. En un clin d’œil, il apparait devant moi, plus vif que l’éclair. Je n’ai le temps de sursauter qu’il arrache le vase de mes mains et le pose dans un claquement sur la table.

— NON ! je hurle, prête à le reprendre.

— Arrêter vos conneries…

           Il tente de saisir mon épaule mais je frappe son bras et me recule. Il avance aussitôt et je tente de le repousser. Ma respiration se fait courte tandis que mon souffle s’étrangle.

— N…

— Arrêtez…

           Je frappe sa poitrine de plus belle.

— Lâchez-m…

— ARRÊTEZ, MAINTENANT !

           Son cri m’arrache un sursaut.

           Profitant de ce moment d’inattention, sa main vient saisir ma joue, me forçant à la regarder. Je ne bouge plus, immobilisée par sa paume. Et mes yeux trouvent aussitôt les siens.

           Profond. Ambré. Vaste comme une étendu désertique. Parsemée de grains de sable brûlants.

           Dedans, une émotion y brille.

           De la douleur.

— Comment pouvez-vous croire que je vous veux le moindre mal ?

           Ma gorge se serre et je ne réponds pas.

           La peine dans son regard pique mes plaies. Je crois que la simple sensation d’être découverte, acculée, ravive de vieilles blessures en moi.

— Promettez-le moi.

           Mon chuchotement résonne à peine dans la pièce, étouffé par l’air brûlant planant autour de nous.

— Dois-je réellement vous le promettre ? demande-t-il, ses yeux se plissant de peine.

           Mon cœur se serre. J’aimerais lui assurer que non, qu’il a mon entière confiance, qu’il est l’unique personne dont je ne doute pas. Seulement la vie m’a appris à me douter de tout. Tout le temps.

— Promettez-le moi.

           Ma voix jaillit dans un couinement pathétique et je déteste m’entendre si vulnérable. Ses yeux glissent sur ma joue. Je réalise qu’une larme vient de couler sur sa main.

           Un éclat incertain brille dans son regard.

— S’il-vous-plaît…, je chuchote fébrilement.

           Il acquiesce doucement.

— Je ne te ferais jamais le moindre mal. Tant que j’existerais, tu ne craindras rien.

           Levant son crochet devant moi, il me le tend. Je devine qu’il s’agit de sa version du « pinky promise ». Alors je le saisis, tremblotante.

           Là, il se serre de sa main sur ma joue pour me pousser à le regarder à nouveau dans les yeux.

— Je te le promets.

           Je m’étrangle presque, laissant filer un bruyant soupir quand mon cœur fait un bond.

           Il y a quelque chose, dans les volutes capiteuses de son parfum, dans le grondement sourd de sa voix, dans le désert profond de ses yeux, dans le goût sucré que laissent nos entrevues sur ma langue, dans le toucher de sa peau contre la mienne… Quelque chose d’unique.

           Libérateur.

— Je crois que je te crois ? je murmure en fronçant les sourcils.

— Et pourquoi cela semble-t-il te surprendre ?

— Je ne crois personne.

           Un frisson me parcourt et je ne sais trop pour quelle raison, la vérité jaillit soudain de mes lèvres :

— Et personne n’a le droit de me voir, réellement. Au-delà de mes actions immatures ou de…

— De ton personnage ? tente-t-il de finir.

— Non, ce n’est pas un personnage. Je ressens vraiment le besoin d’agir de cette façon. Je ne prends jamais rien au sérieux, vraiment. Jamais. Enfin…

           Son pouce caresse le dessous de mes yeux, essuyant les larmes en coulant. Mon cœur bat à toute vitesse, envoûté par ce toucher.

— …Sauf quand il s’agit de toi.

           Ses sourcils se haussent sous la surprise.

— Là, ça devient sérieux.

           Son crochet, glacé, vient caresser mon autre joue. Mes yeux se ferment sans que je ne les contrôle. Je ne sais plus quoi ressentir, brûlant de l’intérieur, fondant dans sa paume et vivifiée par le métal.

           Son visage s’approche et il pose son front contre le mien. Mes paupières se ferment quand je fonds dans son odeur, sa chaleur. Mes mains attrapent sa chemise et je l’y accroche avec force.

— Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu savais qui j’étais ? je chuchote d’une voix étranglée.

— Parce que tu semblais tellement attachée à ton anonymat.

           Son souffle s’échoue contre ma joue. Son parfum m’embaume et je crois que je serais prête à dévoiler tout de moi-même, pourvu que nous restions ainsi.

— Alors pourquoi veux-tu me dire la vérité, maintenant ?

— Parce que j’ai besoin que tu saches que tu peux me faire confiance !

           Sa voix jaillit dans une sorte de cri inaudible. Elle se casse presque dans la douleur.

           Une souffrance telle que j’ouvre les yeux, ne pouvant la nier plus longtemps. Et je découvre alors les siens, imbibés de larmes.

— Ne pleures pas…

— Fais-moi confiance, chuchote-t-il.

— Pourquoi le fait que je te fasse confiance soit si important à tes yeux ?

— Parce que…

           Sa voix meurt dans sa gorge tandis qu’il me regarde. Mon visage toujours tenu par son crochet et sa main, je demeure à quelques battements de cil seulement de lui.

           Nos nez se frôlent et ses yeux s’agitent dans leurs orbites, me détaillant sous toutes mes coutures.

— Parce que…

           Son regard glisse sur mes lèvres et ne s’en détache plus, comme hypnotisé.

           Il déglutit péniblement.

— Parce que…

— Dis-moi, je chuchote, suspendue à ses paroles.

           Ses yeux remontent jusqu’au mien et je me sens imploser face à ses iris. Ma gorge se serre.

— James… Dis-moi.

           Son pouce caresse ma pommette. Le silence me répond. Il ne dit plus rien.

           Mais, dans un mouvement infiniment doux, ses lèvres se pressent contre les miennes.





















































𔘓

j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

𔘓




































































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