𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟕
𔘓
C H A P I T R E 2 7
𔘓
— Serais-je une voyante ? je chuchote, les yeux écarquillés.
Crocodile, assis sous une lampe de papier, me jauge. Un bout de brocoli planté sur sa fourchette, il semble peiner à aller jusqu’au bout de ce déjeuner.
Candice, plus polie que son ex-conjoint, me sourit doucement :
— Pourquoi dites-vous ça ?
— Bah j’ai annoncé un déjeuner sur craignos et gênant et c’est exactement ce qu’il se passe !
Si elle semble surprise, James se contente de me fusiller du regard. Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire, réfléchissant à la meilleure pique à lui lancer, maintenant.
Seulement, au même instant, mon téléphone vibre dans ma chaussette. La sonnerie retentit, arrachant un froncement de sourcil à l’homme.
Brandissant ma jambe, je dégaine l’objet sous ses yeux.
— Comment l’idée peut-être vous venir de le ranger là ? demande-t-il, atterré.
Mes épaules se haussent.
— J’en sais rien. Mais ce texto me confère une issue inespérée. Il est d’une gravité importante et je dois à tout prix m’éloigner de ce déjeuner craignos pour y répondre.
— Vous n’avez même pas regardé ce texto, soupire James en levant les yeux au ciel. Bon sang, quand vous mentez, essayez d’être un peu crédible.
Face à mon absence de réaction, il se contente de demander :
— Vous en aurez pour combien de temps ?
Faisant, cette fois-ci, semblant d’observer l’écran, je réponds tout à fait sérieusement :
— Ah bah, à en juger par ce que je lis… La situation est grave. Je vais en avoir pour… Au moins le temps que l’un de vous deux s’en aille et abrège nos souffrances.
Aussitôt, je cours jusqu’à l’extérieur du restaurant. Dégainant mon second téléphone — celui que j’utilise lorsque j’exerce sous le nom de S. Ralyk — je regarde le message que je viens de recevoir.
« De : ??
J’ai des informations sur ce que vous m’avez demandé.
— X. »
X. est un informateur anonyme avec lequel je collabore depuis fort longtemps. Quelques recherches m’ont menée à comprendre qu’il s’agissait d’une source fiable, je n’en ai pas cherché davantage, souhaitant surtout le protéger.
Je sais simplement qu’il travaille aux côtés de médecins légiste. Et qu’il est un homme.
« De : moi.
Dites-moi. »
Quelques instants plus tard, mon téléphone vibre. Un message.
« De : ??
Peu de temps avant sa mort, malgré sa fortune colossale et son emploi de médecin, Richard Dumas s’était fait engager comme stagiaire dans une agence. »
Il devait assurément chercher quelque chose dedans. Et, sachant que son ultime enquête portait sur S. Ralyk, je me demande bien ce qu’il pensait y trouver.
« De : moi.
L’agence ? »
La réponse est immédiate.
« De : ??
Satiric Power. »
Je me fige, les mains sur le téléphone. Mes yeux s’écarquillent tandis que ces deux mots s’affichent à mon esprit. Je me remémore difficilement les dernières fois que j’ai regardé ces lettres.
Elles étaient d’or, sur un fond noir. Celui de l’enseigne de cette agence de presse que je foulais chaque jour. Celle où, à midi, je m’enfermais dans les toilettes et pleurais. Celle où est né mon alter ego.
Ma respiration se fait sifflante et mes mains glissent sur l’écran du téléphone portable. Brutalement, comme si quelque chose avait rompu en moi, je ressens des bouffées de chaleur. Mon corps tremble et ma vision se fait incertaine.
Chaque contour de chaque objet est flou. Je tressaute dans mon costume trop lourd. J’ai froid et chaud. Je ne supporte plus de me tenir.
D’exister.
Je ne peux plus entendre parler de cette agence. Sa simplement évocation m’épuise, me tétanise, me vole, me ravit à moi-même. Je ne veux plus.
Une bulle gonfle dans mon œsophage, m’empêchant de respirer. L’air siffle à mes oreilles. Mon cœur bat trop fort, assourdissant. Mon sang pulse si ardemment dans mes tempes qu’il me semble sur le point d’exploser.
— (T/P) ?
Soudain, tout se dissipe.
Ma respiration se calme tandis que mes mains se font plus fermes. Apaisée, je reprends contrôle de moi-même. Droite, je me sens bien. Soudainement.
Juste en entendant le son de sa voix.
— James ? je lâche, surprise.
— Cela fait quand même un moment que vous êtes partie. Tout va bien ?
Dans ses yeux ambrés brillent une sincère inquiétude. Douce et délicate, elle emporte aussitôt ce sang pulsant trop fort, ce cœur battant trop vite, cet air sifflant trop aiguë et cette bulle se gonflant trop.
Simplement, elle emporte tout.
Mais jamais je ne le lui laisserais comprendre. Sous aucun prétexte.
— Vous ne pouvez pas vous passer de moi, mon petit cochon, hein ? je souris puérilement.
Levant les yeux au ciel, il rentre dans le restaurant sans demander son reste. J’éclate de rire en le voyant faire, très fière de moi.
Ce que j’aime le faire chier, celui-là.
Seulement je n’ai pas le temps de le suivre qu’une voix que je connais bien retentit, derrière la porte du restaurant. Je reconnais Candice et, me tournant, voit qu’elle est au comptoir, sa carte bancaire à la main.
— Enfin ! Je refuse que tu payes ma part ! sermonne James, juste derrière elle, tentant de lui prendre l’objet des mains.
— J’ai invité (T/P) ici, je paye, c’est tout. Tu ne me prendras pas ça aussi.
L’homme hausse un sourcil tandis que le pauvre serveur qui les encaisse fait mine d’être absorbé par la contemplation de ses ongles.
— Quel est le rapport !? Tu peux te garder tes piques, s’il-te-plaît ?
— Le rapport est que j’étais censé manger avec mon amie et que tu m’as volé ce moment.
Debout dans mon costume de carotte, je fronce les sourcils. Son amie ? Je ne suis pas bien sûre du choix de l’appellation. Cela ne fait que trois fois que l’on se voit et la première était absolument chaotique.
James semble d’accord car il éclate de rire.
— Candice, t’as jamais été fichue de te faire le moindre ami et c’est pas (T/P) qui va changer ça. Même elle, elle te trouve fêlée et on parle d’une nana qui n’a pas besoin d’occasion particulière pour s’habiller en carotte.
Les mains de Candice se crispent sur sa carte bancaire tandis qu’elle l’insère dans le boitier :
— Oui, j’ai bien compris que tu voulais pas que je te vole ta chère et tendre (T/P).
— Mais de quoi parles-tu ? s’exclame-t-il d’un air agacé, brandissant son crochet et sa main dans les airs.
La mâchoire de la femme se contracte.
— Même moi, tu ne m’as jamais regardée comme tu la regardes, elle.
— Evidemment, à ce que je sache, tu ne t’es jamais baladée en carotte dans les rues de la ville !?
— Ce n’est pas de ça que je parle et tu le sais, tonne-t-elle en arrachant le ticket de caisse d’un geste presque animal.
Le serveur n’ose pas protester et la laisse partir. Avant de se faire, elle lâche simplement, des sanglots résonnant dans sa voix :
— Je sais que je suis pas facile mais… Elle n’avait pas l’air de s’en soucier, elle. J’aurais aimé que tu me laisses au moins ça.
Là-dessus, elle ouvre la porte du restaurant. Aussitôt, je m’adosse au mur et ferme les yeux, faisant mine de dormir. Le bruit des talons de Candice résonne devant moi avant de s’éloigner.
Elle est partie.
Quelques secondes s’écoulent avant que la voix de James ne résonne :
— Je rêve où vous faites semblant de dormir pour que je ne me rende pas compte que vous avez écouté notre conversation ?
Les yeux toujours clos, je chuchote évasivement :
— Non…
— Putain, vous êtes décidément bien allumée, soupire-t-il.
J’écarquille les yeux, absolument outrée.
— Et vous, vous êtes un connard avec votre femme !
— Mon ex…, commence-t-il à me corriger avant que je le coupe.
— Je m’en fous ! Je vous parle plus !
J’attrape le bras d’un passant et commence à marcher avec lui. L’homme sursaute et je lui lâche, furieuse :
— C’est toi mon ami, maintenant.
— Mais enfin, vous êtes qui ?
Mes épaules se haussent et je continue de marcher à son bras. M’éloignant de James Harold.
Quel trou du cul, celui-là !
𔘓
j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!
𔘓
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