𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟖






















𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    1 8

𔘓
















































































— Allô, monsieur Dumas ? J’ai vu que vous m’aviez contacté à plusieurs reprises, cette nuit. Navrée, je n’ai pas pu vous répondre, je dormais. N’hésitez pas à me rappeler quand vous avez ce message.

           Glissant mon téléphone dans ma poche, j’entre dans l’immeuble des beaux-quartiers dans lequel se trouve le siège social de Lilith. L’entreprise a déménagé il y a peu, de sorte à refaire entièrement son image.

           Seulement, dès que je pose un pied sur le sol en mosaïque et passe entre deux statues de marbre, un imposant portique de sécurité me retient.

           Habituée, je retire mon manteau, mon couvre-chef, mes gants, mon sac que je pose dans un bac. Traversant l’arcade, je récupère ensuite mes affaires sans que les agents de sécurité ne m’accordent vraiment d’attention.

           Ils semblent tous obnubilés par la conversation qu’ils ont. Les quatre l’alimentent avec ferveur.

— Attend, tu crois réellement que c’est le FISC ? Mais ils ne ressemblent pas à ça, dans les séries !

— Personnellement, je parierais sur La Crime, ce serait plus classe.

— Espèce d’abruti, ça signifierait surtout qu’un meurtre a eu lieu.

           M’éloignant, mes sourcils se froncent. Les couloirs sont déserts, aucune femme ne se trouve sous le lustre de cristal ou derrière les comptoirs de bois servant à l’accueil. Mais des murmures retentissent, depuis les arcades menant à d’autres salles.

           Surprise que nul ne me demande ce que je viens faire ici, je commence à dévaler les escaliers de marbre et découvre d’ailleurs une splendide statue grecque en marquant l’angle. Derrière cette dernière, l’escalier se termine et j’aperçois l’ascenseur.

           Il s’ouvre quelques instants après que j’ai appuyé sur le bouton. Entrant dans la cage, j’exhibe mon badge avec fierté et le passe devant le capteur pour accéder au dernier étage.

           James et moi devons discuter de la prochaine interview. J’aimerai la commencer dès à présent, je déborde d’idées.

           Forte de toutes ses pensées, je trépigne d’impatience en sautillant presque sur place. La cage s’immobilise devant le dernier étage. Je pose mon doigt devant le capteur pour qu’il lise mon empreinte — James m’a ajouté au fichier des personnes ayant le droit d’accéder à ce bureau.

           Notre nuit hier m’a faite énormément de bien. Soit, je ne m’attendais sûrement pas à me faire arrêter. Mon autre identité, S. Ralyk, ayant reçu un tuyau sur des travaux illégaux menés dans un laboratoire.

           Seulement, je n’ai pas pu résister en voyant ces pauvres petites victimes en cage.

           Le plus vexant a certainement été que, lorsque j’ai commencé à expliquer que j’étais une honnête citoyenne aux policiers, ils m’ont ordonné de souffler dans le ballon. Puis, quand ce dernier a montré que je n’étais pas du tout ivre, ils se sont regardés, interloqués.

           Les portes s’ouvrent à peine que je sors en déclarant fièrement :

— Salut, Jamesounet ! On doit parler de pas mal de choses, vous et m…

           Ma voix se meurt brutalement quand mes yeux s’écarquillent.

           Debout dans le bureau de James Harold, trois personnes se tournent dans ma direction. Un silence prend place quelques instants tandis qu’ils me jaugent silencieusement.

           La femme aux cheveux frisés sort un porte-carte noir flanqué d’un insigne doré :

— Commandant Oliveira, police.

           Quelques instants, je cherche une réplique marrante à sortir mais mes yeux croisent alors ceux de James Harold. Assis dans son fauteuil, il me regarde, presque exténué.

           S’approchant, la dénommée Oliveira se plante devant moi. Aussitôt, James Harold se redresse, attentif :

— Elle n’a rien à voir avec tout ça, elle n’est qu’une journaliste qui venait m’interviewer aujourd’hui. Laissez-la tranquille.

           Les yeux toujours fixés sur moi, la femme hausse un sourcil avec de se tourner vers mon patron, un sourire mesquin aux lèvres. Je remarque alors les broderies en forme d’ailes d’ange, dans son dos.

— J’interroge qui il me plaît d’interroger et n’attend rien de personne, mon cher.

           En quelques pas, elle le rejoint. Se penchant par-dessus le bureau, elle le jauge quelques instants avant de siffler :

— Je sais qu’il vous est coutume de claquer des doigts et que la police vous obéisse. Vous vous pointez à une heure deux au poste et faites libérée sans aucune trace de son passage votre petite-amie à une heure trois.

           Un petit rire franchit ses lèvres.

— Ce n’est pas le genre de choses qui fonctionnera avec moi.

           Se tournant, elle marche d’un pas décidé vers moi. James Harold la suit du regard tandis qu’elle se plante devant ma personne, brandissant à nouveau sa plaque.

           Mais elle n’a pas le temps de piper mot que je lâche dans un rire :

— Dis-donc, sacrée tension sexuelle entre vous. Vous voulez son numéro ?

           La femme me fusille du regard tandis que les deux hommes l’accompagnant pouffent de rire. Lorsque je vois l’un d’eux lorgner les fesses de sa cheffe, je gronde :

— Dis-donc, le pervers. T’as jamais entendu parler de cul pour ricaner comme un collégien en rut ?

— Pardon ? Non, mais tu sais à qui tu parles ? s’exclame l’homme en s’avançant, posant une main sur son arme à la ceinture.

           James se lève brutalement mais le commandant Oliveira est plus rapide. D’un geste de la main, elle intime à son collègue de se taire.

           Puis, se retournant sur moi, elle refocalise son attention :

— Madame, connaissez-vous le docteur Richard Dumas ?

           Je me fige. Ma gorge s’assèche brutalement et je dois l’éclaircir en une brève toux.

— Je… Oui, enfin. Vaguement. Nous avons déjeuner ensemble.

           J’ignore autant que je peux James qui se redresse. Je sens que ses yeux se posent sur moi tant ceux-là se font chauds. Son regard me brûle cependant je garde le mien ancré sur la policière.

— Il a été retrouvé mort à son domicile, ce matin. Notre médecin légiste en a conclu à un homicide volontaire.

           Quoi ?

           Cette déclaration me fait l’effet d’une claque. Je ne contrôle rien. Mes doigts s’écartant, ma mâchoire se décrochant, mes yeux s’écarquillant… Le choc m’assène une gifle magistrale.

           Il a été…

— Mort ? je répète, la gorge obstruée et les doigts tremblants.

           Aussitôt à mon esprit s’imposent les images de ces appels que j’ai ignoré. Mon corps ne cesse de trembler tandis que je vacille.

           Il a cherché à me contacter. Inlassablement. Sans que je ne réponde.

— Je… Qui a fait ça ? Qu’est-c…

— Hé, hé ! tonne l’un des policiers, les mains à hauteur de la ceinture de son pantalon. C’est nous qui posons les questions, ici.

           Le commandant Oliveira ne réagit pas mais je distingue nettement l’exaspération qui brille dans ses yeux. Je suppose qu’elle n’accepte pas vraiment l’équipe à laquelle elle a été affectée.

           Prenant une profonde inspiration, elle finit par me demander :

— Où étiez-vous hier, à deux heures du matin ?

           J’hésite quelques instants, lançant un regard furtif à James Harold. Je ne sais pas s’il a été sincère sur notre nuit passé ensemble. Je me doute qu’il peut avoir honte d’être vu avec moi.

           Il ne me regarde pas, fixant son bureau.

— Je… J’ai été arrêtée et… Je suis allée manger dans une épicerie avec un ami qui m’en a sorti. Nous y sommes restés quelques heures, sans voir le temps filer. Il devait être plus de trois heures quand nous sommes rentrés.

           Elle hausse un coin de ses lèvres :

— Petite nuit ?

— La plupart de mes nuits sont courtes.

— Titre.

           D’un même, geste, nous nous tournons vers le policier qui s’esclaffe dans sa main, visiblement hilare.

— Dis-donc, on est face à des témoins, là ? le rappelle-t-elle sèchement à l’ordre avant de se retourner vers moi. Excusez-le, il est nouveau.

— Non, c’est faux, je suis là depuis cinq…

— Si, il est nouveau, insiste-t-elle en lui lâchant un regard noir. Bon… Je suppose que l’ami en question se trouve derrière moi puisque c’est exactement ce qu’il nous a dit.

           En temps normal, j’éclaterai sans doute de rire. Cependant mon regard se fait blanc et je ne réagis pas. Elle se reconcentre sur moi et demande doucement :

— Vous lui connaissiez des ennemies ?

           Mon réflexe serait de regarder James. Je m’efforce de ne pas le faire, me contentant de garder les yeux rivés devant moi. Je déglutis péniblement.

— N… Non. Je ne le connaissais quasiment pas. Nous avons déjeuner une fois ensemble et comptions peut-être nous fixer un autre rendez-vous.

           Elle acquiesce.

           Quelques questions s’ensuivent, auxquelles je réponds de façon hasardeuse, la tête flottante. Je n’arrive pas à me concentrer correctement, mon estomac se contractant.

           Finalement, elle finit par se tourner vers James Harold :

— Je vous laisse donc. Nous aurons peut-être d’autres questions à vous poser après avoir contacté votre ex-femme alors ne quittez pas la ville.

— Vous n’avez absolument pas le droit de me demander une chose pareille mais je n’y comptais pas, de toute façon.

           Elle sourit.

— Evitez cette erreur devant mon ex-femme. Je ne suis peut-être plus procureur mais elle est toujours procureur général, tonne-t-il.

           Elle acquiesce, hésitant quelques instants, avant de lâcher :

— De toute façon, je doute qu’elle veuille mettre frein à cette enquête donc inutile de lui demander une telle chose. Après tout, il s’agit tout de même de la mort de son frère.

           Mes muscles se figent et yeux s’écarquillent. James me regarde, soutenant ma réaction en silence tandis qu’ils nous dépassent, rejoignant la porte.

           Disparaissant derrière cette dernière, ils sortent. La porte claque, nous laissant seuls. Dans ce silence oppressant.

           Nous ne parlons point, nous observant en chien de faïence. Quand, au bout d’un certain temps, James Harold se redresse avant de s’enfoncer dans son fauteuil.

           Il pousse un long soupire.

— Alors, allons-nous en parler ou simplement ignorer le problème ?

           Mes épaules se haussent. Je secoue la tête.

— Il m’a abordé dans un restaurant. Nous avons juste déjeuner.

— Et, comme par hasard, il vous aborde alors qu’il ne peut pas me blairer ? Vous ne vous êtes pas dites qu’il s’agissait seulement d’un moyen de m’atteindre ?

— Je… Non. J’ai cru qu’il s’intéressait naturellement à moi, qu’il me trouvait jolie.

           Ses sourcils se haussent et il lâche un rire peu convaincu. Mon cœur se serre douloureusement. Bien plus qu’il ne le devrait à ce geste moqueur, remettant en doute ce que je viens de dire.

           Cette simple expression qui signifie qu’il ne peut croire que l’on m’aborde simplement parce qu’on me trouve jolie.

           Je crois que la dernière fois que j’ai été aussi blessée a été lorsque j’ai lu l’œuvre de Crocodile. Je n’ai plus jamais ouvert un seul de ses bouquins depuis.

— Je… Je vois, je chuchote d’une voix rauque.

           Puis, sans un mot, je quitte la pièce en claquant la porte derrière moi. J’entends son fauteuil grincer, derrière le mur et devine qu’il compte me suivre. Je m’engouffre dans la cage d’escaliers et la dévale à toute allure.

           Je ne veux parler à personne.









































𔘓

voici la tempête que
je vous ai promise

j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

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