𔘓
C H A P I T R E 1 3
𔘓
— Seigneur…
James Harold semble sur le point de s’évanouir. Assis dans un canapé de cuir, son dos appuyé contre un oreiller circulaire de velours, il soupire. Son costume sombre tranche d’ailleurs abruptement avec les murs et mobiliers clairs.
Soupirant, il me détaille de haut en bas tandis que je sors d’une cabine d’essayage. A côté de nous, les trois femmes habillées pareillement placent une main devant leur bouche, visiblement abasourdie.
— En quinze ans de carrière, je n’avais jamais vu ça, chuchote la cheffe de magasin.
James Harold a souhaité m’emmener dans une boutique de luxe afin de m’acheter un tailleur pour ma prochaine interview. Cependant, là, refusant les conseils des femmes s’étant présentées à nous, j’ai filé en cabine d’essayage.
— Alors ? Je vous en bouche un coin, hein ? je lâche avec provocation devant les femmes.
Levant un bras, j’ondule des hanches pour montrer mes vêtements.
— Vous ne pensiez pas qu’une femme de mon rang pouvait s’habiller ? Et oui, point besoin de conseils, je suis née avec de l’or dans les mains ! Mes tenues sont splendides et…
— Comment, en prenant les plus belles pièces du magasin, elle a pu créer une telle laideur ? chuchote l’une des femmes.
Je me fige, courroucée, me tournant vers elle. La plus âgée secoue la tête.
— C’est prodigieux… Même en essayant, je crois qu’aucun n’aurait pu créer une tenue aussi ridicule.
— Ignares, je bougonne, croisant les bras.
Un rire étouffé retentit et je me lève pour croiser le regard malicieux de James. Quelques instants, il regarde mes vêtements avant de reprendre contenance.
Un éclat amusé brille dans ses yeux lorsqu’il demande :
— Alors ? Maintenant que je t’ai laissée faire mumuse… Tu pourrais peut-être songer à laisser les dames travailler ?
Je jette un autre regard au trio qui me fixe, hébété. La plus âgée murmure encore une fois, les yeux écarquillés :
— Prodigieux…
Levant les yeux au ciel, je soupire et marche jusqu’à la cabine d’essayage d’un pas lourd. Puis, leur assénant un regard mauvais, je tire brutalement le rideau.
Une fois à l’abri de leur vision, je commence à me déshabiller. La cheffe de magasin se rapproche et commence à me parler :
— Vous n’êtes pas obligée de mettre un tailleur. Nous pouvons vous trouver d’autres tenues de travail, en dehors des sentiers battus, si là est ce que vous aimez.
— Elle n’aime pas particulièrement ça, intervient James Harold à ma place. Elle ne sait juste pas s’habiller, ce n’est pas une démarche artistique.
Brutalement, j’ouvre le rideau afin de lui lancer mon regard le plus noir. Ses yeux s’écarquillent avant qu’il ne tourne soudain la tête, les joues rougissants.
Les bras croisés sous mon soutien-gorge, je tapote le sol de mon pied.
— Mademoiselle, vous êtes à moitié nue ! s’exclame la femme, visiblement atterrée.
Baissant les yeux, j’observe mon buste. Je n’avais effectivement pas réalisé cela.
Contrairement à James qui doit bien en avoir conscience, à en juger par la rougeur ornant ses joues. Il persiste d’ailleurs à fixer l’autre bout de la salle.
Reculant, je tire à nouveau le rideau. Seulement la voix de l’homme retentit aussitôt.
— Attendez.
Mes sourcils se haussant, je m’immobilise. Tiens… Je détiens là une nouvelle façon de l’agacer. Mes remarques sur son odeur sont fausses car il est toujours soigneusement lavé, parfumé.
Seulement, là, je peux peut-être commencer à faire quelques remarques sur ses penchants voyeuristes.
Un sourire mesquin étire mes lèvres. Quel surnom serait le meilleur ? « Gros cochon ? », « petit porcinet », « sacré pervers » ? Oh non, je sais…
— A…
— Ouvrez les rideaux. Montrez-moi.
Je dois avouer que je n’avais pas vu celle-ci venir. Sonnée, je regarde mon reflet dans le miroir de la cabine. Je suis tout à fait fidèle, physiquement, à ce que je ressens.
Mes yeux écarquillés trahissent ma stupeur.
— S’il-vous-plaît, ajoute-t-il. Montrez-moi le dos et laissez-moi entrer.
Un peu hébétée, j’accepte néanmoins. Posant mon tee-shirt sur mon buste, je ne lui montre que le dos en l’invitant à entrer. Dans le miroir, je vois le rideau se tirer, laissant voir James Harold.
Mon cœur bat à toute vitesse tandis que je le regarde m’approcher. Les murmures des femmes ne parviennent presque pas à mes oreilles tant mon rythme cardiaque m’assourdit.
Ma gorge est sèche quand je déglutis péniblement.
— C’est bien ce que j’avais vu. Bon sang, mais vous êtes inconsciente ? grogne-t-il avant de se détourner à nouveau. Rhabillez-vous.
Sortant de la cabine d’essayage, je le vois tirer un carnet de sa poche intérieure ainsi qu’un stylo plume. Derrière le rideau maintenant tiré, je devine qu’il s’approche d’une des femmes.
— Pouvez-vous contacter mon entreprise à ce numéro et leur demander ces références ? Il me faudrait une dizaine de soutien-gorge de cette taille.
Mes yeux s’écarquillent.
— PARDON ? JE VOUS SAVAIS PERVERS MAIS QUAND MÊME !
J’entends le soupire agacé qu’il lâche. La femme accepte aussitôt de passer ce coup de téléphone et je sors ma tête seulement du rideau de la cabine.
James Harold se retourne à ce moment-là.
— Douleur mammaire, à la cage thoracique, aux épaules, au cou et au dos.
— Vous me faites quoi, là ? Un poème ? je maugrée.
Il lève les yeux au ciel avant de demander poliment aux femmes d’aller me trouver quelques tenues selon leur avis de professionnelles.
Une fois seuls, nous nous regardons. Il déclare soudain :
— Votre soutien-gorge est beaucoup trop petit pour vous. C’est un coup à avoir la chaire cisaillée ! Bon sang, mais comment faites-vous vos courses ?
Mes épaules se haussent.
— Dis donc, vous en faites pas un peu trop ? je demande. Une nouvelle garde-robe ? Vous avez de l’argent à perdre.
Ses sourcils se froncent.
— Une nouvelle garde-robe ? répète-t-il. Non, je vous achète une tenue pour éviter la catastrophe de la dernière fois mais, avec le salaire que vous allez percevoir, j’imagine bien que vous serez capable de vous en achetez d’autre.
— Radin, je grommelle.
Il secoue la tête.
— Pour ce qui est des soutien-gorge, ne pas en porter à votre taille peut avoir de graves conséquences. Je ne vous apprécie pas, mais pas de là à ignorer sciemment quelque chose d’aussi déterminant.
L’observant en coin, je fais la moue.
— Quoi ? lâche-t-il devant mon air dubitatif.
— Beaucoup d’excuses mais vous n’êtes qu’un pervers.
Habitué à mes vannes, il se contente d’hausser les épaules. Je retourne en cabine au moment où les deux femmes arrivent.
— Voici différentes tenues que vous devez essayer, madame, déclare l’une d’elle en me les tendant.
J’ouvre les rideaux et saisis les tissus. Quelques minutes plus tard, je ressors à nouveau. James Harold ne me regarde pas, pianotant sur son téléphone.
Les femmes m’observent, quant à elle. Penchant la tête sur le côté, elles regardent la façon qu’a le tissu de tomber sur moi. Après des instants, la blonde lève les yeux.
— Devons-nous être sincères ou commerçantes ?
Outrée, je lève le menton. Mais je n’ai le temps de lâcher une remarque bien sentie.
— Vous devez surtout être professionnelle. Quelle est cette tenue ? Six couleurs, aucune ne va avec l’autre. Trois matériaux différents et qui ne s’harmonisent pas…
Je sens l’ombre de James Harold planer dans mon dos. Il tourne autour de moi dans une spirale étrange. Se déplaçant doucement, il m’observe non pas comme une femme, mais un produit.
Il cherche la faille, analyse le tissu, cerne le moindre défaut. Ses yeux me brûlent partout où ils passent, m’empêchant de respirer.
— Je me doute qu’une boutique de votre cachet n’embaucherait pas une telle buse. Alors dites-moi…
Se retournant, il jauge l’une des femmes.
— …Vous êtes décérébrée ou juste nulle ?
Les yeux de la femme s’écarquillent. Il fait un pas, s’approchant d’elle.
— Voyant que la femme ici présente ne sait faire de bons choix vestimentaires, votre cheffe étant partie, vous avez sans doute voulu vous moquer un peu ? Histoire de vous divertir de votre pathétique existence ?
« Devons-nous être sincères ou commerçantes ? »
Je vois. La phrase était trop belle pour être tout à fait spontanée. Elle devait l’avoir préparée, histoire de faire rire la galerie. M’apporter une tenue catastrophique pour bien se marrer avec sa collègue.
Ce n’est qu’une blague. James surréagit.
— Je suis navrée, monsieur Harold, murmure-t-elle. Je croyais que…
— Ne soyez pas navrée. L’abruti ici présent vous hurle dessus parce qu’il n’a pas le courage de s’en prendre à moi le reste du temps.
La mâchoire de l’intéressé se contracte mais il ne se retourne même pas.
— La véritable tenue que vous avez préparée pour moi, s’il-vous-plaît, je demande.
Elles acquiescent aussitôt et disparaissent en un clin d’œil. James me regarde enfin, passablement agacé.
— Je vous défendais après cette humili…
— Humiliation ? je lâche dans un rire rauque. C’est juste une blague. Et ce n’est pas moi que vous défendiez.
Je rentre dans la cabine et, avant de fermer le rideau, lâche :
— La vérité c’est que votre égo est si fragile que vous ne supportez même pas une petite blague d’une conseillère. Quoi ? Elle n’est pas assez chic pour se le permettre ?
Une fois dans la cabine, j’ajoute :
— Le cliché que vous êtes, monsieur le riche et puissant…
𔘓
j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!
𔘓
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