𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟖








𔘓

C  H  A  P  I  T  R  E    8

𔘓



















           La perruque que j’ai volée trône sur le tableau de bord, illuminée de la lumière du jour filtrant à travers ce dernier. Je l’observe, interdite.

           Je n’arrive pas à croire que, à peine arrivée dans la voiture, la perruque m’ait été arrachée avant d’être projetée à cet endroit. Sans prendre le temps de me laisser apprécier les fauteuils de cuir, l’espace à l’intérieur de ce véhicule luxueux, James Harold m’a agressée violemment.

— Vous avez bientôt fini de bouder ?

           Les bras croisés, je ne me tourne pas vers lui.

— Je vais porter plainte pour coups et blessures, je tonne, absolument outrée.

           Il soupire en levant les yeux au ciel, visiblement dépassé. Je m’en contrefiche, me retournant pour garder le regard ancré sur la route.

           La circulation est plutôt fluide et le paysage des gratte-ciels évolue doucement vers des immeubles moins grands et des bâtisses plus anciennes. Les détritus jonchent plus souvent les trottoirs à mesure que nous nous éloignons du quartier des affaires.

           Et, surtout, les passants se tournent plus facilement sur cette voiture de luxe.

— Il y a quelque chose que je ne saisis pas, commence-t-il.

— Il y a un paquet de choses que vous ne saisissez pas.

           Sans relever ma pique, il s’arrête à un feu rouge. Je remarque les regards s’attardant de plus en plus sur le véhicule.

           Quand je réalise que les passants ne peuvent pas me voir, les vitres étant teintées, j’écarte mes narines et tire la langue avant de loucher.

— Non, sérieusement, vous avez quel âge ?

           Je fusille l’homme du regard qui, consterné, détaille de ses yeux ambrés ma façon de me tordre. Affrontant ses iris de sable, je m’efforce de me mesurer à ce contact visuel.

           Je n’aime pas le jugement que je lis sur son visage. Le mépris indissociable de l’homme de pouvoir qu’il est.

— Le feu est vert, avancez, je tonne.

— Non, c’est faux, répond-t-il sans même regarder un instant ledit feu.

           Il sait que je mens, voulant le pousser à rompre le contact. Mon plan a échoué et il maintient ce regard quelques secondes.

           Puis, il tourne la tête dans un rictus amusé.

— Vous êtes vraiment pas commune, comme femme.

— Oh, le plan drague tout pourri, je marmonne. Après vous allez me dire que je suis différente de toutes les autres, si banales et vous m’embrasserez passionnément.

— Je doute que qui que ce soit ait envie de vous embrasser.

           Un soupir franchit mes lèvres et, levant l’une de mes fesses, je saisis mon téléphone portable dans ma poche arrière. Du coin de l’œil, il m’observe pianoter dessus.

           La voiture se remet en marche. Nous roulons.

— Que faites-vous ?

— J’envoie un message à votre père, je réponds.

— Je vous demande pardon ? lâche-t-il, visiblement outré. J’espère pour vous que ce n’est qu’une blague de mauvais goût !

           Je ne l’ai rencontré que deux fois dans ma vie. Mais James Harold aime à se présenter comme un homme droit, imperturbable, qu’une tornade ne ferait pas frémir.

           Alors je dois avouer que le pousser à bout revêt quelques caractères passionnants.

— Répondez-moi !

— Vous m’avez demandé pardon, je vous accorde mon pardon. Maintenant, laissez-moi, je dois réfléchir à la meilleure façon de l’aborder… Vous croyez qu’il aime se faire appeler daddy ?

           Je réprime un rire violent en le voyant se tendre brutalement. Puis, il souffle longuement.

— Bien. Je ne me ferais pas avoir à votre petit jeu particulièrement puéril. Mon père n’est pas sur les réseaux sociaux. Alors je sais que vo…

— 675-980-3…

— C’est quoi votre putain de problème ? s’exclame-t-il en entendant le numéro de téléphone de son père.

           Je hausse les épaules.

— Je suis journaliste.

           Il secoue la tête.

— Non. Non. Une journaliste n’est sûrement pas censée faire ça. J’en ai côtoyé, des journalistes. Mais vous, vous êtes assurément la p…

— Que dites-vous de « heeeeey daddy… emoji sourire en coin, emoji pêche… »

— Taisez-vous. Immédiatement.

           Sa voix, brutale et ferme, attire mon attention. Verrouillant mon téléphone, je tourne la tête vers lui. Son profil m’apparait, illuminé de la lueur du soleil filtrant à travers le pare-brise.

           Son nez, droit, chute au-dessus de lèvres fines pincées. Celles-ci se contractent quand ses yeux descendent pour fixer le volant, faisant chuter ses cils. A ce geste, étrangement, sa cicatrice semble plus saillante encore.

           Barrant son visage en deux, striant son nez et s’arrêtant sous chacun de ses yeux, elle se vivifie soudain.

— Posez ce téléphone, ordonne-t-il.

           Je ne sais s’il s’agit de la façon dont l’air s’est- brutalement épaissi, autour de lui. Ou peut-être est-ce lié à sa voix grondante. Il me serait aussi possible d’évoquer les frissons parcourant mon corps face à la contraction de sa mâchoire.

           Quoi qu’il en soit, j’obéis. Sans réellement comprendre pourquoi.

           Il pousse un soupir de soulagement en entendant le cliquetis de l’écran se verrouillant. Silencieusement, je dépose le téléphone sur le tableau de bord. Il ne fait aucun commentaire, continuant de rouler.

           Là, je réalise qu’il se dirige effectivement vers mon appartement. Je ne lui ai pourtant jamais donné mon adresse.

           Un instant, j’hésite à le comparer à un certain Joe Goldberg lorsque mon regard se pose à nouveau sur son profil.

           Droit, austère, je ne peux nier qu’il impose le respect.

           Ainsi que le silence.

— Bien, reprend-t-il au bout d’un moment.

           Je déglutis péniblement. Il prend une profonde inspiration, comme pour se calmer.

— Je suppose que vous savez pour quelle raison je vous raccompagne.

— Pour me prouver que vous êtes pas climatosceptique mais pour l’écologie en faisant du covoitu…

— Bordel ! Il me semble vous avoir dit de vous taire ! gronde-t-il, sa main frappant le volant.

           Mon regard s’attarde d’ailleurs sur la facilité avec laquelle, usant de son crochet, il fait glisser ledit volant. On eut dit que cela était inné, chez lui.

           Mais cette pensée quitte très vite mon esprit tandis que je croise les bras, boudeuse.

— Vous m’avez posé une question.

— Non, ce n’est pas v…, commence-t-il à se défendre avant de se taire, fermant les yeux pour se contenir. Je voulais simplement amorcer le sujet de la vente de votre vidéo.

           Je hausse les sourcils, feignant de ne pas savoir de quoi il parle.

— L’interview que vous avez prise de moi, explique-t-il. Je sais que Martel vous a demandé votre carte mémoire la contenant. Et je sais que la carte que vous lui avez donnée contient en réalité différentes prises de votre majeur.

           Je déglutis péniblement, tentant de comprendre comment il a eu accès à une telle information.

— Je veux cette carte. Je peux vous l’acheter.

           Ah.

           Il commence à employer des termes qui me plaisent. J’apprécie particulièrement ce que j’entends.

— Je suis d’accord, je finis par déclarer.

           Il pousse un soupir soulagement.

— Pour le double de mon salaire.

— Vous vous foutez de moi ? Ce torchon ne vaut sûrement pas une somme pareille !

           Levant les mains, je capitule en l’entendant hausser le ton.

— D’accord, d’accord…

           Réfléchissant quelques instants, je lance mon nouveau prix :

— Alors pour 10 000.

— Vous vous foutez de moi !? C’est encore plus que le double !

           Je hausse les épaules.

— Vous m’avez interdit le double, je tente un autre prix.

— Oui, mais pas plus ! Bordel, avec quoi vous réfléchissez, au juste ?

           Faisant la moue, je croise les bras. Me voyant faire du coin de l’œil, il soupire :

— Arrêtez donc de faire l’enfant. Vous savez que cette horreur ne vaut pas autant d’argent. Je suis justement prêt à vous la racheter seulement pour être sûre qu’elle ne sorte jamais.

           Je ne réponds pas. Le silence s’éternise. Les immeubles redeviennent assez bien entretenus et les déchets ne jonchent plus autant le sol.

           Cependant, le quartier n’est pas non plus onéreux.

— Bon, lâche-t-il au bout d’un moment. Et si vous me disiez juste le montant ?

— Je vous l’ai déjà donné.

— Non. Le véritable montant. Celui qui vous a poussée à essayer de vous faire virer sans considération pour votre propre carrière ?

           Je soupire.

           Un instant, j’hésite à lâcher quelques gamineries et me délecter de la colère qui peindra ses traits. Seulement il est sans nul doute la chance de sauver Hermès.

           Mes pensées glissent vers lui. Je resonge à la douceur de son regard et la douleur embaumant son corps.

           A nouveau, je soupire.

— Mon chien a besoin en urgence de se faire opérer. Puis rééduquer. Plus j’attends, plus les chances que la maladie dégénère augmente. Je veux agir tant que je le peux.

           Il ne répond pas tout de suite. Je ne prends pas la peine de regarder sa réaction. Je m’en contrefiche. Parler d’Hermès m’a fichu un coup et je me contente de soupirer, lasse.

           Bientôt, il interrompt à nouveau le silence :

— Je… Je dois dire que je ne m’attendais pas à cela.

           Je hausse les épaules. Pour être honnête, je me fiche de ses attentes.

— Bien. Cela me va. Je prendrais en charge tout ce dont votre chien a besoin.

           Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et mes yeux s’écarquillent. Me redressant brutalement, je me tourne sur James qui continue de conduire.

           Un instant, je n’y crois pas. Hier, j’ai cru pouvoir enfin atteindre mon objectif. Cependant, aussitôt, il m’en a été ravi.

           Après tant d’essais vains, je ne peux que peiner à y croire.

           Seulement le regard de James est droit et je sais que je n’ai pas mal entendu. Cet homme est un con, mais je peine à croire qu’il me ferait une blague aussi cruelle.

           Mes paupières papillonnent et je tente de réprimer mes larmes d’émotion.

— Je… Merci.

           Ses sourcils se haussent brutalement. Il semble surpris.

— Je ne vous aurais jamais cru du genre à remercier autrui.

           Sa remarque ne parvient même pas à me vexer. Je ne peux m’empêcher d’imaginer Hermès, marchant sans douleur, se déplaçant sans le moindre mal, vivant à mes côtés sans que je me dise qu’à tout moment, sa maladie peut dégénérer.

           Là est véritable la seule chose dont j’ai réellement besoin. Qu’il aille bien.

— Je vous donnerais la carte quand l’opération aura eu lieu.

— Alors j’appelle mon vétérinaire personnel pour que cela soit fait aujourd’hui.

           Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

— Vraiment ?

— Je n’ai pas davantage de secondes à perdre avec vos enfantillages.

           Un sourire étire mes lèvres et je me laisse tomber dans mon siège. Moi qui croyais encore, il y a dix minutes, que tout était fichu.

           Je n’arrive pas à croire que cela se résoudra enfin ce soir.

           Dès cette nuit, nous pourrons dormir ensemble dans mon lit, conscients que l’avenir est assuré. Je songe déjà aux gourmandises que je lui donnerais en lui lisant le nouveau chapitre du webtoon de Crocodile.

           Le nouveau chapitre !

           Je réalise soudain que je n’ai pas du tout lu cette sortie que j’attendais tant. Après tout, cela fait un moment que Crocodile nous a annoncé que ce personnage serait l’antagoniste le plus puissant de son comic.

           Avec hâte, je sors mon téléphone.

— Qu’est-ce que ce vous faites ? demande James, curieux.

— Le nouveau chapitre de Crocodile, je lance en ouvrant avec hâte l’application. Je veux le découvrir !

           Il me semble qu’il se crispe un instant.

— Attendez, posez ce téléphone. Je ne suis pas sûr que ce soit nécessairement une bon…

           Mais James Harold n’a pas le temps de poursuivre. Dès que je découvre le design du personnage, je sursaute. Mes yeux s’écarquillent tandis que je lis la fiche descriptive.

           Mes doigts se crispent autour du téléphone.

           Et je ne me retiens pas lorsque, observant le visage du personnage, je hurle soudain :

— OH L’ENFOIRE !






















𔘓

hey !

de retour après une
longue pause !

merci d'avoir eu la
patience d'attendre
et à samedi !

j'espère que ce
chapitre vous aura
plu !!

𔘓



































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