𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟕
𔘓
C H A P I T R E 7
𔘓
La musique secoue presque l’étage tant ses basses sont violentes. Mes collègues, hilares, me regardent tandis que je marche au ralenti, secouant la tête et envoyant des baisers dans les airs.
Les bras écartés, je lève le menton, leur faisant signe d’applaudir avec force.
— OUI, (T/P) ! hurle une voix portée par une main posée en cône.
— C’EST CA, MA BELLE !
Mes cartons posés sur un cadis, des chaînes volées il y a quelques semaines attachant ce cadi à mon corps, je marche. Ma cargaison me suit gracieusement tandis que je salue mes collègues.
Mais ce n’est pas ça qu’ils applaudissent. Leurs yeux sont posés sur la perruque que j’ai enfilée, imitant une calvitie très avancée. Mes cheveux commencent au-dessus de mes oreilles et s’étendent en touffe.
Sur mon torse, le visage pleurant de Kim Kardashian me vaut aussi quelques sifflements.
— Merci à vous, mes fans, je lâche en posant une main sur mon cœur, faisant mine d’essuyer mes larmes de l’autre. Vous me manquerez, lorsque je partirais en tournée !
Les applaudissements redoublent d’intensité sur la musique de la Reine des Neiges que diffusent tous les ordinateurs du bureau en même temps — dans une cacophonie insupportable.
Mes collègues ont appris pour mon licenciement avant que je ne revienne. Ils m’attendaient avec une banderole et des confettis, heureux d’apprendre que j’avais atteint mon but.
Je n’avais pas le cœur de leur dire que je ne toucherais aucune indemnité.
— Merci, merci mes fan…
— BORDEL, QU’EST-CE QU’IL SE PASSE ICI ?
Un sursaut général prend mes collègues quand nous nous tournons tous vers l’ascenseur. Je devine qu’une pierre nous est tous tombée dans l’estomac face au trio debout entre les portes de la cage qui vient tout juste de s’ouvrir.
Monsieur Gérard. Monsieur Martel. Monsieur Harold.
Le premier, son front luisant sous ses cheveux blond vénitien, tamponne sa sueur en tremblant. Déglutissant péniblement, il lance un regard atterré à mes collègues qui se précipitent pour couper le son sur leurs ordinateurs. Je peux lire dans son regard la peur de se faire taper sur les doigts pour ne pas avoir su gérer mieux son équipe.
Le deuxième promène son regard noir de fureur sur ses subordonnées, sa bouche tremblotant sous le poids des hurlements en menaçant la frontière. Je devine sa colère dans la simple façon qu’il a de se tenir droit, immobile, les yeux écarquillés.
Le dernier, lui, me regarde. Je n’arrive à lire autre chose que de l’ennui dans son regard ambré. Ce dernier oscille entre les chaines sur mon ventre et ma perruque.
Bientôt, tous les échos déformés de cette musique se taisent. Le silence se fait dans les bureaux, complet.
— SOMMES-NOUS AU ZOO ? SOMMES DES…
Le cri de Martel meurt dans une extinction de voix. Plusieurs de mes collègues se retiennent d’éclater de rire en entendant ce brutal changement vers les aigus.
Personnellement, je ne retiens rien.
Martel me fusille du regard, presque animal dans sa colère. Me pointant rageusement du doigt, il crache :
— ET CA VOUS FAIT RIRE ?
Mes sourcils se froncent.
— Bah oui, sinon je rirais pas…
Penchant la tête sur le côté, je le jauge quelques instants, soucieuse.
— Heureusement que vous avez fait que prendre la tête de ce journal sans faire carrière dans le journalisme. Avec des questions aussi débiles, vous ne seriez pas allé loin.
Ses joues se gonflent et sa poitrine aussi lorsqu’il retient un hurlement de fureur.
Un instant, l’envie de jubiler me prend. Tout ce qu’il dit ne pourra pas m’atteindre. Je suis déjà renvoyée et grillée dans la profession. Je n’ai littéralement plus rien qu’il puisse me faire perdre.
Alors je n’ai aucune raison d’avoir peu de lui.
Cependant, à l’instant où je m’apprête à éclater de rire, James Harold ouvre la bouche :
— Êtes-vous sûre de vouloir donner des conseils en matière de journalisme ?
— Vous, vous l’ouvrirez quand on vous parlera de strings, d’accord ? je lâche, outrée.
Ma remarque ne semble pas l’agacer. Au contraire, un sourire amusé étire ses lèvres. Aussitôt, je sens la chaleur de la colère m’enliser à cette vision.
— …Ou alors quand on vous parlera d’entreprises responsables de catastrophes écologiques.
Son sourire s’efface aussitôt. Il fait un pas, se redressant brutalement :
— Ce n’était pas moi mais mon prédé…
— Na na na, j’entends pas ! je lâche en bouchant mes oreilles et lui tirant la langue.
Face à son air consterné, j’ajoute, les index fermant toujours mes canaux auditifs :
— Vous avez refusé de répondre à mes questions quand je vous donnais la chance de vous défendre, n’essayez même pas de retenter maintenant que vous m’avez faite virer !
Malgré mes oreilles bouchées, je l’entends tout de même lâcher abasourdi :
— Bon sang, mais vous avez quel âge ?
Ôtant mes doigts, je croise mes bras sur ma poitrine et le désigne du menton, provocatrice. Il soupire, lassé, face à ma posture.
A côté de lui, Martel semble consterné tandis que Gérard, lui, est habitué.
— Ecoutez, j’ai lu les rapports vous concernant et le nombre anormal de célébrités vous en voulant. Vous vouliez être virée donc je vous ai rendu un sacré service, reprend James. Maintenant, arrêtez votre délire, vous êtes ridicule.
Basculant tout mon poids sur une jambe, haussant ma hanche, je hausse un sourcil :
— C’est plutôt l’inverse, mon cher. Vous êtes ridicule.
— Non, vraiment pas.
La fermeté de sa voix en est presque blessante. Mais je maintiens ma position, provocante.
Face à mon insistance, Martel réagit :
— Enfin, (T/P) ! Vous vous êtes enchainée à un cadi que je reconnais d’ailleurs car une grande surface a porté plainte contre vous la semaine dernière pour l’avoir volé…
— D’ailleurs, j’aimerai pousser un coup de gueule contre la radinerie d…, je l’interromps, me rappelant cette affaire.
— ON S’EN FOUT DE VOS COUPS DE GUEULE ! VOUS ETES ENCHAINEE A UN PUTAIN DE CADI VOLE, PORTANT UNE PERRUQUE VOLEE A NOTRE EMISSION SUR LA SCIENCE ET HABILLEE D’UN TEE-SHIRT QUE JE VOUS AVAIS DEMANDE DE JETER DEPUIS QUE VOUS AVEZ IRRUPTION AVEC DURANT L’INTERVIEW DU PREMIER MINISTRE !
Poussant sur ma lèvre inférieure, je l’écoute en affichant une mine boudeuse. Mes yeux observent sa peau rougissant de plus en plus au fur et à mesure des secondes s’écoulant.
Lorsqu’il se tait, un silence de plomb prend place. Je dois avouer hésiter légèrement avant de lâcher :
— Il a adoré mon tee…
— DEGAGEZ TOUT DE SUITE.
— Ouais, au moment où je l’ai dit, j’ai senti que…
Mais je ne termine pas ma phrase, marchant jusqu’à la cage. Le cadi tressaute dans mon dos, bruyant. Je franchis la salle dans le silence de plomb et dépasse le trio, ignorant les regards de Harold et Martel lorsque je pénètre la cage.
Une fois à l’intérieur, je réalise ma connerie.
M’enfonçant le plus possible dans l’espace pour faire rentrer le cadi qui se trouve attaché à mon dos, je me retrouve bientôt face au mur du fond. Mon buste est plaqué à ce dernier et ma joue, aussi collée à la surface.
Je ne peux plus bouger.
— APPUYEZ SUR LE BOUTON ! je hurle.
— Oh, c’est pas vrai…
Malgré la consternation dans la voix de Martel, le tintement des portes me signalent que quelqu’un m’a obéi.
— MERCI, C’EST SYMPA.
Là-dessus, la cage bouge. A l’étroit dans cette position, je lâche un juron. Bon sang, moi qui avais fait ça pour que ce soit plus pratique de bouger — histoire d’avoir les mains libres.
Bientôt, la cage s’immobilise. Un tintement retentit à nouveau ainsi que le bruit des portes coulissant pour s’ouvrir. Grâce au reflet du bois vernis du mur auquel je suis collée, je vois qu’une silhouette attendait que l’ascenseur arrive.
Cette dernière s’apprête à entrer mais s’interrompt brutalement en me voyant.
— Mais qu’est-ce que c’est que ce borde…
— Au lieu de vous plaindre, vous pourriez pas m’aider ? je m’exclame, outrée de la remarque de l’homme qui souhaitait entrer.
— Oh… Oui… Pardon.
Je me sens tirée en arrière et devine qu’il a saisi le cadi et l’attire vers lui. Exécutant de petits pas, j’inspire à plein poumons quand la surface quitte mon torse. Le bois du mur s’éloigne de mes yeux et mes pieds se posent bientôt sur le carrelage. La lumière se fait plus vive et je reconnais le hall d’accueil. Je suis sortie de la cage.
Bientôt, mon sauveur fait le tour avant de s’arrêter à ma hauteur, me regardant.
— Merci pour votre aide, jeune homme.
Je sors un billet de mon portefeuille et le glisse dans la poche de son costard avant de la tapoter.
— Voilà pour vous remercier. Trouvez-vous quelque chose que vous aimez.
Un rictus moqueur étire ses lèvres et il hausse les sourcils.
— Avec cinq euros ?
Mes sourcils se froncent, désapprobateurs. Ses yeux louchent, sans rien perdre de leur condescendance, sur ma taille. Puis ils se posent sur ma perruque.
— Je rêve où vous êtes enchainée à un putain de cadi ?
Attrapant le billet dans sa poche, je le récupère avant de le pointer du doigt :
— Surveilles ton langage, trou de balle.
Il lève les yeux au ciel et éclate de rire. Puis, balayant l’air d’un geste de la tête faisant trembler ses boucles brunes, il lâche :
— Si vous voulez réellement m’aider, donnez-moi l’étage où est Monsieur Gérard. Je suis nouveau journaliste et vais remplacer une folle furieuse…, lâche-t-il en fixant les chaines sur mon ventre. Est-ce que, par hasard…
— Oh non ! Ce n’est pas moi !
J’éclate de rire.
— Moi, je m’occupe des livraisons ! D’ailleurs, vous ne pouvez pas utiliser les ascenseurs, c’est pour notre service ! Mais la cage d’escaliers est là !
Il suit la porte que je pointe du doigt avant de lever les yeux au ciel.
— Et l’étage ? demande-t-il, déjà exaspéré.
— Le dernier ! Que voulez-vous, les plus haut gradés sont en haut !
Je souris niaisement face à son air agacé. Sans un merci ni aurevoir, dans un simple juron, il me dépasse d’un pas vif et se précipite vers la porte qui claque dans son dos.
Je lâche un rire mauvais à cette vision.
— Vous êtes immature.
Je sursaute presque quand cette voix retentit.
Brutalement, je me retourne. Mon geste est aussitôt entravé par le cadi contre lequel je me cogne dans un juron. Recommençant mon geste plus lentement, je fais face au regard consterné de James Harold.
Toujours vêtu d’un costume impeccable, il me jauge. Je croise les bras.
— Comment vous avez fait pour descendre aussi vite ?
— Escaliers. Je suppose que lorsqu’on est pas chargé comme un âne, c’est plus facile.
Je lève les yeux au ciel. Il me regarde faire.
Un silence prend place quelques instants. Il le brise d’une voix autoritaire :
— Retirez vos chaînes.
— Non.
— Retirez vos chaînes.
— Non.
Il soupire.
— Madame, retirez vos chaînes.
— Et pourquoi faire, d’abord ? je lâche, bombant le torse.
Il lève les yeux au ciel mais répond tout de même :
— Je vais vous raccompagner en voiture mais je dois pouvoir charger mon coffre.
— Hors de question que je sois près de vous dans un espace confiné ! je lâche.
— Ne faites pas l’enfant, j’essaye de faire un geste, là !
— Gardez-le, votre geste !
Ses joues se gonflent lorsqu’il retient visiblement des mots grossiers. Me fusillant du regard, il insiste :
— Retirez ces chaines.
— Vingt euros.
Je tends la main, résolue. Ses yeux s’écarquillent.
— Vous vous foutez de moi !?
Je ne réponds pas, gardant la main résolument tendue et le fixant avec fermeté.
Il soutient ce contact quelques secondes avant de soupirer en glissant la main dans l’intérieur de sa veste. Je souris lorsqu’il sort son portefeuille.
— Bien, je suppose que c’est de bonne guerre, lâche-t-il en sortant un billet. Je vous licencie et vo…
Sa voix se coupe lorsque je lui arrache le billet des mains. Là, d’un geste aisé, je défais le cadenas qui n’était pas fermé, me libérant des chaines.
Elles tombent dans une cacophonie bruyante.
— Vous vous rendez compte que vous auriez pu faire ça depuis le début, dans l’ascenseur ? lâche-t-il, consterné. Que vous n’auriez pas été coincée ?
Je hausse les épaules :
— Amenez-les à la voiture.
Là-dessus, je m’en vais. Mes pieds résonnent sur le sol quand sa voix retentit dans mon dos :
— N’espérez même pas que je vais jouer le bagagiste en plus du chauffeur.
Je soupire.
— Bon, dans ce cas…
Me retournant, je reviens au cadi sous son regard médusé. A l’instant où je saisis les chaines, commençant à les réenrouler autour de moi, sa main saisit la mienne, m’arrêtant.
Je sursaute. Le contact de sa paume contre la mienne m’a pris de court. Cette chaleur soudaine est… déconcertante.
Tournant la tête, je croise son regard ambré :
— D’accord, je vais m’en occuper. Laissez ces chaines, maintenant.
Avec un sourire satisfait, je recule. Il lâche ma main et un vent frais se dépose dessus. Mais je n’y prête pas attention, le regardant saisir le cadi.
Il avance sur quelques mètres et je lui emboîte le pas.
— Nous allons en profiter pour rendre ces chaines que vous avez volées, lâche-t-il quand nous approchons des portails de sécurité.
— Quoi ? Mais je me sers de ces chaines littéralement tous les jours de ma vie !
Il cesse d’avancer. Arrêté, il prend le temps de me lancer un regard consterné :
— Vous vous rendez quand même compte qu’il faut avoir un parcours social compliqué pour prononcer une phrase pareille ?
Levant les yeux au ciel, je soupire. Mais il n’en a que faire.
M’ignorant, il sort du bâtiment.
𔘓
merci d'avoir lu !
j'espère que ça vous
a plu !
n'hésitez pas à
commenter, j'aime
beaucoup vous lire
:)
𔘓
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