𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟔
𔘓
C H A P I T R E 6
𔘓
— BORDEL MAIS QU’EST-CE QUI CLOCHE CHEZ VOUS ?
La voix de mon PDG résonne avec force dans le large bureau, une seconde avant que sa main plate ne frappe la surface du meuble. Je sursaute à ce son, prise de court.
Et bien, j’en connais un qui est un peu bougon, ce matin.
— VOUS RENDEZ VOUS COMPTE DE L’OPPORTUNITE UNIQUE QUE VOUS DETENIEZ ? DE CE QUE VOUS VENEZ DE FOIRER EN BEAUTE ?
Pourquoi je ne suis pas surprise que le grand James Harold ait eu le réflexe d’aller pleurer dans les jupons de mon patron après notre interview ? Je viens à peine de rentrer de cette dernière et suis d’ailleurs toujours habillée de mon tee-shirt à l’effigie de Kim Kardashian.
Il roule d’ailleurs des yeux en désignant avec dédain le haut que je porte.
— Et puis… Quelle est cette horreur, on se le demande !
A ma droite, mon directeur de service se tient. Depuis mon numéro, sur les tables, il n’avait qu’une seule hâte : pouvoir se débarrasser de moi.
Il faut dire que je suis pressée de la même chose.
— Je suis virée ? je demande.
Mon PDG passe sa main dans ses cheveux poivre et sel, soupirant. Puis, secouant la tête mollement, il se penche sur son bureau ébène avant de tirer un imposant dossier de son tiroir.
Il balance ce dernier sur la table. Un bruit sourd retentit tant la pile est épaisse.
— Voici les rapports vous concernant au cours des derniers mois, lâche-t-il. Evidemment, que vous êtes virée. Vous cherchiez absolument à l’être, de toute façon, donc je vous en prie.
Il me lance un regard noir. J’observe la fameuse pile de rapports.
Un peu moins haute que mon avant-bras.
— Allez-y, jubilez.
Je me contente d’un large sourire et penche la tête sur le côté.
— Il a fallut que je m’attaque à une personnalité publique, vous faisant perdre vos chances de l’interviewer pour que vous réagissiez ? je fais remarquer en haussant un sourcil. Si vous aviez accepté dès le début de me faire une avance sur salaire nous n’en serions pas là.
Sa mâchoire se serre ainsi que ses poings, dans ses poches.
— Faites vos cartons. Je ne veux plus jamais vous voir dans l’enceinte de cet établissement.
Grégoire Martel, avec ses cheveux mi-longs poivre et sol ainsi que son regard gris, a l’habitude de prendre le monde de haut. Enfant, il était acteur. Adolescent, il était chanteur. Adulte, il était mannequin. Grisonnant, il a décidé de prendre la tête d’un journal.
Il n’a pas les épaules taillées pour un tel emploi mais le monde lui passera tout grâce à son visage d’ange.
Alors, lui qui a pris pour habitude de regarder le monde s’effondrer à son moindre pas, de jauger autrui d’un regard sévère et de les laisser courber l’échine, ne s’attendait pas à ce qu’une minable comme moi n’accepte pas son refus. Qu’elle repousse les limites.
— J’aimerais dire que cela fut un honneur de travailler avec vous mais je ne suis pas du genre à mentir, je lâche. Passez-moi mon chèque.
Le PDG se fige dans ses gestes et un sourire narquois étire ses lèvres. A l’instant où il penche la tête sur le côté, que mon supérieur direct étouffe un rire dans sa main, je comprends.
Quelle belle brochette de connards…
— Des indemnités ? Vous pensez réellement avoir le droit à des indemnités ?
— Vous me licenciez ! Il est normal que…
— Je vous licencie à la demande d’un homme d’affaires puissant qui a le pouvoir de ruiner ce journal. Je vous licencie car son entreprise à un impact mondiale et que vous nous avez p…
— Il vend des strings, on a vu plus violent comme impact mondial, je lâche avec sarcasme.
Grégoire écarquille les yeux. Je souris méchamment, me redressant sur mon siège.
— Ecoutez, Grégoire… Je peux vous appeler Grégoire ?
— Non.
— D’accord, Grégoire, je reprends.
Il fait mine de s’énerver mais je m’en contrefiche.
— Là est le problème avec les hommes et le pouvoir. Si on leur en donne un peu, ils sont convaincus de bouleverser la face du monde alors qu’au fond, soyons honnêtes… Tout ce que vous bouleversez, c’est votre égo.
La mâchoire du PDG se contracte violemment et il fait un pas. Aussitôt, comprenant que la situation va dégénérer, l’autre homme se lève et écarte les bras.
— Monsieur ! Je sais qu’elle est difficile à supporter mais évitons une plainte pour coups et blessures !
Outrée, je fronce les sourcils. Commet ça, difficile à supporter ?
— Donc, si j’ai bien compris, je vous ai fait perdre un client important donc il s’agit d’une faute professionnelle grave à vos yeux… Ce qui justifierait de me licencier sans indemnités…, je résume.
Il semble que cette brève explication de son propre machiavélisme convienne à Martel qui se détend et sourit.
— Et je pourrais vous intenter un procès… Sauf que cela vous coûterait de l’argent et vous savez que je n’en ai pas, de l’argent…, je lâche.
Il n’y a pas à dire, les riches excellent dans l’art de la radinerie. Ils ont tout mais veulent plus encore.
A côté de moi, mon supérieur direct me regarde. Etrangement, je crois surprendre de la compassion dans son regard.
Et je n’en ai strictement rien à foutre.
— Ecoutez, nous allons vous envoyer vos af…
— Non.
Le PDG le coupe. Nous le regardons tandis qu’il affiche un sourire vicieux. Me pointant du doigt, il ajoute :
— Elle va le faire. Toute seule, comme une grande.
— Mais vous ne vous rendez pas compte de la quantité de…
— Alors elle fera plusieurs voyages, lâche-t-il. Et j’exige que tu sois parti…
— Je ne vous ai jamais autorisé à me tutoyer.
Ma voix est ferme. Mon ton est cassant. J’esquisse un sourire.
— Vous me devez le respect.
— Je ne vous dois rien. En revanche, vous, vous me devez des locaux débarrassés de votre présence dans deux heures ainsi que la carte sur laquelle vous avez enregistrée cette interview.
J’éclate de rire.
— Vous êtes un sacré trou du cul, hein ?
Ses yeux s’écarquillent et l’autre sursaute. Atterrés, ils m’observent avec consternation, peinant visiblement à croire que j’ai osé prononcer ces paroles à haute voix.
Les observant, je hausse les épaules :
— Bah quoi ? J’ai plus d’emploi ici, vous comptez m’humilier alors autant vous rendre un peu l’appareil, non ? Donc autant être sincère.
Grégoire lâche un petit rire.
— Parce que vous croyez qu’il n’y a rien d’autre que je puisse vous faire perdre ? demande-t-il. Que je ne serais pas capable de vous faire blacklister dans tous les journaux de la ville ? Que je ne…
— Comment faites-vous pour vous écouter autant parler alors que votre voix ressemble à la quinte de toux d’un chihuahua épileptique ? je le coupe.
Tournant les talons, je ne le laisse pas répondre. Je l’entends prendre une inspiration et me retourne, posant un index sur mes lèvres.
— Non, chut…, je lâche théâtralement. Les mots risqueraient de gâcher ce beau moment.
Posant le dos de ma main sur mon front, je fléchis les genoux en poussant un long cri.
— Ô, pauvre de moi !
Soudain, je me redresse, secouant la tête.
— Non, non…
Je le fusille du regard.
— J’avais de l’inspiration pour un monologue dramatique mais vous m’avez déconcentré… Vous êtes décidément un sacré trou du cul.
— DE QUEL DR…
Mais je sors, claquant la porte dans mon dos. Les hurlements continuent, étouffés. Je continue de marcher, le cœur lourd.
J’aime pousser les gens à bout mais il est rare que je les insulte. Je ne le fais que lorsque je me sens acculée, dos au mur, incapable de les attaquer sur quoi que ce soit d’autre.
Il s’est venté de pouvoir faire n’importe quoi, que je continuerai de courber l’échine. Alors je voulais lui montrer que non, qu’importe les conséquences.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et j’entre dans la cage vide. Elles se referment et une larme coule sur mes joues.
— J’ai encore échoué.
Mes pensées vont à Hermès, claudiquant, mal en point. Je ne peux empêcher une autre larme, ma gorge se serrant.
Mon menton tremble.
Je n’ai plus d’argent. Même avant cet entretien chaotique, je sais que Grégoire avait décidé de me griller dans la profession. Je ne retrouverais sûrement jamais d’emploi, cloîtrée dans ce moule du vilain petit canard. Je ne peux pas vraiment m’en plaindre, j’ai provoqué tout cela.
En fin de compte, ce journal n’est même pas le responsable de ma situation.
Mon regard se pose sur mon visage déconfit dans le miroir, planté au-dessus de ce tee-shirt incohérent. Je soupire, consciente qu’il y a quelqu’un de tout désigné que je peux blâmer, dans l’histoire.
— James Harold de merde.
Mes yeux roulent dans leurs orbites.
Certains s’attendraient à ce que je me lance dans un long monologue dépréciatif, châtiant chaque parcelle de ma personne. Mais si ce con n’avait pas exigé mon renvoi, simplement parce que son égo a été touché, nous n’en serions pas là.
Alors non, je ne me flagellerais pas de mon licenciement pour faute grave.
Il est fautif.
Soudain, les portes s’ouvrent à nouveau, laissant voir une silhouette. Je me fige face à cette dernière, ma mâchoire se serrant.
Quand on parle du loup…
James Harold est là, impeccable dans son costume hors-de-prix. Dans son dos, ses cheveux descendent en une cascade ébène, affranchie de seulement deux fines mèches tombant devant ses yeux. Ceux-là, ambrés et inquisiteurs, me fixent avec froideur.
Et pas un seul instant ils ne se réchauffent lorsqu’un sourire en coin étire sa bouche.
— Quel plaisir de vous revoir, madame… Navré, vous êtes au rez-de-chaussée et il me semble que les bureaux que vous devez vider se trouvent au deuxième étage.
Levant les yeux au ciel, je ne réponds pas. Un rire grave franchit ses lèvres et il rentre dans l’ascenseur, se plaçant à côté de moi. Aussitôt, un parfum de bois de santal envahit les lieux.
Les portes se referment.
— Vous comptiez filer en douce pour ne pas vivre l’humiliation de vider votre bureau devant vos collègues ?
Je ne réponds pas. Mais dans le reflet des portes métalliques, je le vois nettement tourner la tête vers moi.
— Allez-y. Pleurez. Faites-moi sentir coupable. Je meurs d’envie de voir les larmes roulant sur vos joues.
Me tournant enfin vers lui, je plante mes yeux dans les siens. Son regard est moqueur, défiant et titillant ma retenue. Je descends le mien le long de son corps, le scannant.
Je l’analyse longuement dans le silence tendu.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrent à nouveau. Au bon étage, cette fois-ci — je l’ai vu appuyer dessus en entrant.
Comme pour me forcer à emballer mes affaires.
— Et ça s’étonne d’être toujours célibataire… Je vous jure, les hommes.
Là-dessus, je le dépasse sans un mot. Lui montrant le dos, je m’extirpe de la cage. Mais, au moment où celle-ci se referme, je ne peux pas résister.
Toujours dos à lui, je lève le coude et lui montre mon majeur.
— Ciao, mâle fragile.
𔘓
merci énormément
d'être encore là et
de lire cette histoire !
si vous l'aimez bien,
j'ai une bonne
nouvelle !
comme j'ai finis
deux ffs au cours
des dernières
semaines, j'ai
plus de temps
pour travailler
mauvais présage
et marchand de sable
donc on ne se revoit
pas samedi mais
mardi !!!
(j'espère que ça
vous fait plaisir
mdrrr)
𔘓
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