𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟓
𔘓
C H A P I T R E 5
𔘓
A l’instant même où la porte claque le mur, s’ouvrant à la volée, le compteur se met en marche.
« Règle numéro 9 : dites-moi bonjour. »
A toute vitesse, je marche. Mes pieds se succèdent sur le parquet tandis que je ne regarde pas autour de moi ni devant. Sans prendre le temps de détailler la salle, je monte une marche menant à la deuxième partie de cette dernière.
Là, jetant mon sac à dos aux pieds d’un bureau massif, je me plonge dessus et l’ouvre.
« Règle numéro 10 : caméras interdites. »
Dégainant un trépied ainsi qu’une caméra, je dispose les deux d’un geste habile car habitué avant d’allumer l’enregistrement. Puis, m’asseyant sur ma chaise, j’observe l’objectif avec grand sérieux.
— Qui est le nouveau PDG de l’entreprise Lilith ? je demande dans un effet dramatique caricaturale. Quelles sont ses peurs ? Ses faiblesses ? Ses forces ? Sa nourriture préférée ? Vous le saurez dans un instant.
Enfin, je me retourne, découvrant cet homme d’affaires.
Assis devant une baie vitrée, il m’apparait en contrejour. Tant et si bien qu’il me faut quelques secondes avant de parvenir à distinguer les détails de cette imposante silhouette assise derrière un large bureau.
Tout d’abord, ses yeux.
Autour de pupilles aussi noires que de l’encre, tels deux points au bout d’une phrase dont la fin se fait incertaine, un anneau. Une bague d’or composée d’éclat d’ambre prisonniers d’une sclère limpide, la préciosité d’un regard qui impose le doute, affuté par des cils chutant en une puissance apodictique.
Oui, ses yeux.
Ces mêmes yeux qui encadrent un nez droit, me pointant d’un air accusateur. Ce dernier surplombe deux lèvres dont je ne peux deviner la forme, cachée derrière un index jaillissant de la main qu’il a posé sous son menton.
Encadrant ce si surprenant paysage, des cheveux noirs tombent une cascade ébène dans son dos. Longs, ils coulent sur ses omoplates, descendant le long de son costard onéreux.
Ma gorge se fait sèche. Je ne pensais pas qu’il ressemblerait à cela.
— Vous avez trente secondes pour sortir de mon bureau.
Sa voix, grondante, me fait frissonner.
Le temps d’un instant, j’hésite à lui obéir, prise de court par la fermeté de son ton. Mais, aussitôt, je reviens à moi.
Et, me tournant d’un air dramatique vers la caméra, lâche simplement :
— Et, devant vos yeux ébahis, James Harold tente de faire taire la presse. A-t-il peur ? Est-t-il mesquin ? Méchant ? Arrogant ? Arri…
— Sortez d’ici maintenant où j’appelle la sécurité, tonne-t-il.
Mes sourcils se haussent et mes yeux s’écarquillent. Courroucée, je me tourne vers lui qui me regarde avec hargne. Je sens bien que je l’ai mis en colère.
Soudain, ses yeux louchent sur mon tee-shirt avant de rouler dans leurs orbites.
— La sécurité ? Etes-vous en train de dire que vous déléguez les basses besognes à des subalternes parce que vous vous trouvez trop bien pour me sortir vous-mêmes ?
— Je peux vous sortir moi-même, si vous y tenez.
— Alors vous me menacez physiquement ? Vous, grand et large homme alors que je ne suis qu’une femme ? Vous, richissime homme d’affaire alors que je tente simplement de gagner ma vie ? je lâche, abasourdie.
— Mais quel est le rap…
Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, je me tourne dans un élan dramatique vers la caméra :
— Et James Harold était en réalité, depuis toutes ces années, un misogyne.
— Un misogyne ? s’exclame-t-il, atterré. Mais vous êtes qui, vous ? De quel droit débarquez-vous dans mon bureau en m’insultant de la sorte ?
Haussant le ton, il écarte la main de sa bouche, me laissant voir les fines lèvres la composant. Elles se placent assez naturellement au-dessus de sa mâchoire carrée.
— Du… Droit de la liberté de la presse ? je lâche sans conviction, plissant les yeux en essayant de deviner sur le visage de l’homme si j’ai raison.
— La liberté de la presse ne comprend pas la diffamation !
— Ça, c’est ce que vous dites, je déclare en croisant les bras d’un air provocateur.
Il me fixe quelques instants, visiblement dépassé par la situation.
— Non, c’est ce que la loi dit.
— Oui, vous vous y connaissez beaucoup en droit…
— Effectivement, étant donné que je suis un ancien procu…
— Criminel, je termine.
Réalisant que ce n’est pas la fin de phrase qu’il s’apprêtait à donner, j’exécute une grimace qui ne semble pas l’apaiser. Exaspéré, il me fusille du regard.
Le temps s’écoule très lentement tandis qu’un silence des plus embarrassants prend place dans la salle. Il dure de nombreux instants tandis qu’il fait de plus en plus chaud, sous mon tee-shirt.
Je secoue celui-ci, faisant trembler le visage de Kim Kardashian. Il observe l’imprimé quelques secondes avant de soupirer.
— J’en conclus que vous êtes la journaliste qui devait arriver dans une demi-heure… Mon assistante ne m’a pas prévenue.
— C’est pas pro, ça, je commente.
Sa langue claque son palais.
— Parce que c’est « pro » de débarquer sans me dire bonjour, me diffamant et fringuée comme une… un… ? commence-t-il à questionner avant de froncer les sourcils, dépité. Je ne sais même pas comme quoi vous êtes fringuée !
— Comme quelqu’un qui a du style.
— Assurément pas.
Je soupire. Il secoue la tête avant de regarder la caméra, agacé.
— Il me semblait vous avoir dit de ne pas apporter de caméras ici.
Me tournant, je lance un regard complice à l’objectif :
— On dirait que notre ami a quelques secrets…
— Je ne suis pas votre ami, résonne sa voix, dans mon dos.
Je me retourne, souhaitant lui lancer un regard de chien battu afin de l’agacer un peu plus. Mais, soudain, il pose sa main droite sur la table, celle qu’il cachait depuis le début de notre conversation.
Je me fige en voyant cette dernière.
Il ne s’agit pas d’une paume surmontée de cinq doigts, non. Il possède un crochet. Au bout d’un moignon amputé, jaillissant de son onéreux costume, un crochet prend place.
Je frissonne.
Un instant, je suis effrayée. Mais, soudain, je réalise qu’il ne vient pas de me montrer sa main par hasard. Il veut me faire peur. Me pousser à arrêter mon numéro.
Alors, naturellement, je lance :
— Vous savez comment est mort la capitaine crochet ?
— Sortez immédiatement de mon bureau, tonne-t-il.
— C’est pas la première fois qu’on vous la fait, hein ? je demande dans un sourire benêt.
Sa mâchoire se contracte tandis qu’il me dévisage. Quelques instants, j’attends une réponse qui ne vient pas. Alors, je hausse les épaules et me penche sur mon sac.
Là, j’en sors une photographie que je montre au PDG.
— Que voyez-vous, sur cette photo ?
Il soupire mais accepte tout de même de répondre :
— Un feu de forêt.
Ouvrant la bouche, atterrée, je me tourne vers la caméra en faisant glisser la photographie que je viens de montrer au PDG derrière une autre.
— Il s’agissait d’un test psychologique de tâches d’encre, je lâche en regardant l’objectif dans un effet dramatique. Mais il y a vu un feu de forêt… Cela signifie que James Harold aime les feux de forêt…
— Quoi ? s’exclame-t-il. Mais…
— James Harold était, depuis tout ce temps, climatosceptique.
Je sursaute quand sa main s’abat brutalement sur la table.
— Mais c’est quoi votre problème, à vous ? tonne-t-il.
— L’injustice et le haggis.
Ma réponse semble l’étonner encore davantage.
Quelques instants durant, il me fixe, atterré. Puis, ses épaules retombent dans un soupir résolu.
— Ecoutez, je…, reprend-t-il d’une voix plus douce. Je vais vous demander de sortir de mon bureau.
— Pourquoi ne pas avoir donner d’interviews après avoir repris cette entreprise ? Je suis la première journaliste à qui vous acceptez de répond…
— Pour éviter ce genre de conneries.
— Quelle diva, je commente en secouant la tête.
Il ne relève même plus, fatigué. J’insiste alors :
— Votre compagnie a été mêlée à une grave catastrophe écologique…
— Et j’aurais été ravi de vous expliquer comment, depuis le départ de mon prédécesseur, elle est devenue active dans la lutte écologique et a largement épongé sa dette, mais je vais vous demander une énième fois de quitter mon bureau.
Mes joues se gonflent et je croise les bras, m’y opposant formellement.
— Vous voulez juste faire taire la vérité, je marmonne.
— La vérité ?
Se penchant par-dessus le bureau massif en bois, il tend sa main. Je recule sur la chaise, légèrement prise de court mais il attrape tout de même les deux feuilles plastifiées que je tiens.
Un instant, je tente de lutter mais sa force est trop grande. Il me les arrache des mains avant de les montrer fièrement à la caméra. Son index et son pouce glissent l’un contre l’autre, séparant les deux images dans sa main et dévoilant les tâches d’encre ainsi que l’incendie.
Puis, fièrement, il me regarde :
— N’êtes-vous pas censée être partisane de la vérité ? Deux images, comme je le disais. Vous ne m’avez pas montré des tâches d’encre mais un feu de forêt. Et non, je ne suis pas partisan du réchauffement climatique et des feux de forêt.
— Etes-vous en train de nier que votre entreprise a eu des problèmes avec l’environnement ? je lâche en me redressant soudain.
— Quoi ? Mais comment arrivez-vous toujours à des conclusions si… si… si…
— Futées ?
— CONNES ! rugit-t-il.
Je sursaute presque mais me retiens. Soudain, un bruit retentit dans mon dos. James Harold regarde par-dessus mon épaule et je suis son regard.
La porte est ouverte et une femme se trouve dans son encadrement, flanquée de deux agents de sécurité. Je devine qu’il s’agit de l’assistante du PDG.
Me tournant vers James Harold, je hausse un sourcil en secouant la tête :
— Vous auriez quand même pu me demander de partir avant de convoquer directement la sécurité…
Ses yeux s’écarquillent et ses pectoraux se gonflent. Des rougeurs teintent sa peau et je devine qu’il ne se contient plus.
— Je vais vous…, tonne-t-il avant de serrer les dents.
En toute hâte, j’attrape mes affaires que je range sous son regard austère.
Je sens que je me suis fait un ennemi de poids.
𔘓
alors ? la fameuse
rencontre ?
j'espère que ça vous
a plu
je voulais aussi vous
remercier pour les
6k d'abonné.e.s, je
suis tellement
heureuse !!
encore une fois,
si vous avez des
idées pour fêter
ça et vous remercier,
n'hésitez pas !
𔘓
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