𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐎𝟑
𔘓
C H A P I T R E 3
𔘓
S. Ralyk est l’anagramme du prénom Skylar, héroïne principale du Temple des Narcisses. Il s’agit aussi du nom d’emprunt sous lequel j’exerce une activité de journaliste reconnu.
Autant dire que cette seconde vie est bien plus prolifique que celle que je mène chaque jour.
— Salut, Hermès ! je lance dans un sourire en refermant la porte dans mon dos.
Mon chien redresse la tête et, péniblement, se lève de son panier. Dans un sourire, je me précipite vers lui, ne voulant le forcer à faire des efforts physiques là où sa maladie le peine.
— Je sais, je chuchote, je suis rentrée plus tôt que d’habitude.
Il n’est que neuf heures. Généralement, j’arrive une heure plus tard et il m’attend derrière la porte, les oreilles dressées et les fesses sur le sol.
L’enserrant de mes bras, je me blottie contre son corps. Le molosse cale sa tête sur mon épaule et je ris, attendrie par ses manières de bébé jurant tant avec sa masse.
— Oh, mon grand… Maman a encore échoué aujourd’hui…
Ceci dit, ma prestation demeurera dans les mémoires, j’en suis sûre.
Pour la première fois de ma vie, j’ai été emmenée de force par des agents de sécurité en dehors d’un lieu. Et je dois avouer avoir trouvé cela étonnamment agréable.
Un jour, une collègue m’a annoncé qu’on ne pourrait jamais réellement comprendre comment mon esprit fonctionnait, de quelle façon des idées si stupides — elle voulait sans doute dire « spéciales » — pouvaient se matérialiser dans mon esprit.
Je dois avouer ne pas savoir non plus.
En me levant ce matin, je ne m’imaginais pas que je me retrouverais enchainée à un radiateur une heure plus tard en massacrant un air d’opéra. L’idée m’est venue quand j’ai promené Hermès en laisse et qu’il a croisé l’un de ses copains. La laisse du colley ressemblait à une chaine.
J’ai naturellement fait un détour par un magasin de bricolage qui était fermé. Alors, entrant par la porte de derrière, j’ai déposé quelques billets pour m’excuser de l’effraction avant de m’emparer de chaines et cadenas.
Mon plan était parfait. A une expression.
Je n’ai pas appris les paroles de l’opéra que je comptais chanter.
Après la prestation somptueuse que j’avais donné hier sur du Taylor Swift, une telle faute a déçu mon public. J’aurais dû m’y attendre. Cela n’était pas digne de la célébrité que je suis.
— Je crois que la scène n’est pas faite pour moi, je soupire dramatiquement en frottant le flanc de mon chien. Ce public est dur à aimer et il me le rend bien…
Hermès pousse une plainte contre moi. Je l’embrasse sur le crâne, massant sa jambe endolorie.
— Mais quand même… Appeler la sécurité parce que je « chante faux »… C’est dur, je trouve. Hein ?
Il m’observe de ses grands yeux, interdits. Je tourne la tête pour mieux conserver ce contact visuel si précieux. Le regard d’Hermès s’adoucit et je souris tendrement.
Ma gorge se serre et une larme roule sur ma joue.
— Ne t’inquiète pas, mon cœur. Maman va trouver une solution. Je t’assure que…
Ma voix est coupée par la vibration de mon téléphone. Extirpant celui-ci de ma poche arrière, je fronce les sourcils en observant l’écran.
Le numéro qui s’affiche m’est inconnu.
— Oui, allô ?
— Je suis bien sur le portable de (T/P) (T/N), journaliste pour la chaine télévisée Almond ? retentit une voix féminine.
— Bah, c’est-à-dire que…
— Parfait. Ici, la secrétaire de James Harold.
Je ne veux trop m’avancer mais j’ai la vague sensation qu’elle n’avait pas forcément l’intention d’écouter ma réponse.
— James Harold ? je répète en fronçant les sourcils.
— Oui. Lui-même.
Mes sourcils se froncent et je fais la moue, dubitative. La femme doit comprendre que mon silence cache le fait que je n’ai absolument aucune idée de qui elle est.
— Bah… Enfin…, lance-t-elle. Vous n’allez quand même pas me dire qu’il y a plusieurs personnes à qui vous envoyez le même mail plusieurs fois par semaine afin d’obtenir une interview ?
— Cela vous gênerait si je vous répondais que si ?
Parmi les brillantes idées que j’ai eues et qui n’ont pas fait l’unanimité, créer le même mail sollicitant une interview que j’ai envoyé à tous les hommes d’affaire de la région a été celle que j’ai compté parmi les « ne prends plus aucune décision quand tu es ivre ».
Mais le pire étant surtout que, lors de cette fameuse soirée arrosée, je suis parvenue à paramétrer ma boite mail pour qu’elle renvoie systématiquement, tous les deux jours, ce mail aux mêmes personnes.
Une fois sobre, je me suis dit qu’il fallait que j’annule cette manipulation.
Puis… J’ai oublié.
— Attendez, vous vous fichez de moi ? Vous avez fait subir cela à plusieurs hommes ?
— Bien sûr que non ! je m’exclame. Ashley Miller est une femme.
Un silence s’ensuit. Je le brise, sentant un certain malaise s’installer.
— Et puis « subir », c’est un terme plutôt exagéré.
— Mademoiselle (T/N), cela fait six mois que plusieurs personnes reçoivent le même mail tous les deux jours. Vous n’avez jamais songé à retirer votre renvoie automatique ?
— Vous avez jamais songé à me glisser dans les spams !? je lance en secouant la tête, courroucée.
Qu’est-ce qui m’agace le plus : me faire gronder par une femme de mon âge comme si j’avais trois ans ou que cela soit amplement mérité ?
Mes joues se gonflent.
— Non mais, je rêve ? Ça va être de ma faute, maintenant ?
— Oui.
Soyons honnête. Etant donné la façon dont la conversation a commencé, il y a très peu de chances que je décroche cette fameuse interview.
Alors autant s’amuser.
— Du coup, je suppose qu’après six mois, vous vous êtes enfin réveillée et voulez que je vous vire de la liste de mes envoies ? je grommelle.
— Non… Enfin, si ! J’avoue que ce ne serait pas plus mal.
J’acquiesce.
— Pas de soucis ! Ça vous fera un total de 100 balles. Vous me faites un virement ?
— Non mais vous vous foutez de moi ? Vous savez que je peux porter plainte, vous le savez ? crache-t-elle.
— Non, vous pouvez pas. En revanche, vous pouvez m’ajouter à vos spams au lieu de m’appeler.
Suis-je en tort ? Absolument.
Vais-je l’admettre ? Plutôt mourir.
— Je… J’ai hâte de vous voir en face pour voir si vous gardez ce comportement en face à face.
— Ma chérie, vous parlez à une femme qui a trois procès au cul pour trouble à… Attendez, quoi ? Comment ça, en face ?
La femme soupire, à l’autre bout du téléphone.
— Vos mails incessants ont titillé la curiosité de notre nouveau PDG. Il ne comptait pas s’approcher des médias, cependant le vôtre a assez bonne réputation et vous aviez l’air… Motivée.
— Je suis motivée ! je m’exclame aussitôt.
Sincèrement, je n’aurais jamais cru qu’une technique aussi stupide fonctionnerait. D’ailleurs, je ne sais même plus comment j’avais fait pour obtenir cette adresse-mail, à l’époque — la soirée était très arrosée.
— Vous avez surtout un comportement très… Enfin, retenons-nous.
— Oui, en effet, retenez-vous.
Je me retiens d’éclater de rire en l’entendant jurer de façon étouffée derrière son téléphone. Hermès grogne en me sentant bouger.
Je dépose un baiser sur le crâne de mon chien.
— Seriez-vous disponible demain, à dix heures ? Je vous envoie la liste de nos conditions par mail.
— Des conditions ? je bougonne.
Je connais cette pratique.
Certaines célébrités ne veulent pas être interviewées si des conditions précises ne sont pas respectées. Et les critères en question sont toujours abracadabresques.
Je me souviens de ce chanteur qui exigeait que je porte une perruque vert fluo ainsi qu’un rouge à lèvres de la même couleur afin de « matcher » avec son décor.
— Je sens que ça va encore être lunaire…
— Hé ! gronde-t-elle.
— J’accepte le rendez-vous. Je serais là demain, dix heures.
— Vous avez intérêt à être…
Raccrochant, j’ouvre l’application mail. Cependant, se faisant, je sens le regard de mon chien sur moi. Brûlant.
— Quoi ? je lâche. J’ai pas été cool mais elle me prenait évidemment de haut. Et puis les gens qu’ont des conditions d’interview sont toujours des gros cons.
Hermès ne semble pas convaincu. Je hausse les épaules.
Puis, reportant mon attention sur mon téléphone, je m’aperçois avoir effectivement reçu un mail de Lilith, une maison luxueuse. Enfin, je crois…
Non, en fait je n’ai aucune idée de ce que fais cette entreprise.
Mes sourcils se froncent en constatant tout ce qu’il me demande de faire. Il a effectivement énormément d’exigences pour cette interview.
— Oula… Faut se détendre, mon gars…
Soudain, un sourire étire mes lèvres.
J’échange un regard avec Hermès. Celui-ci me jauge silencieusement, ayant sans doute deviné la brillante idée m’ayant traversée.
— Tu penses à ce que je pense ?
Mon chien ferme les yeux, s’allongeant mieux sur moi.
— James Harold n’a jamais accepté aucune interview depuis qu’il a pris ses fonctions. En décrocher une avec lui est…
Un sourire étire mes lèvres.
— Si je ruine cette interview… Ils sont obligés de me virer.
𔘓
j'espère que cette
réécriture continue à
vous plaire !
surtout que la rencontre
se fait imminente...
𔘓
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